Cass. com., 18 septembre 2019, n° 18-13.755
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
DXC Technology France (Sté)
Défendeur :
Sariel (Sté), Sariel telecom multimedia (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Sudre
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
Mes Le Prado, Bertrand
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2018), que la société CSC Computer Sciences, devenue DXC Technology France (la société DXC), spécialisée dans le conseil en management et technologie de l'information, a confié, à compter de 1996, plusieurs missions d'externalisation à la société Sariel, et notamment conclu, les 15 septembre 2005 et 7 mars 2007, deux contrats-cadres de sous-traitance ; que reprochant à la société DXC de ne plus leur avoir attribué de nouveaux contrats à partir de décembre 2012, les sociétés Sariel et sa filiale, la société Sariel telecom multimédia (la société STM), créée en 2008, l'ont assignée en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société DXC fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chacune des sociétés Sariel et STM une certaine somme, à titre de dommages-intérêts, pour rupture brutale d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen : 1°) que seule constitue une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, celle qui revêt, avant la rupture, un caractère suivi, stable et habituel, de nature à autoriser la partie victime de l'interruption à anticiper raisonnablement, pour l'avenir, une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial ; qu'il ressort des propres constatations de la cour d'appel que les parties étaient liées par des contrats-cadre généraux de sous-traitance, nécessairement affectés de précarité, puisque dépendants des contrats principaux que la société DXC pouvaient être amenée à conclure ; qu'en retenant néanmoins, entre les parties, l'existence d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ; 2°) que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motivation ; que, dans ses écritures d'appel, la société DXC, pour établir son processus interne de mise en concurrence de ses prestataires, invoquait divers exemples de procédures d'appel d'offres, attestant que l'attribution de missions aux sociétés Sariel faisait suite à des procédures d'appel d'offres auxquelles elles répondaient ; qu'elle invoquait également un compte-rendu de réunion du comité du 8 novembre 2011, dans lequel la société Sariel affirmait elle-même qu'elle était sollicitée par la société DXC en raison de " ses prix très compétitifs par rapports aux autres fournisseurs consultés " ; qu'en énonçant que la société DXC ne rapporte pas la preuve d'une mise en concurrence des sous-traitants référencés, sans se prononcer sur les éléments invoqués par la société DXC, établissant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Sariel, qui était depuis 1996 un sous-traitant référencé de la société DXC, a conclu avec cette dernière des contrats-cadres généraux de sous-traitance, auxquels s'étaient ajoutés des contrats-cadres spécifiques pour certaines missions concernant notamment la société Renault, avec laquelle la société DXC avait conclu en 2005 un important contrat d'une durée initiale de cinq ans, prorogée deux ans, et qu'ainsi, les contrats-cadres et les commandes s'étaient succédé avec régularité pendant seize ans avec la société Sariel et cinq ans avec la société STM ; qu'il retient que la société DXC, qui invoque une mise en concurrence des sous-traitants référencés, n'en rapporte pas la preuve et que les échanges de courriels versés aux débats révèlent, au contraire, que les sociétés Sariel et STM n'ont jamais été soumises à un quelconque appel d'offres ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir, par une appréciation souveraine de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, et sans avoir à s'expliquer sur ceux qu'elle écartait, la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale liant la société DXC et les sociétés Sariel et STM, a pu retenir l'existence de relations commerciales établies entre ces sociétés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société DXC fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que le partenaire qui rompt une relation commerciale établie n'engage sa responsabilité que si cette rupture lui était imputable ; que, dans ses écritures d'appel, la société DXC a fait valoir que la rupture de ses relations commerciales avec les sociétés Sariel avait pour origine l'expiration du contrat qu'elle avait conclu avec la société Renault, d'une durée de cinq années, portée à sept années, et son non-renouvellement, étant précisé que l'importance de ce contrat expliquait que le chiffre d'affaires réalisé par les sociétés Sariel avec elle représentait 77 % de leur chiffre d'affaires total, de sorte que sa chute était seulement la conséquence de l'arrivée du terme dudit contrat, sans être le fruit d'une volonté délibérée de sa part ; qu'elle ajoutait qu'elle avait elle-même fortement pâti du non-renouvellement de ce contrat, comme en attestait le rapport de gestion de son président du 31 mai 2013 et le recul de son chiffre d'affaires au titre de l'exercice pour l'année 2013, de plus de 30 millions d'euros ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces éléments, établissant que la rupture des relations commerciales établies avec les sociétés Sariel n'était pas imputable à la société DXC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°) que le partenaire qui rompt une relation commerciale établie n'engage sa responsabilité que si cette rupture lui était imputable ; que, dans ses écritures d'appel, la société DXC a fait valoir que la possibilité du non-renouvellement du contrat " Renault ", à durée déterminée, était parfaitement connue des deux parties, étant rappelé que l'importance de ce contrat expliquait que le chiffre d'affaires réalisé par les sociétés Sariel avec elle représentait 77 % de leur chiffre d'affaires total ; qu'en omettant de se prononcer sur ce point, de nature à priver la rupture de son caractère brutal, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt constate que lors des réunions qui se sont tenues, à compter du 19 juin 2012, la société DXC a exprimé aux sociétés Sariel et STM sa volonté de maintenir leurs relations commerciales, et relève que, si la société DXC a notifié, par lettre du 19 novembre 2012, à la société Sariel la fin de toute nouvelle commande concernant la société Renault, elle l'a, dans le même temps, assurée de ce qu'elle restait un partenaire de référence auquel d'autres missions seraient confiées ; qu'il retient que l'annonce, par la société DXC, de la perte du seul marché passé avec la société Renault ne peut, en l'absence d'une lettre manifestant son intention de rompre et fixant la durée du préavis, être assimilée à une notification de la rupture de la relation commerciale établie, d'autres commandes étant en cours d'exécution par les sociétés Sariel et STM ; qu'il relève qu'à compter de juin 2013, ces sociétés n'ont plus reçu aucune commande de la part de la société DXC, à l'exception d'une mission en juin 2013 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que la rupture intervenue dans de telles conditions revêtait un caractère brutal, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.