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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 20 septembre 2019, n° 18-18582

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Prestige Beauté (SARL)

Défendeur :

Guinot (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mmes Bel, Cochet Marcade

Avocats :

Mes Regnier, Zakharova-Renaud, Etevenard, Menguy

T. com. Paris, du 26 mars 2014

26 mars 2014

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties :

La SAS Guinot est un franchiseur se présentant comme le leader mondial dans le domaine des soins de beautés.

La société Prestige Beauté, gérée par Madame X, avait souscrit le 17 octobre 2011 un contrat de franchise pour l'exploitation sous enseigne "Guinot" d'un magasin en centre-ville de Reims qui a ouvert le 1er décembre 2011.

La rentabilité s'avérant inférieure aux prévisions, la société Prestige Beauté a été mise en liquidation le 2 avril 2013.

La SCP Y était le mandataire liquidateur de la SAS Prestige Beauté.

Par acte du 19 février 2013, Madame X et la société Prestige Beauté assignaient la société Guinot devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de faire constater que les informations relatives au marché local ne lui avaient pas été transmises et/ou concernaient la ville de Beauvais et non de Reims et/ou dataient de 2011, de faire constater que les éléments fournis étaient exagérément optimistes, dont un chiffre d'affaires prévisionnel de 198 000 euros pour un réalisé de 64 9254 euros et un bénéfice prévisionnel de 20 000 euros pour une perte observée de 84 216,60 euros, de dire que ces éléments ont intégré le champ contractuel et sont constitutifs d'une erreur substantielle sur la rentabilité et d'un dol de la société Guinot, de dire que la rentabilité est un élément déterminant de l'expression du consentement du franchisé, de constater toujours en termes de dol, qu'une partie de la concurrence locale est constituée de distributeurs de produits Guinot, autorisés à pratiquer des soins et à bénéficier d'une formation identique aux franchisés, de juger que la SAS Prestige Beauté a pu commettre une erreur provoquée par un dol sur la cause de son obligation, en l'occurrence bénéficier d'un savoir-faire éprouvé sur un territoire réservé, d'annuler le contrat et d'ordonner la restitution à Prestige Beauté de 7 000 euros HT de droit d'entrée, de 4 819 euros HT de locations et frais d'enseigne, de 9 793,37 euros HT de frais de publicité et de développement, d'allouer à titre de dommages et intérêts 130 000 euros outre intérêts pour le prêt et 3 000 euros pour le nantissement, 7 500 euros de capital social, 29 886,76 euros de compte courant d'associé, 79 322 euros d'immobilisation non amorties, 84 216,60 euros de perte financière, 20 000 euros du salaire de gérance et des charges non perçues à raison de l'exercice déficitaire, et à Prestige Beauté et Mme X in solidum la somme de 40 000 euros à titre de réparation du préjudice moral en raison de la dégradation de l'état de santé de Mme X, ainsi que 5 000 euros au visa de l'article 700 du Code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.

Par jugement du 26 mars 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris après jonction de différentes instances dont l'intervention du liquidateur judiciaire aux côtés des demanderesses, a débouté les demandeurs de toutes leurs demandes, débouté le défendeur de ses demandes reconventionnelles d'être autorisé à exploiter le fonds et de fixation au passif de diverses sommes, et condamné les demandeurs à régler 3 000 euros au visa de l'article 700 outre les dépens.

Le tribunal a retenu que le document d'information précontractuel (DIP) fourni le 30 mai 2011 mettait à la charge du candidat franchisé le soin de faire réaliser un état local du marché et qu'un tel état a été remis au candidat qui ne pouvait dès lors ignorer l'état de la concurrence locale. Les époux X s'étaient inquiétés dès juillet 2011 de la présence de dépositaires, dont le statut n'était pas identique, et avaient eu tout loisir de ne pas signer le contrat de franchise s'ils estimaient que cela constituait un frein.

Le franchiseur n'est pas tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne la rentabilité, par nature aléatoire et le franchisé est débiteur d'une obligation de se renseigner.

Il a encore observé que la société Guinot avait apporté tout le soutien nécessaire à la société Prestige Beauté, y compris en devant insister pour que le franchisé assiste aux formations, et a assuré 13 visites de suivi.

Il a relevé que Madame X avait conservé son emploi au sein d'une étude de notaire et était, comme tout commerçant indépendant, restée libre de ses choix de gestion qu'elle ne peut reprocher au franchiseur.

Il a jugé que Madame X ne justifiait pas de son préjudice moral.

Il a débouté la société Guinot de voir ordonner aux demandeurs l'exploitation du fonds, compte tenu de la liquidation intervenue, et débouté de la demande de fixation au passif faute de production de factures et d'explication du mode de calcul.

Madame X et la SCP Y ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté ont relevé appel de la décision.

Par arrêt du 16 novembre 2016, la cour d'appel de Paris a :

Infirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Guinot,

Et, statuant à nouveau,

Annulé le contrat d'affiliation du 17 octobre 2011,

Condamné la société Guinot à payer à la SCP Y, prise en la personne de Maître Z, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, les sommes de 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat, de 130 000 euros au titre des investissements réalisés en pure perte et de 50 000 euros au titre d'une part des pertes subies,

Condamné la société Guinot à payer à Madame X la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

Condamné la société Guinot aux dépens de l'instance d'appel et de première instance,

Condamné la société Guinot à payer à la SCP Y, prise en la personne de Maître Z, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, ainsi qu'à Madame X, la somme de 10 000 euros chacune, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour a jugé que la rentabilité était une qualité substantielle du contrat de franchise, que les documents présentaient une version trop optimiste de la rentabilité, notamment en mettant l'accent sur les chiffres obtenus par les esthéticiennes diplômées, que le DIP ne répondait pas aux obligations légales de communiquer l'ensemble des dates de signature des affiliés, et que la présence de distributeurs n'était pas mentionnée. Elle a donc annulé le contrat pour dol en observant que s'il appartient au candidat franchisé de se renseigner il appartient au franchiseur de lui communiquer des informations sincères.

Elle a rejeté l'allégation d'insincérité substantielle des comptes prévisionnels.

Elle a retenu une réticence dolosive de la part de la société Guinot qui a omis d'indiquer le statut précis des distributeurs Guinot de la zone de chalandise.

Elle a rejeté l'examen des fautes alléguées à l'encontre de Madame X dans l'exécution du contrat, ayant annulé le contrat pour vice du consentement.

Elle a retenu, dans le cadre d'une annulation pour dol, la restitution des sommes versées y compris le prêt engagé pour les travaux, mais a limité à 50 000 euros la réparation des pertes limitées à celles qui avaient un lien certain avec le dol et débouté du surplus.

Elle a évalué le préjudice moral de santé de Madame X, à hauteur de 50 000 euros.

Elle a rejeté les demandes de la société Guinot faute de preuve pour l'une d'entre elles, et faute pour le contrat d'avoir été résilié aux torts du franchisé pour ce qui est de l'inscription au passif des redevances à venir.

Par arrêt en date du 13 juin 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé "mais seulement en ce qu'il condamne la société Guinot à payer à la société Y, prise en la personne de M. Z, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, les sommes de 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat, de 130 000 euros, au titre des investissements réalisés en pure perte, et de 50 000 euros, au titre d'une part des pertes subies, l'arrêt rendu le 16 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;"

La Cour de cassation a retenu que la SCP Y demandait le paiement d'une somme, au titre des pertes subies, et subsidiairement d'autres sommes, au titre de celles perçues par la société Guinot d'une part, de l'investissement réalisé en pure perte d'autre part, et plus subsidiairement encore, d'une somme au titre du passif déclaré, et que l'arrêt avait alloué les sommes de 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat, de 130 000 euros, au titre des investissements réalisés en pure perte, et de 50 000 euros, au titre d'une part des pertes subies ; qu'en statuant ainsi , la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.

La SCP Y ès qualités a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration du 23 juillet 2018.

La déclaration de saisine tend :

- à l'infirmation du jugement rendu le 26 mars 2014 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la SCP Y, prise en la personne de Maître Z en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Prestige Beauté, de toutes ses demandes financières et l'a condamnée à payer à la société GUINOT la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

outre les dépens,

à ce qu'il soit à nouveau statué sur les demandes financières de la SCP Y, prise en la personne de Maître Z en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, et tendant à la condamnation de la société Guinot à dommages et intérêts au titre des frais engagés pour la conclusion du contrat de franchise (20 607), au titre des investissements réalisés en pure perte (196 571) et au titre des pertes subies (413 515), ainsi que sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 12 mars 2019 par la SCP Y, ès qualités de liquidateur de la SARL Prestige Beauté, aux fins de voir la cour :

Vu les articles 122 à 126, 623, 626, 631 à 639 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1382 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et applicable à la présente espèce

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2018

Vu la jurisprudence citée

Vu les pièces versées aux débats

Dire et juger que la demande de la société Guinot portant sur l'inscription au passif de la société Prestige Beauté des sommes de 7 219,79 et de 126 818 est irrecevable car contraire à l'autorité de la chose jugée,

Débouter la société Guinot de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 mars 2014 en ce qu'il a débouté la société la société Prestige Beauté, représentée par son liquidateur SCP Y, de toutes ses demandes financières consécutives à la nullité du contrat d'affiliation,

Statuant à nouveau,

Condamner la société SAS Guinot à réparer les conséquences d'annulation du contrat d'affiliation et à payer à la SCP Y ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Prestige Beauté, les sommes suivantes :

En sanction de la nullité :

A titre principal :

- 413 515 au titre des pertes comptables cumulées par la société Prestige Beauté, en ce compris les sommes versées au franchiseur (20 607,18), les investissements perdus (196 571), le prêt non-remboursé (130 000) et les dettes vis-à-vis des tiers,

Subsidiairement :

- 20 607,18 au titre de restitution des sommes perçues par Guinot et 196 571 au titre de réparation des frais engagés pour l'exécution du contrat annulé, soit la somme de 216 571

Et encore plus subsidiairement,

- 194 535,35 au titre du passif déclaré et admis à la procédure de liquidation judiciaire de Prestige Beauté.

En sanction du dol :

- 50 000 au titre de dommages et intérêts en sanction du délit civil constitué par le dol commis par la société Guinot.

Condamner la société Guinot à payer à la SCP Y es qualité la somme de 15 000 au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens, en ce compris les émoluments de l'article 699 du CPC au profit de la SCP Regnier Bequet Moisan.

L'appelant, le liquidateur de la société Prestige Beauté, soutient que les chefs non-atteints par la cassation de l'arrêt ont autorité de la chose jugée et que les demandes contraires sont irrecevables, et que la réparation de son préjudice doit être intégrale.

Sur la cassation prononcée, que l'arrêt ne correspondait pas à sa demande, quand il statuait sur les frais, investissements et pertes, mais que le reste de l'arrêt est revêtu de l'autorité de la chose jugée.

En conséquence que les demandes reconventionnelles de l'intimée sont irrecevables car se heurtant à l'autorité de la chose jugée.

Sur la faute, la causalité, les causes d'exonérations, l'appelant fait valoir que les chefs objets du rejet du pourvoi ont retenu l'existence d'une faute, commise en période précontractuelle, et ouvrant donc droit à réparation. Il fait valoir que la causalité directe est établie entre faute et préjudice, et qu'aucune cause exonératoire ou faute de la victime n'est retenue. Il rappelle que l'arrêt a définitivement annulé le contrat pour dol, et qu'il ne peut être question de rechercher une faute dans l'exécution d'un contrat nul.

Il souligne que les échanges démontrent que Madame X intervenait comme investisseur multisite et non comme responsable opérationnel du site de Reims, ainsi que le démontre les embauches qu'elle a réalisées. Il fait valoir que le contrat de travail de Mme X était un temps partiel, consacré à la gestion du salon et à sa promotion. Il rappelle que Madame X n'avait pas à suivre les formations techniques, n'ayant pas la capacité à pratiquer légalement des soins. Il fait valoir que toutes les visites de contrôle par la société Guinot ont obtenu la note maximum. Il souligne au vu des plannings que ce n'est pas un manque de cabines mais un manque de clients qui explique le chiffre d'affaires insuffisant et précise que la société Guinot n'a jamais soulevé ce prétendu problème pendant l'exploitation.

Il fait encore valoir que le tableau reprenant les coefficients préconisés par la société Guinot aboutit à un chiffre d'affaires de 113 400 euros et non 198 000 euros comme présenté avant la signature.

Sur le préjudice réparable, il souligne que le préjudice exposé est constitué des investissements réalisés en pure perte et financés par des prêts familiaux et des prêts et dettes déclarés au passif, et nullement d'un gain manqué. Il rappelle que la nullité du contrat a pour conséquence la rétroactivité de la remise en état initial des parties, la restitution de ce qui a été exécuté, la responsabilité pour réparer le préjudice.

Sur les restitutions, il rappelle que les sommes d'argent doivent être restituées avec intérêts courant depuis la date de la demande et taxes acquittées, et que les biens doivent être restitués en nature ou par équivalent.

Sur la responsabilité, il fait valoir que la partie victime peut réclamer en dommages et intérêts la réparation du préjudice causé, même si elle est à l'origine de l'invocation de la nullité, pourvu qu'elle ne lui soit pas imputable. Il précise que ce préjudice se compose de deux volets. Réparation des frais engagés en pure perte et perte de chance de conclure un autre contrat valable et avantageux.

Sur le premier volet, il précise qu'il demandait le remboursement des sommes versées à la société Guinot au titre du contrat annulé, les montant des investissements réalisés en pure perte et non amortis, le montant des prêts, apports perdus, non remboursables, les dettes à l'égard des tiers causées par la faute de la société Guinot. Ce préjudice était chiffré à 413 515 euros sur lesquels la cour d'appel n'avait alloué que 189 875,18 euros. Il fait valoir que la restitution des sommes versées au franchiseur et le remboursement des frais engagés et non amortis étaient aussi demandés à titre subsidiaire, mais qu'il était déjà inclus dans la demande principale de 413 515 euros et que cette ambiguïté a pu induire la Cour de cassation en erreur.

Il maintient donc sa demande principale à hauteur de 413 575 euros soit le montant des dépenses et investissements réalisés en exécution du contrat annulé, et trouvant leur cause dans ce contrat.

Subsidiairement, au cas où la réparation intégrale précédemment demandée ne serait pas retenue, il demande le versement d'une somme de 195 571 euros correspondant au montant des sommes versées à la société Guinot, du prêt familial nanti sur le fonds, du capital social et de l'apport en compte courant de Madame X, en rappelant que ces sommes sont définitivement perdues du fait de la liquidation judiciaire.

Encore plus subsidiairement, il demande l'indemnisation du passif déclaré soit la somme de 194 535,35 euros.

Sur la sanction du dol, il rappelle que le dol est un délit civil, dont la réparation peut se cumuler avec la nullité du contrat. Il demande à ce titre 50 000 euros de dommages et intérêts.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 13 novembre 2018 par la société Guinot aux fins de voir la cour :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

Débouté la SCP Y prise en la personne de Maître Z es qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté de toutes ses demandes ;

En tout état, débouter la SCP Y prise en la personne de Maître Z es qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté de toutes ses demandes ;

Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a rejeté les demandes d'inscription au passif de la société Prestige Beauté et,

En conséquence :

Ordonner l'inscription au passif de la société Prestige Beauté :

- de la somme de 7 219,79 euros ;

- de la somme de 126 818 euros

Condamner la SCP Y prise en la personne de Maître Z es qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté à payer à la société Guinot la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 CPC outre les entiers dépens de l'instance dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique Etevenard Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile.

Intimée, la société Guinot soutient que les demandes de l'appelant sont basées essentiellement sur un préjudice qu'elle estime établi pour les seuls besoins de la cause et dont elle avance qu'il relève des mauvais choix de gestion de l'appelante.

Sur les demandes de l'appelant, elle fait valoir que la quasi-totalité, à l'exception de la somme de 20 607,18 euros concerne non pas des restitutions mais un préjudice et qu'il appartient donc à l'appelant de démontrer faute, dommage et lien de causalité dans les conditions habituelles de la responsabilité civile.

Sur le préjudice, elle soutient qu'un franchisé est mal fondé à réclamer un préjudice né d'un contrat sensé n'avoir jamais existé, que la faute de la victime peut exonérer l'auteur de la faute, que les choix comptables de l'appelante ne leur sont pas opposables. Elle soutient encore que le franchisé ne peut réclamer l'indemnisation du défaut d'obtention de résultats espérés.

Elle soutient que le préjudice exposé l'est pour les seuls besoins de la cause. Elle fait valoir que l'appelante a atteint le chiffre d'affaire prévisionnel, et l'a même dépassé pendant 6 des 10 mois observés.

Elle fait observer que l'appelante a fait le choix de ne fonctionner au début qu'à deux cabines, puis à une seule cabine, alors même que l'institut était dimensionné pour 4 cabines. Elle rappelle que dès 2012 la société Guinot insistait sur la nécessité de recruter une esthéticienne en plus et d'accorder un variable aux esthéticiennes.

Elle fait valoir que le premier bilan, au 31/12/2012 montre qu'il s'agit d'une exploitation mono cabine et que le second bilan, au 31/12/2013 est déjà un bilan de cessation d'activité avec provision pour risques et résultat exceptionnel négatif.

Elle soutient que l'immixtion de Monsieur X, époux de la gérante et ancien chef d'entreprise, dans la gestion de l'appelante et le manque d'investissement personnel de Madame X ainsi que leurs mauvais choix de gestion sont à l'origine des difficultés et exonèrent totalement la société Guinot de sa responsabilité.

La clôture de l'instruction a été prononcée avant l'ouverture des débats.

Motifs

LA COUR renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées ;

Sur la demande d'inscription au passif de la société Prestige Beauté :

Par application de l'article 631 du Code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non-atteinte par la cassation.

Dans son arrêt du 13 juin 2018, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du chef de la nullité pour dol, de la condamnation de la société Guinot à payer à Madame X une certaine somme en indemnisation de son préjudice moral.

En cassant l'arrêt de la présente cour du 16 novembre 2016 seulement en ce qu'il a condamné la société Guinot à payer certains dommages et intérêts alloués, la Cour de cassation a irrévocablement validé l'arrêt de cette cour dans ses chefs non-atteints par la cassation prononcée.

Par jugement du 26 mars 2014 le tribunal de commerce a débouté la société Guinot de ses demandes d'inscription au passif de la société Prestige Beauté.

Par arrêt du 16 novembre 2016 la cour d'appel a infirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Guinot.

Dès lors, la demande d'inscription au passif de la société Prestige Beauté des sommes de 7 219,79 euros et de 126 818 euros est irrecevable.

Sur les demandes financières consécutives à la nullité du contrat d'affiliation :

L'appelante réclame, à titre principal la somme de 413 515 euros au titre des pertes comptables cumulées par la société Prestige Beauté, en ce compris les sommes versées au franchiseur (20 607,18), les investissements perdus (196 571), le prêt non-remboursé (130 000) et les dettes vis-à-vis des tiers, subsidiairement la somme de 216 571 euros comprenant les restitutions consécutives à la nullité prononcée et la somme de 196 571 euros représentant la réparation du préjudice pour perte d'investissements.

La société Guinot s'oppose à l'indemnisation d'un préjudice financier correspondant au défaut d'obtention des résultats commerciaux qu'elle eût été en droit d'attendre de l'exploitation de la franchise. Elle excipe de fautes de gestion de la victime dans la production du dommage l'exonérant en totalité de sa responsabilité dans la réalisation du dommage.

Sur la faute de la société Guinot :

La faute de la société Guinot est désormais irrévocablement reconnue et constituée par une réticence dolosive lors de la conclusion du contrat d'affilié.

Il est constant que l'appelant a exposé des frais divers, en l'espèce des montants versés à la société Guinot, qui doivent faire l'objet de restitutions dès lors que le contrat d'affiliation est annulé, ces frais étant justifiés par les pièces produites aux débats.

L'appelant sollicite l'allocation de dommages et intérêts au titre d'autres frais exposés pour les besoins de l'exploitation, à savoir un prêt familial contracté aux fins de création de l'institut de beauté, une somme versée au capital social, des montants versés à la société exploitante par Mme X dont celle-ci est créancière, les sommes versées au titre du capital social de la société, la dette de compte-courant représentant les sommes apportées à l'entreprise pour son fonctionnement.

Il est établi par l'appelant un lien entre la faute et les pertes alléguées en ce que les apports en numéraires, nécessaires à la création et l'exploitation, ont été perdus par suite de l'annulation du contrat d'affilié, la réticence dolosive portant notamment sur l'état local du marché daté d'août 2011 rassemblant pour l'essentiel des statistiques anciennes datant de l'année 2007 et une analyse socio-démographique établie à partir d'informations d'évolution de population de 1999 à 2007, alors que le contrat d'affiliation a été signé en octobre 2011, plus de 4 ans plus tard, étant nature à affecter le chiffre d'affaires et la rentabilité prévisionnels de l'activité, nécessairement contrainte par la concurrence existante.

En revanche, l'appelant ne démontre pas que les pertes comptables d'exploitation dont il demande réparation à titre principal, égales au montant des pertes comptables enregistrées dans le dernier bilan de la société, en dehors des montants restituables et des apports divers, sont en lien direct avec l'annulation du contrat de sorte que la demande est en voie de rejet.

Sur l'insuffisance d'investissement personnel dans le projet d'entreprise :

Il est amplement démontré par l'appelant, que Madame X, intervenant en qualité de gérante de la société sans pratiquer de soins sur la clientèle, a suivi l'ensemble des recommandations de la société Guinot, de présence suffisante dans les locaux ainsi qu'il résulte de la lettre de la société Guinot du 4 juin 2012, dans le recrutement des salariés, dans la mise en avant de l'entreprise, M. X son époux, s'occupant de la gestion administrative et comptable de l'entreprise, suivant une formation spécifique au début du mois de novembre 2011 ainsi qu'il lui avait été proposé par la société Guinot le 6 juillet 2011, sans que la société intimée qui exerçait un contrôle sur le suivi des préconisations notamment en faisant pratiquer des "visites bilans" une "visite mystère", ne formule de réserves pendant la période d'activité sur l'exploitation, en particulier l'exploitation des cabines de soins, la rémunération des employées, l'activité de la gérante.

Pour l'exploitation des cabines, Mme X a cependant procédé à l'embauche d'une salariée supplémentaire à temps partiel à compter du 28 août 2012, satisfaisant ainsi à la demande expresse de la société Guinot formée le 4 juin 2012, sans qu'une augmentation substantielle et durable de chiffre d'affaires ne soit pour autant constatée, en lien avec l'exploitation de la cabine.

Le bilan pour l'année 2011/2012 ne fait pas apparaître un chiffre d'affaires supérieur au prévisionnel d'une part, et il n'est pas démontré de façon suffisamment circonstanciée par l'intimée que l'absence l'exploitation d'une cabine de soins supplémentaire a privé la société Prestige Beauté d'une augmentation de son chiffre d'affaires.

Au surplus le tableau contenant les ratios fournis par l'intimée comme indicateurs du plafond des charges salariales laisse apparaître pour la première année d'exploitation, des ratios "salaires/chiffre d'affaires" largement au-delà du ratio de 35 % préconisé, seul le mois de juin présentant un rapport inférieur, ce qui démontre le poids de la masse salariale dans un chiffre d'affaires réduit, ainsi qu'il résulte du carnet de rendez-vous clientèle démontrant que l'insuffisance de fréquentation de l'institut est la cause de la faiblesse du chiffre d'affaires et de l'absence de rentabilité, ce qui n'est pas utilement contredit par l'intimée, de sorte que l'absence d'exploitation d'une cabine de soins supplémentaire ne peut être imputée à faute à l'appelant.

En l'absence de preuve d'une faute suffisamment grave pour présenter un caractère exonératoire de la responsabilité encourue par l'intimée, le bien-fondé de la demande de réparation est rapporté.

Sur les préjudices de la société Prestige Beauté :

Il convient de condamner la société Guinot à restituer au titre de la nullité du contrat la somme de 20 607,18 euros, se décomposant en :

- 7 000 euros au titre du droit d'entrée à la franchise versé,

- 2 875,18 euros au titre du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot,

- 6 032 euros au titre des appareils pris à bail auprès de la société Guinot,

- 4 560 euros au titre du mobilier cabine pris à bail auprès de la société Guinot,

- 140 euros au titre de la location d'enseigne,

L'appelant ayant établi le lien de causalité entre la faute et le préjudice, la société Guinot sera condamnée à payer en indemnisation des préjudices subis, la somme de 196 571 euros, se décomposant en :

- 156 000 euros au titre du prêt contracté auprès de M. A,

- 7 500 euros au titre du capital social,

- 33 071 euros correspondant à la dette de compte courant de Prestige Beauté contractée auprès de Mme X.

Sur la réparation au titre du dol :

Si la preuve de la réticence fautive est irrévocablement établie, en revanche il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice au titre du dol, distinct des préjudices indemnisés ci-dessus.

Par ces motifs, LA COUR, Vu l'arrêt de cette cour en date du 16 novembre 2016 ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2018 ; Déclare irrecevable la demande d'inscription au passif de la société Prestige Beauté des sommes de 7 219,79 euros et de 126 818 euros ; Condamne la société Guinot à payer à la SCP Y, prise en la personne de Maître Z, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, au titre de la nullité du contrat la somme de 20 607,18 euros, se décomposant en : 7 000 euros au titre du droit d'entrée à la franchise versé, 2 875,18 euros au titre du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot, 6 032 euros au titre des appareils pris à bail auprès de la société Guinot, 4 560 euros au titre du mobilier cabine pris à bail auprès de la société Guinot, 140 euros au titre de la location d'enseigne, Condamne la société Guinot à payer à la SCP Y, prise en la personne de Maître Z, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, en réparation des préjudices subis la somme de 196 571 euros, se décomposant en : 156 000 euros au titre du prêt contracté auprès de M. A, 7 500 euros au titre du capital social, 33 071 euros correspondant à la dette de compte courant de Prestige Beauté contracté auprès de Mme X ; Déboute la SCP Y, prise en la personne de Maître Z, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté de sa demande en indemnisation du préjudice subi au titre du dol ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Guinot à payer à la SCP Y ès qualités la somme de 15 000 euros ; Rejette toute demande autre ou plus ample ; Condamne la société Guinot aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.