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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 13 septembre 2019, n° 16-04205

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

GE Money Bank (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mme Dotte-Charvy, M. Pothier

TGI Nantes, du 2 févr. 2016

2 février 2016

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre acceptée le 26 août 2008, la société GE Money Bank a, en vue de financer l'acquisition d'un véhicule Audi Q7, consenti à M. S. un prêt de 58 000 euros au taux de 7,99 % l'an, remboursable en 60 mensualités de 1 209,51 euros, hors assurance emprunteur.

Il était stipulé dans l'acte une clause de réserve de propriété du véhicule financé, avec subrogation du prêteur dans les droits du vendeur.

Prétendant que les échéances de remboursement n'ont plus été honorées depuis février 2010, le prêteur s'est, par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mai 2010, prévalu de la déchéance du terme puis a, par acte du 9 août 2011, fait assigner l'emprunteur en paiement devant le tribunal de grande instance de Nantes.

M. S. s'est porté demandeur reconventionnel en annulation du contrat de prêt pour violation de son droit de rétractation en cas de démarchage financier.

Par jugement du 2 février 2016, les premiers juges ont :

• dit que le contrat conclu le 26 août 2008 est nul de nullité relative,

• ordonné la remise en l'état dans lequel les parties se trouvaient avant l'exécution,

• ordonné à la société GE Money Bank de restituer les sommes versées par M. Sambou pour un montant total de 25 942,28 euros, soit :

• 14 échéances d'un montant de 1 265,03 euros, soit un total de 17 710,42 euros,

• 4 échéances d'un montant de 1 362,06 euros, soit un total de 5 448,24 euros,

• 2 échéances d'un montant de 1 294,78 euros, soit un total de 2 589,56 euros,

• 2 échéances d'un montant de 97,03 euros, soit un total de 194,06 euros,

• ordonné à M. Sambou de restituer à la société GE Money Bank le véhicule, sous peine d'astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement, et ce pendant 6 mois après quoi il sera à nouveau fait droit,

• condamné la société GE Money Bank à payer à M. Sambou la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

• condamné la société GE Money BanK aux entiers dépens,

• débouté la société GE Money Bank de ses autres demandes principales et accessoires,

• ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société GE Money Bank a relevé appel de cette décision le 31 mai 2016, en demandant à la cour de :

• condamner M. Sambou à restituer à la société GE Money Bank, en vertu de la clause de réserve de propriété, le véhicule Audi Q7 financé, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

• condamner M. Sambou à régler la somme totale de 52 155,51 euros, avec intérêts au taux contractuel de 7,99 % à compter de la mise en demeure,

• condamner M. Sambou au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

• condamner M. Sambou au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de la procédure.

M. S. n'a pas constitué avocat devant la cour.

La société GE Money Bank a été invitée à s'expliquer par note en délibéré sur le caractère abusif de la clause de réserve de propriété du véhicule financé, avec subrogation du prêteur dans les droits du vendeur.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société GE Money Bank le 21 mai 2018, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 9 mai 2019.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Aux termes des articles L. 311-1, L. 341-1 § 2° et L. 341-16 du Code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 6 juin 2005 applicables à la cause, la personne démarchée, en vue d'obtenir de sa part un accord sur la réalisation d'une opération de crédit, par toute prise de contact non sollicitée par quelque moyen que ce soit ainsi que le fait de se rendre physiquement à son domicile, son lieu de travail ou dans un lieu non destiné à la commercialisation de services financiers, dispose d'un délai de quatorze jours calendaires révolus pour exercer son droit de rétractation.

Cependant, en l'occurrence, l'opération de crédit litigieuse a été conclue à l'occasion de l'acquisition d'un véhicule et, alors que la société GE Money Bank soutient avoir été sollicitée par M. S. en vue de l'octroi de son crédit, aucun document produit ne révèle que l'emprunteur ait été sollicité à son domicile, sur son lieu de travail ou dans un lieu non destiné à la conclusions de crédit, la signature de la clause de réserve de propriété, faisant corps avec l'offre de prêt, et ses conditions générales révélant au contraire que celle-ci a été remise dans les locaux du concessionnaire automobile, lieu habituel de conclusion de crédits liés au financement de véhicules, puis adressé au prêteur à l'initiative de l'emprunteur.

C'est donc à tort que les premiers juges ont annulé le contrat de prêt en faisant grief à la société GE Money Bank de ne pas avoir informé M. S. qu'il disposait d'un délai de rétractation de 14 jours.

Il ressort par ailleurs de l'offre, du tableau d'amortissement et du décompte de créance qu'il restait dû à la société GE Money Bank au jour de la déchéance du terme du 11 mai 2010 :

• 5 046,84 euros au titre des échéances échues impayées de février à mai 2010, assurance emprunteur comprise (1 261,71euros x 4),

• 41 536,78 euros au titre du capital restant dû,

• 3 322,94 euros au titre de l'indemnité contractuelle de défaillance égale à 8 % du capital dû,

Soit, au total, 49 906,56 euros, avec intérêts au taux de 7,99 % sur le principal de 46 583,62 euros (5 046,84 + 41 536,78) à compter de la date de la déchéance du terme, qui est aussi celle de la mise en demeure du 11 mai 2010.

Le montant des mensualités de remboursement était en effet contractuellement fixé, par l'offre acceptée le 26 août 2008, à 1 261,71 euros, assurance emprunteur comprise, et non à 1 265,03 euros comme mentionné dans le décompte.

En outre, les conditions générales de l'offre prévoient que, lorsque le prêteur se prévaut de la déchéance du terme, l'indemnité de défaillance est calculée sur le capital dû, et non sur les échéances échues impayées.

Se prévalant de la clause de réserve de propriété avec subrogation du prêteur dans les droits du vendeur, la société GE Money Bank demande en outre la condamnation sous astreinte de M. S. à restituer le véhicule financé.

Cependant, il est de principe que l'article 1250 § 1° du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause, aux termes duquel le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne, exclut que le prêteur, qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule et n'est donc pas l'auteur du paiement, puisse être regardé comme subrogé dans les droits du vendeur, et que, dès lors, une telle clause de réserve de propriété avec subrogation du prêteur dans les droits du vendeur laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que l'exercice de son droit de propriété est entravé, ce qui a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

Cette clause sera donc écartée d'office en application de l'article R. 632-1 du Code de la consommation, et la demande de restitution de véhicule sous astreinte formée par la société GE Money Bank rejetée.

L'appelante ne démontre en outre pas que le défaut de paiement imputable à M. S. procède d'un abus de droit, et elle n'établit pas avoir subi un préjudice distinct du seul retard de paiement, lequel est déjà réparé par les intérêts moratoires.

Il n'y a enfin pas matière à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR : Infirme le jugement rendu le 2 février 2016 par le tribunal de grande instance de Nantes en toutes ses dispositions ; Condamne M. S. à payer à la société GE Money Bank une somme de 49 906,56 euros, avec intérêts au taux de 7,99 % sur le principal de 46 583,62 euros à compter du 11 mai 2010 ; Déclare la clause de réserve de propriété avec subrogation de la société GE Money Bank dans les droits de la société MS Motors abusive ; Rejette la demande de restitution sous astreinte du véhicule Audi Q7 ; Déboute la société GE Money Bank de sa demande en paiement de dommages-intérêts ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. S. aux dépens de première instance et d'appel ; Rejette toutes autres demandes.