CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 5 septembre 2019, n° 17-01506
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Seafoodia (SAS)
Défendeur :
Shisu Vertriebsgesellschaft MbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Soudry, Moreau
Avocats :
Mes Guyonnet, Baffert, Grappotte Benetreau, Vahramian, Tounier
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Shisu est une société de droit allemand, spécialisée dans la fabrication de sushis.
La société Seafoodia (anciennement dénommée Seafoodexport) est une société de droit français, spécialisée dans le commerce international de gros de produits de la mer.
Le 1er janvier 2010, les deux sociétés ont signé un contrat-cadre aux termes duquel la société Shisu a confié à la société Seafoodexport la commercialisation exclusive en France, Tunisie, Algérie et Maroc des sushis qu'elle fabriquait. Le contrat a été conclu pour une durée d'un an renouvelable automatiquement. Il a été rédigé en langue anglaise et soumis à la loi française.
Par lettre du 31 mars 2014, la société Shisu a informé la société Seafoodexport qu'elle cesserait de l'approvisionner en sushis à compter de la fin du mois d'avril 2014 invoquant une hausse du coût des matières premières et des coûts élevés de logistique et de conditionnement.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 novembre 2014, la société Seafoodexport, par l'intermédiaire de son conseil, a invoqué les stipulations du contrat prévoyant un préavis d'une année en cas de résiliation par la société Shisu et le paiement d'une indemnité de rupture équivalente à trois années de marge, soit une somme de 123 223 euros.
La société Shisu n'a pas donné suite à ce courrier.
C'est ainsi que, par acte du 26 février 2015, la société Seafoodexport a assigné la société Shisu devant le tribunal de commerce de Créteil.
La société Shisu a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Créteil au profit du tribunal de commerce de Paris en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.
La société Seafoodexport n'a pas discuté l'exception d'incompétence.
Par jugement du 1er décembre 2015, le tribunal de commerce de Créteil s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 15 décembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Seafoodexport de ses demandes ;
- l'a condamnée au paiement à la société Shisu avec anatocisme de la somme de 44 614,80 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2015, ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société Seafoodexport aux entiers dépens.
La société Seafoodia a interjeté appel de cette décision le 18 janvier 2017.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions du 11 mars 2019, la société Seafoodia demande à la cour de :
- constater qu'elle n'a pas renoncé à invoquer à l'encontre de la société Shisu les dispositions contractuelles liant les parties ;
- dire et juger qu'elle ne s'est nullement contredite en invoquant devant la cour les dispositions contractuelles liant les parties ;
- rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la société Shisu ;
- dire et juger que l'examen global du contrat liant les parties ne révèle aucun déséquilibre significatif au détriment de la société Shisu ;
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 décembre 2016 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
Vu les dispositions de l'ancien article 1134 du Code civil
Vu les dispositions de l'ancien article 1156 du Code civil
- condamner la société Shisu au paiement de la somme de 41 074,56 euros en réparation du préjudice subi du fait du non-respect du préavis contractuel ;
- condamner la société Shisu au paiement de la somme de 123 223,68 euros montant de l'indemnité de rupture prévue au contrat ;
- dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 novembre 2014 ;
- ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
- débouter la société Shisu de sa demande de nullité de la clause prévue à l'article 10 du contrat ;
- la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour s'opposer aux fins de non-recevoir soulevées par la société Shisu, la société Seafoodia prétend n'avoir jamais renoncé à invoquer les dispositions contractuelles au profit des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. Elle précise que le fait qu'elle ait accepté la compétence du tribunal de commerce de Paris alors que la société Shisu avait soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Créteil en invoquant l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ne peut valoir renonciation de sa part à fonder son action sur l'article 1134 du Code civil et les stipulations contractuelles. Ensuite elle soutient que le principe d'estoppel ne peut s'appliquer dès lors qu'elle ne s'est jamais contredite et que ses demandes ont toujours tendu aux mêmes fins, à savoir obtenir l'indemnisation du préjudice subi suite à la rupture des relations contractuelles par la société Shisu qui n'a pas respecté les termes du contrat. Elle ajoute qu'en tout état de cause, les parties peuvent soulever des moyens nouveaux en cause d'appel.
Au soutien de son appel, la société Seafoodia critique le jugement entrepris en ce qu'il a tranché le litige sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce alors qu'elle se prévalait de la responsabilité contractuelle. Elle affirme qu'aucun principe de non cumul de responsabilités ne peut donc lui être opposé.
La société Seafoodia invoque l'article 10 du contrat qui prévoyait le respect d'un préavis de douze mois en cas de résiliation du contrat par la société Shisu et le paiement d'une indemnité équivalente à trois ans de marge. En ce qui concerne le préavis, elle précise que la société Shisu a mis fin au contrat par un courrier du 31 mars 2014 en prévoyant un préavis d'un mois seulement et soutient que le préavis annoncé n'a pas été respecté. Elle affirme qu'une somme de 41 074,56 euros lui est due à titre d'indemnité de préavis sur la base d'un chiffre d'affaires de 410 745,60 euros réalisé en 2013, d'une marge de 10 % et d'un préavis qui aurait dû être de 12 mois. En ce qui concerne l'indemnité de résiliation, elle réclame une somme de 123 223,68 euros (41 074,56 x 3).
La société Seafoodia s'oppose à la demande de la société Shisu tendant à voir constater la nullité de la clause contractuelle prévoyant la durée du préavis et l'indemnité contractuelle en raison d'un déséquilibre significatif prohibé par l'article L. 442-2-6-1 [sic] du Code de commerce. Elle prétend à cet effet que l'éventuel déséquilibre doit s'apprécier en analysant la totalité du contrat et non seulement ladite clause. Or elle soutient que le contrat litigieux était globalement plus favorable au producteur de sorte que l'article 10 avait pour objet de compenser le déséquilibre existant à son détriment. Elle ajoute que l'introduction d'un nouveau produit au sein de la grande distribution représentait un travail considérable, que les accords en matière de grande distribution étaient au minimum d'un an et que la durée du préavis d'un an avait pour but d'éviter qu'elle ne se trouve dans l'obligation de livrer ses propres clients sans avoir reçu l'approvisionnement afférent. Elle affirme enfin que l'indemnité de résiliation, fixée à trois ans de marge brute, ne présente pas de caractère excessif.
Dans ses dernières conclusions du 2 avril 2019, la société Shisu demande à la cour de :
Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,
Vu les articles 12, 122 et 123 du Code de procédure civile,
Vu les anciens articles 1134, 1152 et 1154 du Code civil (nouveaux articles 1103, 1231-5 et 1343-2 du même Code),
Vu les articles L. 442-6, I, 2° et D. 442-3 du Code de commerce
Vu le nouvel article 1383-2 (ancien article 1356) du Code civil,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 15 décembre 2016 en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
- débouter la société Seafoodia, anciennement Seafoodexport, de ses demandes ;
- condamner la société Seafoodia, anciennement Seafoodexport, au paiement, avec anatocisme, de la somme de 44 614,80 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2015, ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Seafoodexport aux entiers dépens ;
Y ajoutant,
- condamner la société Seafoodia, anciennement Seafoodexport, à lui régler la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel ;
- condamner la société Seafoodia aux entiers dépens d'appel.
La société Shisu considère à titre principal que le litige est soumis aux seules dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dès lors que la demande de la société Seafoodia vise à obtenir la réparation d'un préjudice causé par une rupture brutale d'une relation commerciale établie. Or elle considère qu'au regard de l'ancienneté des relations, soit trois ans et trois mois, de la faible part de ces relations dans le chiffre d'affaires de la société Seafoodia (0,65 %) et du fait que celle-ci était son client, le préavis d'un mois accordé était suffisant pour permettre à l'appelante de trouver un nouveau fournisseur. En outre, elle soutient que la société Seafoodia n'établit pas avoir subi un préjudice résultant de la rupture des relations et ne justifie pas de son quantum. En tout état de cause, elle estime que la somme réclamée au titre de l'indemnité de rupture doit être réduite à 1 506 euros correspondant à un mois de marge brute sur la base d'un chiffre d'affaire annuel de 410 745,60 euros et d'un taux de marge de 4,4 %. Elle s'oppose à toute indemnisation au titre de l'indemnité de préavis, faute d'un préjudice distinct de celui découlant de la prétendue rupture brutale des relations commerciales.
Subsidiairement, la société Shisu considère que les demandes contractuelles sont irrecevables et en toutes hypothèses non fondées. Elle invoque tout d'abord le principe de l'estoppel. Elle prétend à cet égard que la société Seafoodia a acquiescé à l'application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce tant en s'abstenant de contester la compétence du tribunal de commerce de Paris qu'en visant, dans ses conclusions de première instance, les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. Elle soutient en conséquence que la société Seafoodia ne peut valablement changer de fondement en cause d'appel. Ensuite elle se prévaut de la nullité de l'article 10 du contrat en raison du déséquilibre significatif qu'il crée à son détriment. Elle affirme à cet égard que la clause prévoit un préavis de douze mois alors que la durée initiale du contrat est d'un an et que l'indemnité de résiliation correspond à trois ans de marge alors même que la durée des relations aurait été inférieure à trois années et qu'elle est calculée sur un taux de marge de 10 % correspondant à plus du double de la marge effectivement réalisée. Elle ajoute qu'aucune disposition similaire n'était prévue en sa faveur en cas de résiliation du contrat à l'initiative de la société Seafoodia. En toute hypothèse, elle soutient que les indemnités prévues à l'article 10 du contrat constituent une clause pénale dont le montant doit être modéré. Elle affirme encore que la société Seafoodia ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué.
Enfin, à titre reconventionnel, la société Shisu fait valoir que des sommes lui restent dues au titre de factures. Elle considère que la société Seafoodia a reconnu être redevable d'une somme de 44 614,80 euros dans son assignation et que cela constitue un aveu judiciaire irrévocable. Elle ajoute qu'en appel, la société Seafoodia ne conteste pas la demande en paiement formulée à son encontre.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2019.
MOTIFS
Sur la demande d'indemnité de rupture
Sur le fondement juridique de la demande d'indemnité de rupture
La société Seafoodia fonde ses demandes d'indemnisation sur la responsabilité contractuelle de la société Shisu. En défense, la société intimée prétend que la demande d'indemnisation au titre de la rupture ne peut être fondée que sur les dispositions de l'article 442-6 I 5° du Code de commerce.
Toutefois il y a lieu de relever que la demande de réparation fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de nature délictuelle, tend à la réparation d'un préjudice résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie tandis que la demande de réparation en responsabilité contractuelle tend à la réparation d'un préjudice résultant d'un manquement contractuel. Ces deux actions ont donc un objet distinct et il est loisible à la société Seafoodia de choisir le fondement qu'elle estime adéquat pour voir prospérer sa demande d'indemnisation, voire même d'invoquer les deux fondements sans se voir opposer le principe de non-cumul entre responsabilités contractuelle et délictuelle dès lors que les demandes reposent sur des faits distincts ou tendent à la réparation de préjudices distincts.
En conséquence, c'est à tort que les premiers juges ont statué sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce alors qu'était invoquée la responsabilité contractuelle de la société Shisu.
Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation fondée sur la responsabilité contractuelle
En vertu du principe de l'estoppel, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. Le comportement incriminé au titre de l'estoppel doit être constitutif d'un changement de position, en droit, par une partie de nature à induire l'adversaire en erreur sur ses intentions. En outre, la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir.
Par ailleurs, selon l'article 563 du Code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux et notamment changer le fondement juridique de leurs prétentions.
Il résulte de ces dispositions que le fait pour une partie de changer de fondement juridique ne saurait être constitutif d'un changement de position de nature à induire l'adversaire en erreur sur ses intentions de sorte que le principe de l'estoppel n'est pas applicable en l'espèce. La demande d'indemnisation de la société Seafoodia sur le fondement de la responsabilité contractuelle est donc recevable.
Sur le bien-fondé des demandes d'indemnisation
Sur la nullité de l'article 10 du contrat du 1er janvier 2010
En application de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Les contrats contraires à ces dispositions, d'ordre public, sont également entachés de nullité.
Pour voir déclarer nulles les clauses édictées en violation des dispositions précitées, il convient d'établir que :
- un producteur, commerçant, industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers " a soumis ou tenté de soumettre " son partenaire commercial à des obligations,
- que les obligations en cause créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Il convient en outre d'apprécier le contexte dans lequel le contrat est conclu et son économie, de façon que le déséquilibre significatif ne soit caractérisé qu'après une appréciation concrète et globale du contrat en cause.
L'article 10 du contrat intitulé " Résiliation du contrat " est ainsi rédigé :
"Shisu pourra résilier le Contrat dans les cas suivants :
a) Dans le cas prévu à l'article 2) a. énoncé ci-dessus (hypothèse où X décèderait ou ne travaillerait plus pour la société Seafoodia).
b) Dans l'hypothèse où Shisu ne serait pas satisfait des résultats ou de la coopération.
Dans ces cas prévus, Shisu pourra mettre un terme au Contrat en respectant un préavis de douze (12) mois.
c) Dans l'hypothèse d'une résiliation de la part de Shisu, cette Partie devra payer à (Seafoodia) l'équivalent de trois ans de marge. La marge sera calculée en se basant sur la marge de l'année précédente. Le paiement devra être effectué avant la fin de la période de préavis de douze mois ".
La société Shisu, qui se prévaut de l'existence d'un déséquilibre significatif à son détriment et donc à qui incombe la charge de la preuve de ce déséquilibre, ne donne aucun élément de contexte sur les conditions de négociation et de conclusion du contrat litigieux. Il sera relevé qu'il ne s'agit pas d'un contrat type. Il n'est donc nullement démontré que la société Seafoodia aurait soumis la société Shisu à des obligations.
Par ailleurs, il résulte des dispositions contractuelles précitées que le préavis à respecter et l'indemnité de résiliation prévues au profit de la société Seafoodia ne sont que la contrepartie de la faculté de résiliation unilatérale prévue au seul profit de la société Shisu notamment dans l'hypothèse où la société Shisu ne serait pas satisfaite des résultats ou de la coopération, ce qui équivaut à une faculté de résiliation du contrat selon le bon vouloir de la société Shisu. Ils ne créent donc pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de la société Shisu quand bien même le contrat n'avait été conclu que pour une durée d'un an automatiquement renouvelable. En effet, la société Shisu avait la possibilité de résilier le contrat à tout moment et les autres clauses contractuelles lui étaient globalement favorables. S'il est prévu au profit de la société Seofoodia une exclusivité des ventes en France, en Tunisie, en Algérie et au Maroc, cette exclusivité excluait un grand distributeur du marché, la société Lidl, et était assortie d'obligations contraignantes (objectifs de vente très importants, possibilité d'accès aux données du système informatique de la société Seafoodia, transparence sur les prix pratiqués par la société Seafoodia à l'égard de consommateurs finaux, implication de la société Shisu dans les salons professionnels auxquels participe la société Seafoodia...).
En conséquence, la demande tendant à voir prononcer la nullité de l'article 10 du contrat sera rejetée.
Sur la demande d'indemnité de rupture
A l'article 10 du contrat intitulé " Résiliation du contrat ", il est indiqué que : "c) Dans l'hypothèse d'une résiliation de la part de Shisu, cette Partie devra payer à (Seafoodia) l'équivalent de trois ans de marge. La marge sera calculée en se basant sur la marge de l'année précédente. Le paiement devra être effectué avant la fin de la période de préavis de douze mois.".
Il n'est pas discuté que le chiffre d'affaires réalisé par la société Seafoodia avec la société Shisu en 2013, soit l'année précédant la rupture du contrat, s'est élevé à 410 745,60 euros. Par ailleurs, si la société Seafoodia ne donne aucun élément comptable permettant d'établir la marge réalisée en 2013 avec la société Seafoodia, il n'en demeure pas moins que le contrat du 1er janvier 2010 prévoyait une marge globale minimum de 10 % au profit de la société Seafoodia. Or cette dernière limite sa demande à une marge de 10 % qui correspond à la marge minimale garantie. Dans ces conditions, l'indemnité de rupture contractuellement prévue s'élève à une somme de 123 222,68 euros (410 745,60 x 10 % x 3).
La société Shisu prétend que la clause du contrat prévoyant l'indemnité de résiliation doit s'analyser en clause pénale et en demande la réduction.
L'article 1226 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige prévoit que la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution.
Or il échet de constater que la clause litigieuse n'a pas vocation à sanctionner une inexécution contractuelle mais est la contrepartie d'une faculté de résiliation unilatérale.
Dès lors, elle ne peut être qualifiée de clause pénale et la demande de réduction sera rejetée.
En conséquence, la société Shisu sera condamnée à régler à la société Seafoodia une somme de 123 222,68 euros au titre de l'indemnité contractuelle de rupture.
En vertu de l'article 1153 du Code civil, dans sa version applicable au litige, les intérêts au taux légal ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.
En l'espèce, la lettre du 19 novembre 2014 ne constitue pas une mise en demeure de payer la somme de 123 223 euros mais invite la société Shisu, en vertu de l'article 9 du contrat, à saisir son conseil afin d'envisager les termes d'un accord amiable.
En conséquence, les intérêts au taux légal ne peuvent courir que de la date de l'assignation devant le tribunal de commerce, valant mise en demeure, soit le 26 février 2015, et le surplus de la demande de la société Seefoodia de ce chef sera rejeté.
Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis
L'article 10 du contrat intitulé " Résiliation du contrat " prévoit que la société Shisu peut mettre un terme au contrat en respectant un préavis de douze mois.
En l'espèce, il ressort de la lettre du 31 mars 2014 que la société Shisu a résilié le contrat moyennant un préavis d'un mois.
En conséquence, la société Seafoodia est bien fondée à se prévaloir d'une inexécution contractuelle de la société Shisu et à voir engager sa responsabilité.
Contrairement à ce que prétend la société Shisu, le préjudice résultant du non-respect du préavis contractuel est distinct du préjudice résultant de la résiliation du contrat. Le premier correspond à la perte de revenus résultant de l'inobservation du préavis tandis que le second correspond à la perte de revenus résultant de la résiliation du contrat.
En revanche, à défaut d'établir que l'approvisionnement en sushis de la part de la société Shisu a cessé avant le 30 avril 2014, la société Seafoodia ne peut prétendre à une indemnisation du préjudice financier subi du fait du non-respect du préavis que sur une période de onze mois.
Dès lors, la société Shisu sera condamnée à régler à la société Seafoodia une somme de 37 651,68 euros ([410 745,60 x 10% / 12] x 11) de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect du préavis contractuellement prévu.
Selon l'article 1153-1 du Code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
Compte tenu du caractère indemnitaire de la condamnation ci-dessus prononcée, les intérêts au taux légal ne peuvent courir qu'à compter de la présente décision et le surplus de la demande de la société Seefoodia de ce chef sera rejeté.
Sur la demande de capitalisation des intérêts
En application de l'article 1154 du Code civil, dans sa version applicable au litige, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.
En conséquence, les intérêts appliqués aux condamnations précédemment prononcées porteront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article susvisé.
Sur la demande en paiement de factures
La société Seafoodia ayant limité son appel du jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 décembre 2016 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et non du chef de la condamnation prononcée à son encontre au titre des factures impayées, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point. De même qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Seafoodia à régler à la société Sichu une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Shisu, qui succombe à l'instance, sera condamnée à en supporter les dépens. Elle sera en outre condamnée à régler à la société Seafoodia une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et sera déboutée de la demande qu'elle a formée à ce titre.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort, Réforme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 décembre 2016 en ce qu'il a débouté la société Seafoodia, anciennement dénommée Seafoodexport, de ses demandes ; Statuant à nouveau de ces chefs, Déclare la société Seafoodia recevable en ses demandes d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société Shisu ; Déboute la société Shisu de sa demande tendant à voir déclarer nul l'article 10 du contrat conclu le 1er janvier 2010 ; Condamne la société Shisu à régler à la société Seafoodia une somme de 123 222,68 euros au titre de l'indemnité contractuelle de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2015 ; Condamne la société Shisu à régler à la société Seafoodia une somme de 37 651,68 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect du préavis contractuellement prévu avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Dit que les intérêts appliqués à ces condamnations seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ; Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande en paiement de factures de la société Shisu ni sur sa demande de confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Seafoodexport à lui régler une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Shisu à régler à la société Seafoodia une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Shisu aux dépens d'appel ; Déboute les parties de leurs autres demandes.