CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 30 août 2019, n° 15-17059
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Pellegrin et Fils (SASU)
Défendeur :
Rolex France (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bédouet
Conseillers :
Mmes Comte, Schaller
Avocats :
Mes Guerre, Cholet, Donnedieu de Vabres-Tranié, Fajgenbaum
FAITS ET PROCÉDURE
La société Pellegrin et Fils a pour activité le commerce de bijouterie joaillerie.
La société Rolex France a pour activité l'exploitation de toute industrie et de tout commerce d'horlogerie, bijouterie, pendulerie et précision et articles s'y rattachant sous la marque Rolex.
Durant le deuxième trimestre 2000, les sociétés Pellegrin et Fils et Rolex France ont régularisé un contrat de distribution sélective aux termes duquel la société Pellegrin et Fils s'est vue conférer le droit de vendre les montres de la marque Rolex pour sa bijouterie <adresse>.
Le 8 octobre 2013, la société Rolex France a informé la société Pellegrin et Fils de sa décision de mettre un terme à leur relation commerciale.
Elle a pris fin le 17 janvier 2015 aux termes d'un préavis d'une durée de 15 mois.
Le 31 décembre 2014, la société Pellegrin et Fils a assigné la société Rolex France devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce, de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et du règlement d'exemption 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010, ainsi qu'au visa des articles L. 442-6 I 5° du Code de commerce et 1382 ancien du Code civil.
Par jugement du 20 juillet 2015, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit la SAS Pellegrin et Fils irrecevable, pour manque d'intérêt à agir, en ses demandes d'annulation de clauses des contrats de distribution visant à :
* constater que l'interdiction de revente sur internet des produits de la marque est constitutive d'entente illicite,
* déclarer inapplicable la clause du contrat de distribution sélective faisant interdiction aux distributeurs de revendre les produits sur internet,
* constater qu'en interdisant la revente des produits sur internet, la société a violé les dispositions des articles L. 420-1 du Code civil et 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),
- débouté la SAS Pellegrin et Fils de ses demandes visant à obtenir la poursuite du contrat de distribution sous astreinte,
- dit que la SAS Rolex France ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, que sa part de marché dans le marché des montres de prestige est inférieure à 30 %,
- dit que la SAS Pellegrin et Fils ne rapporte pas la preuve que le réseau de distribution sélective mis en place par la SAS Rolex France viserait à restreindre le libre exercice de la concurrence,
- dit que la résiliation par la SAS Rolex France du contrat de distribution sélective la liant à la SAS Pellegrin et Fils ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle ;
- dit que la SAS Pellegrin et Fils ne rapporte pas la preuve que la SAS Rolex France aurait empêché les distributeurs de son réseau de vendre sur internet,
- dit que la rupture du contrat de distribution notifiée à la SAS Pellegrin et Fils par la SAS Rolex France était brutale au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
- dit que le préavis de 15 mois accordé par la SAS Rolex France à la SAS Pellegrin et Fils était approprié et était de nature à permettre à la SAS Pellegrin et Fils de mettre en œuvre des moyens adaptés à sa situation nouvelle,
- dit que le préjudice provoqué par la rupture brutale de la relation commerciale a été suffisamment réparé,
- débouté en conséquence la SAS Pellegrin et Fils de ses demandes au titre de l'insuffisance de préavis ;
- débouté la SAS Pellegrin et Fils de l'ensemble de ses autres demandes indemnitaires,
- dit que la SAS Pellegrin et Fils a contrevenu à ses engagements contractuels et s'est rendue coupable d'agissements parasitaires constitutifs d'actes de concurrence déloyale,
- condamné la SAS Pellegrin et Fils à verser 20 000 euros à la SAS Rolex France à titre de dommages et intérêts,
- condamné la SAS Pellegrin et Fils :
* à restituer à la SAS Rolex France, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé trente jours suivant la signification du présent jugement, délai à l'issue duquel, il sera fait à nouveau droit, l'ensemble des horloges appartenant à la société et détenue au titre du contrat de dépôt régularisé le 28 janvier 2008, à savoir :
- une horloge-mère Precitime HBG Réf. RH-PM-14-H,
- une horloge intérieure lunette et index dorés Réf. RH-100-DD-366S,
- une horloge extérieure, double face, index et lunettes dorés RH 111 DD-60-D-02,
- une horloge-mère Precitime, boitier étanche, 24:230V/HBG Réf. RH-PE-24/230-H,
* à retirer à ses frais la marque apposée sur le store extérieur du point de vente <adresse>, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé trente jours suivant la signification du présent jugement, délai à l'issue duquel, il sera fait à nouveau droit, déboutant pour le surplus,
* à restituer à la SAS Rolex France, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé trente jours suivant la signification du présent jugement, l'intégralité des supports de PLV encore en sa possession accompagnés de leur inventaire à toute personne désignée par la société, déboutant pour le surplus,
* à restituer à la SAS Rolex France l'ensemble des équipements et outillages destinés au service après-vente, accompagnés de leur inventaire, sous astreinte de 100 euros par jour retard passé trente jours suivant la signification du présent jugement, délai à l'issue duquel, il sera fait à nouveau droit, déboutant pour le surplus,
* à restituer à la SAS Rolex France la plaque " service centre ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé trente jours suivant la signification du présent jugement, déboutant pour le surplus,
- condamné la SAS Pellegrin et Fils à verser à la SAS Rolex France la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la SAS Pellegrin et Fils aux dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 6 août 2015, la cour a été saisie de l'appel interjeté par la société Pellegrin et Fils du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 20 juillet 2015.
Vu les dernières conclusions de la société Pellegrin et Fils, appelante, notifiées le 26 avril 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu le Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées,
Vu les articles 101 § 1 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 462-3 du Code de commerce,
Vu les articles 1134 et 1382 du Code civil, devenus articles 1103, 1193, 1104 et 1241 du Code civil,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 juillet 2015 en toutes ses dispositions,
En conséquence, statuant à nouveau :
- constater que Rolex France affirme mettre en œuvre un système de Distribution Sélective reposant uniquement sur des critères de sélection qualitatifs, précis et objectifs et que Pellegrin et Fils y a toujours satisfait en ce compris à la date de résiliation de son contrat,
- constater que Rolex France n'a pas annoncé les critères de réorganisation de son réseau qui l'ont conduit à exclure certains de ses distributeurs agréés,
- constater que dans le cadre de cette réorganisation, Rolex France a résilié sans motif l'agrément de Pellegrin et Fils et lui a opposé un refus non motivé de réintégration dans le réseau,
- constater que Rolex France a, de ce fait, diminué le nombre de ses revendeurs agréés, sans annoncer de critères définis permettant à la cour de contrôler la licéité de l'éviction et du refus de réintégration,
- constater qu'à l'époque où Pellegrin et Fils était agréé, Rolex France l'a empêchée de vendre des montres par internet,
- constater qu'à l'époque où Pellegrin et Fils était agréé, Rolex France n'a pas veillé à l'étanchéité de son réseau, ce qui constitue une application déloyale et de mauvaise foi du contrat de distribution liant les parties,
En conséquence,
Au titre de l'interdiction des ententes anticoncurrentielles,
- dire que Rolex France a mis en 'œuvre une entente anticoncurrentielle par objet, en interdisant la vente en ligne dans son réseau,
- dire que Rolex France a mis en œuvre une entente anticoncurrentielle par effet, en opérant une nouvelle sélection de ses distributeurs dans le cadre d'une prétendue réorganisation de son réseau non annoncée et non définie, empêchant de vérifier le bienfondé de l'éviction puis du refus d'agrément de Pellegrin et Fils,
- dire qu'en conséquence Rolex France engage sa responsabilité délictuelle envers Pellegrin et Fils,
Au titre de l'abus de position dominante,
Avant dire droit,
- faire application des dispositions de l'article L. 462-3 du Code de commerce et solliciter de l'Autorité de la concurrence :
* de lui apporter tous éléments nécessaires à l'appréciation de la segmentation du marché de l'horlogerie de luxe et, le cas échéant, de lui fournir sa propre appréciation de la délimitation du marché pertinent en cause,
* de lui apporter tous éléments nécessaires à l'appréciation de la part de marché de Rolex France sur le marché pertinent en cause et, le cas échéant, de lui fournir son appréciation de la part de marché de Rolex France et de sa position dominante (ou pas) sur le marché pertinent en cause,
* de lui apporter tous éléments d'appréciation afin qu'elle soit éclairée sur les atteintes que les pratiques de Rolex France sont susceptibles de porter à la concurrence,
Subséquemment, surseoir à statuer dans l'attente de l'avis à intervenir de l'Autorité de la concurrence en suite de sa saisine par application de l'article L. 462-3 du Code de commerce,
En toute hypothèse,
- dire que Rolex France détient une position dominante sur le marché pertinent des montres de luxe de + 5 000 euros hors prestige,
- dire que Rolex France a abusé de sa position dominante sur le marché pertinent des montres de luxe de + 5 000 euros hors prestige,
- dire qu'en conséquence Rolex France engage sa responsabilité délictuelle envers Pellegrin et Fils,
Au titre de la responsabilité contractuelle de Rolex France,
- dire que Rolex France engage sa responsabilité contractuelle envers Pellegrin et Fils en raison de l'abus résultant de l'exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de distribution et de la déloyauté dans les circonstances de la rupture,
Sur le préjudice,
- condamner en conséquence Rolex France à réparer le préjudice causé à Pellegrin et Fils à raison de son manquement à l'obligation de bonne foi et des pratiques anticoncurrentielles commises à l'occasion de l'exclusion de Pellegrin et Fils de son réseau et de son refus de contracter à nouveau avec cette société, à la somme de 4 511 110,78 euros, avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal de commerce de Paris, répartie comme suit :
* la somme de 1 225 000 euros au titre de la perte de la valeur du fonds de commerce,
* la somme de 1 515 566 euros au titre de la perte non rattrapable de marge malgré les efforts de P&F,
* la somme de 1 559 094 euros au titre de la reconversion du modèle économique de l'entreprise,
* la somme de 44 146,78 euros au titre des investissements définitivement perdus,
* la somme de 111 980 euros au titre des travaux de remise en état,
* la somme de 5 460 euros au titre du licenciement de la responsable du Service Après-Vente,
* la somme de 49 864 euros au titre des frais supplémentaires de sous-traitance horlogère,
- condamner Rolex France à faire publier à ses frais le dispositif de la décision à venir dans le Figaro, le Monde et les Echos, dans les 15 jours de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du septième jour suivant la signification à partie de l'arrêt à intervenir,
- condamner en conséquence Rolex France à réparer le préjudice causé à Pellegrin et Fils à raison de sa faute consistant à avoir interdit la vente par internet, à la somme de la somme de 246 436 euros au titre de la perte de chance de vendre sur internet, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal de commerce de Paris,
- condamner en conséquence Rolex France à réparer le préjudice moral subi par Pellegrin et Fils en conséquence de son comportement fautif à 500 000 euros,
Dans tous les cas,
- condamner Rolex France à reprendre à ses frais, dans les locaux de Pellegrin et Fils, le matériel et les pièces détachées tels que figurant sur l'inventaire contradictoire réalisé, après paiement de la somme de 39 520,53 euros, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du septième jour suivant la signification à partie de l'arrêt à intervenir,
- débouter Rolex France de ses demandes, fins et conclusions au titre de son appel incident,
- condamner Rolex France au paiement de la somme de 540 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens, y compris de première instance.
Vu les dernières conclusions de la société Rolex France, intimée, notifiées le 3 mai 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu le contrat de distribution sélective,
Vu les articles 6, 9 et 15 du Code de procédure civile,
Vu l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce,
Vu les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce,
Vu l'article L. 420-4 du Code de commerce,
Vu les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),
Vu le règlement UE n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010,
Vu les lignes directrices sur les restrictions verticales n° 2010/C 130/01 du 19 mai 2010,
Vu l'article L. 462-3 du Code de commerce,
Vu les articles 1134 et 1382 anciens du Code civil,
Vu les articles 1102, 1103, 1104 et 1240 nouveaux du Code civil,
Vu l'article 122 du Code de procédure civile,
Vu l'article 526 du Code de procédure civile,
Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,
Vu les articles 377 et 378 du Code de procédure civile,
Vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui,
Vu les pièces produites aux débats,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 juillet 2015, en ce qu'il a :
* jugé que la société Pellegrin était irrecevable, pour manque d'intérêt à agir, en ses demandes d'annulation des clauses des contrats de distribution Rolex visant (i) à constater que l'interdiction de revente sur internet des produits de la marque Rolex est constitutive d'entente illicite, (ii) déclarer inapplicable la clause du contrat de distribution sélective faisant interdiction aux distributeurs de revendre des produits Rolex sur internet, et (iii) constater qu'en interdisant la revente des produits Rolex sur internet la société Rolex a violé les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 §1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),
* jugé que la société Pellegrin ne rapportait pas la preuve que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Rolex viserait à restreindre le libre exercice de la concurrence,
* jugé que la résiliation, par la société Rolex, du contrat de distribution sélective la liant à la société Pellegrin ne constituait pas une pratique anticoncurrentielle,
* jugé que la société Pellegrin ne rapportait pas la preuve que la société Rolex aurait empêché les distributeurs de son réseau de vendre sur internet,
* débouté la société Pellegrin de ses demandes visant à obtenir la poursuite du contrat de distribution sous astreinte,
* jugé que le préavis effectif de 15 mois accordé par la société Rolex à la société Pellegrin était approprié et de nature à permettre à cette dernière de mettre en œuvre des moyens adaptés à sa situation nouvelle,
* débouté la société Pellegrin de ses demandes au titre de l'insuffisance de préavis,
* jugé que la société Pellegrin avait contrevenu à ses engagements contractuels et s'était rendue coupable d'agissements parasitaires constitutifs d'actes de concurrence déloyale,
* condamné la société Pellegrin à restituer à la société Rolex, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé trente jours suivant la signification du jugement à intervenir, l'ensemble des horloges appartenant à la société Rolex et détenues au titre du contrat de dépôt régularisé le 28 janvier 2008, à savoir :
- une horloge-mère Precitime HBG Réf. RH-PM-14-H,
- une horloge intérieure lunette et index dorés Réf. RH-100-DD-366S,
- une horloge extérieure, double face, index et lunettes dorés Réf. RH-111-DD-60-D-02,
- une horloge-mère Precitime, boitier étanche, 24/230V/HBG Réf. RH-PE-24/230H,
* condamné la société Pellegrin à retirer à ses frais la marque apposée sur le store extérieur du point de vente <adresse>, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé trente jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,
* condamné la société Pellegrin à restituer à la société Rolex, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé trente jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, l'intégralité des supports PLV encore à sa disposition, accompagné de leur inventaire,
* condamné la société Pellegrin à restituer à la société Rolex l'ensemble des équipements et outillages destinés au service après-vente, accompagné de leur inventaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé trente jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,
* condamné la société Pellegrin à restituer à la société Rolex la plaque " service center " sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé trente jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,
* condamné la société Pellegrin à verser à la société Rolex la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamné la société Pellegrin aux dépens de l'instance,
Et de :
- débouter la société Pellegrin de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions d'appel, tant irrecevables que mal fondées,
- rejeter la demande avant dire droit présentée par la société Pellegrin et visant à solliciter l'Autorité de la concurrence sur le fondement des dispositions de l'article L. 462-3 du Code de commerce,
- dire que la société Rolex n'a commis aucune faute ni fait un usage abusif de son droit de rompre son contrat de distribution sélective en ne motivant pas la résiliation,
- dire qu'en retirant l'agrément de la société Pellegrin et en lui refusant un nouvel agrément, la société Rolex n'a commis aucune faute,
- dire, en conséquence, que le retrait d'agrément de la société Pellegrin par la société Rolex et son refus d'agrément ultérieur ne constituent pas des fautes dont la société Rolex devrait réparation,
- dire que la société Pellegrin ne définit pas le marché pertinent,
- dire que le marché tardivement défini par la société Pellegrin n'est pas un marché pertinent,
- débouter la société Pellegrin de sa demande visant à constater que le contrat de distribution sélective des produits Rolex contiendrait une restriction caractérisée de concurrence au sens de l'article 4 du Règlement (UE) n° 330/2010, en ce que la vente des produits Rolex par internet serait interdite,
- dire que le réseau de distribution sélective de la société Rolex bénéficie de l'exemption par catégorie du Règlement (UE) n° 330/2010,
- dire que le réseau de distribution mis en place par la société Rolex n'engendre aucun effet restrictif de concurrence,
- dire que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Rolex ne relève pas des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et 101 § 1 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
- dire que la société Rolex n'a adopté aucun comportement susceptible, d'une façon ou d'une autre, d'engendrer un effet anticoncurrentiel réel ou potentiel sur le marché français des montres de luxe et de prestige,
- rejeter, en tout état de cause, comme étant irrecevable l'ensemble des demandes en réparation présentées par la société Pellegrin à raison du prétendu manquement de la société Rolex à l'obligation de bonne foi et des pratiques anticoncurrentielles commises à l'occasion de l'exclusion de la société Pellegrin de son réseau et de son refus de contracter à nouveau avec cette société, à la somme de 4 511 110,78 euros, réparties comme suit :
* la somme de 1 225 000 euros au titre de la perte de la valeur du fonds de commerce,
* la somme de 1 515 566 euros au titre de la perte non rattrapable de marge malgré les efforts de la société Pellegrin,
* la somme de 1 559 094 euros au titre de la reconversion du modèle économique de l'entreprise,
* la somme de 44 146,78 euros au titre des investissements définitivement perdus ;
* la somme de 111 980 euros au titre des travaux de remise en état,
* la somme de 5 460 euros au titre du licenciement de la responsable du Service Après-Vente,
* la somme de 49 864 euros au titre des frais supplémentaires de sous-traitance horlogère,
* la somme de 246 436 euros au titre de la perte de chance de vendre sur internet,
- débouter la société Pellegrin de ses demandes en réparation au titre des préjudices liés à la " perte de la valeur du fonds de commerce ", la " perte non rattrapable de marge ", la " reconversion du modèle économique de l'entreprise ", les " investissements définitivement perdus ", les " travaux de remise en état", le " licenciement de la responsable du service après-vente ", les " frais supplémentaires de sous-traitance horlogère ", la " perte de chance de vendre sur internet ", comme étant mal fondées,
- rejeter la demande de la société Pellegrin visant à faire publier aux frais de la société Rolex le dispositif de la décision à venir dans le Figaro, le Monde et les Echos, dans les 15 jours de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du septième jour suivant la signification à partie de l'arrêt à intervenir,
- rejeter la demande de condamnation présentée par la société Pellegrin au titre du préjudice moral en conséquence du comportement fautif de la société Rolex pour un montant de 500 000 euros,
- rejeter la demande de condamnation présentée par la société Pellegrin au titre de la reprise des matériels et pièces détachées, pour un montant de 39 520,53 euros, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du septième jour suivant la signification à partie de l'arrêt à intervenir,
- rejeter la demande de condamnation présentée par la société Pellegrin au titre des frais de l'article 700 du Code de procédure civile,
Et, infirmant le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 juillet 2015,
Statuant à nouveau,
Faisant droit aux demandes reconventionnelles de la société Rolex,
- condamner la société Pellegrin à verser à la société Rolex la somme de 163 605 euros à titre de dommages et intérêts au titre des agissements parasitaires commis par elle en poursuivant la vente des produits de la marque Rolex postérieurement à la fin de la période de préavis,
- condamner la société Pellegrin à verser à la société Rolex la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi,
A titre subsidiaire,
- juger que la prétendue pratique de prohibition de la vente en ligne de ses produits par la société Rolex, non démontrée par la société Pellegrin, n'est pas soumise aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce dans la mesure où la concluante est en mesure de justifier, conformément aux dispositions de l'article 101 § 3 du TFUE et de l'article L. 420-4 du Code de commerce un progrès économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause,
A titre infiniment subsidiaire,
- prononcer le sursis à statuer dans l'attente d'une décision de l'Autorité de la concurrence, en suite de sa saisine, par acte en date du 27 janvier 2017, par la société Pellegrin,
En tout état de cause,
- condamner la société Pellegrin à payer à la société Rolex la somme de 230 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Pellegrin aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Nataf Fajgenbaum & Associés, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le conseiller de la mise en état de cette chambre a été saisi par conclusions d'incident du 3 juillet 2017 d'une demande de sursis à statuer présentée par la société Pellegrin et Fils dans la présente instance au motif que cette dernière a saisi l'autorité de la concurrence le 27 janvier 2017 des pratiques anti-concurrentielles mises en œuvre, selon elle, par Rolex.
La société Rolex a conclu au rejet de cette demande.
Par ordonnance du 19 septembre 2017 cette demande a été rejetée.
La société Pellegrin et Fils a à nouveau saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de sursis à statuer et de rejet de la demande de fixation d'un calendrier de procédure sollicité par la société Rolex par conclusions d'incident du 3 septembre 2018.
Par ordonnance du 25 septembre 2018, ledit conseiller de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer et fixé le calendrier de procédure dans cette affaire.
Par conclusions d'incident du 22 janvier 2019, la société Rolex France, après avoir elle-même précédemment saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de sursis à statuer au vu de l'évolution de la procédure en cours devant l'Autorité de la concurrence (conclusions du 22 janvier 2019) lui a finalement demandé, au vu des écritures de la société Pellegrin et Fils, la modification du calendrier de procédure avec maintien de la date des plaidoiries, tout en s'en remettant à son appréciation sur sa demande de sursis à statuer.
Par ordonnance du 5 mars 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de modification du calendrier de procédure et maintenu la date des plaidoiries afin que la cour examine à la date préalablement fixée, les différentes demandes des parties.
L'ordonnance de clôture est du 14 mai 2019.
SUR CE, LA COUR,
Dans ses ultimes écritures au fond, la société Rolex France demande à la cour, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de l'Autorité de la concurrence tandis que la société Pellegrin et Fils demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 462-3 du Code de commerce de solliciter avant dire droit l'avis de l'Autorité de la concurrence en lui apportant tous éléments nécessaires à l'appréciation, notamment, de la délimitation du marché pertinent en cause dans le litige, sur l'existence d'un éventuel abus de position dominante de la société Rolex France sur le dit marché, et de lui donner tous éléments d'appréciation sur les atteintes que les pratiques de Rolex France sont susceptibles d'apporter à la concurrence.
La société Rolex France verse aux débats, l'acte de saisine du 27 janvier 2017 que la société Pellegrin et Fils a adressée à l'Autorité de la concurrence, dans lequel cette dernière dénonce des pratiques anti-concurrentielles de la société Rolex France.
L'Autorité de la concurrence a accusé réception de cette saisine le 30 janvier 2017.
Par ailleurs, suivant courriel du 29 mai 2018, elle a informé les conseils de la société Rolex France que l'instruction du dossier se poursuivait par un rapporteur des services de l'instruction désigné à cet effet.
L'intimée verse également aux débats une ordonnance du Juge des libertés et de la Détention du tribunal de grande instance de Paris du 14 janvier 2019, rendue, sur requête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence dans les conditions prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce, qui a, pour l'essentiel, autorisé ce dernier à faire procéder, dans les locaux de l'entreprise Rolex France et dans les sociétés du groupe Rolex, [...], aux visites et saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-1 du Code de commerce, afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE.
Dans les motifs de son ordonnance le juge des libertés et de la détention a, pour justifier les investigations qu'il a ordonnées, considéré qu'il existe tout d'abord une suspicion de pratique anticoncurrentielle consistant pour Rolex France à limiter la liberté tarifaire des distributeurs agréés indépendants et leur imposant des prix de revente des montres de la marque Rolex.
Se fondant sur la requête du rapporteur général de l'Autorité et les pièces produites par ce dernier, il fait référence, à deux plaintes qui ont été déposées devant l'Autorité, notamment celle de la société Pellegrin et Fils et considère, que les clauses figurant dans les contrats de distribution Rolex, conclus notamment avec cette dernière les 3 juin 1999 et les 29 mai et 19 juin 2000, entrés en vigueur le 1er juillet 2000 (article IV.1) ainsi que la mise en œuvre de la politique commerciale tarifaire de Rolex avec ses distributeurs est susceptible de caractériser l'existence de prix imposés des produits concernés.
Il a en outre fondé sa décision sur une seconde suspicion de pratique anticoncurrentielle consistant pour l'entreprise Rolex à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, et/ou à limiter ou contrôler les débouchés de ses distributeurs agréés indépendants en leur interdisant de revendre les montres Rolex sur internet, et ce au vu notamment des article IV.2 et IV 3.b des contrats de distribution susvisés.
En la présente instance, la société Pellegrin et Fils reproche à la société Rolex divers comportement anticoncurrentiels dont elle demande réparation, au rang desquels figure notamment l'interdiction de vendre par internet.
Il est établi, ainsi que la cour l'a indiqué, notamment par les pièces versées par la société Rolex au soutien de ses ultimes écritures, et spécialement par l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du 14 janvier 2019, que l'Autorité de la concurrence mène actuellement une enquête sur le point de savoir si l'entreprise Rolex se livre à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101-1 du TFUE.
Il apparaît nécessaire que le résultat des investigations et des débats contradictoires des différents éléments et pièces qui sont soumis à l'appréciation de l'Autorité de la concurrence, dont certains sont également soumis à l'examen de la cour, soit connu de cette dernière pour statuer utilement sur le présent litige.
Dès lors il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes qui sont en la présente instance soumises à la cour, dans l'attente de la décision de l'Autorité de la concurrence quant aux pratiques anticoncurrentielles reprochées à la société Rolex France.
Les dépens et les demandes relatives aux frais irrépétibles seront réservés.
Par ces motifs : LA COUR, Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes des parties dans l'attente de la décision de l'Autorité de la concurrence relative aux pratiques anticoncurrentielles reprochées à la société Rolex (numéro de saisine 17/0109F), Réserve les dépens et les demandes relatives aux frais irrépétibles.