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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ., 11 septembre 2019, n° 18-00983

BESANÇON

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Locam (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mazarin

Conseillers :

M. Lévêque, Mme Uguen Laithier

Avocats :

Mes Angel, Breton, SCP Lexi Conseil, Défense

T. com. Lons-le-Saunier, du 24 nov. 2017

24 novembre 2017

Exposé du litige

Par contrat en date du 24 mai 2016, Monsieur X, réparateur automobile exerçant sous l'enseigne Sam-Auto, a confié à la société Meosis la réalisation et le suivi d'un site internet moyennant paiement, d'une part, de frais " d'adhésion ou de mise en ligne " pour 492 euros et d'autre part, de 48 mensualités de 180 euros hors taxes. Après signature d'un procès-verbal de livraison et de conformité le 9 juin, la société Meosis a cédé le contrat à la SAS Locam, selon facture du 14 juin suivant et conformément à l'article 14 des conditions générales.

Par courrier du 5 décembre 2016, Monsieur X, disant rencontrer des difficultés économiques, a informé la société Locam de sa décision de mettre fin au contrat cédé, et a cessé les paiements. Après vaine mise en demeure visant la déchéance du terme, distribuée le 17 mars 2017 et réclamant à Monsieur X un arriéré de trois mensualités outre pénalités, la société Locam l'a assigné en paiement des échéances impayées et à échoir, outre pénalités, par acte du 13 juillet 2017 converti en procès-verbal de recherches.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 24 novembre 2017, soumis à la cour, le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier a :

- condamné Monsieur X à payer à la société Locam la somme de 9 979,90 euros, outre intérêts au taux légal et accessoires,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné Monsieur X à payer à la société Locam la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Monsieur X a interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 30 mai 2018. L'appel porte sur tout le dispositif, sauf l'exécution provisoire.

Par conclusions transmises le 20 février 2019, il demande à la cour de :

- déclarer nul l'acte introductif d'instance du 13 juillet 2017,

Subsidiairement,

- déclarer abusifs les articles 12 et 18 des conditions générales du contrat,

- débouter la société Locam de ses demandes,

- la condamner à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Ainsi qu'aux dépens.

A cet effet, l'appelant soutient d'abord que l'assignation est nulle au regard des 14, 114 et 648 du Code de procédure civile, l'huissier s'étant présenté à son ancienne adresse professionnelle et n'ayant pas accompli les diligences utiles, ce qui lui a causé grief en le privant de la faculté de comparaître.

Il soutient ensuite que la clause de l'article 2, qui prévoit que le contrat est conclu pour une durée fixe, indivisible et irrévocable, ainsi que la clause de l'article 18 qui prévoit qu'en cas de résiliation pour cessation d'activité restent dus " la totalité des loyers impayés majorés d'une clause pénale de 10 % calculée sur la totalité des loyers restant à courir ", sont réputées non écrites comme constituant les clauses déséquilibrées d'un contrat d'adhésion au sens des dispositions non seulement de l'article 1171 du Code civil reprenant celles de l'article L. 212-1 anciennement L. 132-1 du Code de la consommation, mais aussi de l'article 1070 du même Code et de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

L'intimée, par conclusions enregistrées le 22 novembre 2018, demande à la cour de confirmer le jugement critiqué et condamner l'appelant à lui payer 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Y.

A cet effet, la société Locam soutient d'abord qu'aucun grief précis n'est articulé à l'encontre de l'acte introductif d'instance.

Ensuite que l'article 1170 du Code civil est inapplicable pour être entré en vigueur le 1er octobre 2016 postérieurement à la signature du contrat litigieux, que l'article L. 442-6 du Code de commerce est lui aussi sans application, donnant lieu à des actions ressortissant à la seule compétence de la cour d'appel de Paris, et Monsieur X n'étant pas un partenaire commercial au sens de ce texte, avant d'ajouter que Monsieur X ne peut se délier de ses engagements sans ruiner l'économie de la convention, dès lors que la société Locam a intégralement acquitté le prix de la prestation prévue au contrat cédé, et qu'en application de l'article 1149 ancien du Code civil, elle a droit à l'indemnisation non seulement de la perte éprouvée du fait de l'inexécution, mais aussi du gain escompté, de sorte que le montant des indemnités de résiliation égal à celui des échéances ne revêt aucun caractère abusif.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée le 29 mai 2019, fixée à l'audience du 19 juin 2019 et la décision a été mise en délibéré au 11 septembre 2019.

Motifs de la décision

- Sur l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance,

Lorsqu'il s'est présenté pour délivrer à Monsieur X son assignation à comparaître devant le tribunal de commerce, le 13 juillet 2017 <adresse> à Dole, adresse à laquelle Monsieur X exploitait son garage, seule à figurer jusque-là sur ses correspondances envoyées aux parties, constatant que l'intéressé ne s'y trouvait pas, que selon le nouvel occupant il avait quitté les lieux depuis le mois de décembre 2016, que nul ne répondait au numéro de téléphone indiqué par le nouvel occupant, et que les recherches entreprises auprès du voisinage, de la mairie et sur l'annuaire électronique restaient vaines, sans que l'appelant indique quelles diligences complémentaires auraient été omises, l'huissier de justice a rempli l'office qui résultait pour lui l'article 659 du Code de procédure civile.

Il est indifférent que le même huissier ait su ensuite, le 17 avril 2018, trouver Monsieur X à son domicile personnel, <adresse> à Dole, pour accomplir une autre formalité, dès lors qu'il ne s'en déduit pas que l'huissier connaissait déjà ou aurait nécessairement dû connaître cette adresse lorsqu'il a tenté de délivrer l'assignation.

En conséquence, l'acte de saisine du tribunal n'étant pas affecté par le défaut de diligence allégué, la cour rejettera son exception de nullité.

- Sur le caractère abusif de l'article 2 du contrat,

L'article 2 des conditions générales stipule que le contrat est conclu pour une durée fixe, indivisible et irrévocable, " comme stipulé par le présent contrat ", cette formule renvoyant aux conditions particulières qui, en matière de durée, indiquent que le contrat est conclu pour 48 périodes mensuelles.

Le caractère fixe, indivisible et irrévocable de la durée d'exécution du contrat ne peut caractériser le déséquilibre visé par les dispositions aujourd'hui codifiées à l'article 1171 du Code civil, selon lesquelles dans un contrat d'adhésion, est réputée non écrite toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, lorsque, comme en l'espèce, il n'apparaît pas que la durée de 48 mois, même fixe, indivisible et irrévocable, ait été soustraite à la négociation des parties.

Dans le même sens, l'indication manuscrite du nombre de mensualités et du montant du loyer, dans des cases non pré-imprimées du formulaire contractuel, fait présumer que Monsieur X a pu librement déterminer, en concertation avec le représentant de la société d'informatique, les conditions d'échelonnement du prix de la prestation fournie et la durée du contrat.

Ainsi, les stipulations relatives à la durée du contrat n'apparaissant pas avoir été soustraites à toute négociation, l'abus invoqué à ce titre n'est pas établi et la clause ne peut être réputée non écrite de ce chef.

Si l'article 1070 du Code civil dispose que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, il n'apparaît pas que la stipulation d'une durée d'exécution fixe du contrat porte atteinte à l'obligation du débiteur, qui en l'espèce consiste à payer par mensualité le prix de la création et du suivi pendant quatre ans d'un site internet professionnel.

L'article L. 442-6 du Code de commerce, dans sa rédaction ancienne applicable à la cause, prévoit la responsabilité de tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers qui aurait soumis ou tenté de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, mais, n'en tirant aucun effet sur la validité des clauses dont résulterait ce déséquilibre, ne peut aboutir à ce qu'elle soit regardée comme non écrites, ce qui rend son visa inopérant au soutien des prétentions de Monsieur X.

Il résulte des précédents motifs que la clause figurant à l'article 2 des conditions générales ne peut être regardée comme abusive sur le fondement des textes invoqués par l'appelant, qui sera en conséquence débouté de sa demande en ce sens.

- Sur le caractère abusif de l'article 18 du contrat,

L'article 18 des clauses générales, relatif aux modalités et effets de résiliation du contrat par l'une ou l'autre des parties, permet au bénéficiaire de la prestation informatique de résilier le contrat, mais non d'échapper au paiement de l'ensemble des mensualités résultant de l'échelonnement du prix de la prestation dont il a voulu bénéficier, ce paiement étant majoré d'une clause pénale de 10 % dans le cas d'espèce.

Ces clauses ne créent pas entre les parties de déséquilibre significatif au sens des dispositions actuellement codifiées à l'article 1171 du Code civil, dès lors que, ainsi que le soutient justement l'intimée, le paiement de l'ensemble des loyers, plutôt que d'une part correspondant à la durée effective d'utilisation, est la juste contrepartie de la prestation acquise, qui consistait essentiellement dans la création d'un site internet professionnel et qui a été intégralement fournie.

Les mêmes clauses ne privent pas de sa substance l'obligation essentielle du débiteur, qui est celle de payer le prix, de sorte que l'article 1170 est sans effet.

Enfin, l'article L. 442-6 du Code de commerce, pour les mêmes motifs que précédemment, ne peut aboutir à ce que les clauses litigieuses soient regardées comme non écrites.

En conséquence, l'appelant sera débouté de sa demande tendant à ce que l'article 18 des conditions générales soit regardée comme abusive.

- Sur la condamnation,

La condamnation de Monsieur X envers la société Locam, qui n'est pas autrement contestée et qui apparaît conforme à la convention qui lie les parties, sera confirmée.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens,

L'appelant, qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande pour frais irrépétibles, la décision déférée étant confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

L'équité commande toutefois de débouter l'intimée de sa propre demande pour frais irrépétibles.

Par ces motifs LA COUR, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, Rejette l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance. Déboute Monsieur X de sa demande en constatation du caractère abusif des articles 2 et 18 des conditions générales du contrat qu'il a signé le 24 mai 2016 avec la société Meosis. Confirme la décision rendue entre les parties le 24 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier. Déboute les parties de leurs demandes pour frais irrépétibles. Condamne Monsieur X aux dépens d'appel.