CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 12 septembre 2019, n° 16-17985
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Eco Environnement (SARL)
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. David
Conseillers :
Mmes Trouiller, Bisch
Avocats :
Mes Gibon, Vennin, Goutail
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 23 décembre 2015, par suite d'un démarchage à domicile, M. E... a conclu avec la société ÉCO ENVIRONNEMENT un contrat ayant pour objet la vente, la pose et la mise en service d'une installation solaire GSE Air system, prestation vendue 25 000 euros et financée par un prêt consenti par la société SYGMA BANQUE.
Les 29 février et 1er mars 2016, M. E... a assigné les sociétés ÉCO ENVIRONNEMENT et BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (BNPPPF), venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, devant le tribunal d'instance du 9ème arrondissement de PARIS aux fins de voir prononcer la résolution ou la nullité des contrats de vente et de crédit et dire qu'il n'était pas tenu de rembourser à la banque le montant du crédit.
Par jugement contradictoire en date du 18 juillet 2016, le tribunal d'instance du 9ème arrondissement de PARIS a :
- donné acte à la société BNPPPF de son intervention volontaire en la cause,
- prononcé l'annulation du contrat de vente aux torts de la société ÉCO ENVIRONNEMENT,
- condamné la société ÉCO ENVIRONNEMENT à faire procéder à la dépose de l'installation et à la remise de la toiture dans son état antérieur,
- dit que l'annulation du contrat de vente avait pour conséquence l'annulation de plein droit du contrat de prêt,
- dit que la société SYGMA BANQUE avait manqué à ses obligations lors de la souscription du contrat de crédit et lors du déblocage des fonds, et que ces fautes ont privé la banque du droit de réclamer à M. E... le remboursement de la somme prêtée,
- condamné la société ÉCO ENVIRONNEMENT à rembourser à la société BNPPPF la somme de 25 000 euros,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- condamné la société ÉCO ENVIRONNEMENT aux dépens.
Le tribunal a retenu que le bon de commande était indigent, que M. E... n'avait pu avoir connaissance des vices affectant le bon de commande à la seule lecture des conditions générales de vente, que le fait pour ce dernier d'avoir acquiescé aux différentes étapes de la livraison et de l'installation des panneaux n'établissait nullement son intention de confirmer son engagement, que la banque avait manqué à ses obligations lors de la souscription du contrat de crédit en finançant une opération objet d'un contrat de vente non conforme aux exigences légales, la privant du droit au remboursement du capital prêté et que la banque aurait dû se méfier du délai de 21 jours séparant le bon de commande et l'attestation de fin des travaux comprenant a fortiori les démarches administratives et le raccordement au réseau. Le tribunal a néanmoins estimé que M. E... avait fait preuve d'une singulière légèreté en s'engageant auprès du vendeur sans rien connaître des caractéristiques essentielles de l'installation.
Par déclaration en date du 30 août 2016, la société ÉCO ENVIRONNEMENT a relevé appel de la décision.
Par ordonnance sur incident en date du 30 mai 2017, le conseiller de la mise en état a débouté M. E... de sa demande tendant à la caducité de la déclaration d'appel et a déclaré irrecevables les conclusions d'intimé prises pour M. E... faute d'avoir été notifiées à l'avocat de l'appelante dans le délai prévu par les articles 909 et 911 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er mars 2019, la société ÉCO ENVIRONNEMENT demande à la cour de bien vouloir :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant de nouveau,
- à titre principal, débouter M. E... de l'intégralité de ses demandes à son encontre,
- à titre infiniment subsidiaire, débouter la BNPPPF de l'intégralité de ses demandes à son encontre,
- en tout état de cause, condamner solidairement tous succombant à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamner en outre en tous les dépens dont distraction, au profit de Me C..., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que le bon de commande souscrit le 23 décembre 2015 respecte les dispositions légales du Code de la consommation et n'est affecté d'aucun vice de consentement, que le vendeur n'est l'auteur d'aucune manœuvre dolosive, que les caractéristiques des biens acquis ont été précisément décrites dans la facture adressée à l'acquéreur moins d'une semaine après la souscription du bon de commande et qu'aucune pièce ne vient soutenir la fausse promesse alléguée par M. E... concernant le financement de l'installation par revente de l'électricité, qu'aucun niveau de production minimal (le cas échéant annuel) n'a été contractuellement stipulé, ni que la revente d'électricité devait couvrir les échéances du prêt, dans le cadre d'une opération "autofinancée", qu'en tout état de cause M. E... a réitéré son consentement et exécuté volontairement le contrat souscrit auprès de la société ÉCO ENVIRONNEMENT, manifestant ainsi sa volonté de s'engager, que l'acquéreur a confirmé le bon de commande en signant le bon de commande, l'attestation de fin de travaux et le certificat de livraison sans réserve ainsi qu'en ne s'étant pas rétracté dans le délai imparti, qu'en ne procédant pas préalablement aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et de l'acheteur, la banque a incontestablement commis une faute qui la prive de sa créance de restitution et d'un quelconque versement de dommages et intérêts.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 mars 2019, la société BNPPPF demande à la cour de bien vouloir :
- Infirmer le jugement, et statuant à nouveau,
- à titre principal, débouter M. E... de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour prononcerait la nullité des contrats, juger que les parties devront être remises dans l'état antérieur à la conclusion desdits contrats, condamner solidairement M. E... et la société ÉCO ENVIRONNEMENT à lui verser la somme de 25 000 euros, correspondant au montant du capital emprunté,
- condamner solidairement M. E... et la société ÉCO ENVIRONNEMENT, à lui verser la somme de 12 561, 68 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant des intérêts non perçus,
- à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la faute de la banque serait retenue, juger que l'acquéreur a eu un comportement fautif, condamner solidairement M. E... et la société ÉCO ENVIRONNEMENT à lui verser la somme de 37 561, 68 euros à titre de dommages et intérêts,
- en tout état de cause, débouter M. E... et la société ÉCO ENVIRONNEMENT de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner solidairement M. E..., et la société ÉCO ENVIRONNEMENT à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Me GOUTAIL, avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir que le bon de commande comprend toutes les mentions obligatoires et que le Code de la consommation n'exige en rien que le poids et les caractéristiques des panneaux en termes de rendement, de capacité de production et de performances soient précisés dans le bon de commande.
Elle conteste le vice de consentement, la violation de l'obligation générale d'information et les pratiques commerciales trompeuses allégués par M. E... qui n'apporte aucun élément de preuve en ce sens et qui reconnaît que son installation est raccordée et fonctionnelle.
La banque soutient que M. E... avait connaissance et conscience des vices et a manifesté sa volonté de confirmer le contrat.
Elle fait valoir, en cas de nullité, son droit à restitution du capital prêté en l'absence de faute de sa part et la garantie due par la société ÉCO ENVIRONNEMENT.
Elle expose que M. E... ne peut reprocher au prêteur de ne pas préalablement contrôler la régularité formelle du bon de commande, que la mauvaise foi de M. E..., qui a délibérément provoqué le paiement entre les mains du vendeur, alors qu'il aurait constaté que l'installation n'aurait pas été opérationnelle au moment de la signature du certificat de livraison, est patente, que M. E... a régularisé un certificat de livraison qui ne refléterait pas la réalité, agissant avec une déloyauté fautive et en provoquant le déblocage des fonds malgré cette circonstance et que la société ÉCO ENVIRONNEMENT est à l'origine de l'anéantissement du contrat de vente et, subséquemment, du contrat de crédit.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 mars 2019.
SUR CE,
Il n'est pas contesté que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE vient désormais aux droits de la société SYGMA BANQUE.
Sur la demande d'annulation du contrat de vente
Au visa de l'article L. 121-18-1 du Code de la consommation, le premier juge a prononcé la nullité du contrat de vente aux motifs que le bon de commande ne contenait pas la marque, la dimension, le poids, l'aspect, la performance de chacun des composants de l'installation, ni le prix du bien majoré du coût du crédit, ni le délai de livraison.
Pour s'opposer à cette nullité, l'appelante fait valoir que les caractéristiques des biens acquis ont été précisément décrites dans la facture du 31 décembre 2015, que la prestation est précisée, que les démarches sont listées, que M. E..., qui est enseignant, savait donc ce qu'il achetait, que les délais de livraisons sont détaillés dans les conditions générales, que les modalités de règlement sont précisées, qu'il a signé le même jour l'offre de crédit, que le 13 janvier 2016, M. E... a signé une attestation de fin de travaux, un certificat de livraison du bien et que les biens ont été livrés moins de trois semaines après la souscription de la commande.
La société BNPPPF a fait valoir que la loi n'exige pas la mention de la marque, du prix unitaire et du poids ni les caractéristiques des panneaux en termes de rendement, de capacité de production et de performances et que le bon de commande permettait à M. E... de connaître ce qu'il achetait.
Il convient de préciser, à titre liminaire, que les dispositions applicables aux contrats conclus après un démarchage à domicile sont les articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation, l'article L. 121-18 étant applicable aux contrats signés à distance, dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce.
L'intimé ayant été déclaré irrecevable à conclure, la cour n'a pas été en possession de l'original du bon de commande mais d'une copie du recto signé des parties.
En application de l'article L. 121-23 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat "Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des prestations de services proposés ;
5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26".
Il résulte de ces dispositions que seule l'absence de mention est une cause de nullité, et non une imprécision de la mention.
En l'espèce, le bon de commande décrit ainsi l'objet du contrat :
"GSE Air system : 12 modules d'une puissance totale de 250 Wc avec deux bouches d'insufflation
Prise en charge + installation complète + accessoires et fournitures 25 000 TTC (TVA 5,5 %)
A la charge d'ÉCO ENVIRONNEMENT (sous réserve de validation du bureau d'étude) : Démarches administratives, obtention de l'attestation de conformité photovoltaïque du consuel, obtention du contrat d'obligation d'achat ERDF pendant 20 ans, frais de raccordement"
Il apparaît également que le bon de commande litigieux comporte au verso, les conditions générales de vente, la reproduction intégrale des articles du Code de la consommation, le bordereau d'annulation au visa de ces articles et, au recto, avant la signature des acquéreurs, la mention suivante :
"Je déclare être d'accord et reconnais avoir pris connaissance des conditions générales de vente et des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation applicable lors de la vente à domicile, présentés au verso et d'avoir reçu l'exemplaire de ce présent contrat, doté d'un formulaire détachable de rétractation, et le cas échéant, avoir reçu un exemplaire de l'offre de crédit. A défaut du paiement intégral à la commande, la matériel et l'équipement restent la propriété d'Éco Environnement. Éco Environnement ne peut en aucun cas être tenu responsable des éventuels retards des délais de raccordement annoncés par ERDF. Prestations non comprises : Raccordement réseau réalisé par votre distributeur d'électricité, travaux de tranchées, reprise de charpente".
Contrairement à ce qui a été relevé par le premier juge, le prix du bien majoré du coût du crédit est clairement précisé dans le bon de commande (37 561, 68).
La cour constate que le premier juge est allé au-delà des exigences posées par l'article L. 121-23, que les mentions prétendument manquantes ne sont pas requises à peine de nullité, que le texte n'exige ni la marque, la dimension, le poids, l'aspect, la performance de chacun des composants de l'installation, et qu'une date maximum de livraison était précisée dans les conditions générales. De surcroît, il n'est pas contesté que la livraison est bien intervenue le 13 janvier 2016 sans que son délai ne soit discuté, M. E... a signé l'attestation de fin de travaux en ayant répondu aux questions suivantes :
- Le chantier a-t-il été laissé propre après votre installation "Oui"
- Êtes-vous satisfait de l'équipe de pose "Oui. Sérieuse appliquée et efficace".
- Êtes-vous satisfait de votre installation "Oui".
Enfin, il convient de souligner que l'acquéreur n'a émis, à la réception de la facture détaillant les biens et à l'installation, aucun grief ni réserve pouvant laisser penser qu'il aurait été trompé sur les caractéristiques du matériel et que l'attestation de conformité du CONSUEL lui a été remise.
Force est de constater, au vu des pièces produites, que M. E... possède aujourd'hui une installation conforme. Il n'a pas usé des possibilités qui lui étaient offertes de se rétracter, d'obtenir la résolution de la vente, d'actionner la garantie prévue en cas d'altération, de vice apparent ou caché déclaré pendant la période de garantie ou d'actionner la garantie légale des vices cachés.
Au final, M. E... ne rapporte pas la preuve de la cause de nullité qu'il a invoquée devant le premier juge.
Dès lors, aucune nullité n'étant encourue et la cour n'étant saisie d'aucun autre moyen, le jugement sera en conséquence infirmé, M. E... sera débouté de sa demande de nullité du contrat de vente et subséquemment, de celle du contrat de crédit affecté. Les contrats continueront à produire leurs effets.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
M. E..., succombant en appel, supportera la charge des entiers dépens.
Il convient en outre de condamner M. E... à payer à la société BNPPPF et à la société ÉCO ENVIRONNEMENT une somme de 1 000 euros chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, Statuant de nouveau, Déboute M. B... E... de sa demande de nullité des contrats et de ses demandes subséquentes, Dit que les contrats litigieux continueront à produire leurs effets, Y ajoutant, Condamne M. B... E... à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et à la société ÉCO ENVIRONNEMENT une somme de 1 000 euros chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par Me A... GOUTAIL et par Me D... C...- F... 2H AVOCATS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.