CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 5 septembre 2019, n° 17-02353
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Coopérative de Consommation des Jardins d'Arcadie de Saint Maurice (SC), Selarl JSA (ès qual.)
Défendeur :
Groupe Elite Restauration (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Soudry, Moreau
FAITS ET PROCÉDURE :
La société civile coopérative de consommation des Jardins d'Arcadie de Saint Maurice (ci-après société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice) assure la restauration des résidents de l'union des syndicats des copropriétaires de la [résidence X], résidence accueillant des retraités.
La société Groupe Élite Restauration a pour activité la restauration collective et diverses autres prestations de services pour des collectivités publiques ou privées.
Par acte sous seing privé du 8 décembre 2013, à effet à compter du 13 janvier 2014 (et non 2013 comme indiqué par erreur), la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice a confié à la société Groupe Élite Restauration la prestation de restauration des résidents, du personnel et des visiteurs de la [résidence X].
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 septembre 2014, la société Groupe Élite Restauration a fait état d'impayés d'un montant de 167 324,38 euros TTC (hors avance frais de démarrage) au 31 août 2014 et sollicité de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice la mise en place d'un échéancier afin de solder la dette au plus tard le 31 décembre 2014
Se plaignant d'une baisse de la fréquentation du restaurant de la résidence et de l'insatisfaction des résidents, la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 octobre 2014, résilié le contrat du 8 décembre 2013 à compter du 31 décembre 2014
La société Groupe Élite Restauration a, par lettre du 6 octobre 2014, pris acte de cette résiliation en indiquant qu'elle prendrait effet à compter du 31 janvier 2015 conformément aux stipulations contractuelles.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 octobre 2014, la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice s'est plainte auprès de la société Groupe Élite Restauration d'un changement de personnel affecté à l'exécution de la prestation de restauration ainsi que de l'absence du matériel nécessaire à l'exécution de la prestation le 24 octobre 2014
Par lettre du 31 octobre 2014, la société Groupe Élite Restauration a attribué la responsabilité des manquements allégués à son cocontractant et s'est déclarée prête à avancer la date de fin du contrat sous réserve du paiement des sommes dues et de la reprise des contrats de travail du personnel affecté au service de restauration.
Par lettre recommandée du 3 novembre 2014, la société Groupe Élite Restauration a mis en demeure la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice de lui régler une somme de 130 945,69 euros sous huitaine à peine de résolution du contrat à compter du 17 novembre 2014
Par lettre recommandée du 7 novembre 2014, la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice a contesté le montant réclamé, demandé la production de justificatifs, dénié la réunion des conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire du contrat et sollicité l'exécution des prestations prévues au contrat.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 novembre 2014, la société Groupe Élite Restauration, constatant l'absence de paiement des sommes réclamées malgré sa mise en demeure, a pris acte de la rupture du contrat.
Le 10 avril 2015, la société Groupe Élite Restauration a pratiqué une saisie conservatoire sur le compte bancaire de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice.
Elle a ensuite assigné, par exploit du 13 mars 2015, la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice devant le tribunal de grande instance de Créteil aux fins d'obtenir paiement du solde des factures qu'elle estimait devoir lui être dues.
Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a :
- condamné la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice à payer à la société Groupe Élite Restauration la somme de 196 526,46 euros au titre des factures demeurées impayées avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2014 pour la somme de 130 945,69 euros et à compter du 13 mars 2015 pour le surplus,
- condamné la société Groupe Élite Restauration à payer à la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice la somme de 17 697,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2015,
- rejeté toutes les autres demandes,
- condamné la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice aux dépens avec distraction au profit de Me A par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
La société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice a interjeté appel de cette décision le 30 janvier 2017
Par jugement du 17 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Créteil a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice.
La société Groupe Élite Restauration a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 août 2017, déclaré à la procédure collective une créance en principal de 196 526,46 euros, outre 4 639,96 euros au titre des intérêts et 1 011,43 euros au titre des dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er septembre 2017, la société Groupe Élite Restauration a effectué une déclaration de créance complémentaire pour un montant de 50 000 euros au titre de la garantie des condamnations qui pourraient être prononcées au profit de M. Y.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions du 28 août 2017, la société JSA agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice demande à la cour de :
Vu les articles L. 132-1, R. 132-1 et R. 132-2 du Code de la consommation,
Vu l'article 1142 du Code civil,
- constater l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice par jugement du tribunal de grande instance de Créteil en date du 17 juillet 2017,
- lui dire opposable l'instance et l'arrêt à intervenir,
- la déclarer recevable en son appel,
Ce faisant,
- la dire bien fondée,
- infirmer le jugement rendu le 13 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Créteil en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice n'est pas un professionnel au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation,
- dire et juger que l'article 7 3 2 du contrat en date du 8 décembre 2013 est une clause abusive,
Ce faisant,
- la déclarer non écrite,
- dire et juger que la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice a contesté les factures mises à sa charge,
- débouter la société Groupe Élite Restauration de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, y compris de son appel incident,
- dire et juger que la société Groupe Élite Restauration lui remboursera le coût des salaires, accessoires du salaires, charges sociales patronales et indemnités de licenciement de MM. Y, Z et W, ainsi que Mme B, à compter du 13 janvier 2014,
- condamner la société Groupe Élite Restauration à lui verser la somme de 143 645,21 euros au titre des salaires, accessoires des salaires, indemnités et charge sociales patronales de MM. Y, Z et W et Mme B,
- dire et juger que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 24 novembre 2015,
- condamner la société Groupe Élite Restauration à verser à la société JSA, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice, la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au regard des circonstances de la rupture contractuelle,
- condamner la société Groupe Élite Restauration à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Groupe Élite Restauration aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la société SCP C, avocats aux offres de droit.
Pour contester la condamnation prononcée à son encontre par les premiers juges au titre des factures impayées, la société JSA, agissant ès-qualités, invoque l'inopposabilité de l'article 7.3.2 du contrat du 8 décembre 2013, prévoyant un délai de contestation de chaque facture de trente jours suivant sa date d'établissement, en raison de son caractère abusif sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation. Elle soutient que contrairement à ce qui a été jugé en première instance, elle n'a pas la qualité de professionnel dans la mesure où, en tant que coopérative de consommation, elle avait un objet social à caractère civil, à savoir un service de restauration comme activité principale et des services annexes de loisirs destinés à faciliter la vie des résidents de la [résidence X], exploité uniquement au profit de ses associés, à savoir les résidents de la résidence en cause, et dont le coût était supporté entre les associés à proportion de leur fréquentation du restaurant de sorte que, faute de pouvoir réaliser des bénéfices, elle ne peut être considérée comme étant un professionnel. Elle prétend que l'article litigieux avait pour effet de limiter toute contestation dans le paiement des factures, en subordonnant cette contestation à un paiement préalable rédhibitoire de 90 % de la facture, et en permettant à la société prestataire de déterminer seule si les prestations effectuées étaient en adéquation avec le contrat. Elle affirme en effet que dans la mesure où le contrat ne prévoyait aucune obligation pour la société Groupe Élite Restauration d'adresser ses factures par lettre recommandée, le délai de quinze jours pour adresser les factures mensuelles ne pouvait être vérifié de sorte que la société prestataire avait la faculté de priver sa cocontractante de la possibilité de contester la facture en l'adressant postérieurement au délai de contestation.
À titre subsidiaire, la société JSA ès-qualités considère que l'article 7.3.2 lui est inopposable en raison des contestations qu'elle a formulées. Elle précise qu'il avait été convenu avec la société Groupe Élite Restauration, par courriel du 7 avril 2014, que celle-ci fournirait un décompte journalier du nombre de repas midi et soir qui serait vérifié et validé mensuellement par la direction de l'établissement. Or elle affirme que cette obligation n'a pas été respectée malgré ses demandes réitérées. Elle affirme ainsi que le tribunal ne pouvait retenir la facture du mois d'octobre 2014, contestée en temps utiles.
L'appelante fait encore valoir que la société Groupe Élite Restauration ne justifie pas du quantum de ses demandes à défaut de fournir le détail de ses factures. Elle prétend en outre que l'absence de détail dans la facturation l'empêche de refacturer ses adhérents en fonction de leur fréquentation du restaurant ainsi qu'elle en a l'obligation. Elle ajoute que la société prestataire n'a pas exécuté ses obligations contractuelles en ne proposant pas de vin en carafe alors que cela était prévu, en vendant un stock de boissons lui appartenant pour un montant de 11 193,95 euros, en supprimant certains emplois et en récupérant son matériel et en cessant de fournir les prestations en alimentation avant la fin du contrat.
Enfin la société JSA ès qualités demande le remboursement à la société Groupe Élite Restauration des sommes qu'elle aurait dû prendre en charge au titre des salaires et du coût des licenciements de M. Y, M. Z, M. W et Mme B dont elle aurait refusé de reprendre les contrats de travail en violation de la convention collective relative à la restauration collective et aux dispositions légales. Elle explique que devant la carence de la société intimée, elle a été contrainte de supporter leurs salaires après le 13 janvier 2014, de les licencier et de supporter le coût de ces licenciements.
Elle réclame encore une somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre des inexécutions contractuelles de la société Groupe Élite Restauration consistant en la suppression des prestations de gestion assurées par Mme E et de restauration exercées par M. F, en la récupération du matériel, en l'arrêt des prestations en alimentation avant la fin du contrat et en l'absence de respect du délai de prévenance du personnel.
Dans ses dernières conclusions du 31 janvier 2019, la société Groupe Élite Restauration demande à la cour de :
- déclarer la société JSA ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement rendu le 13 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a condamné la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice à lui payer la somme de 196 526,46 euros au titre des factures demeurées impayées avec intérêts au taux létal à compter du 5 novembre 2014 pour la somme de 130 945,69 euros et à compter du 13 mars 2015 pour le surplus,
Vu la liquidation judiciaire de l'appelante,
- fixer sa créance à l'égard de la liquidation judiciaire de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice à la somme de 196 526,46 euros au titre des factures demeurées impayées avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2014 pour la somme de 130 945,69 euros à compter du 13 mars 2015 pour le surplus,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice de sa demande tendant à obtenir la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et déclarer la société JSA ès-qualités mal fondée en son appel de ces chefs,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident du chef de la condamnation à payer à la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice la somme de 17 697,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2015,
- infirmer le jugement de ce chef,
Vu le jugement rend par le conseil des prud'hommes de Créteil le 14 mai 2018 passé en force de chose jugée,
- débouter la société JSA, ès-qualités, de sa demande tendant à la voir condamner à lui rembourser le coût des salaires, accessoire du salaire, charges sociales patronales et indemnités de licenciement de MM. Y, Z, W et Mme B à compter du 13 janvier 2014 pour un montant de 143 645,21 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2015,
- la débouter de sa demande tendant à obtenir la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- faire droit à sa demande,
- condamner la société JSA ès-qualités à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
La société Groupe Élite Restauration prétend que la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice ne peut être considérée comme un consommateur non professionnel nonobstant son objet civil et sa forme coopérative de sorte qu'elle ne saurait se prévaloir des dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives. Elle précise que dès lors que le contrat de prestations de services conclu le 8 décembre 2013 a un lien direct avec l'activité professionnelle et l'objet social de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice, à savoir la restauration, celle-ci ne peut être considérée comme un non professionnel. Elle ajoute que la stipulation contractuelle litigieuse ne peut en tout état de cause être considérée comme abusive dans la mesure où elle n'entravait pas la possibilité pour sa cocontractante de contester les factures mises à sa charge. Elle prétend en outre que l'envoi des factures par lettre simple n'empêchait pas la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice d'exercer son droit de les contester, le cachet de la Poste faisant foi de leur envoi. Elle considère par conséquent qu'à défaut pour la société appelante d'avoir contesté les factures dans les délais contractuels impartis, elle doit s'en acquitter. Elle estime enfin justifier du montant des sommes réclamées par les pièces qu'elle produit.
A l'appui de son appel incident, la société Groupe Élite Restauration fait valoir que la demande de la société JSA ès-qualités au titre des salaires, accessoires de salaires et frais de licenciement du personnel de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice doit être rejetée. Elle explique que les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code de travail n'étaient pas applicables de plein droit et que c'est contractuellement qu'il a été convenu de l'application de cet article. Elle ajoute que dans ces conditions, le transfert des contrats de travail était conditionné à l'accord des salariés concernés, qu'elle n'a donc jamais été l'employeur des quatre salariés qui ont refusé ce transfert et qu'elle n'a pas à assumer le coût de leur licenciement. Elle précise que son analyse a été retenue par le conseil des Prud'hommes de Créteil, statuant sur la régularité du licenciement dont M. V. a fait l'objet le 6 février 2014 par la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice, dans un jugement du 14 mai 2018 dont il n'a pas été relevé appel.
Pour s'opposer à la demande adverse de dommages et intérêts, la société Groupe Élite Restauration fait valoir que le contrat a finalement été résilié le 17 novembre 2014 par le jeu de la clause résolutoire en raison des impayés de factures. Elle soutient ainsi qu'il ne peut lui être reproché d'avoir cessé ses prestations à cette date. Elle conteste l'ensemble des manquements contractuels qui lui sont reprochés ainsi que les préjudices allégués.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2019
MOTIFS :
Sur la demande en paiement formée par la société Groupe Elite Restauration
La société Groupe Élite Restauration réclame le paiement d'une somme de 196 526,46 euros décomposée comme suit :
- une somme de 5 355 euros au titre d'une facture n° 40128 du 28 février 2014 correspondant à une refacturation des congés payés,
- une somme de 22 396,54 au titre d'une facture n° 39714 du 28 février 2014 correspondant aux déjeuners et dîners des résidents, aux frais de personnel et aux frais généraux déduction d'un acompte de 80 % du mois de février 2014,
- une somme de 43 634,80 euros au titre d'une facture n° 40764 du 30 avril 2014 correspondant aux déjeuners et dîners des résidents, aux frais de personnel et aux frais généraux,
- une somme de 44 864,93 euros au titre d'une facture n° 41634 du 31 mai 2014 correspondant aux déjeuners, goûters et dîners des résidents, aux frais de personnel et aux frais généraux,
- une somme de 38 410,88 euros au titre d'une facture n° 43503 du 30 septembre 2014 correspondant aux consommations réelles des résidents, aux frais de personnel et aux frais généraux,
- une somme de 6 863,83 euros au titre d'une facture n° 43626 du 31 octobre 2014 correspondant aux intérêts de retard,
- une somme de 40 983,70 euros au titre d'une facture n° 43627 du 31 octobre 2014 correspondant aux consommations réelles des résidents, aux frais de personnel et aux frais généraux,
- une somme de 24 597,07 euros au titre d'une facture n° 44538 du 30 novembre 2014 correspondant aux consommations réelles des résidents, aux frais de personnel et aux frais généraux,
Après déduction d'un paiement de 20 156,89 euros, d'un avoir du 15 juin 2014 n° 41758 de 10 001,40 euros au titre d'une régularisation du prix des repas sur les factures de janvier à mai 2014 et d'un avoir du 15 juin 2014 n° 41759 d'un montant de 422 euros au titre d'une régularisation des frais de personnel sur la même période
Devant les contestations de sa cocontractante, elle invoque les termes de l'article 7.3.2 du contrat du 8 décembre 2013 qui prévoient que : " En cas de litige dans la facturation, le client doit régler, dès réception, 90 % TVA incluse, du montant de la facture litigieuse. Toute facture n'ayant fait l'objet d'aucune contestation écrite adressée au Groupe Elite Restauration par lettre recommandée avec accusé réception dans un délai de trente jours suivant la date de la facture, est réputée acceptée et ne peut en conséquence faire l'objet d'aucune contestation. ".
La société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice soutient que cet article lui est inopposable car présentant le caractère d'une clause abusive.
Sur le caractère abusif de l'article 7.3.2 du contrat du 8 décembre 2013
Selon l'article L. 212-1 du Code de la consommation, applicable au litige, " Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
(...)
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.
Un décret pris dans les mêmes conditions, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.
(...) "
Selon l'article L. 212-2 du même Code, les dispositions de l'article L. 212-1 sont également applicables aux contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels.
En vertu de l'article liminaire du Code de la consommation, tel qu'issu de la loi n° 2017-203 du 21 février 2017, le non-professionnel est défini comme toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles.
En l'espèce, la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice est une société civile coopérative de consommation qui a pour objet, dans les locaux qui sont mis à sa disposition par le syndicat de copropriété de la résidence, la restauration avec service, soit dans les salles à manger collectives, soit à domicile, la vente de tous produits alimentaires de ménage ou autres, tous services quelconques de nature à faciliter la vie quotidienne des résidents et à fournir à ceux-ci des loisirs et des distractions, la répartition du coût des produits et services ci-dessus entre les coopérateurs et le recouvrement de ce coût.
Les coopératives de consommation sont régies, outre la loi du 7 mai 1917 ayant pour objet l'organisation du crédit aux sociétés coopératives de consommation et la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 modifiée portant statut de la coopération, par le droit commun des sociétés dont elles doivent adopter une des formes prévues. En l'espèce, la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice a pris la forme d'une société civile. L'objet civil de cette société n'est pas modifié par le fait que la restauration, objet du contrat conclu avec la société Groupe Élite Restauration, ait pu être destinée, outre les résidents, aux visiteurs de l'établissement, dès lors que ces ventes à des tiers présentaient un caractère occasionnel et précaire. Par ailleurs, il est constant que la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice n'exerçait pas son activité à titre lucratif mais uniquement dans le but de satisfaire les besoins alimentaires de ses associés.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, que la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice a la qualité d'un non-professionnel.
L'article R. 212-2 du Code de la consommation prévoit que sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur.
En l'espèce, la clause litigieuse, en subordonnant la possibilité pour le client de contester la facture au paiement préalable de 90 % de son montant ainsi qu'au respect d'un délai impossible, avait pour effet de supprimer l'exercice d'actions en justice et doit donc être considérée comme abusive. Il sera en effet observé que le délai de contestation des factures ayant pour point de départ la date de la facture et non la date de son envoi, la société Groupe Élite Restauration avait la faculté de n'adresser la facture à la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice que postérieurement à l'expiration du délai imparti pour la contester, lui fermant ainsi tout recours judiciaire.
La clause litigieuse est donc réputée non écrite en application des dispositions de l'article L. 241-1 du Code de la consommation faute pour la société Groupe Élite Restauration de rapporter la preuve du caractère non abusif de ladite clause.
Sur le quantum de la demande en paiement
Selon l'article VI du contrat du 8 décembre 2013, le prix de la prestation de la société Groupe Élite Restauration était composé d'une part, des coût alimentaires résidents, fixés à 5 euros HT pour un déjeuner et à 4,80 euros pour un dîner, et d'autre part, de coûts fixes fixés à 29 197 euros HT par mois au titre des frais de personnel et à 4 780 euros HT au titre des frais généraux sur la base d'une fréquentation de 60 repas midi et 20 repas soir par jour.
Le 23 juin 2014, les parties se sont accordées sur une modification des frais de personnel réduits à 20 500 euros HT par mois à compter du 1er mars 2014 et sur une facturation des repas au réel des consommations.
En outre, il a été prévu par l'article 7.4 du contrat que les factures non payées à leur échéance porteraient intérêt de plein droit d'un montant égal à trois fois le taux d'intérêt légal en vigueur.
La cour relève que les factures litigieuses produites aux débats correspondent aux dispositions contractuelles et que la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice n'apporte aucun élément sérieux de nature à les critiquer. Il sera à cet égard observé qu'en vertu de l'article 5.1 du contrat, les deux parties s'engageaient à tenir un décompte journalier des repas servis. Or si la société Groupe Élite Restauration verse aux débats un décompte des repas conforme à sa facturation (pièce 10), la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice se garde bien de produire son propre décompte. Par ailleurs, les allégations de l'appelante concernant la vente d'un stock de boissons lui appartenant ou l'absence de fourniture de vin aux repas ne sont aucunement démontrées.
En conséquence, il convient de fixer à 196 526,46 euros la créance de la société Groupe Élite Restauration au passif de la procédure collective de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice au titre des factures demeurées impayées. En revanche, les intérêts ne pouvant être capitalisés sauf disposition contractuelle le prévoyant conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, les intérêts au taux légal ne peuvent courir à compter du 5 novembre 2014 que sur une somme de 124 081,86 euros (130 945,69 - 6 863,83 euros au titre d'une facture n° 43626 du 31 octobre 2014 correspondant aux intérêts de retard), et à compter du 13 mars 2015 pour le surplus.
Le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs.
Sur les demandes en paiement formées par la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice
Sur la demande liée à la prise en charge des salaires et frais de licenciement du personnel
La société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice prétend qu'en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail et de la convention collective de la restauration collective, les contrats de travail de M. Y, M. Z, M. W et Mme B ont été automatiquement transférés à la société Groupe Élite Restauration à la date du 13 janvier 2014 de sorte que cette dernière devait supporter le coût de leur licenciement résultant du refus par ces derniers du transfert de leur contrat de travail.
Toutefois dans un jugement de départage en date du 14 mai 2018 intervenu entre M. Y d'une part, et les sociétés Groupe Élite Restauration et JSA ès-qualités, le conseil de Prud'hommes de Créteil a jugé qu'il n'y avait pas eu de transfert du contrat de travail conclu entre M. Y et la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice au profit de la société Groupe Élite Restauration et que la créance de M. Y à l'égard de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice à fixer au passif de la procédure collective s'élevait à 7 406,37 euros. Dès lors, en raison de l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement, la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice ne saurait se prévaloir d'aucune créance à l'encontre de la société Groupe Élite Restauration et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Par ailleurs, la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice invoque la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983 pour soutenir que la société Groupe Élite Restauration aurait dû supporter la charge des salaires et du coût du licenciement de M. Z, M. W et Mme B à compter du 13 janvier 2014
Toutefois l'article 3 de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services à ladite convention collective prévoit que: " a) Une entreprise entrant dans le champ d'application du présent avenant qui se voit attribuer un marché précédemment confié à une autre entreprise entrant également dans le champ d'application du présent avenant est tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés de niveau I, II, III, IV et V, employés par le prédécesseur pour l'exécution exclusive du marché concerné, dans les mêmes conditions fondamentales d'exploitation.
b) Les salariés concernés, titulaires d'un contrat à durée déterminée conforme à la réglementation, seront repris par le nouvel employeur jusqu'au terme de leur contrat.
c) Les contrats de travail des salariés de statut agent de maîtrise et cadre sont maintenus chez l'employeur cédant sauf si un accord écrit entre le salarié, le cédant et le successeur prévoit la poursuite du contrat de travail chez le successeur.
Si, et seulement si, le cédant n'est pas en mesure, dans le délai de 1 mois et au plus tard 15 jours avant le démarrage effectif de l'exploitation par le repreneur, de les affecter sur un poste équivalent n'entraînant pas de modification du contrat de travail ou de dépassement du temps de trajet initial dont l'importance induirait un déménagement, les salariés de statut agent de maîtrise et cadre, qui en exprimeront la volonté de manière explicite, seront transférés chez le successeur sans que celui-ci puisse s'y opposer.
Les éventuelles clauses de non-concurrence faisant obstacle à ce transfert deviennent par la volonté des parties expressément caduques. "
Or la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice, à laquelle incombe la charge de la preuve, ne démontre pas que les dispositions susvisées étaient applicables. En effet, il ne s'agissait pas d'un changement de prestataire mais d'une externalisation. En outre, le niveau d'emploi des salariés concernés n'est pas indiqué.
La société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice invoque encore les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail qui précisent que : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. "
Néanmoins, à défaut pour la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice, à laquelle incombe la charge de la preuve, d'établir que l'activité de restauration transférée était constitutive d'une entité économique autonome, les dispositions susvisées ne pouvaient s'appliquer.
Dès lors, seules les dispositions contractuelles étaient applicables.
Il a été prévu, en application de l'article IV du contrat du 8 décembre 2013 intitulé " Reprise du personnel par le groupe Elite restauration ", que: " Le Groupe Elite Restauration reprenait un service de restauration précédemment autogéré par le Client: (et que) La poursuite des contrats de travail du personnel, que les parties convenaient d'affecter aux missions (...) confiées au Groupe Elite Restauration dans le cadre du présent contrat, se fera(ait) dans les conditions fixées à l'article L. 1224-1 du Code du Travail. "
En conséquence, la simple référence aux dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail traduisait la volonté des parties de transférer les contrats de travail des salariés de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice à la société Groupe Élite Restauration sans qu'il n'y ait de transfert automatique desdits contrats ; la reprise de ces contrats étant subordonnée à l'accord des salariés concernés.
Or il n'est pas discuté que M. Joel R., M. Jean Michel S. et Mme B ont refusé ce transfert de sorte qu'ils sont restés salariés de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice qui ne peut donc se plaindre d'avoir supporté leurs salaires postérieurement à l'entrée en vigueur du contrat du 8 décembre 2013 ou le coût de leur licenciement.
Dans ces conditions, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Groupe Élite Restauration à payer à la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice la somme de 17 697,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2015
Sur la demande au titre du délai de prévenance et au titre de l'organisation de la restauration dans l'urgence
Selon l'article 3 3 du contrat intitulé résiliation pour faute du client, " Le Prestataire aura la faculté de résilier, par anticipation, le présent contrat, en cas de manquement par le Client de ses obligations telles que définies à la présente convention. Un avertissement sera adressé par le Prestataire au Client qui disposera d'un mois pour remédier aux manquements. Après deux avertissements restés sans effet, la présente convention sera résiliée de plein droit à compter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception. "
La société Groupe Elite Restauration justifie avoir adressé de multiples avertissements à son cocontractant en vue d'obtenir paiement des factures impayées et notamment par courriels du 21 juillet 2014 et 8 septembre 2014 et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 septembre 2014; C'est ainsi à juste titre qu'elle a fait application de la clause résolutoire après une mise en demeure du 3 novembre 2014 Le contrat a donc été résilié en application de cette clause à compter du 17 novembre 2014 et aucune faute ne saurait être reprochée à la société Groupe Elite Restauration pour avoir interrompu ses prestations à cette date.
Par ailleurs, la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice se plaint de divers autres manquements de la part de la société Groupe Élite Restauration antérieurs au 17 novembre 2014 consistant en la suppression des prestations de gestion assurées par Mme E et de restauration exercées par M. F, en la récupération du matériel et en l'absence de respect du délai de prévenance du personnel. Néanmoins il échet de constater qu'elle n'étaye ses allégations d'aucune preuve ni ne démontre les préjudices invoqués. Il sera à cet égard relevé que le constat d'huissier établi le 24 octobre 2014 ne fait que reproduire les propos d'un salarié de la société Groupe Élite Restauration et ne permet pas d'établir l'absence d'exécution des prestations de restauration. Il convient en outre d'observer que le contrat de prestations ne prévoyait pas la mise à disposition de vaisselle par le prestataire et que selon la société intimée, la vaisselle mise à disposition a été retirée en raison du non-paiement de la facture afférente.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de ces chefs.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La JSA ès-qualités succombant à l'instance sera condamnée à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP B selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile. Elle sera en outre condamnée à régler à la société Groupe Élite Restauration une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Sa demande formulée de ce chef sera rejetée.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en date du 13 décembre 2016 en ce qu'il a débouté la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice de sa demande de dommages et intérêts et en ce qu'il a condamné la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice aux dépens de première instance ; L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau, Dit que la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice est un non professionnel, Dit que l'article 7.3.2 du contrat conclu le 8 décembre 2013 entre la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice et la société Groupe Élite Restauration doit être réputé non écrit en application des dispositions de l'article L. 241-1 du Code de la consommation en raison de son caractère abusif ; Fixe à 196 526,46 euros la créance de la société Groupe Élite Restauration au passif de la procédure collective de la société Jardins d'Arcadie de Saint Maurice au titre de factures demeurées impayées ; Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2014 pour la somme de 124 081,86 euros et à compter du 13 mars 2015 pour le surplus ; Déboute la société JSA en sa qualité de liquidateur de la société Jardins d'Arcardie de Saint Maurice de sa demande au titre des salaires, accessoires des salaires, indemnités et charge sociales patronales de MM. Y, Z et Jean- Michel S. et Mme B ; Y ajoutant, Condamne la société JSA ès-qualités à régler à la société Groupe Élite Restauration une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société JSA ès-qualités à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP C.-Q. selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes.