CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 5 septembre 2019, n° 17-03703
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Charlivari (Sasu)
Défendeur :
Equivalenza European Unio SL (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Schaller, Soudry
Avocats :
Mes Boccon Gibod, Ingold, Putigny Ravet
FAITS ET PROCÉDURE :
La société de droit espagnol Equivalenza a pour activité la création d'arômes et de parfums et leur vente au détail.
Le 29 avril 2014, Monsieur A a créé la société Charlivari, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux pour la commercialisation des produits de la marque Equivalenza.
Monsieur A a signé avec la société Equivalenza le 15 mai 2014 un "contrat commercial de délégation territoriale" et un "contrat de licence et de fourniture", tous deux pour une durée de 10 ans, ces contrats pouvant être résiliés à tout moment sous certaines conditions et notamment en cas de violation grave des obligations convenues. La boutique Equivalenza a ouvert à Bordeaux le 6 octobre 2014.
Une convention d'arbitrage et une clause attributive de compétence ont été insérées dans les contrats aux termes desquelles :
"Les deux parties conviennent de soumettre tout litige pouvant découler de l'exécution et l'interprétation du présent contrat, le cas échéant, à la Cour d'arbitrage d'Aragon de l'Association Aragonaise d'Arbitrage et de médiation de Saragosse (Espagne), la présente disposition recevant le caractère de Convention d'arbitrage ferme. La langue d'arbitrage sera l'espagnol.
Les parties s'engagent à accepter la décision de la Cour d'arbitrage en question et seul le manquement effectif au respect par l'une d'elles conduira à l'intervention des Tribunaux.
Tout litige qui, en raison du sujet ou pour toute autre raison, ne pourrait être légalement soumis à une décision d'arbitrage, telle que prévue dans les paragraphes précédents, sera soumis à la juridiction et à la compétence des Tribunaux ordinaires de Saragosse Capitale (Espagne), les deux parties renonçant à toute autre juridiction pouvant leur correspondre".
Le 4 novembre 2014, la brigade de délinquance économique et financière a saisi les stocks de la boutique dans le cadre d'une enquête contre X pour contrefaçon. Monsieur A a été placé en garde à vue.
Par courrier recommandé adressé à la société Equivalenza le 28 novembre 2014, M. A a pris acte de la rupture du contrat de licence et du contrat de délégation commerciale aux torts exclusifs de la société Equivalenza et a indiqué qu'il entendait obtenir réparation des préjudices qu'il avait subis.
Par LRAR du 4 décembre 2014, la société Equivalenza a contesté cette décision puis, par LRAR revenue non réclamée en date du 19 février 2015, a mis en demeure la société Charlivari et Monsieur A de cesser d'utiliser la marque Equivalenza et de restituer les formules, contrats, manuels et toutes enseignes de la marque et d'avoir à payer une indemnité journalière contractuelle de 400 euros par jour, soit 33 200 euros. Elle indiquait par ce courrier qu'à défaut de retour dans le délai de la mise en demeure, elle saisirait la cour d'arbitrage d'Aragon de l'Association aragonaise d'arbitrage et de médiation de Saragosse.
Par acte extrajudiciaire du 25 février 2015, la société Charlivari et M. A ont assigné la société Equivalenza devant le tribunal de commerce de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce relatives à la rupture brutale des relations commerciales.
Par décision du 13 janvier 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux :
- s'est déclaré compétent,
- a débouté M. A et la société Charlivari SAS de l'ensemble de leurs demandes,
- a dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a condamné M. A et la société Charlivari aux dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 17 février 2017, la société Charlivari et M. A ont interjeté appel contre cette décision,
Vu les dernières conclusions notifiées le 14 novembre 2017 par la société Charlivari et M. A, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu l'article 5-3 du Règlement Bruxelles I,
Vu les articles L. 134-12 al. 1 et suivants, L. 442-6, I, 5° du Code de Commerce,
Vu les contrats de licence et de délégation commerciale ;
- confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a déclaré les juridictions françaises compétentes pour statuer ;
- réformer le jugement pour le surplus ;
Et en lieu et place :
- dire et juger que la société Equivalenza est à l'origine de la rupture fautive et brutale des contrats de licence et de délégation commerciale ;
- dire et juger que la société Charlivari et Monsieur A sont bien fondés à solliciter l'indemnisation de l'ensemble des préjudices subis du fait de ces ruptures ;
Par conséquent,
- débouter la société Equivalenza de son appel incident à toutes fins qu'il comporte ;
- condamner la société Equivalenza à payer à la société Charlivari les sommes de :
- 90 853 euros en réparation du préjudice subi du fait des gains manqués ;
- 115 827,65 euros en réparation du préjudice subi du fait des pertes subies ;
- condamner la société Equivalenza à payer à Monsieur A les sommes de :
- 3 948,75 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 94 770 euros au titre de l'indemnité compensatrice de cessation de contrat d'agent commercial ;
- 15 000 euros en réparation du préjudice moral ;
- condamner la même à une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2017 par la société Equivalenza, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les dispositions des articles 75, 1465, 1504, 1506 et 700 du Code de procédure civile ;
Vu les principes généraux du droit international privé ;
Vu les articles L. 134-11, L. 134-13 et L. 442-6 du Code de commerce ;
Vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 13 janvier 2017 ;
Avant toute défense au fond :
- d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes formées par Monsieur A et la société Charlivari ;
Statuant de nouveau :
- dire et juger recevable et bien fondée la société Equivalenza European Unio en son exception d'incompétence ;
- se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes de la société Charlivari et de Monsieur A au profit de :
- la Cour d'arbitrage d'Aragon de l'Association Aragonaise d'Arbitrage et de médiation de Saragosse (Espagne) ;
- subsidiairement, aux Tribunaux ordinaires de Saragosse (Espagne) ;
En conséquence :
- dire et juger irrecevables la société Charlivari et Monsieur A en leurs demandes, fins et prétentions ;
Au fond et pour le surplus :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 13 janvier 2017 ;
En conséquence :
- dire et juger que compte tenu de la durée des relations commerciales intervenues entre la société Charlivari, Monsieur A et la société Equivalenza, aucune relation commerciale établie ne peut être caractérisée ;
- dire et juger que la société Charlivari et Monsieur A sont à l'origine de la rupture des contrats de licence et de délégation territoriale signés avec la société Equivalenza ;
En tout état de cause :
- dire et juger irrecevables et en tout cas infondés, la société Charvlirari et Monsieur A en leurs demandes, fins et prétentions ;
- débouter la société Charlivari et Monsieur A de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
- condamner la société Charlivari et Monsieur A à payer, chacun, à la société Equivalenza European Unio la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner solidairement la société Charlivari et Monsieur A aux entiers dépens.
Vu les notes en délibéré dûment autorisées et notifiées par RPVA les 23 et 29 mai 2019,
Les appelants, Monsieur A et la société Charlivari sollicitent la confirmation du jugement sur la compétence, retenant la compétence de la juridiction française, la clause compromissoire couvrant uniquement les litiges portant sur l'exécution et l'interprétation du contrat et n'incluant pas les litiges relevant de la rupture brutale du contrat qui sont de nature délictuelle. Ils soutiennent également que la clause attributive de juridiction n'est pas non plus applicable compte tenu du caractère délictuel du litige.
Au fond, la société Charlivari et M. A font valoir qu'en commettant une violation de la législation française sur les actes de contrefaçon, la société Equivalenza a commis une faute à l'origine de la rupture des relations commerciales entre les parties, que la société Equivalenza a trompé l'ensemble de ses licenciés et les a exposés à leur insu à des sanctions pénales prétendant dans son guide de formation que ses parfums étaient des "créations propres élaborées par leur parfumeur sur la base des tendances du marché", qu'elle a fourni aux licenciés un tableau de concordance entre les parfums proposés par la marque et des parfums de grandes marques tout en interdisant formellement aux licenciés de sortir ce tableau devant des clients. Les appelants ajoutent que suite à la perquisition et la saisie ordonnées par le juge du pôle financier de Paris, M. A n'a eu d'autre choix que de rompre les deux contrats aux torts exclusifs de la société Equivalenza, faute de pouvoir continuer à exploiter l'entreprise de manière rentable et conforme à la législation française.
M. A et la société Charlivari soutiennent par ailleurs qu'en proposant à ses licenciés à titre de dédommagement un "pack réouverture" de parfums d'une valeur de 4 500 euros, la société Equivalenza reconnaissait implicitement sa faute, que cette proposition était inacceptable et insuffisante pour couvrir les pertes subies, que l'enquête n'ayant pas à ce stade abouti, M. A ne pouvait prendre le risque de continuer à commercialiser les produits de la marque Equivalenza.
Ils ajoutent que les parties étaient bien dans une relation commerciale établie, que des pourparlers contractuels importants avaient précédé la conclusion des deux contrats litigieux, que ceux-ci avaient conduit M. A à créer une société, à rechercher un emplacement commercial, à signer un bail commercial et à aménager l'intégralité du local pour répondre aux exigences de la marque, qu'il s'en suit que les appelants étaient dans une relation de dépendance économique vis à vis de l'intimée.
La société Charlivari et M. A font valoir qu'ils subissent un préjudice de 90 853 euros au titre des gains manqués calculés à partir d'un compte de résultat prévisionnel pour les trois premières années d'exploitation fournis par la société Equivalenza, que cette demande limitée aux trois premières années d'exercice est raisonnable au vu de la durée de 10 ans prévue pour le contrat de délégation commerciale.
Ils sollicitent également 115 827,65 euros de dommages et intérêts en réparation des pertes subies en raison d'une part de l'ensemble des investissements accomplis en vue de l'ouverture de la boutique représentant un montant total de 65 427,65 euros, et d'autre part de la conclusion d'un bail commercial ne pouvant prendre fin avant l'expiration d'une période de trois ans pour lesquels la société Charlivari est redevable de la somme de 50 400 euros.
M. A soutient qu'aux termes de l'article L. 134-11 du Code de commerce il dispose du droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis équivalent à un mois de commissions, qu'il aurait dû percevoir en moyenne la somme de 47 385 euros par an sur les trois premières années d'exercice, que sur un mois cette somme équivaut à 3 948,75 euros.
M. A sollicite en outre 94 770,00 euros au titre d'une indemnité compensatrice globale de cessation du contrat d'agent commercial sur le fondement de l'article L. 134-12 al. 1 du Code de commerce, estimant que la rupture du contrat est imputable au mandant et est fondée sur des motifs étrangers à l'activité de l'agent.
M. A sollicite enfin l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 15 000 euros suite à la fermeture de la boutique, à son arrestation et à son placement en garde à vue pendant 7 heures.
En réponse, la société Equivalenza sollicite la réformation du jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent. Elle soutient que la convention d'arbitrage, et de manière subsidiaire, la clause attributive de compétence, trouvent à s'appliquer aux différends relatifs à l'exécution des obligations contractuelles dans le cadre d'une action fondée sur l'article L. 442-6, I,5° du Code de commerce, qu'au surplus les préjudices dont les appelants demandent réparation sont les pertes subies ainsi que le gain manqué et non la marge brute escomptée durant la période de préavis, que de tels préjudices peuvent découler d'une résiliation fautive d'un contrat mais non d'une rupture brutale des relations commerciales.
La société Equivalenza soutient par ailleurs que les appelants fondent leur demande sur les articles L. 134-11 et s. du Code de commerce qui constituent des fondements contractuels non compatibles avec l'article L. 442-6, I, 5°, de telle sorte que la clause compromissoire est applicable à une telle demande.
La société Equivalenza fait valoir que s'agissant d'un litige international la clause compromissoire est valable par principe, qu'en l'espèce une telle clause n'est pas contraire à l'ordre public international, qu'il appartient à la Cour d'arbitrage d'Aragon de statuer sur son pouvoir juridictionnel.
Elle soutient à titre subsidiaire que les parties étaient expressément convenues que tous les litiges ne pouvant être soumis à la Cour arbitrale seraient soumis aux tribunaux ordinaires de Saragosse, qu'une telle clause attributive de juridiction jouit dans l'ordre international d'une licéité de principe dès lors qu'elle est conclue entre deux commerçants et ne fait pas échec à une compétence territoriale impérative, que la jurisprudence a explicitement affirmé qu'une clause attributive de compétence ne pouvait être écartée du seul fait que le fondement juridique invoqué serait de nature délictuelle, qu'ainsi la clause attributive de compétence qui vise tous les litiges non compris dans la clause d'arbitrage doit être mise en œuvre indépendamment de la nature de la responsabilité encourue.
Sur le fond, la société Equivalenza soutient que les conditions requises pour engager une action fondée sur la rupture brutale des relations commerciales ne sont pas réunies, que c'est à bon droit que le tribunal de commerce a jugé que la relation contractuelle s'étendant de mai à novembre 2014 ne constituait pas une relation commerciale durablement établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, que c'est la société Charlivari qui est à l'initiative de la rupture de la relation.
Par ailleurs, la société Equivalenza conteste toute faute, faisant valoir que les parfums de la marque sont des créations propres, que le droit d'auteur ne protège pas les fragrances de telle sorte que tout opérateur économique peut légalement reproduire des jus commercialisés par les tiers, que la société Equivalenza n'a jamais permis à ses licenciés l'utilisation des tableaux de concordance auxquels les appelants font référence.
Elle ajoute que l'information judiciaire en cours ne permet pas de conclure à une faute de la société Equivalenza caractérisant une rupture brutale, que l'instruction pénale est un fait extérieur à la relation contractuelle entre les parties, que les appelants n'allèguent aucun manquement de la société Equivalenza dans l'exécution de ses obligations contractuelles, que les autres licenciés français n'ont pas été contraints de cesser leur activité, qu'au contraire la marque Equivalenza est en pleine expansion en France.
Elle rappelle que le préjudice ne peut excéder la perte de la marge brute escomptée durant la période de préavis qui n'a pas été exécutée, que la société Charlivari n'est dès lors pas fondée à demander une indemnité correspondant aux gains prévisionnels des trois premières années, qu'elle ne fait état d'aucun délai de préavis qui n'aurait pas été respecté, qu'elle n'est pas non plus fondée à demander le remboursement des investissements réalisés en vue de l'ouverture de la boutique, ou encore du prix des loyers commerciaux alors qu'elle ne justifie pas de l'acquittement de telles sommes, que l'absence d'exploitation du local résulte uniquement de la décision des appelants de ne plus poursuivre l'activité contrairement aux autres licenciés français.
La société Equivalenza soutient par ailleurs que M. A n'est pas fondé à demander réparation dès lors qu'il est lui-même à l'initiative de la rupture du contrat de délégation commerciale, qu'à l'instar de la société Charlivari, M. A ne justifie d'aucun délai de préavis non respecté et sur la base duquel serait calculé son préjudice, que ses demandes fondées sur les articles L. 134-11 du Code de commerce ne sont pas applicables en matière de rupture brutale des relations commerciales, qu'il ne saurait invoquer un fondement contractuel dans le cadre d'une action en responsabilité délictuelle.
La société Equivalenza ajoute que l'article L. 134-11 n'est applicable qu'aux contrats à durée indéterminée, que la durée du présent contrat de délégation commerciale était fixée à 10 ans, qu'au surplus cette disposition n'est pas applicable dès lors que c'est M. A qui est à l'origine de la rupture du contrat.
La société Equivalenza soutient enfin que M. A n'est pas fondé à demander une indemnité compensatrice correspondant à deux années de commissions sur le fondement de l'article L. 134-13 alors que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque "la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent".
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'aux termes de l'article 1465 du Code de procédure civile, le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur les contestations relatives à son pouvoir juridictionnel ;
Qu'aux termes de l'article 1448 du même Code, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ;
Qu'il en résulte qu'en l'absence de constatation par la juridiction saisie, de la nullité ou de l'inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage, il appartient aux seuls arbitres de statuer sur leur propre compétence, selon le principe dit "compétence compétence", et de renvoyer dès lors les parties à mieux se pourvoir ;
Qu'en droit international, la convention d'arbitrage n'est soumise à aucune condition de forme et peut être contenue, par exemple dans des conditions générales ou un contrat-type accepté par les parties ;
Considérant qu'en l'espèce, les parties avaient inséré dans leurs contrats une convention d'arbitrage et une clause attributive de compétence aux termes de laquelle :
"Les deux parties conviennent de soumettre tout litige pouvant découler de l'exécution et l'interprétation du présent contrat, le cas échéant, à la Cour d'arbitrage d'Aragon de l'Association Aragonaise d'Arbitrage et de médiation de Saragosse (Espagne), la présente disposition recevant le caractère de Convention d'arbitrage ferme. La langue d'arbitrage sera l'espagnol.
Les parties s'engagent à accepter la décision de la Cour d'arbitrage en question et seul le manquement effectif au respect par l'une d'elles conduira à l'intervention des Tribunaux.
Tout litige qui, en raison du sujet ou pour toute autre raison, ne pourrait être légalement soumis à une décision d'arbitrage, telle que prévue dans les paragraphes précédents, sera soumis à la juridiction et à la compétence des Tribunaux ordinaires de Saragosse Capitale (Espagne), les deux parties renonçant à toute autre juridiction pouvant leur correspondre".
Que si la société Equivalenza avait mentionné qu'elle entendait saisir la cour d'Arbitrage d'Aragon, elle ne l'avait toutefois pas encore fait au moment de la saisine de la juridiction française par la société Charlivari et Monsieur A, l'article 1448 sus rappelé étant dès lors applicable ;
Qu'au regard de la clause compromissoire sus invoquée, la juridiction saisie ne pouvait se déclarer compétente que si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ;
Mais considérant qu'aux termes des écritures des parties qui lient la cour, la nullité manifeste de ladite clause n'est pas invoquée, seule son inapplicabilité étant alléguée, les appelants soutenant que le litige relève de la matière délictuelle, rendant ladite clause inapplicable ;
Considérant toutefois qu'il est désormais constant que les litiges relatifs à la rupture brutale des relations commerciales établies relèvent, au sens du règlement Bruxelles I, de la matière contractuelle et non délictuelle (CJUE, Granarolo, 14 juillet 2016) ;
Que l'action en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de relations commerciales établies sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° entre dans la sphère d'un litige découlant de la relation contractuelle au sens du droit européen ;
Que de plus, le fait que Monsieur A invoque les dispositions relatives aux contrats d'agent commercial ne permet pas plus de caractériser l'inapplicabilité de la clause compromissoire au litige ;
Que l'inapplicabilité manifeste de la clause au regard de la nature du litige n'est donc pas établie ;
Qu'enfin, il est constant qu'un litige portant sur la réparation du préjudice subi du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies ne doit pas nécessairement être porté devant les juridictions étatiques, fût-ce sur le fondement d'une loi de police, et que les clauses compromissoires s'appliquent notamment aux litiges portant sur l'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Qu'il en résulte que l'arbitrage n'est pas exclu du seul fait que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° sont invoquées par l'une de parties au litige, ce qui est le cas en l'espèce, voire de l'article L. 134-1 invoqué par Monsieur A, aucune inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire ne pouvant être tirée de l'application de ces dispositions ;
Qu'en conséquence il appartient à la juridiction arbitrale de statuer sur sa propre compétence ;
Qu'il n'appartient dès lors pas à la juridiction saisie, à ce stade, de décider si les parties ont ou non entendu soumettre à l'arbitrage toutes les contestations relatives à " l'interprétation et/ou à l'exécution " de la convention, y compris la rupture des relations contractuelles, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ou sur le fondement des articles L. 134-1 et suivant du même Code, seule la juridiction arbitrale étant compétente pour statuer sur sa propre compétence ;
Que c'est à l'arbitre seul qu'il appartient de juger de sa compétence sur le fondement de ladite clause ;
Que dès lors, il y a lieu d'infirmer la décision des premiers juges en toutes ses dispositions et de se déclarer incompétent, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la demande subsidiaire portant sur la clause attributive de juridiction qui n'aurait à s'appliquer que si les arbitres ne retiennent pas leur compétence ;
Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile formée par la société Equivalenza ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, se déclare incompétent, Renvoie les parties à mieux se pourvoir, Condamne la société Charlivari et Monsieur A à payer à la société Equivalenza la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.