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Décisions

Cass. com., 18 septembre 2019, n° 17-23.253

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

RT international (SAS)

Défendeur :

Barbara Bui (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Darbois

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Piwnica, Molinié

CA Paris, du 6 juin 2017

6 juin 2017

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Barbara Bui, invoquant des droits d'auteur sur six modèles de vêtements et des droits sur des dessins et modèles communautaires non enregistrés sur cinq d'entre eux, a assigné la société RT international en contrefaçon et pour actes de concurrence déloyale et parasitisme ;

Sur le second moyen, pris en ses première, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches : - Attendu que la société RT international fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Barbara Bui la somme de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon de ses modèles V 4070, D 1305, E 1309, E 1306 et E 1416 alors, selon le moyen : 1° que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, d'un côté pour calculer les dommages-intérêts au titre de la prétendue contrefaçon, une marge unitaire de 576,81 euros pour le modèle V 4070 et, de l'autre, qu'il résultait du bon de commande du 24 janvier 2010 que trois modèles V 4070 avaient été vendus pour un prix de 720 euros, soit un prix de vente unitaire de 240 euros, la cour d'appel, qui a retenu une marge unitaire supérieure au prix de vente, s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, d'un côté pour calculer les dommages-intérêts au titre de la prétendue contrefaçon, une marge unitaire de 626 euros pour le modèle D 1305 et, de l'autre, qu'il résultait du bon de commande du 26 janvier 2012 que trois modèles D 1305 avaient été vendus pour un prix de 525 euros, soit un prix de vente unitaire de 175 euros, la cour d'appel, qui a retenu une marge unitaire supérieure au prix de vente, s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, d'un côté pour calculer les dommages-intérêts au titre de la prétendue contrefaçon, une marge unitaire de 610,83 euros pour le modèle E 1309 et, de l'autre, qu'il résultait du bon de commande du 1er juillet 2012 que " 6 et 4 modèles E 1309 " avaient été vendus pour des prix de 1 530 et 1 020 euros, soit un prix de vente unitaire de 255 euros, la cour d'appel, qui a retenu une marge unitaire supérieure au prix de vente, s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, d'un côté pour calculer les dommages-intérêts au titre de la prétendue contrefaçon, une marge unitaire de 544,45 euros pour le modèle E 1306 et, de l'autre, qu'il résultait du bon de commande du 1er juillet 2012 que quatre modèles E 1306 avaient été vendus pour un prix de 920 euros, soit un prix de vente unitaire de 230 euros, la cour d'appel, qui a retenu une marge unitaire supérieure au prix de vente, s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, d'un côté pour calculer les dommages-intérêts au titre de la prétendue contrefaçon, une marge unitaire de 289,08 euros pour le modèle E 1416 et, de l'autre, qu'il résultait du bon de commande du 8 juillet 2012 que " 2 x 3 modèles E 1416 " avaient été vendus " pour un prix de deux fois 369 euros ", soit un prix de vente unitaire de 123 euros, la cour d'appel, qui a retenu une marge unitaire supérieure au prix de vente, s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ; 6°) que la réparation du préjudice doit être intégrale, sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; qu'en retenant, pour fixer le manque à gagner de la société Barbara Bui, que celle-ci avait été privée de la marge qu'elle aurait réalisée sur ses modèles et en fixant le montant de cette marge à une somme supérieure au prix de vente desdits modèles, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

Mais attendu, en premier lieu, que n'ayant tiré aucune conséquence des prix de vente figurant sur le bon de commande et la facture de chacun des modèles V 4070, D 1305, E 1309, E 1306 et E 1416, retenus comme éléments de preuve de la titularité des droits d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés invoqués par la société Barbara Bui, la cour d'appel, qui s'est ensuite référée aux marges unitaires réalisées sur ces modèles, mentionnées sur l'attestation du directeur général adjoint de ladite société, pour évaluer le manque à gagner subi par celle-ci, ne s'est pas contredite ;

Et attendu, en second lieu, que la société RT international s'étant bornée à soutenir devant la cour d'appel que l'attestation du directeur général adjoint de la société Barbara Bui mentionnait des marges exorbitantes ou que, n'étant pas certifiée par un expert-comptable, elle était dénuée de toute force probante, le moyen, en sa septième branche, est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen : - Vu l'article 1382, devenu 1240, du Code civil ;

Attendu que pour condamner la société RT international pour concurrence déloyale et parasitisme, l'arrêt retient que la reproduction systématique par celle-ci de six modèles de la société Barbara Bui au cours de l'année 2014 et la reproduction de l'un d'eux sur la première page du " lookbook spring summer 2014 " visent à l'évidence à se placer dans le sillage de la société Barbara Bui et à induire en erreur la clientèle féminine de ces produits de mode ; qu'il ajoute que le préjudice causé à la société Barbara Bui résulte du détournement des investissements réalisés concernant les six modèles contrefaits et de l'atteinte à l'image de marque auprès de la clientèle ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser d'actes distincts de ceux déjà retenus au titre de la contrefaçon de ces six modèles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen, pris en sa huitième branche : - Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour évaluer le préjudice global causé par les actes de contrefaçon, l'arrêt fixe le manque à gagner subi par la société Barbara Bui pour le modèle référencé E1500 sur la base d'une marge unitaire de 346,14 euros résultant de " l'attestation délivrée par son directeur général adjoint " ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette attestation ne mentionnait pas le modèle référencé E1500 et ne faisait état d'une marge unitaire de 346,14 euros pour aucun des modèles cités, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société RT international à payer à la société Barbara Bui la somme de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon de ses modèles V4070, E1500, D1305, E1309, E1306 et E1416, en ce qu'il dit la société RT international coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitisme et la condamne à payer à la société Barbara Bui la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice né des actes de concurrence déloyale et parasitaire, et en ce qu'il ordonne une mesure de publication, l'arrêt rendu le 6 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris.