Cass. com., 9 juillet 2019, n° 18-12.373
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Orsini
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Richard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Perrière qui exploitait un fonds de commerce de restauration en qualité de locataire-gérant, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 1er octobre 2014 et 30 mars 2016 ; que sur la demande de la Selarl Z nommée liquidateur judiciaire, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 18 mai 2016, constaté la résiliation du contrat de location-gérance conclu entre "X" et Mme Y à la date du 11 avril 2016 et ordonné la restitution du fonds de commerce avec les contrats de travail en cours ; que M. et Mme Y ont formé un recours contre cette ordonnance ;
Sur le premier moyen : - Attendu que M. et Mme Y font grief à l'arrêt de rejeter la demande de M. Y tendant à voir juger qu'il n'est pas propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance à la société La Perrière alors, selon le moyen, que le contrat de location-gérance libre produit aux débats par M. et Mme Y sous le n° 10 dispose qu'il est conclu entre, d'une part, Mme Y et M. Y, et d'autre part, Mlle A ; qu'en affirmant néanmoins que ce contrat mentionne qu'il est conclu entre Mme Y et M. Y en qualité de loueur, et la SARL La Perrière en qualité de locataire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat de location-gérance, en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit soumis ;
Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, des termes, non du contrat de location-gérance du 19 avril 2004 mais de celui du 31 octobre 2006, qui lui avait été soumis par le liquidateur de la société La Perrière, que la cour d'appel a retenu qu'il avait été conclu entre, d'une part, Mme Y. et M. Y en qualité de loueurs, et, d'autre part, la société La Perrière, en qualité de locataire ; que le moyen manque en fait ;
Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches : - Vu l'article L. 144-9 du code de commerce ; - Attendu que pour rejeter le recours de M. et Mme Y, l'arrêt retient que le fonds de commerce n'était pas en ruine lors de la résiliation du contrat de location-gérance le 11 avril 2016, ni davantage lors de la restitution des clefs le 25 juin 2016, et que, pour prétendre qu'il était inexploitable, les loueurs ne sont pas fondés à se prévaloir de l'absence du matériel, qui a été vendu dans l'intervalle, dès lors qu'au jour de la résiliation le matériel était présent dans le fonds, qu'il pouvait être aisément remplacé et que cette vente est intervenue parce que M. et Mme Y ne l'ont pas revendiqué ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir qu'en l'absence de tout matériel, quelle qu'en fût la cause, au moment de la restitution du fonds de commerce, son exploitation pouvait être poursuivie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur ce moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article L. 144-9 du Code de commerce ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que l'achalandage constitue une part essentielle de l'activité de ce fonds de commerce de restauration qui est situé dans une petite ville où les enseignes similaires sont peu nombreuses de sorte qu'il bénéficie d'une clientèle potentielle permanente et qu'il serait aisé de relancer l'activité ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir qu'au moment de sa restitution, le fonds de commerce litigieux disposait d'une clientèle effective, élément essentiel à la poursuite de son exploitation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : casse et annule, sauf en ce qu'il infirme le jugement ayant retenu que M. Y n'était pas propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance à la société La Perrière, l'arrêt rendu le 19 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.