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Décisions

CA Aix-en-Provence, Pôle 1 ch. 1, 17 septembre 2019, n° 17-22058

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Soleil Bleu Yatching (SA), Fiart Mare Spa (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vidal

Conseillers :

Mmes Vignon, Demont

Avocats :

Mes Lescudier, De Golbery, Rousseau, Tournu, Causse, Lami Sourzac

TGI Marseille, du 16 oct. 2017

16 octobre 2017

EXPOSE DU LITIGE

Selon facture en date du 24 juin 2005, la société NATIXIS a acquis auprès de la société SOLEIL BLEU YACHTING un navire FIART MARE 38 GENIUS, millésime 2005, qui a fait l'objet d'une location avec option d'achat, en vertu d'un contrat du 22 juillet 2005, au profit de M. X Z et Mme E Z.

La société MARINE DIFFUSION INTERNATIONAL était à l'époque importateur de la marque FIART en France.

M. et Mme Z ont acquis le navire, à l'expiration du contrat de leasing, selon un acte de vente du 16 août 2010.

Les consorts Z, à l'usage, se sont plaints d'un certain nombre de désordres, notamment d'infiltrations d'eau, listés dans un courrier du Cabinet PIETRAVALLE du 07 novembre 2006.

La société MARINE DIFFUSION a accepté en décembre 2006 de prendre à sa charge un certain nombre désordres constatés.

Les parties ont régularisé un protocole d'accord en date du 25 février 2007, par lequel M. Z reconnaissait que l'ensemble des désordres, objet du courrier du Cabinet PIETRAVALLE, avaient été repris et a accepté de renoncer à tout recours judiciaire.

Neuf mois plus tard, lors d'une croisière en Sardaigne, les consorts Z se sont à nouveau plaints de désordres.

Ils ont alors saisi le juge des référés par exploit du 07 octobre 2008 de diverses demandes de condamnations à l'encontre des sociétés MARINE DIFFUSION et SOLEIL BLEU YACHTING.

Par ordonnance de référé en date du 12 janvier 2009, M. X C a été désigné en qualité d'expert judiciaire avant d'être remplacé par M. Y H.

Par jugement du 23 novembre 2010, le tribunal de commerce de Cannes a prononcé la liquidation judiciaire de la société MARINE DIFFUSION.

Par ordonnance en date du 06 juin 2011, sur requête de la société SOLEIL BLEU YACHTING, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables au fabricant, la société FIART MARE SPA.

M. G a déposé son rapport définitif le 29 juillet 2015.

Par acte du 29 mai 2016, invoquant la garantie des vices cachés et le manquement à l'obligation de délivrance, M. X Z et Mme E Z ont fait assigner la société SOLEIL BLEU YACHTING et la société FIART MARE SPA devant le tribunal de grande instance de Marseille, en paiement de diverses sommes en réparation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 18 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- déclaré irrecevable l'action introduite par M. X Z et Mme E Z à l'encontre de la société FIART MARE SPA,

- débouté M. X Z et Mme E Z de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- déclaré sans objet l'appel en garantie formé par la société SOLEIL BLEU YACHTING à l'encontre de la société FIART MARE SPA,

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société FIART MARE SPA à l'encontre de M. X Z et Mme E Z,

- condamné in solidum M. X Z et Mme E Z à payer à la société FIART MARE SPA la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum M. X Z et Mme E Z à payer à la société SOLEIL BLEU YACHTING la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné in solidum M. X Z et Mme E Z aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration en date du 11 décembre 2017, M. X Z et Mme E Z ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 février 2018, M. X Z et Mme E Z née D demandent à la cour de :

Vu notamment les dispositions des articles 1644 du Code civil, mais encore 1604 et 1641 du même Code mais aussi anciennement 1134 et suivants et désormais 1103 et suivants du Code civil,

- réformer en son intégralité les termes du jugement querellé,

Vu le rapport d'expertise de M. G et ses annexes,

- dire et juger que tant la société SOLEIL BLEU YACHTING, en sa qualité de venderesse, que la société FIART MARE SPA, en sa qualité de fabricant du navire FIART 38 GENIUS, ont engagé leur responsabilité vis-à-vis des consorts Z,

- en conséquence les condamner solidairement à les indemniser du préjudice qu'ils ont subi et donc à leur payer les sommes de :

* 8 428,20 € au titre du remboursement des dépenses effectuées pour remédier à certains désordres admis par l'expert,

* 60 000 € au titre du trouble de jouissance,

* 40 000 € au titre de la moins-value résultant de l'état du navire en l'état des désordres dont il est empreint et ce, depuis sa livraison,

* 15 000 € au titre des tracas, soucis, perte de temps, correspondances, démarches et autres effectuées ainsi qu'il résulte des opérations expertales,

* 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, recouvrant à la fois les dépenses engagées au titre de leur défense dans le cadre des opérations expertales,

* les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Ils rappellent qu'ils ont effectivement signé un protocole d'accord le 25 février 2007 aux termes duquel les désordres qui avaient été dénoncés ont été repris et qu'ils renonçaient à tout recours, sous réserve de la mise à l'eau et essai en mer dans des conditions de mer agitée, les défauts les plus importants résultant d'infiltrations dans la coque et les hublots qui se doivent d'être étanches. Ils font valoir qu'il s'est rapidement avéré que certaines réparations avaient été mal effectuées, que les infiltrations se sont poursuivies et que d'autres désordres, conséquences de ces infiltrations, sont apparus.

Ils soulignent l'exceptionnel comportement partisan de l'expert judiciaire, qui a déposé un rapport extrêmement tendancieux, qu'ils ont été contraints de saisir à plusieurs reprises le magistrat chargé du contrôle des expertises et que parce qu'il ne pouvait nier la réalité des désordres et malfaçons affectant le navire, M. G a été contraint malgré tout de reconnaître l'existence de certains défauts et la nécessité d'entreprendre des travaux.

Ils précisent que leur action, que ce soit au titre des vices cachés ou de l'absence de délivrance conforme, est principalement engagée à l'encontre de leur vendeur, la société SOLEIL BLEU YACHTING, sans exclure la garantie du fabricant, la société FIART MARE SPA.

Ils s'opposent à toute prescription de leur action à l'encontre de la société FIART MARE SPA, aux motifs que :

- le protocole prévoyait des réserves quant aux venues d'eaux et infiltrations lors d'essai en mer agitée,

- ces désordres sont effectivement survenus et la société FIART, informée, a tenté d'y remédier en novembre 2007, sans succès,

- la prescription des vices cachés a été valablement interrompue par la saisine du juge des référés le 07 octobre 2008 et n'a recommencé à courir qu'à compter du dépôt du rapport, soit le 19 juillet 2015,

- le tribunal a été saisi le 20 mai 2016, de sorte qu'aucune prescription à l'encontre du fabricant ne peut leur être opposée.

Ils invoquent la responsabilité des parties intimées :

- au titre des vices cachés : il ressort des conclusions de l'expert que le navire est bien le siège de venues d'eau lors de son utilisation, qu'il ne s'agit nullement d'une mauvaise exécution des travaux visés par le protocole du 22 février 2017 et qu'il est manifeste que le bateau n'était pas exempt de vice lors de sa livraison,

- au titre du manquement à l'obligation de délivrance : s'il a bien été livré un navire susceptible de flotter et de naviguer en mer calme, tel n'est pas le cas de manière sécuritaire dans une mer formée, comme le permet en principe sa catégorie de navigation.

A titre subsidiaire, ils estiment être fondés à rechercher la responsabilité des sociétés intimées au titre d'une mauvaise exécution des travaux visés dans le protocole du 22 février 2007, à savoir au visa des articles anciennement 1134 et suivants du Code civil, le rapport d'expertise mettant en évidence qu'il existe des défauts découlant de réparations qui n'ont pas été effectuées de manière satisfaisante.

Ils insistent sur leurs différents préjudices soutenant avoir été contraints de procéder à la vente de leur navire, que les différents désordres dont il était empreint ont généré une moins-value de 40.000 €, qu'ils ont en outre subi un important trouble de jouissance puisque durant 10 années, ils n'ont pas été en mesure d'utiliser ce bateau conformément à ses capacités.

La société SOLEIL BLEU YACHTING, suivant ses conclusions notifiées et signifiées par RPVA le 18 mai 2018, demande à la cour de :

A titre liminaire,

- constater qu'à aucun moment, les appelants n'ont énoncé dans le dispositif de leurs conclusions les moyens qu'ils invoquent au soutien de l'infirmation du jugement,

- dire et juger que la cour d'appel n'est saisie que par le dispositif des conclusions,

- dire et juger que la partie qui conclut à l'infirmation du jugement attaqué doit expressément invoquer les moyens dans son dispositif,

- déclarer en conséquence, irrecevables les conclusions des époux Z,

- constater en toute hypothèse que ni dans la déclaration d'appel, ni dans le dispositif, ni dans les conclusions des consorts Z, la cour n'a été saisie d'une demande aux fins d'infirmer la condamnation des époux Z à payer à la société SOLEIL BLEU YACHTING la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire et juger que le jugement déféré est devenu définitif sur ce point,

A titre principal,

- constater qu'il n'existe aucun acte interruptif de prescription entre le 24 juin 2015, date de livraison du navire et la signification de l'assignation en référé expertise du 07 mars 2008,

- constater que la prescription annale applicable en matière de vente de navire est applicable,

- constater que les griefs des consorts Z sont exclusivement dirigés contre le constructeur du bateau, la société FIART, que l'existence de "vices cachés", avérés ou non, ne concerne en rien le revendeur SOLEIL BLEU YACHTING dont les efforts commerciaux ont été reconnus par les appelants,

- dire et juger que la société SOLEIL BLEU YACHTING, simple intermédiaire de vente entre le constructeur et les époux Z, est fondée à se prévaloir de la prescription annale,

- confirmer de ce fait le jugement déféré qui a jugé irrecevable l'action diligentée par les consorts Z pour se heurter à la prescription annale applicable,

A titre subsidiaire,

- constater que la société SOLEIL BLEU YACHTING n'a pas manqué à ses obligations contractuelles de vendeur,

Dès lors,

- constater l'absence de toute responsabilité de la société SOLEIL BLEU YACHTING en sa qualité de simple venderesse,

- confirmer dès lors le jugement déféré qui a débouté les consorts Z de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que l'expert n'a relevé aucun vice caché qui puisse rendre le navire impropre à sa destination,

- constater que le fabricant comme le vendeur ont satisfait à leur obligation de délivrance conforme,

- constater l'utilisation intensive et non contestée par les consorts Z de leur bateau pendant plus de 10 ans,

- dire et juger que le bateau n'est atteint d'aucun vice de nature à rendre le navire impropre à son usage,

- constater que M. Z a procédé de son seul chef et sans l'accord du constructeur à de nombreuses modifications de son bateau,

- constater que l'expert judiciaire n'impute à la société SOLEIL BLEU YACHTING aucun désordre,

- constater que les seules dépenses retenues par l'expert, à la charge de FIART MARE selon lui, sont d'un montant de 6 082,20 €,

- constater l'absence de trouble de jouissance subi par les époux Z,

- constater l'absence de moins-value réalisée sur la revente du navire par les époux Z en octobre 2015,

Dès lors,

- homologuer le rapport d'expertise judiciaire en toutes ses dispositions,

- confirmer le jugement déféré qui a débouté les époux Z de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner FIART MARE SPA à relever et garantir la société SOLEIL BLEU YACHTING de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge, cette dernière n'étant en rien concernée par les griefs invoqués par les appelants et n'ayant jamais manqué à ses obligations contractuelles,

En tout état de cause,

- confirmer plus généralement le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner les consorts Z ou tout succombant à verser à la société SOLEIL BLEU YACHTING la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

In limine litis et au visa de l'article 954 du Code procédure civile, elle a conclu à l'irrecevabilité des conclusions des consorts A, qui n'énoncent à aucun moment, dans le dispositif, les moyens qu'ils invoquent au soutien de l'infirmation du jugement.

A titre principal, elle soutient que l'action des appelants est prescrite, que ces derniers allèguent de vices cachés affectant leur navire acquis le 24 juin 2005 lesquels relèvent de la seule responsabilité du constructeur et sont régis par les dispositions des articles L. 5113-4 et 5113-5 du Code des transports, édictant une prescription annale. Elle relève que les époux Z ne justifient d'aucune cause d'interruption de la prescription entre la découverte des vices en 2005 et l'assignation en référé en octobre 2008 et que conformément à une jurisprudence constante, cette prescription, qui profite au constructeur, profite également au vendeur, qui n'est qu'un simple intermédiaire, de sorte qu'elle est parfaitement fondée à s'en prévaloir.

En tout état de cause, elle conteste toute responsabilité en sa qualité de simple venderesse dès lors que les consorts Z fondent leur action sur l'existence de vices cachés affectant un navire acheté neuf donc imputables au seul constructeur et en aucun cas au distributeur local, l'expert judiciaire dans son rapport ne lui imputant d'ailleurs aucun désordre. Elle souligne au demeurant qu'au regard des constatations expertales la plupart des désordres invoqués sont consécutifs à un entretien douteux de la part de M. Z, aux nombreuses modifications qu'il a effectuées lui-même et sont en outre apparus au fur et à mesure du vieillissement du navire.

Elle fait valoir que les consorts Z ont utilisé leur bateau sur dix ans de manière plus qu'intensive, à raison d'environ 155 heures par an, soit trois fois plus que la moyenne supérieure d'un plaisancier (60 heures par an), étant souligné qu'ils n'ont jamais voulu communiquer à l'expert les périodes de navigation, et qu'ils l'ont de surcroît revendu à un très bon prix, si l'on tient compte de son nombre d'heures de moteur anormalement élevé.

Elle ajoute que, pour la première fois en cause d'appel, les époux Z invoquent une mauvaise exécution des travaux effectués dans le cadre du protocole, grief qui n'a jamais soumis à l'expert, ni débattu devant lui.

Elle précise que :

- le bien livré est en tout point conforme au bon de commande, de sorte qu'il n'existe aucun manquement à l'obligation de délivrance,

- les préjudices avancés sont totalement infondés, au regard des circonstances sus rappelées.

La société FIART MARE SPA, suivant ses conclusions signifiées par la voie électronique le 16 mai 2018, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 16 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Marseille en toutes ses dispositions,

- débouter M. Z de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société FIART de sa demande en paiement d'une somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts,

Statuant à nouveau,

- condamner M. et Mme Z à payer à la société FIART la somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'atteinte à son image,

- condamner M. et Mme Z à payer à la société FIART la somme complémentaire de 4 000 € destinée à compenser les frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise.

Elle soutient que l'action engagée par les consorts Z à son encontre est prescrite :

- la responsabilité du constructeur de navire est régie par les articles L. 5113-2 et suivants du Code des transports édictant une prescription annale en matière de vices cachés, de sorte que les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil sont inapplicables,

- le navire a été livré le 13 août 2005 et l'assignation en référé initiée par les époux Z n'a pas interrompu le délai de prescription à son encontre, puisqu'elle n'a pas été mise en cause dans le cadre de cette procédure,

- elle a été mise en cause pour la première fois par exploit du 18 mars 2011 à la demande de la société SOLEIL BLEU YACHTING et les appelants ne l'ont appelée en cause pour la première fois que par acte du 24 mai 2016,

- même en retenant la découverte des vices à la date invoquée par les époux B (à savoir novembre 2007), l'action est prescrite, y compris sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil,

- il en est de même pour l'action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun.

Elle rejoint les observations formulées par la société SOLEIL BLEU YACHTING quant à l'absence de vice caché ou de manquement à l'obligation de délivrance. Elle considère également que les préjudices allégués sont parfaitement infondés.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 21 mai 2019.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité des conclusions des époux Z

Se prévalant de l'article 954 du Code de procédure civile, la société SOLEIL BLEU YACHTING conclut à l'irrecevabilité des conclusions des époux Z aux motifs qu'à aucun moment, les appelants n'ont énoncé dans le dispositif de leurs conclusions, les moyens qu'ils invoquent au soutien de l'infirmation du jugement.

Or aucun texte n'impose aux appelants d'avoir à énoncer leurs moyens dans le dispositif des conclusions, que l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que "les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions" et qu'ainsi si la cour est liée par les demandes telles qu'elles sont formulées dans le dispositif, cette exigence s'entend uniquement par rapport à la notion de prétentions dont la cour est saisie et non par rapport aux moyens destinés à asseoir celles-ci.

En outre, le dispositif des conclusions en cause contient les fondements textuels des prétentions des consorts Z, en l'occurrence les articles 1644, 1604, 1641 et 1134 et suivants du Code civil, désormais 1103 et suivants, complétés par la référence au rapport d'expertise judiciaire.

Aucune critique n'est d'ailleurs formée au titre des développements contenus dans les conclusions préalablement au dispositif, lesquels sont clairs et motivés en ce qui concerne les moyens invoqués, de sorte que l'objet du litige est parfaitement identifié.

La demande d'irrecevabilité des conclusions des appelants sera en conséquence écartée.

S'agissant du caractère définitif du jugement concernant la condamnation des appelants à payer à la société BLEU SOLEIL YACHTING la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, au motif que la cour ne serait pas saisie d'une demande d'infirmation de cette condamnation, il convient d'observer, d'une part que les appelants sollicitent l'infirmation totale du jugement, d'autre part que dès lors que la cour est saisie d'une demande de réformation du jugement, cela implique nécessairement, s'il est fait droit aux prétentions des appelants, de réexaminer la demande au titre des frais irrépétibles, une telle condamnation ne pouvant être prononcée, à la lumière de l'article 700 du Code de procédure civile, qu'à l'encontre de la partie qui perd son procès.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. et Mme Z soulevée par la société FIART MARE SPA :

M. et Mme Z recherchent la responsabilité de la société FIART MARE SPA à titre principal au titre des articles 1604, 1641 et 1644 du Code civil et, enfin, sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code civil.

Ils réclament en premier lieu la condamnation de la société FIART MARE SPA en sa qualité de constructeur du navire qui leur a été livré le 13 août 2005, alléguant la présence de vices cachés.

Or comme le fait observer à juste titre la société FIART MARE SPA la responsabilité du constructeur de navire au titre des vices cachés est régie par les dispositions des articles L 5113-2 et suivants du Code des transports et non par les articles 1641 et suivants du Code civil qui lui sont inapplicables.

L'article L. 5513-4 du Code des transports énonce que le constructeur est responsable des vices cachés du navire même si la recette a été réalisée sans réserve de la part du client. En vertu de l'article L. 5513-5 du même Code, l'action en garantie contre le constructeur se prescrit par un an à compter de la découverte du vice caché.

En l'espèce, les premiers désordres déplorés par les appelants sont apparus dès l'année 2005, le navire ayant été immobilisé une première fois à compter du 13 décembre 2005. Ces désordres ont fait l'objet d'un protocole d'accord signé le 22 février 2007. M. et Mme Z, aux termes de leurs écritures, fixent en novembre 2007 la date d'apparition de nouveaux désordres consistant en des infiltrations d'eau de mer, indiquant que la société FIART en a été informée et a tenté d'y remédier sans succès en novembre 2007.

En prenant pour point de départ du délai de prescription la date avancée par les appelants, en l'occurrence novembre 2007, l'action des époux Z sur le fondement des vices cachés envers le constructeur est largement prescrite.

En effet, si ces derniers ont effectivement saisi le juge des référés d'une demande d'expertise le 07 octobre 2008, la société FIART n'a pas été mise en cause à l'occasion de cette procédure, de sorte que cette assignation en référé n'a pas interrompue la prescription à son encontre. La société FIART a été appelée pour la première fois à l'instance par acte du 18 mars 2011 à l'initiative de la société SOLEIL BLEU YACHTING et les appelants ne l'ont quant à eux mis en cause pour la première fois que par exploit du 24 mai 2016.

Par ailleurs, comme l'indique la société FIART, la prescription de droit commun a été ramenée par la loi du 17 juin 2008 à cinq ans en matière civile (article 2224 du Code civil) comme en matière commerciale (L. 110-4 du Code de commerce).

L'inexécution de l'obligation de délivrance conforme prévue par l'article 1603 du Code civil est réalisée par la livraison d'une chose autre que celle commandée car c'est à ce stade que se réalise la délivrance définie à l'article 1604 du Code civil. En effet, conformément à l'article 1606 du Code civil, en remettant la chose vendue à l'acquéreur qui l'accepte, sans réserve, le vendeur remplit son obligation de délivrance en application de l'article 1604 du Code civil. C'est donc au jour de la délivrance que le dommage résultant du défaut de conformité de la chose vendue se manifeste.

Dans ces conditions, le délai de prescription en matière de non-conformité du produit vendu commence à courir à compter de la livraison du bien affecté du défaut et non de la découverte de la non-conformité. Aucune distinction ne doit être effectuée selon que le défaut est apparent ou pas, seule la date de livraison qui correspond à la délivrance, fixant le point de départ de cette action en responsabilité contractuelle du vendeur.

En l'espèce, la livraison du navire litigieux étant intervenue le 13 août 2005, cette date constitue le point de départ du délai de prescription, de sorte qu'en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, M. et Mme Z disposaient d'un délai pour mettre en cause la société FIART, au titre du non-respect de son obligation de délivrance conforme, expirant le 19 juin 2013.

Or, ils n'ont engagé une procédure à l'encontre cette société que par acte d'huissier du 24 mai 2016, si bien que la prescription de l'action fondée sur l'article 1604 du Code civil est acquise, de même que toute action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, s'agissant de la mauvaise exécution des travaux visés au protocole du 22 février 2007, qui devait être engagée avant le 19 juin 2013, les désordres allégués ayant été découverts selon les appelants en novembre 2007.

En conséquence, les demandes formées par M. et Mme Z à l'encontre de la société FIART MARE SPA sont irrecevables comme étant prescrites.

En revanche, la prescription n'est pas acquise à l'égard de la société SOLEIL BLEU YACHTING puisque si les premiers désordres sont effectivement apparus dès l'année 2005,

- le protocole d'accord litigieux en date du 27 février 2007 prévoyait des réserves quant à des venues d'eaux et d'infiltrations lors d'essai en mer agitée,

- les époux Z se sont plaints de l'apparition de nouvelles infiltrations, le constructeur en ayant été informé et étant intervenu en novembre 2007,

- sur la base d'un nouveau rapport de la part de leur assureur le cabinet PIETRAVALLE en date du 03 juillet 2008 suite à ces nouveaux désordres, les appelants ont fait assigner notamment la société SOLEIL BLEU YACHTING devant le juge des référés par exploit 07 octobre 2008, interrompant ainsi le délai de prescription à l'encontre de leur vendeur jusqu'au 12 janvier 2009, date de l'ordonnance de référé ordonnance une mesure expertale,

- le délai de prescription a ensuite été suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise le 19 juillet 2015, de sorte que l'action engagée par les appelants à l'encontre de la société SOLEIL BLUE YACHTING sur le fondement des vices cachés, à supposer même qu'elle puisse opposer la prescription annale applicable au constructeur, n'est en tout état de cause pas prescrite.

En conséquence, l'action intentée par les époux Z à l'encontre de leur vendeur est recevable.

Sur la responsabilité de la société SOLEIL BLEU YACHTING

M et Mme Z recherchent la responsabilité de leur vendeur, invoquant successivement la garantie des vices cachés, l'absence de délivrance conforme et enfin, la responsabilité contractuelle de droit commun.

S'agissant plus particulièrement du déroulement des opérations d'expertise, les appelants invoquent le comportement partial de l'expert, ses lacunes, son incompétence ainsi que son laxisme, rappelant avoir été contraints de saisir le magistrat chargé du contrôle des expertises.

Or, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du compte rendu du magistrat chargé du contrôle des expertises suite à l'audience qui s'est tenue dans son cabinet le 12 mars 2015 que ce dernier a pu "s'assurer de l'impartialité de l'expert, étant précisé que les constats techniques sont effectués et que le pré rapport a été déposé à la fin de l'année (....) A aucun moment de l'expertise, M. G n'a été remis en cause dans sa déontologie".

Au demeurant, les époux Z se gardent bien de solliciter l'annulation du rapport ou de solliciter une nouvelle mesure d'expertise judiciaire.

En conséquence, le rapport d'expertise de M. G réalisé au contradictoire des parties, procédant à une analyse objective des données de fait de la cause, à une étude complète des questions posées dans sa mission et retenant des conclusions motivées par des arguments techniques, doit servir sur le plan technique de support à la décision relativement au litige opposant les parties.

En vertu de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

M. et Mme Z réclament le remboursement du coût des travaux qu'ils ont effectués et réglés, tels que retenus par M. G, soit la somme de 8 428,20 €.

Or comme l'a relevé à juste titre le premier juge, la simple liste de travaux à réaliser ou l'examen de devis et factures par un expert, ne suffit pas à démontrer l'existence d'un quelconque vice caché, d'autant que M. G aux termes de ces investigations, conclut :

- que les désordres allégués par les époux Z sont pour l'essentiel, consécutifs à l'entretien douteux du navire et à ses nombreuses modifications par M. Z lui-même, et ont fait leur apparition au fur et à mesure du vieillissement du navire,

- à l'absence d'infiltrations d'eau puisque les essais en mer, pratiqués le 20 novembre 2012, l'ont définitivement convaincu que le navire ne prenait pas l'eau, y compris en navigation dans une mer difficile.

Plus précisément, s'agissant des désordres apparus entre la livraison du navire et la régularisation du protocole d'accord, il y a lieu de relever que :

- M. Z reconnaissait que l'ensemble des désordres listés par le cabinet PIETRAVALLE avaient été repris et renonçait à tout recours, sous réserve d'un essai en mer dans des conditions difficiles,

- la réserve portait sur les infiltrations d'eau dans la cale, pour lesquelles M. G a précisément conclu à l'absence de tout désordre,

- les désordres doivent être considérés comme ayant été purgés par la signature du protocole,

- l'expert précise en outre qu'en raison de la fin de période de garantie au 13 août 2006, une grande partie de la résolution des défauts invoqués ne dépendent que de travaux d'entretien incombant au propriétaire et pointe également les importantes transformations réalisées par M. Z lui-même, qui sont directement à l'origine des désordres qu'il invoque :

* adjonction de la cloison longitudinale et modification de la baille à mouillage qui réduit le volume et la surface de fond de la baille et augmente considérablement la pression sur le fond par le mouillage stocké,

* création d'un coffre dans l'épaisseur de la plateforme arrière pour entreposer le second mouillage,

* modification de la console de poste de pilotage dans sa moitié bâbord, avec suppression des appareils existants.

S'agissant des désordres allégués comme étant apparus postérieurement à février 2007, l'expert relève que :

- les défauts relatifs au réservoir à eaux noires relèvent d'un manque d'entretien du matériel qui aurait dû être assuré par le propriétaire et utilisateur lui-même,

- les désordres concernant la courroie du propulseur d'étrave relèvent également de la responsabilité du propriétaire qui doit procéder à son entretien lors de tout hivernage, ce qui n'a pas été le cas.

Quant à l'évaluation des seuls travaux résiduels considérés comme utiles par l'expert, il apparaît que :

- le désordre relatif à l'étanchéité de la baille à mouillage ne fait pas partie de la liste initiale dressée par le cabinet PIETRAVALLE et est donc apparu postérieurement à février 2007, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un vice caché, d'autant que M. Z a fait procéder entretemps à des modifications du cloisonnement de la baille à mouillage,

- le propulseur d'étrave n'est pas davantage un vice caché, l'expert indiquant qu'il ne s'agit pas d'un problème osmotique mais d'une avarie accidentelle,

- l'oxydation du vérin du capot de cale moteurs était listée par M. F et a donc été purgée par le protocole.

Il n'est donc pas établi que les avaries invoquées par les consorts Z sont consécutives à des défauts existant antérieurement à la vente et surtout qu'elles présentent le caractère de gravité exigé par les textes, l'utilisation plus qu'intensive du navire qui en a été faite par les appelants pendant plus de dix ans, lesquels ont effectué de multiples croisières dans toute la méditerranée, démontrant au contraire que ce bien n'était nullement impropre à sa destination.

Le manquement à l'obligation de délivrance conforme, qui s'étend de la remise matérielle de la chose en quantité et qualité attendues, n'est pas davantage établi, puisqu'il n'est pas contesté que le navire remis aux époux Z est en tout point conforme au bon de commande, le défaut de conformité de la chose à sa destination normale, au demeurant aucunement démontré, ressortant de la garantie des vices cachés et non d'un manquement à l'obligation de délivrance.

Au regard des développements qui précèdent et plus particulièrement des constatations expertales, la responsabilité de la société SOLEIL BLEU YACHTING au titre des articles 1134 et suivants du Code civil, ne peut trouver davantage application, les avaries dénoncées ne trouvant pas leur cause dans une mauvaise exécution des travaux visés au protocole.

C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté M. et Mme Z de leurs prétentions à l'encontre de la société SOLEIL BLEU YACHTING.

Par voie de conséquence, l'appel en garantie formé par cette dernière à l'encontre de la société FIART MARE SPA est sans objet.

La demande de dommages et intérêts présentée par la société FIART MARE SPA ne sera pas accueillie en l'absence de démonstration par celle-ci d'une quelconque atteinte à son image compte tenu de l'introduction de la présente procédure par les époux Z.

En définitive le jugement sera confirmé.

Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Vu l'article 696 du Code de procédure civile,

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Déclare recevables les conclusions prises dans les intérêts de M. X Z et Mme E Z, Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne M. X Z et Mme E Z in solidum à payer à la société SOLEIL BLUE YACHTING la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. X Z et Mme E Z in solidum à payer à la société FIART MARE SPA la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. X Z et Mme E Z aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.