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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 4 septembre 2019, n° 18-01569

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

F.G. (SRL)

Défendeur :

Arena Production (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Penavayre

Conseillers :

Mme Truche, M. Sonneville

T. com. Toulouse, du 22 févr. 2018

22 février 2018

FAITS ET PROCEDURE

La société Arena Production est une société ayant pour objet la réalisation et la production de spectacles de cirque.

Ayant besoin d'acquérir un nouveau chapiteau elle s'est rapprochée du groupe FG SRL, Société de droit italien spécialisé dans la construction de chapiteaux et de gradins.

Un " contrat pour fourniture de matériel " concernant notamment deux chapiteaux de 46 mètres et 38,5 mètres et un gradin modulaire, a été émis par la société FG SRL le 19 octobre 2012 pour un montant de 435 000 €, outre matériel et prestations complémentaires ajoutés pour 35 040 €, payable en 3 acomptes et le solde à la livraison.

Suite à la livraison de la marchandise, la société Arena Production a par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er mars 2013, avisé la société FG SRL de malfaçons et non conformités affectant le chapiteau de 38,5 mètres et le gradin ainsi que de difficultés de montage.

Les parties n'ont pu trouver une solution amiable et après vaine mise en demeure de régler les sommes qu'elle considérait lui rester dues, la société FG SRL a, par acte introductif d'instance en date du 5 octobre 2016, attrait la société Arena Production devant le tribunal de commerce de Toulouse en paiement de la somme principale de 90 840 € outre 50 000 € de dommages et intérêts,

100 000 € pour résistance abusive et 4 000 € au fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Arena Production a reconventionnellement, demandé au tribunal de débouter la FG SRL de l'ensemble de ses demandes sur le fondement de l'exception d'inexécution et de la condamner à l'indemniser du préjudice engendré par l'impossibilité d'utiliser les gradins vendus, soit 391 534 € en indemnisation de son préjudice financier, 2 700 000 € en indemnisation de la perte de chiffre d'affaire, et 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 2 février 2018, le tribunal de commerce de Toulouse a :

- condamné la SARL Arena Production à payer à la société FG SRL la somme de 35 040 €,

- débouté la SARL Arena Production de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la FG SRL de ses demandes de dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution de la décision,

- condamné la SARL Arena Production à payer à la société FG SRL la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL Arena Production aux dépens.

La société FG SRL a relevé appel de la décision par déclaration électronique du 3 avril 2018 en ce qu'elle a limité sa créance à la somme de 35 040 €.

Par ordonnance de référé du 24 octobre 2018, le premier président de cette cour a débouté la SARL Arena Production de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures du 12 avril 2019 la société FG SRL demande à la cour de dire et juger l'appel incident de la SARL Arena Production irrecevable, de dire et juger son appel recevable, et de condamner la SARL Arena Production à lui payer :

- la somme en principal de 90 840 € correspondant au reliquat des factures impayées, assortie des intérêts légaux capitalisés à compter du 25 janvier 2015, outre 50 000 € de dommages et intérêts,

- la somme de 100 000 € pour résistance abusive et dolosive,

- la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Et de la condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir que la société Arena Production n'a pas exécuté la décision assortie de l'exécution provisoire de sorte que sa défense et son appel incident sont irrecevables sur le fondement de l'article 526 du Code de procédure civile.

Elle observe que compte tenu de la commande initiale suivant devis du 15 mai 2012 et de la commande supplémentaire, le résultat est bien de 490 840 €, soit 90 840 € restant à payer.

Elle soutient avoir fabriqué les gradins et les chapiteaux selon les directives de sa cliente et de son architecte monsieur T., rappelle que le matériel a été homologué et prétend qu'aucune inexécution ne peut lui être reprochée, la société Arena Production utilisant selon ses besoins les chapiteaux litigieux, ainsi que les autres chapiteaux qu'elle possède.

Aux termes de ses dernières écritures du 28 septembre 2018 contenant appel incident, la société Arena Production demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société FG SRL de ses demandes.

- de la réformer pour le surplus, et statuant à nouveau :

- de débouter la SARL FG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la SRL FG à lui payer la somme de 391 534 € en indemnisation du préjudice financier lié aux frais engagés,

A titre subsidiaire,

- d'ordonner la compensation entre l'indemnité d'un montant de 372 424 € et les sommes pouvant rester dues au regard du contrat,

- de condamner la Société FG SRL au paiement de la somme de 342 384 €,

En tout état de cause,

- de condamner la SRL FG à payer à la société Arena Production la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'elle a commandé un gradin modulable, cette modularité étant une caractéristique essentielle ayant déterminé son consentement, alors que d'une part le gradin livré ne peut être utilisé pour le chapiteau de 38 mètres ce qui constitue une non-conformité contractuelle, d'autre part, que la pente du gradin ne permet pas une visibilité correcte du spectacle, et qu'elle est ainsi en droit d'opposer l'exception d'inexécution.

Elle indique avoir réglé la somme de 400 000 € à laquelle doit être ajoutée la somme de 40 000 € versée à l'origine par la société Zebra Production, la créance de la SRL FG est de 30 040 €, somme qui doit se compenser avec sa propre créance indemnitaire.

Elle ajoute que la commission de sécurité n'intervient qu'au regard des conditions d'accueil du public, et que Monsieur T. n'est intervenu pour son compte que sur l'aspect réglementaire de la construction afin de permettre l'homologation du chapiteau en France, que c'est dans cette seule optique qu'il a validé les plans, mais qu'il n'avait aucune mission de conception, les gradins et les chapiteaux ayant été conçus par la seule société FG SRL.

Elle sollicite en réparation de son préjudice la somme de 177 240 € correspondant à la nécessité d'acquérir un nouveau gradin de 38 mètres, celle de 71 294 € correspondant à l'acquisition et à l'adaptation d'un gradin d'occasion de 46 mètres, et celle de 124 000 € au titre de la location en 2013 et 2014 de chapiteaux afin d'assurer les représentations prévues à Lyon.

La cour pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, se réfère expressément à la décision entreprise et aux dernières conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel incident

Aux termes de l'article 526 du Code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2,909,910 et 911.

La sanction de l'inexécution de la décision est la radiation de l'affaire, qui ne peut être prononcée que par le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état, sur demande de l'intimé présentée dans un délai contraint.

La société FG SRL, appelante principale, ne peut donc sur ce fondement, faire déclarer irrecevables l'appel incident ou les moyens de défense de la société Arena Production.

Sur la créance de la société FG SRL

Bien que non signé, la société Arena reconnaît que le document en date du 19 octobre intitulé " contrat pour fourniture de matériel " émis par la société FG SRL, complétant un précédent document du 15 mai 2012, constitue la base des relations contractuelles.

Il résulte de ces documents que la société Arena Production a commandé deux chapiteaux neufs, l'un d'un diamètre de 46 m et l'autre d'un diamètre de 38,50 m, un chapiteau d'occasion " presque neuf à en tête de l'entreprise Zebra (déjà payé) " d'un diamètre de 36 m, une tente d'accueil et divers matériels de piste, ainsi qu'un gradin modulaire fonctionnant sur chapiteau de 38,5 et 46 mètres.

Le prix convenu est de 435 000 € sans détail de prix des éléments listés, auxquels sont ajoutés :

- deux auvents, des pinces d'ancrage, une piste en aluminium de 13 mètres et 150 barrières, pour 12 500 €,

- une modification du chapiteau de 46 mètres, pour 12 900 €,

- 150 pinces d'ancrage pour 3 000 €,

- le coût du transport de chaque chapiteau, soit 2 290 € pour le transport du chapiteau de 36 mètres à Montpellier, 2 250 € pour le transport du chapiteau de 38,5 mètres à Aimargues, outre le prix de chaque transport du chapiteau de 46 mètres, soit 2 100 € pour Lyon, et 1800 € pour Marseille.

La société Arena Production retient 6 640 € de transports, soit 2 290 € + 2 250 € + 2 100 €, soit un total de 470 040 €.

La société FG SRL y ajoute, selon mail du 20 mai 2013, 4 marteaux piqueurs transport inclus pour 8 100 €, 3 autres transports à Lyon soit 6 300 €, le transport d'une tente à Montpellier pour 1 650 €, un transport à Marseille pour 1 400 €, un transport à Bordeaux pour 1 900 €, et une extension des tubes pour marteaux piqueurs pour 1 450 €, parvenant ainsi à un total de 490 840 €.

L'échéancier de paiement figurant au contrat du 10 octobre 2012 prévoit :

- 40 000 € acompte déjà reçu (Zébra production SARL pour 36 mètres à solder notre facture 107),

- 100 000 € notre deuxième acompte reçu (à solder notre facture numéro 126),

- 50 000 € troisième acompte reçu (à solder notre facture numéro 202),

- 150 000 € à la livraison du 46 mètres,

- 50 000 € + frais de transport,

- 73 400 € à....

Soit un total de 463 400 € outre frais de transport, ce qui, avec les 6 640 € que la société Arena reconnaît devoir à ce titre, fait bien 470 040 €.

Le 25 mai 2012, la société FG SRL a émis à l'encontre de la société Zebra SARL, à destination du cirque Medrano à Aimargues, une facture 107 d' " acompte reçu sur notre prochaine fourniture de chapiteau 36 mètres ", avec la référence " cirque Médrano ". La facture 157 du 6 juillet 2012, adressée à la société Zebra SARL pour la fourniture d'un chapiteau 36 mètres, est acquittée par déduction de la " facture acompte n° 107 du 23/05 ". L'extrait de compte du client Zebra Production SARL versé aux débats est conforme à cette facturation et à ce règlement.

L'extrait de compte du client Arena produit par la société FG SRL mentionne bien le paiement des acomptes de 100 000 € et 50 000 € les 19 juin et 26 septembre 2012, puis un paiement des factures émises le 31 octobre 2012 pour 60 000 € (facture 235 : acompte sur fournitures chapiteaux et gradins selon offre du 15 mai 2012 et 10 000 € d'acompte pour marteaux piqueurs et transports), puis le 20 novembre 2012 pour 50 000 € (facture 235 : acompte sur fournitures chapiteaux et gradins selon offre du 15 mai 2012), puis le 30 novembre 2012 pour 50 000 € (facture 268 : acompte sur fournitures chapiteaux et gradins selon offre du 15 mai 2012), soit un total encaissé de 310 000 €.

Un dernier versement de 50 000 € est enregistré le 31 janvier 2013.

La société Arena ne justifie pas s'être acquittée d'une somme supérieure.

Parallèlement, le 30 septembre 2012 est émise une facture 222 de 80 000 € concernant le chapiteau de 38,5 mètres, soldée par imputation de 80 000 € des acomptes versés.

Le 30 novembre 2012 est émise une facture 248 de 140 840 €, concernant le chapiteau de 46 mètres, la tente, les gradins, les tapis, les tunnels, des pinces d'ancrage, 4 marteaux piqueurs (martelli per pichetti) ainsi que des transports variés (4 Lyon+Montpellier+Marseille+Bordeaux), pour un montant total de 370 840 €, non détaillé quant au prix de chaque élément facturé, dont sont soustraits le reste des acomptes versés avant le 30 novembre 2012 pour 230 000 €.

Le total du matériel objet des factures 222 et 248 est de 370 840 €+80 000 €= 450 840 € n'incluant pas le chapiteau facturé à la société Zebra, en sont déduits 360 000 € de versements de la société Medrano, n'incluant pas le réglement de la société Zebra, soit le solde réclamé de 90 840 €.

Si l'on ajoute la facture 107 acquittée par la SARL Zebra, le total facturé est de 490 840 €, dont à déduire les 4 0000 € que la société FG SRL reconnaît avoir reçu, et le résultat est identique.

La société Arena ne peut donc valablement soutenir que la somme de 40 000 € versée par la société Zebra n'a pas été prise en compte.

Elle s'est par ailleurs acquittée sans protester de l'acompte qui lui était demandé pour la commande des marteaux piqueurs.

La société FG SRL verse par ailleurs aux débats 7 CMR concernant des livraisons de matériel de cirque au cirque Medrano, soit 4 des 2, 3, 7 (gradins) et 13 novembre 2012 à Vaux En Velin (69), soit la banlieue lyonnaise, un du 21 novembre 2012 à Montpellier, deux du 5 décembre 2012 à Bordeaux et Marseille, et il résulte d'un mail du 22 octobre 2012 que le prix annoncé pour les voyages à Lyon et Marseille était un prix par camion.

Le premier courrier, envoyé en recommandé le premier mars 2013 par la société Arena à la société FG SRL concerne uniquement les malfaçons.

En réponse au mail du 21 mai 2013 par lequel la société FG SRL reprenait le détail de la facturation, incluant d'une part le montant initial de 435 000 € comprenant donc le chapiteau de 36 mètres, d'autre part les prestations ajoutées comprenant notamment les marteaux piqueurs et les différents trajets pour parvenir à un total de 490 840 €, et évoquait des virements reçus à hauteur de 400 000 €, la société Arena dans un courrier du 25 mai 2013, n'a pas contesté pas l'existence des prestations facturées, annonçant des justificatifs de paiement, et se plaignant de l'inutilisabilité du matériel.

Lors des tentatives de solution amiable, la société Arena a admis sur l'insistance de la société FG SRL que le reliquat de créance de 90 840 € était la base des négociations.

En conséquence, la société FG SRL rapporte la preuve du bienfondé de sa facturation, alors que de son côté, la société Arena ne justifie pas du paiement du reliquat à concurrence de 90 840 €. Sous réserve du bienfondé de l'exception d'inexécution qui sera examinée ci-après avec les demandes reconventionnelles, la société FG SRL peut donc se prévaloir d'une créance à hauteur de ce montant.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur la non-conformité

Il est constant, à la lecture des pièces du dossier (contrat proposé par FG SL, échanges de mails) et des écritures des parties, que les parties avaient convenu de la livraison d'un chapiteau de 46 mètres pouvant accueillir 2 250 spectateurs, d'un chapiteau de 38,5 mètres pouvant accueillir 1 450 spectateurs, ainsi que d'un gradin modulable pouvant s'adapter à chacun des chapiteaux.

Au soutien de son exception d'inexécution et de ses demandes de dommages et intérêts, la société Arena formule les griefs suivants :

- le gradin est de qualité médiocre, ce qui rend impossible les nombreux montages et démontages qui sont impératifs dans le cadre d'une activité itinérante, il n'est pas possible de le monter dans sa configuration de 1 450 places avec le chapiteau fourni car la structure de toile vient alors entraver les accès et voies de circulation des spectateurs, contrairement aux stipulations contractuelles il n'est donc pas modulable,

- la conception même du gradin est défectueuse car il présente une pente trop faible et a pour conséquence une mauvaise visibilité du spectacle.

Elle indique expressément que les problèmes concernant les chapiteaux ont été réglés par la société FG SRL, et observe que la conformité du matériel quant aux conditions d'accueil du public, qu'elle ne conteste pas, ne vaut pas conformité aux stipulations contractuelles, ce qui est exact.

La société FG SRL soutient en premier lieu que les plans ont été validés par l'architecte de la société Arena qui était son préposé et son mandataire à son égard, et tire argument de ce que la société Arena écrit " que le problème n'ait pas été vu par monsieur T. ne dégage pas la responsabilité du fabriquant ".

Monsieur T. est architecte DPLG, conseil en sécurité pour l'événementiel, et organisme agrée en vérification technique des CTS (chapiteaux tentes et structures). Il n'est ni mandataire ni préposé de la société Arena.

De nombreux échanges par mail entre monsieur Simone T., ingénieur chez FG SRL, et monsieur T., sont produits, quant à la conformité des plans à la législation française, concernant notamment les accès aux sorties de secours. Un plan des gradins a été envoyé par le premier au second le 13 juin 2012, aux fins " de validation ... en accord avec la législation française ". Dans un mail du 30 juillet 2012, la société FG SRL indiquait attendre une confirmation de l'architecte T. avant de commencer les travaux de réalisation des gradins, et le 14 août 2015, ce dernier lui a donné son accord pour le gradin " dont les plans et note de calcul sont conformes à la législation française ", demandant une précision quant à la largeur des escaliers mesurée au-dessus des gardes corps, qui lui a été donnée, sa réponse étant " c'est parfait pour moi ".

La teneur de ces échanges, comme la qualification de monsieur T., démontrent que son intervention portait sur la conformité du projet à la législation française, alors que la conception des chapiteaux et des gradins incombait à la société FG SRL, qui ne peut donc s'exonérer de toute responsabilité sur ce point en invoquant l'intervention de monsieur T..

Toutefois, le contrat proposé par FG SRL indiquait : " plancher incliné jusqu'à la piste : inclinaison à confirmer ainsi que le montage et à soumettre à monsieur T. ", l'envoi de dessins étant prévu. Ainsi s'agissant de l'inclinaison la société Arena s'en est remise à l'appréciation de monsieur T., lequel a validé les plans. Elle ne peut donc se prévaloir d'une non-conformité contractuelle concernant l'inclinaison, sauf à démontrer que le gradin réalisé n'est pas conforme aux plans acceptés.

Suite à la livraison intervenue en décembre 2012, les parties ont échangé de nombreux mails et courriers et se sont rencontrés à deux reprises.

Ainsi le 7 février 2013 à l'issue d'une utilisation à Marseille la société Arena a demandé la livraison des 65 fauteuils manquants (25+40 de réserve) pour le festival du cirque à Figueres, et souligné la fragilité des sièges. Puis par mail du 20 février 2013 elle a demandé l'intervention de l'ingénieur de la société FG SRL à Figueres aux fins de démonstration du passage du grand chapiteau au plus petit.

Suite à cette intervention des 25 et 26 février 2013, la société Arena a dans un courrier recommandé du premier mars 2013, reproché à la société FG SRL un montage impossible du gradin sous le chapiteau de 38,5 mètres (non correspondance des gardes du corps, planches et escaliers), une fixation sur le plancher par barres en aluminium susceptibles de céder après plusieurs montages, et le fait que les fauteuils, après avoir été enclenchés sur la barre, tombaient anormalement en avant.

Elle relevait qu'il n'était pas garanti que les modifications proposées permettent une réadaptation dans le 47 mètres.

Il sera observé qu'il n'est pas fait état dans ce courrier d'un problème d'inclinaison du gradin.

La société FG SRL a le 19 mars 2013 répondu que pour plus de sécurité les planches de bois avaient été fixées définitivement sur les profilés en aluminium, et a contesté l'impossibilité de monter le gradin sous le chapiteau de 38,5 mètres, les gardes corps, escaliers et planchers ayant été ajustés lors de la visite.

Par courrier recommandé du 25 mai 2013 répondant à une demande de paiement du solde de la facture, la société Arena indique rappeler ses demandes de communication d'un planning d'intervention pour remédier aux malfaçons, de bénéfice d'un avoir de 90 840 €, et de proposition d'indemnisation en raison du manque à gagner résultant de l'impossibilité d'utiliser les matériels.

Par courrier daté du 13 juin 2013 par lequel le conseil italien de la société FG SRL a rappelé à qu'un premier montage partiel avait été effectué en présence des parties, ainsi que de monsieur T., que rien n'a alors été contesté, et que :

" la garantie n'est plus due parce que l'acheteur a accepté le travail. Bien sûr les vices sont tous évidents en observant le chapiteau et les gradins, donc immédiatement reconnaissable et à nous signaler, et pourtant il suit le déclin et la prescription de vos droits ".

Le 4 juillet 2013, le conseil de la société Arena a mis en demeure la société FG SRL d'établir un planning d'intervention sur le matériel défectueux, ainsi qu'un avoir sur la somme de 90 840 €.

Les parties ont ensuite convenu d'un rendez-vous à Marseille le 6 décembre 2013, afin selon la société FG SRL de vérifier les défauts dénoncés et de rechercher une issue amiable, sous condition de reconnaissance de la valeur résiduelle de l'offre de 90 840 €.

Dans un courrier du 18 décembre 2013, le conseil de la société FG SRL suite à une rencontre à Marseille début décembre 2013, transmet une " possible proposition (technique et financière) pour la solution aux problèmes mis en évidence ".

Il est ainsi proposé, " sans reconnaissance de responsabilité ", et " dans un esprit exclusif réel de conciliation ", d'effectuer des travaux :

- contre paiement du solde des factures pour les premières interventions décrites comme " travail sur votre demande ",

- pour la remise en état des gradins, étant précisé qu' " il faut considérer que les mêmes gradins ne peuvent plus être utilisés pour un chapiteau de 38 mètres ... "', au " prix de faveur " de 58 750 €.

Sont annoncées des pièces jointes, soit des descriptifs de travaux du 12 décembre 2013, et un dessin de conception de modification des gradins, le tout établis par la société FG SRL, qui ne figurent pas aux dossiers des parties, de sorte que la cour ne peut déterminer la nature des travaux et en conséquence des " problèmes " mis en évidence, pouvant en ce qui concerne les gradins, être réglés pour un coût de 58 750 € pour une utilisation du chapiteau de 46 mètres, mais non pour une utilisation du chapiteau de 38,5 mètres.

Après deux relances du conseil de la société FG SRL des 24 janvier et 11 février 2014, et l'annonce par le conseil de la société Arena d'une réponse à cette proposition fin février 2014, la société Arena a elle-même adressé un courrier recommandé à la société FG SRL, reprenant les demandes déjà formulées par courriers des 25 mai et 3 juillet 2013, et se plaignant de ne pouvoir utiliser le gradin avec le chapiteau de 38 mètres, étant dans l'obligation d'acheter un nouveau gradin.

Il ne peut être prétendu au vu de cette chronologie et du contenu des courriers que la société FG SRL a reconnu que le gradin livré n'était initialement pas modulable. Il peut en revanche être considéré comme acquis qu'il le sera pas si les modifications destinées à remédier aux problèmes constatés lui sont apportées, sans que l'on sache s'il s'agit de la fixation des sièges, de la pente du gradin, ou des gardes du corps. Il ne résulte pas davantage de ces courriers reconnaissance d'une pente non conforme aux plans acceptés.

Contrairement à l'inclinaison des sièges, la fragilité des fixations des sièges et la modularité des gradins se constatent à l'usage, et il ne peut être reproché à la société Arena d'avoir soulevé ces difficultés 2 mois après une livraison qui ne vaut en conséquence pas acceptation des défauts allégués.

Afin d'en établir l'existence, la société Arena sur laquelle repose la charge de la preuve, produit un rapport rédigé le 3 mai 2013 par monsieur T. qui, suite à l'examen du gradin et du chapiteau de 46 mètres réalisé le 23 avril 2013, note, concernant le gradin :

- que le système de fixation des sièges est inapproprié (les cornières en aluminium ne reprennent ni les efforts dus au poids du spectateur, ni le bras de levier) et sont non conformes à la législation française (fixation des sièges pour éviter toute possibilité de démontages intempestifs),

- que de nombreux éléments (les A notamment) présentent des parties non ébavurées présentant un danger de coupures tant pour le public que pour les monteurs,

- que la faible inclinaison nuit grandement à la vision du spectacle,

- que la mise en place du garde-corps avant (lorsque les loges ne sont pas installées) empêche la vision correcte pour les spectateurs assis aux 2 premiers rangs.

En outre, la société Arena produit un courrier qui lui a été adressé le 6 mai 2013 par le directeur du festival du cirque de Figuères, faisant état de nombreuses plaintes de spectateurs mécontents de la mauvaise visibilité du gradin, de remboursement de clients et de dégradation de son image de marque, et considérant comme évident que le gradin ne présente pas une inclinaison suffisante. Il ajoute avoir dû acheter 500 socles plastique (facture de 1035 € jointe) pour permettre aux enfants de voir autre chose que le dos du " spectateur d'en face ".

Il n'est par ailleurs versé aux débats par la société Arena aucun constat d'huissier ou expertise quant aux défauts affectant les gradins, mais seulement un constat en date du 7 août 2013 d'utilisation d' anciens chapiteaux et gradins, qui ne prouve pas que ceux qui ont été fournis par la société FG SRL sont inutilisables, la société Arena ayant besoin pour ses spectacles de plusieurs installations, comme en témoigne l'agrément obtenu en 2009 pour un chapiteau de 37 mètres et de gradins pouvant accueillir 1473 personnes, objet de contrôles entre juin et octobre 2013, et la liste des spectacles proposés par le cirque Medrano entre avril et août 2015, 2 spectacles étant parfois proposés le même jour en des lieux différents.

La société Arena ne conteste pas avoir utilisé les chapiteaux de 38,5 mètres et 46 mètres livrés par la société FG SRL pour des spectacles à Lyon en octobre 2014, Nice en avril 2015, et Bordeaux en décembre 2016, mais prétend que les gradins utilisés ont été respectivement loués, acquis en 2015, et acquis en 2016.

Les pièces produites par la société FG SRL ne permettent pas de déterminer si les gradins litigieux ont ou non été utilisés dans ces villes. Il est en revanche constant que les gradins litigieux ont été utilisés à Marseille en décembre 2013, puisque les parties s'y sont retrouvées le 6 décembre 2013, sur proposition de la société FG SRL formulée dans un courrier du 18 novembre 2013, pour le montage des gradins et du chapiteau programmé du 2 au 6 décembre.

En outre, pour un spectacle sur l'hippodrome du Bouscat en décembre 2016, l'extrait du registre de sécurité permis d'apprendre que l'ossature et l'enveloppe textile de 46 mètres utilisées ont été fabriquées par FG SRL, que l'avis sur la solidité à froid a été donné le 25 octobre 2012 pour le chapiteau et les gradins, et que le dernier passage de la commission de sécurité, valable 2 ans, remonte pour le chapiteau comme pour les gradins, au 5 décembre 2014, éléments dont la cour déduit que ce sont bien les gradins fabriqués par la société FG SRL qui sont utilisés.

Pour démontrer la nécessité d'acquérir ou louer des gradins, la société Arena produit :

- des copies de factures d'acquisition d'un gradin de 34/38 mètres auprès de la société Austen Fabrication LTD, pour un montant de 37 177,49£ (soit sur la base du taux de conversion appliqué sur les factures comportant les montants en livres sterling et francs, environ 50 000 €) et 127 240 €, réglé entre juillet 2014 et octobre 2015,

- une copie de facture de location auprès de la société B. d'une tente à Lyon en décembre 2015, pour un montant de 30 000 €,

- une copie de facture émise le 17 novembre 2015 par la société B., pour une vente de 30 000 € dont l'objet n'est pas précisé,

- une copie de facture pro-forma (soit un devis) émise le 6 novembre 2015 pour un montant de 21 294 € par la société A. Carlo pour élargissement du système d'assises, pour être utilisé dans une tente de 46 mètres de diamètre,

- deux copies de factures (acompte initial et solde) de location de tente en novembre 2013, totalisant 62 000 €, l'une des factures supportant une mention manuscrite " location chapiteau ",

- deux copies de factures (acompte initial et solde) de location de tente en novembre- décembre 2014, totalisant 62 000 €, avec les indications location mobilière chapiteau sur l'une, location matériel sur l'autre.

Ainsi il est seulement justifié, en rapport avec la prétendue défectuosité des gradins, de l'acquisition d'un gradin adapté à un chapiteau de 34/38 mètres (et non 38,5 mètres) commandé en juillet 2014 auprès de la société Austen Fabrication LTD, pour un montant de 177 240 €. L'acquisition d'un gradin adapté à un chapiteau de 46 mètres n'est pas justifiée, et la location de gradins pas davantage.

Toutefois comme il a été indiqué plus haut, la preuve de l'absence initiale de modularité des gradins n'est pas rapportée, et la nécessité de travaux de reprise des gradins, pour lesquels la société FG SRL ne reconnaît pas sa responsabilité, ne l'est pas davantage: le rapport de monsieur T. fait état de non-conformité des fixations alors que la commission de sécurité a homologué le gradin et que la SARL Arena indique que le respect des conditions de sécurité n'est pas en cause, il fait également état d'une pente insuffisante et d'une gêne à la vision du fait des gardes corps mais n'évoque pas une non-conformité aux plans qu'il a validés, alors que le gradin est effectivement utilisé sans qu'il ne soit justifié d'autres plaintes que celle du directeur du festival du cirque de Figuères en date du 6 mai 2013.

En conséquence la société Arena ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la non-conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, et sera déboutée de ses demandes reconventionnelles, comme de son exception d'inexécution.

Sur les autres demandes

La défense a une action en justice constitue un droit qui n'est susceptible de dégénérer en abus susceptible de justifier l'allocation de dommages et intérêts que si elle est exercée avec malice ou mauvaise, insuffisamment caractérises en l'espèce.

La société Arena, qui succombe, supportera la charge des dépens de la présente instance et ses propres frais ; à raison de l'équité la décision déférée sera confirmée, en ce qu'elle a fait application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, sans qu'il soit justifié d'y ajouter.

Par ces motifs LA COUR Déclare recevable l'appel incident, Confirme la décision déférée, sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée au profit de la société FG SRL, Statuant à nouveau, Condamne la SARL Arena à payer à la société FG SRL la somme de 90 840 €, Déboute la SARL Arena de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application complémentaire des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Arena aux dépens exposés en cause d'appel.