CA Versailles, 14e ch., 29 août 2019, n° 18-07311
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Efor Healthcare Paris (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
e : Mme Bouvier
Conseillers :
Mmes Grison-Pascail, Thomas
EXPOSE DU LITIGE
La société Efor Healthcare Paris a pour activité de fournir des prestations d'ingénierie et de conseil dans le domaine de la santé, notamment aux industriels des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux.
Elle est une filiale de la société FOR Groupe, dont elle constitue la branche santé et réalise des missions de consulting.
Par contrat du 12 mai 2014, la société Efor Lyon (alors dénommée Efor Consultants) a engagé M. Richard L. en qualité de Business Manager.
M. L. est ensuite devenu associé de la société Efor Paris à hauteur de 5% du capital.
Le 23 septembre 2015, il a signé un contrat de travail avec la société Efor Paris pour occuper la fonction de directeur de développement, le contrat contenant une clause de non-concurrence.
Un avenant au contrat de travail a été signé le 1er janvier 2016 lui conférant des fonctions de dirigeant et modifiant la structure de sa rémunération, sa participation au sein du capital de la société Efor Paris étant portée à 15%.
A la suite de la création par son employeur en janvier 2017 d'une société concurrente, la société Efor Engineering Paris, M. L., disant avoir constaté une diminution de ses responsabilités et être évincé de toute décision par M. Matthieu R., président de la société Efor Paris, a adressé sa lettre de démission le 9 août 2017.
Par courrier du 8 septembre 2017, la société Efor Paris, devenue Efor Healthcare Paris, a informé M. L. de son intention d'appliquer la clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail.
Le contrat de travail de M. L. a pris fin le 17 novembre 2017.
Par courrier du 28 novembre 2017, M. L. a notifié à son ancien employeur ses griefs et indiqué qu'il contestait l'application de la clause de non-concurrence.
Par requête du 7 décembre 2017, M. L. a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour contester les conditions de la rupture de son contrat de travail et l'application de la clause de non-concurrence.
M. L. a également saisi le conseil de prud'hommes de Lyon par requête du 9 janvier 2018 pour obtenir notamment le paiement d'heures supplémentaires de son ancien employeur, la société Efor Lyon.
La société Efor Lyon a soulevé une exception de connexité avec l'affaire pendante devant le conseil de prud'hommes de Paris.
Parallèlement, M. L. a créé le 21 novembre 2017 la société Life Sciences Industries Paris (la société LSI Paris devenue LSI Pharma Paris) puis le 7 janvier 2018, la société LSI Medical Devices Paris (LSI MD Paris), dans le domaine de l'industrie de la santé.
Estimant que M. L. avait commis des actes de concurrence déloyale en créant deux sociétés directement concurrentes dont les statuts sont une copie de ceux de la société Efor Healthcare Paris, en violation de sa clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail, soupçonnant un détournement massif de ses données, de sa clientèle et un débauchage de ses salariés, la société Efor Helathcare Paris a déposé une requête le 27 avril 2018 auprès du président du tribunal de commerce de Nanterre, fondée sur les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, aux fins de désignation d'un huissier de justice chargé de recueillir des éléments de preuve permettant d'établir la réalité et l'étendue des actes de concurrence déloyale commis par la société LSI MD Paris.
Par ordonnance du 29 mai 2018, le juge des requêtes a accueilli la demande.
Les opérations de constat ont été réalisées le 11 juin 2018 dans les locaux de la société LSI MD Paris. Les documents appréhendés ont été séquestrés en l'étude de l'huissier de justice instrumentaire.
Le société Efor Healthcare Paris a déposé une autre requête le même jour, tendant aux mêmes fins, pour réaliser des opérations de constat dans les locaux de la société LSI Pharma Paris, dont le siège social se situe au même endroit que la société LSI MD Paris.
Par acte du 21 juin 2018, la société LSI MD Paris et M. L. ont assigné en référé la société Efor Healthcare Paris devant le président du tribunal de commerce de Nanterre aux fins de rétractation de l'ordonnance rendue le 29 mai 2018, de nullité des opérations de constat, de modification à titre subsidiaire de l'ordonnance sur requête et de maintien du séquestre dans l'attente d'une décision définitive statuant sur l'action en concurrence déloyale initiée par la société Efor Paris à l'encontre de la société LSI MD Paris.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 17 octobre 2018, le juge des référés, retenant notamment que la requête ne procède pas par simple allusion mais expose les circonstances de droit et de fait pouvant rendre vraisemblable le grief allégué de comportement commercial critiquable dans le contexte d'une société fondée par M. L. ; que la mesure d'instruction in futurum est sollicitée sur un fondement juridique distinct de celui fondant la procédure prud'homale, soit une instance en concurrence déloyale visant la société LSI MD Paris ; que la requête explique avec précision l'utilité de la mesure non contradictoire ; que la mission confiée à l'huissier est strictement limitée à la communication du résultat de recherche sur le registre du personnel portant sur un nombre limité de personnes en relation avec les actes potentiels de concurrence déloyale et sans que le registre soit communicable aux requérants ; qu'elle ne s'applique qu'aux propositions d'embauche et contrats de travail de personnes strictement déterminées ; que les mots clés sont limités aux entreprises pertinentes au regard des circonstances de fait et de droit présentées dans la requête, a :
- débouté la société LSI MD Paris et M. L. de leur demande en rétractation ;
- débouté la société LSI MD Paris et M. L. de leur demande subsidiaire de voir ordonner le maintien sous séquestre entre les mains de l'huissier des documents et informations saisis, dans l'attente d'une décision définitive statuant sur l'action en concurrence déloyale initiée par la société Efor Paris ;
- débouté la société LSI MD Paris et M. L. de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté la société Efor Healthcare Paris de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la société LSI MD Paris et M. L. aux entiers dépens.
Le 24 octobre 2018, la société LSI MD Paris et M. L. ont formé appel de l'ordonnance par un acte visant l'ensemble des chefs de décision à l'exception du rejet de la demande de la société Efor Healthcare Paris au titre des frais irrépétibles.
Dans leurs conclusions transmises le 22 février 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société LSI MD Paris et M. L., appelants, demandent à la cour de :
A titre principal,
- infirmer l'ordonnance de référé rendue le17 octobre 2018 en ce qu'elle les a déboutés des chefs suivants :
- dire et juger que l'instance en cours devant le conseil de prud'hommes de Paris sous le numéro de RG 17/10047 fait obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l'article 145 ;
- dire et juger que la société Efor Healthcare Paris ne justifie pas d'un motif légitime au sens de l'article 145 du Code de procédure civile ;
- dire et juger qu'il n'est pas justifié in concreto de la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;
- dire et juger que les mesures d'instructions sollicitées par la société Efor Healthcare Paris et ordonnées en date du 29 mai 2018 ne sont pas légalement admissibles et causent une atteinte injustifiée et disproportionnée à leurs droits ;
- ordonner la rétractation intégrale de l'ordonnance du 29 mai 2018 ;
- prononcer la nullité des opérations de constat effectuées en exécution de l'ordonnance rétractée ;
- enjoindre à l'huissier de leur restituer les documents, informations et fichiers copiés / reproduits / obtenus et les supports, l'huissier instrumentaire devant dresser procès-verbal de cette formalité et l'adresser aux parties en litige ;
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société Efor Healthcare Paris de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Statuant à nouveau, à titre principal,
- dire et juger que les mesures d'instructions sollicitées par la société Efor Healthcare Paris et ordonnées en date du 29 mai 2018 ne sont pas légalement admissibles et causent une atteinte injustifiée et disproportionnée à leurs droits ;
- dire et juger que l'instance en cours devant le conseil de prud'hommes de Paris sous le numéro de RG 17/10047 fait obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile ;
- dire et juger que la société Efor Healthcare Paris ne justifie pas d'un motif légitime au sens de l'article 145 du Code de procédure civile ;
- dire et juger qu'il n'est pas justifié in concreto de la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;
- ordonner la rétractation intégrale de l'ordonnance du 29 mai 2018 ;
- prononcer la nullité des opérations de constat effectuées en exécution de l'ordonnance rétractée ;
- enjoindre à l'huissier de leur restituer les documents, informations et fichiers copiés / reproduits / obtenus et les supports, l'huissier instrumentaire devant dresser procès-verbal de cette formalité et l'adresser aux parties en litige ;
Statuant à nouveau, à titre principal,
- dire et juger que les mesures d'instructions sollicitées par la société Efor Healthcare Paris et ordonnées en date du 29 mai 2018 ne sont pas légalement admissibles et causent une atteinte injustifiée et disproportionnée à leurs droits ;
- dire et juger que l'instance en cours devant le conseil de prud'hommes de Paris sous le numéro de RG 17/10047 fait obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile ;
- dire et juger que la société Efor Healthcare Paris ne justifie pas d'un motif légitime au sens de l'article 145 du Code de procédure civile ;
- dire et juger qu'il n'est pas justifié in concreto de la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;
- ordonner la rétractation intégrale de l'ordonnance du 29 mai 2018 ;
- prononcer la nullité des opérations de constat effectuées en exécution de l'ordonnance rétractée ;
- enjoindre à l'huissier de leur restituer les documents, informations et fichiers copiés / reproduits / obtenus et les supports, l'huissier instrumentaire devant dresser procès-verbal de cette formalité et l'adresser aux parties en litige ;
A titre subsidiaire,
- modifier l'ordonnance du 29 mai 2018 ;
- ordonner la rétractation de l'ordonnance du 29 mai 2018 des chefs suivants :
- Rechercher, prendre copie ou extraire :
g) Tout document, fichier, correspondance, e-mail ou dossier, même effacé, sa restauration étant alors autorisée,
h) Qui figure :
- Dans tous les serveurs informatiques de documents (externes ou internes, accessibles à distance ou non) de la société LSI MD PARIS,
- Dans tous les serveurs informatiques de messagerie externes ou internes, accessibles à distance ou non) de la société LSI MD Paris,
- Dans tous autres supports de données informatiques ou numériques (externes ou internes, accessibles à distance ou non) tels qu'ordinateurs fixées ou portables, disques durs externes ou internes, clés USB, CD-Rom, smartphones de la société LSI MD Paris et de M. L., détenu à titre professionnel,
- Dans tous agendas ou calendrier professionnel, sur quelque support que ce soit et notamment support papier, informatique ou numérique, utilisé individuellement ou en mode partagé, détenus par la société LSI MD Paris
- Et qui comprend dans son contenu, son titre, son destinataire ou ses propriétés, tout ou partie des mots-clés suivants, relatifs aux prospects de M. L., lorsqu'il était en fonction au sein de la société Efor PARIS :
Biomet Novo Nordisk
Ceraver Technip
Macopharma Valdepharm
- Et qui comprend dans son contenu, son titre, son destinataire ou ses propriétés, tout ou partie des mots-clés suivants, relatifs aux clients de la société Efor Paris susceptibles d'avoir été détournés par la société LSI MD Paris
Aspen Roquette
BeaufourIpsen Sanofi
Fareva Servier
i) Sous réserve que la mission ne pourra porter pas sur des éléments, de quelque support que ce soit, qui porterait les mentions "perso", "personnel", "privé" ou "avocat".
- Rechercher, prendre copie et extraire :
V. Une copie de tout document, fichier, correspondance, e-mail ou dossier, même effacé, sa restauration étant alors autorisée,
VI. Qui figure :
- Dans le serveur informatique de messagerie [...],
- Et qui comprend dans son contenu, son titre, son destinataire ou ses propriétés, tout ou partie des mots-clés suivants
Efor Paris Amandine F.
Efor Healthcare Anaëlle G.
Efor Group Anne R.
Efor Consultants Arnaud S.
Olivier Remini Guillaume Le C.
Mathieu Roger Manon L.
Jérémy Thierry A. V.
Jean Hee Régis L.
Bastien C. Sarah D.
Pauline Alexandre Thomas B.
Pierre-Yves Duvaleix Juliette P.
Disons qu'à défaut de moyens de reproduction sur les lieux du constat ou dans le cas où l'huissier serait dans l'impossibilité d'utiliser ces moyens de reproduction, l'huissier sera autorisé à emporter les pièces contre récépissé, à charge pour lui d'en prendre copie à son étude et de les rapporter dans les 48 heures de l'opération,
Disons que l'huissier mandaté sera autorisé à se substituer tout huissier de justice, en qualité de mandataire de justice, pour tout ou partie de ses missions ;
Disons que l'huissier de justice aura la possibilité de se faire assister de la force publique et d'un serrurier de son choix, en cas de difficulté préalablement constatée,
Disons que l'huissier accompagne de l'expert informatique de son choix, aura notamment la possibilité de rechercher l'ensemble des pièces et fichiers ayant pu être effacés et de prendre une copie logique ou physique des disques durs ou de tout autre support informatique analysés afin de procéder de manière différée en son étude à la recherche sus visée,
Autorisons l'huissier de justice, si nécessaire, à procéder à l'extraction des disques durs de des unités centrales des ordinateurs concernés, à leur examen à l'aide d'outils d'investigation de son choix, puis à la remise en place de ces disques durs dans leur unité centrale respective après en avoir pris copie, Autorisons l'huissier de justice, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume, ou en cas de difficulté rencontrée dans l'accès aux supports informatiques à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée, afin de pouvoir procéder, de manière différée, avec l'aide des techniciens et/ou experts en informatique, à l'ensemble des recherches et analyses ci-dessus,
Disons qu'en cas d'analyse différée, les techniciens et / ou experts en informatique devront établir une note technique établissant la traçabilité de leurs opérations et détruire leurs fichiers de travail après réalisation de leur mission.
- prononcer la nullité des opérations de constat effectuées en exécution des dispositions sus- visées ;
- enjoindre à l'huissier de leur restituer les documents, informations et fichiers copiés / reproduits / obtenus et les supports, l'huissier instrumentaire devant dresser procès-verbal de cette formalité et l'adresser aux parties en litige ;
A titre infiniment subsidiaire,
- ordonner le maintien sous séquestre entre les mains de l'huissier des documents et informations saisis, dans l'attente d'une décision définitive statuant le litige relatif à l'applicabilité de la clause de non-concurrence insérée le contrat de travail de M. L. du 1er octobre 2015 ;
- condamner la société Efor Healthcare Paris à leur verser, à chacun, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de leurs demandes, la société LSI MD et M. L. font valoir en substance :
- qu'une mesure d'instruction in futurum ne peut être sollicitée qu'avant tout procès ; qu'en l'espèce, une instance prud'homale toujours pendante a été engagée antérieurement ; qu'il existe une identité d'objet entre les deux procédures portant sur l'application de la clause de non-concurrence lors du départ du salarié et une identité de parties ;
- que les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction ne sont pas caractérisées ;
- que les mesures ordonnées portant sur l'ensembles des systèmes d'information de la société LSI MD ne sont pas admissibles et sont disproportionnées ; que les mots-clés choisis permettent un audit complet de l'activité commerciale de la société, qu'il s'agisse des mots-clés "Prospects", pour laquelle la concurrence s'exerce librement entre les opérateurs, ou des mots-clés "Clients" ; que l'huissier de justice a pu accéder aux relevés bancaires de la société, aux compte rendus d'activité et à leur synthèse, aux tableaux des suivis financiers, aux fichiers factures, aux tableaux de référence professionnelle des candidats rencontrés ; qu'il en est de même pour les mots-clés retenus pour la boîte e-mail personnelle de M. L. ; qu'aucune limite dans le temps n'a été fixée ;
- que le motif légitime n'existe pas ; que les actes de concurrence déloyale dénoncés par démarchage de la clientèle de la requérante et embauche de personnel n'existent pas ; que M. L. n'a pas violé sa clause de non-concurrence qui n'avait plus d'effet à la rupture de son contrat de travail ; qu'il a transféré des données de l'entreprise pour se défendre dans le cadre de l'instance prud'homale ; que les salariés visés par le prétendu débauchage déloyal ont quitté l'entreprise d'eux-mêmes et n'ont pas rejoint la société LSI ;
- que la société LSI MD n'a pas plus déstabilisé la société Efor Paris en détournant des consultants candidats à l'embauche, alors que les sociétés de conseils sont amenées à contacter les mêmes candidats ; qu'elle n'a pas non plus détourné des clients de la requérante ; que la plupart des missions sont soumises à un appel d'offre ;
- que la société Efor Healthcare Paris a continué sa croissance depuis le départ de M. L. ;
- subsidiairement, que la seconde partie des mesures ordonnées devra être rétractée ;
- qu'à titre infiniment subsidiaire, la mesure de séquestre devra être maintenue dans l'attente d'une décision définitive sur le litige relatif à l'applicabilité de la clause de non-concurrence.
Dans ses conclusions transmises le 23 avril 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Efor Healthcare Paris, intimée, demande à la cour de :
- dire et juger infondé l'appel interjeté par M. L. et par la société LSI MD Paris à son encontre et contre l'ordonnance du 17 octobre 2018 ;
- dire et juger que l'instance au fond en concurrence déloyale à l'encontre de la société LSI MD Paris en vue de laquelle la mesure a été sollicitée n'était pas engagée à la date de la requête et n'a pas encore été engagée à ce jour, de sorte que la condition de l'article 145 était parfaitement respectée ;
- que les circonstances concrètes et propres au cas d'espèce ont été parfaitement caractérisées et longuement développées dans la requête et que celles-ci justifient effectivement qu'il soit dérogé au principe de la contradiction ;
- que le motif légitime à solliciter qu'une mesure soit ordonnée, afin de conserver et d'établir les faits dont dépendra la solution de l'action en concurrence déloyale qui sera ultérieurement engagée contre la société LSI MD Paris, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle et devant une juridiction consulaire, ne se confond pas avec la démonstration de cette concurrence, puisque tel est l'objet de la mesure sollicitée, et est en l'occurrence suffisamment établi ;
- que les mesures ordonnées, sous l'égide et le contrôle du tribunal de commerce de Nanterre, ne portent nullement atteinte aux droits de la société LSI MD Paris et sont communément admises par la jurisprudence ;
En conséquence,
- débouter la société LSI MD Paris et M. L. de l'intégralité de leurs conclusions, prétentions, fins et moyens ;
- confirmer l'ordonnance du 17 octobre 2018 dans toutes ses dispositions ;
En toutes hypothèses,
- dire et juger qu'il n'y a donc pas lieu à rétractation ;
- constater qu'elle ne s'oppose évidemment pas si besoin à une modification de l'ordonnance, par une précision de la mission de l'huissier de justice, tendant :
- à écarter tout document antérieur au 12 mai 2014, date d'entrée de M. L. au sein du groupe Efor,
- à écarter des résultats de la recherche les relevés de comptes bancaires ou à tout le moins que toute information y figurant et ne correspondant pas à la recherche soit dissimulée,
- à écarter des résultats de la recherche les comptes rendus d'activité mensuels et autres documents de synthèse mensuels, tableaux de suivi financier ou de synthèse des candidats à l'embauche reçus invoqués par les appelants, si tant est qu'ils aient existé à la date du 11 juin 2018, qui compileraient des informations autres que celles visées par les mots clés de la requête soient écartés de la recherche par l'huissier instrumentaire, si tant est que de tels fichiers existent et s'il ne l'a pas déjà fait ;
- condamner la société LSI MD Paris et M. L. à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Efor Healthcare Paris fait valoir principalement :
- que la condition de l'absence de tout procès au fond est remplie ; que l'action engagée devant le conseil de prud'hommes est distincte ; que la mesure d'instruction est sollicitée en vue d'une instance en concurrence déloyale à l'encontre de la société LSI MD qui n'est pas partie à l'instance prud'homale ;
- que la requête de 27 pages expose de manière précise et détaillée les circonstances concrètes et propres au cas d'espèce justifiant la dérogation au principe de la contradiction ; qu'il est démontré le risque de dépérissement des preuves et la nécessité d'un effet de surprise au regard de plusieurs faits ;
- qu'elle justifie d'éléments rendant crédibles une situation de concurrence déloyale à travers les conditions dans lesquelles M. L. a démissionné, a créé une société directement concurrente, a détourné des données de l'entreprise, a altéré les données informatiques de la société avant son départ, a détourné des ressources humaines de la société et des consultants candidats à l'embauche ainsi que des clients ;
- que les mesures ordonnées ne sont pas disproportionnées puisqu'il s'agit de déterminer si des anciens salariés de la société Efor ont été débauchés par les nouvelles structures de M. L., si les candidats à un poste de consultant qui n'ont pas donné suite au processus de recrutement ont été débauchés par M. L., si les sociétés qu'il a prospectées quand il était encore en fonction sont aujourd'hui ses clientes, si des clients de la société Efor ont été détournés ; que les mesures ordonnées sont encadrées dans le temps et par des mots-clés ; que la requête n'est nullement exploratoire ;
- qu'à supposer que des relevés de compte bancaires, ou des comptes rendus d'activité des consultants et leur synthèse, ou des tableaux de suivi financier, aient pu être extraits, il est possible de prévoir que l'huissier de justice devra exclure des résultats de sa recherche ces éléments ;
- que le maintien du séquestre jusqu'à l'issue de l'action en concurrence déloyale n'a aucun sens puisque la mesure d'instruction n'a d'utilité qu'en vue d'être utilisée pour cette action.
La SCP V. et associés, huissiers de justice, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 20 novembre 2018 par remise de l'acte à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
La clôture a été prononcée le 22 mai 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à ce qu'il soit 'dit et jugé' en ce qu'elles constituent des moyens et non des prétentions.
I- Sur le bien-fondé de la requête
Selon l'article 145 du Code de procédure civile, "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".
Le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile et tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.
L'urgence n'est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 ; l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre de la mesure sollicitée, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.
A- l'absence d'instance au fond
L'absence d'instance au fond constitue une condition de recevabilité de la demande formée en application de l'article 145 du Code de procédure civile et doit s'apprécier à la date de saisine du juge.
Les appelants font valoir de manière inopérante que la société Efor Healthcare Paris reproche à M. L. d'avoir violé la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail signé le 1er octobre 2015 ce qui a motivé sa demande de mesure d'instruction probatoire, alors qu'un procès prud'homal a précisément été engagé par M. L. antérieurement au dépôt de la requête pour faire juger que cette clause de non-concurrence n'était plus en vigueur à la date de sa démission, dès lors que la requête évoque à plusieurs reprises l'éventualité d'un procès au fond en concurrence déloyale à l'encontre de la société LSI MD, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, et la nécessité avant de saisir le juge du fond de rechercher des éléments permettant d'établir la réalité et l'ampleur des actes de concurrence déloyale.
Il n'existe aucune identité d'objet et de parties entre le procès au fond futur en concurrence déloyale qui n'a pas pour fondement le non-respect de la clause contractuelle de non-concurrence et le procès prud'homal déjà engagé opposant seulement M. L. à son employeur au titre de son contrat de travail, étant relevé que le juge de la requête a eu connaissance de l'existence de l'instance prud'homale en cours, dont il est fait mention expresse dans la requête.
La mesure d'instruction sollicitée par voie de requête portant sur un litige futur distinct du litige prud'homal et n'opposant pas les mêmes parties, la condition tenant à l'absence d'instance au fond était donc remplie à la date du dépôt de la requête, laquelle était recevable.
Il n'y a donc pas lieu à rétracter l'ordonnance sur requête pour ce motif.
B- la nécessité de déroger au principe de la contradiction
Selon l'article 493 du Code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Les mesures d'instruction prévues à l'article 145 du Code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.
Le juge saisi d'une demande de rétractation statue sur les mérites de la requête en se prononçant, au besoin d'office, sur la motivation de la requête ou de l'ordonnance justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, motivation qui doit s'opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.
En l'espèce, la requête énonce, en page 18, que la "voie non contradictoire" de la requête s'impose "compte tenu des faits de concurrence déloyale dont la société LSI MD Paris s'est à l'évidence rendue coupable et du risque très important de déperdition des éléments de preuve, si cette société était avisée à l'avance du constat sollicité.
Il est en effet évident, au vu des circonstances concrètes et propres au cas d'espèce précédemment décrites et du comportement de M. Richard L., que si la société LSI MD Paris était avisée de la date à laquelle un constat serait réalisé dans ses locaux et de la teneur des documents sur lesquels il devrait porter, il y aurait peu de chance que l'huissier qui serait mandaté n'obtienne de grands résultats, dans la mesure où cette société ferait alors tout ce qu'il est possible de faire pour dissimuler et faire disparaître les éléments qui seraient compromettants.
Il est au contraire essentiel au succès de la mesure ordonnée que la société LSI MD Paris n'en soit pas avisée préalablement, afin qu'elle ne fasse pas disparaître les documents susceptibles de mettre en évidence les faits dénoncés par la société Efor Healthcare Paris".
L'ordonnance, qui vise la requête et les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête, mentionne "que la nécessité de solliciter la mesure de façon non contradictoire est justifiée eu égard au risque évident de déperdition des éléments de preuve nécessaires à l'action envisagée, en cas de débat contradictoire avec la société LSI MD Paris".
Si la seule invocation d'un risque de destruction de documents et fichiers sur supports informatiques relève de l'affirmation de principe et constitue un motif de portée générale susceptible d'être appliqué en toutes circonstances, en revanche, le risque visé fait l'objet de précisions propres à l'espèce, la requérante invoquant et justifiant de ses craintes que son ancien salarié, M. L., qui a constitué une société directement concurrente de la sienne, et dont elle soupçonne notamment qu'il a détourné des données de l'entreprise qui l'employait par des transferts de documents professionnels internes vers son adresse mail personnelle et débauché ses salariés, dissimule ou détruise des documents litigieux faisant ainsi perdre aux mesures ordonnées toute leur efficacité.
Par de tels motifs, la société requérante a donc suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction.
C- l'existence d'un motif légitime
Il résulte de l'article 145 que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu'il doit justifier d'éléments rendant crédibles les griefs allégués.
Au soutien de sa requête visant à rechercher les éléments de preuve nécessaires à une action en responsabilité délictuelle et en indemnisation de ses préjudices, la société Efor Healtcare Paris dénonce des actes de concurrence déloyale par utilisation de ses ressources internes pour constituer une société directement concurrente, détournement et altération de ses données informatiques et détournement de ses ressources humaines et de ses clients.
Il est constant que M. L. a créé le 23 janvier 2018, soit peu après son départ de la société Efor Healthcare Paris le 17 novembre 2017, la société LSI Medical Devices Paris devenue LSI MD Paris le 3 avril 2018, avec une activité strictement identique à celle de son ancien employeur, s'adressant aux industriels du secteur pharmaceutique, en ayant enregistré un nom de domaine dès le 17 octobre 2017 lui permettant de disposer d'un site internet dès la création de sa société pour faire la promotion de son activité ; qu'il a constitué une autre société intervenant dans le même domaine dès le 21 novembre 2017, la société Life Sciences industries Paris devenue LSI Pharma Paris ; que les deux sociétés sont établies à la même adresse.
Il n'est pas contesté que M. L. a procédé à des transferts de documents internes à l'entreprise depuis son adresse professionnelle [...] vers son adresse mail personnelle [...] ; que l'audit informatique auquel s'est livré la requérante le 13 décembre 2017 a révélé le transfert de documents dès le 29 décembre 2016, soit bien avant le départ de l'entreprise de M. L. ; que si l'appelant justifie ces transferts par la nécessité de conserver des documents pour l'exercice de ses droits en tant que salarié vis à vis de son employeur, dans le cadre d'un contentieux prud'homal, il doit être relevé, d'une part, qu'à la date à laquelle les premiers transferts ont été réalisés, aucune rupture du contrat de travail n'était intervenue, et d'autre part, que certains documents n'ont aucun rapport avec la nécessité de préserver ses droits de défense, puisque figurent parmi ces documents la stratégie de l'entreprise pour l'année 2017 (transfert du 29 décembre 2016), un document interne intitulé "progresser en tant que dirigeant", une proposition technique et financière à destination d'un client ainsi que des modèles de tableaux permettant de gérer les frais professionnels, ces agissements pouvant constituer des indices plausibles d'une préparation par M. L. de son départ et de sa volonté d'utiliser les ressources internes de son employeur pour en tirer profit dans le cadre de la société qu'il envisageait de créer.
En outre, et sans être utilement contredite, la requérante invoque une altération des données de l'entreprise par M. L., sur le logiciel de gestion de la relation client (CRM), laquelle est attestée par le responsable informatique qui relate précisément ses constatations et investigations et indique avoir constaté des "différences entre les données restaurées et le fichier Excel dont faisait état Richard L.".
Par ailleurs, nonobstant le "turn-over" dans ce secteur d'activité dont se prévalent les appelants, qui n'est pas démontré, il est établi que dix salariés ont démissionné de l'entreprise Efor Halthcare Paris à une époque contemporaine de la démission de M. L. et de la création de ses deux sociétés, dont certains ont rejoint la société LSI MD et qu'en particulier :
Mme Audrey V., assistante RH (ressources humaines), qui a pu avoir accès aux données relatives aux ressources humaines, aux candidats à un poste de consultant et aux données financières, qui était en contrat de professionnalisation reconduit du 31 juillet 2017 au 31 juillet 2018, a démissionné le 9 février 2018 en mentionnant son embauche par la société LSI,
Mme P. chargée du recrutement, a quitté l'entreprise le 4 août 2017,
M. L., consultant au sein de Efor, a donné sa démission le 26 juillet 2017 pour partir vivre à Nantes, mais a accompli des missions pour le compte de la société LSI en lien avec Mme V., salariée de cette société,
M. C., consultant, a quitté l'entreprise le 24 janvier 2018 et si M. L. indique ne pas le connaître, il a toutefois obtenu une attestation de cette personne dès le 15 juin 2018, soit quatre jours après les opérations de constat,
Mme R., consultante, a démissionné le 13 novembre 2017,
M. T., consultant, a démissionné le 8 août 2017, et s'il a rejoint l'APHP comme il l'atteste, il mentionne toutefois collaborer occasionnellement avec LSI en tant que "freelance",
Mme D. a quitté au mois de mai 2017 la société Efor Lyon et elle est la compagne de M. L.,
M. B. a démissionné le 6 novembre 2017 et a rejoint la société LSI.
Enfin, il existe des faits rendant plausible la suspicion de détournement des consultants candidats à l'embauche à travers les éléments produits aux débats, concernant :
- Mme V., qui avait commencé un processus de recrutement avec la société Efor Healthcare, a été contactée par LSI et embauchée en contrat de travail à durée indéterminée,
- Mme M., également contactée par LSI,
- Mme V., M. C. et M. B.,
- et Mme N., effectivement engagée par LSI,
et de détournement de certains clients, tels que la société Sanofi Le Trait, la société Roquette, la société Novo Nordisk, prospect de M. L. quand il travaillait chez Efor et la société Aspen (mission LSI), étant rappelé qu'à ce stade de la procédure, il importe peu que la réalité des tous les faits dénoncés et suspectés ne soit pas établie, ce qu'opposent de manière inopérante les appelants pour contester l'existence d'un motif légitime au soutien de la mesure probatoire sollicitée.
L'ensemble de ces éléments constitue en revanche un faisceau d'indices rendant plausibles les griefs de concurrence déloyale susceptibles d'engager la responsabilité de la société LSI MD Paris, de sorte que la société Efor Healthcare Paris justifie d'un motif légitime à vouloir démontrer, par les mesures requises, qu'elle est victime, à travers le détournement de ses données et la captation de ses ressources humaines, d'une volonté de M. L. et de sa société LSI MD Paris de se développer en lui portant préjudice par l'utilisation de son savoir-faire et de ses ressources, le procès au fond envisagé pour concurrence déloyale n'étant pas manifestement voué à l'échec.
D- l'étendue des mesures ordonnées
Au sens de l'article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du Code de procédure civile et elles ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur.
Le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.
Enfin, le juge de la rétractation peut modifier la mission en la complétant ou l'amendant afin qu'elle soit limitée dans son étendue et dans le temps, conformément à l'article 149 du Code de procédure civile.
La mission confiée à l'huissier de justice, autorisé à se faire assister de tout expert en informatique, comporte un premier volet de recherche relatif à l'éventuelle embauche par la société LSI MD d'anciens salariés et de candidats à un poste de consultant au sein de la société Efor Healthcare Paris qui n'ont pas donné suite au processus de recrutement, lequel n'est pas critiqué par les appelants.
La suite de la mission confiée à l'huissier de justice, qui est en revanche contestée, est libellée ainsi :
- Rechercher, prendre copie ou extraire :
a) Tout document, fichier, correspondance, e-mail ou dossier, même effacé, sa restauration étant alors autorisée,
b) Qui figure :
- Dans tous les serveurs informatiques de documents (externes ou internes, accessibles à distance ou non) de la société LSI MD PARIS,
- Dans tous les serveurs informatiques de messagerie externes ou internes, accessibles à distance ou non) de la société LSI MD Paris,
- Dans tous autres supports de données informatiques ou numériques (externes ou internes, accessibles à distance ou non) tels qu'ordinateurs fixes ou portables, disques durs externes ou internes, clés USB, CD-Rom, smartphones de la société LSI MD Paris et de M. Richard L., détenu à titre professionnel,
- Dans tous agendas ou calendrier professionnel, sur quelque support que ce soit et notamment support papier, informatique ou numérique, utilisé individuellement ou en mode partagé, détenus par la société LSI MD Paris,
- Et qui comprend dans son contenu, son titre, son destinataire ou ses propriétés, tout ou partie des mots-clés suivants, relatifs aux prospects de M. Richard L., lorsqu'il était en fonction au sein de la société EFOR HEALTHCARE PARIS :
BIOMET NOVO NORDISK
CERAVER TECHNIP
MACOPHARMA VALDEPHARM
- Et qui comprend dans son contenu, son titre, son destinataire ou ses propriétés, tout ou partie des mots-clés suivants, relatifs aux clients de la société EFOR HEALTHCARE PARIS susceptibles d'avoir été détournés par la société LSI MD PARIS
ASPEN ROQUETTE
BEAUFOUR IPSEN SANOFI
FAREVA SERVIER
c) Sous réserve que la mission ne pourra pas porter sur des éléments, de quelque nature que ce soit et sur quelque support que ce soit, qui porterait les mentions "perso", "personnel", "privé" ou "avocat".
Rechercher, prendre copie et extraire :
a) Une copie de tout document, fichier, correspondance, e-mail ou dossier, même effacé, sa restauration étant alors autorisée,
b) Qui figure :
- Dans le serveur informatique de messagerie [...],
- Et qui comprend dans son contenu, son titre, son destinataire ou ses propriétés, tout ou partie des mots-clés suivants
Efor Paris Amandine F.
Efor Paris Anaëlle G.
Efor Group Anne R.
Efor Consultants Arnaud S.
Olivier Remini Guillaume Le C.
Mathieu Roger Manon L.
Jérémy Thierry A. V.
Jean Hee Régis L.
Bastien C. Sarah D.
Pauline Alexandre Thomas B.
Pierre-Yves Duvaleix Juliette P.
Il est tout d'abord reproché par les appelants l'absence de limite dans le temps fixé pour la mesure.
Toutefois, comme le souligne la société intimée, les recherches concernent une société créée en janvier 2018 qui avait environ cinq mois d'activité à la date des opérations de constat le 11 juin 2018.
Si en revanche la recherche à travers les mots-clés utilisés, notamment sur la messagerie personnelle de M. L., peut permettre d'appréhender des données antérieures à son arrivée dans les effectifs de la société Efor Healthcare Paris, une précision doit être ajoutée à la mission de l'huissier sur ce point, comme le suggère l'intimée, afin de limiter utilement les recherches aux données postérieures au 1er octobre 2015, date d'embauche de M. L. par la société Efor Healthcare Paris.
Les appelants soutiennent également que les mesures ordonnées sur les deux volets de recherche sus visés conduisent à un audit de l'activité commerciale et de la situation financière de la société LSI MD Paris.
La cour relève que la recherche porte en premier lieu sur les prospects de M. L. lorsqu'il était en fonction au sein de la société Efor Healthcare Paris afin de connaître s'ils sont aujourd'hui clients de sa société, et sur des clients de la société Efor susceptibles d'avoir été détournés par M. L. au profit de sa nouvelle société.
Ces recherches sont ciblées en ce qu'elles sont limitées à chaque fois à six noms de sociétés et qu'il est expressément prévu que sont exclus de la recherche les éléments comportant les termes "perso", "personnel", "privé" et "avocat".
La recherche porte en second lieu sur un nombre limité de personnes que M. L. est susceptible d'avoir débauché et aux échanges avec ces personnes contenus dans sa messagerie personnelle.
Il est allégué que ces recherches, malgré un nombre limité de mots-clés, permettent d'accéder à :
- l'intégralité des relevés bancaires de la société
- les comptes-rendus d'activité des consultants synthétisés dans un document récapitulatif mensuel dès lors qu'ils mentionnent le nom du client et le nom du consultant,
- les tableaux des suivis financiers dès lors qu'ils mentionnent le nom d'un consultant et qui comportent le nom de tous les clients de la société,
- tous les fichiers générant les factures dès lors que le nom d'une société, d'un candidat ou d'un prospect figurant parmi les mots-clés se trouve dans l'un des onglets,
- les tableaux des notes de frais des consultants,
- les tableaux de référence professionnelle de tous les candidats rencontrés qui mentionnent les sociétés dans lesquelles ils ont travaillé,
- le tableau des candidats non validés.
La cour relève à titre liminaire que la société Efor Healthcar Paris, bien que contestant les griefs soulevés par les appelants et l'existence même de certains documents invoqués, ne s'oppose pas à ce que les relevés de compte bancaire, les comptes-rendus d'activité mensuels et autres documents de synthèse mensuels, tableaux de suivi financier, les tableaux de synthèse des candidats à l'embauche, les tableaux synthétisant les notes de frais des consultants soient exclus de la recherche.
Le caractère disproportionné de la mesure ne saurait résulter du constat non contradictoire dressé le 14 février 2019 par maître D., soit plusieurs mois après les opérations de constat du 11 juin 2018, et notamment des occurrences relevées par l'huissier de justice ressortant d'un mot-clé, qui sont nécessairement plus nombreuses en raison de l'adjonction et la création de fichiers nouveaux postérieurement à la date des opérations de constat.
Enfin le volume des courriels obtenus par la recherche sur la messagerie de M. L. ne constitue pas une contestation pertinente puisque ce dernier a expressément reconnu qu'il avait dupliqué sa boîte mail professionnelle Efor sur sa boîte personnelle avant de quitter l'entreprise.
En conséquence, l'ordonnance sur requête du 29 mai 2018 n'a pas lieu d'être rétractée.
La mission confiée à l'huissier de justice doit être revanche modifiée dans les termes précédemment énoncés.
L'ordonnance déférée rendue le 17 octobre 2018 sera donc confirmée du chef du rejet de la demande de rétractation sauf à modifier la mission confiée à l'huissier de justice par l'ordonnance sur requête du 29 mai 2018.
Un nouveau procès-verbal des diligences accomplies en application des dispositions du présent arrêt devra être établi par la SCP V. et Associés.
En l'absence de rétractation de l'ordonnance sur requête et de perte subséquente de fondement juridique de la mesure d'instruction ordonnée, les demandes tendant à la nullité partielle des opérations de constat et à la restitution des documents appréhendés, extérieurs à la mission telle que définie par la cour, sont irrecevables, ces demandes relevant en outre du contentieux de l'exécution de la mesure d'instruction qui n'entre pas dans les pouvoirs du juge de la rétractation.
II- Sur la demande de maintien du séquestre
L'ordonnance sur requête désigne l'huissier de justice comme séquestre des pièces obtenues en exécution de sa mission, pour une durée de quinze jours à compter de l'accomplissement de sa mission pour permettre à la société ayant fait l'objet du constat d'assigner la requérante aux fins de rétractation et dit qu'en l'absence de saisine en rétractation, l'huissier instrumentaire remettra à la requérante l'ensemble des pièces saisies.
Les appelants sollicitent que les documents appréhendés soient maintenus sous séquestre dans l'attente d'une décision définitive statuant sur le litige relatif à l'applicabilité de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail du 1er octobre 2015 de M. L..
La cour relève à titre liminaire que la demande est modifiée en appel, le premier juge ayant statué sur la demande de maintien sous séquestre dans l'attente d'une décision définitive statuant sur l'action en concurrence déloyale initiée par la société Efor Healthcare Paris à l'encontre de la société LSI Pharma Paris et rejeté cette prétention.
Toutefois, l'instance en rétractation, prévue par l'article 497 du Code de procédure civile, a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.
En outre, le juge de la rétractation n'est pas juge de l'exécution des mesures ordonnées.
Dès lors est irrecevable devant la cour, statuant en matière de rétractation, la demande tendant au maintien de la mesure de séquestre.
III- Sur les autres demandes
L'ordonnance du 17 octobre 2018 sera confirmée pour le surplus.
Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les parties seront déboutées de leurs prétentions respectives à ce titre.
Les appelants supporteront la charge des dépens d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, Confirme l'ordonnance rendue le 17 octobre 2018 sauf à modifier la mission confiée à l'huissier de justice et sauf en ce qu'elle a rejeté la demande subsidiaire de maintien sous séquestre entre les mains de l'huissier des documents et informations saisis, dans l'attente d'une décision définitive statuant sur l'action en concurrence déloyale initiée par la SAS Efor Healthcare Paris, Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit que la mission confiée à la SCP V. et Associés, huissiers de justice, doit être limitée selon les modalités suivantes : - la recherche doit s'opérer à compter du 1er octobre 2015, date d'embauche de M. L. par la société Efor Healthcare Paris, - la recherche doit exclure les relevés de compte bancaire de la société LSI MD Paris et l'ensemble des fichiers mensuels de synthèse : les comptes-rendus mensuels d'activité, les tableaux de suivi financier, les tableaux de synthèse des candidats à l'embauche, validés et non validés, de notes de frais des consultants, Dit que la SCP V. et Associés, huissiers de justice, devra établir un nouveau procès-verbal des diligences accomplies en application des dispositions du présent arrêt, Dit irrecevables les demandes tendant au prononcé de la nullité partielle des opérations de constat et à la restitution des éléments recueillis par l'huissier de justice extérieurs à la mission définie par la cour, Déclare irrecevable la demande tendant au maintien du séquestre, Dit que pour le surplus les dispositions de l'ordonnance sur requête du 29 mai 2018 restent inchangées, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Rejette toute autre demande, Dit que M. L. et la société LSI MD Paris supporteront les dépens d'appel.