CA Dijon, 2e ch. civ., 12 septembre 2019, n° 19-00266
DIJON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
DDGI (SARL)
Défendeur :
360 Digit'id (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vautrain
Conseillers :
M. Wachter, Mme Lavergne-Pillot
La SARL DDGI est à la tête d'un réseau de franchise dénommé "VIP 360°", spécialisé en solutions de communication interactive, visite virtuelle, réalité virtuelle et vidéo à 360°.
Le 16 mai 2016, Mme X a conclu avec la société DDGI un contrat de franchise aux termes duquel lui a été concédé le droit d'exploiter les marques VIP Studio 360 et VIP Premium 360, ainsi que le savoir-faire développé sur le plan technique et commercial par le franchiseur, sur la zone géographique constituée du département du Val de Marne (94), outre certains établissements listés et situés dans le 12e arrondissement de Paris.
Ce contrat était conclu pour une durée de 5 ans à compter du 1er septembre 2016, et prévoyait sur le plan financier le versement de droits d'entrée, d'une redevance mensuelle et la rémunération des prestations techniques correspondant aux travaux de post-production réalisés par l'équipe technique de la société DDGI. Il était par ailleurs stipulé que le franchisé s'engageait, quel que soit son chiffre d'affaires mensuel, à verser chaque mois au franchiseur un minimum de 700 HT cumulant la redevance mensuelle et la rémunération des prestations techniques, ce minimum garanti n'étant applicable qu'à compter du début du 7e mois suivant l'entrée en vigueur du contrat, soit à compter du 1er mars 2017.
Le même jour, les parties ont signé un avenant prévoyant en son article 1 une faculté de résiliation à l'initiative du franchisé pour le cas où le chiffre d'affaires serait inférieur à 60 000 au cours de la 3e année contractuelle.
Le 13 octobre 2016, Mme X a créé la Sasu 360 Digit'Id, qu'elle s'est substituée dans le bénéfice du contrat de franchise modifié par l'avenant, ainsi que la convention le permettait.
Un litige est survenu entre les parties s'agissant du non-paiement par la société 360 Digit'Id de la facture établie par la société DDGI au titre du mois de février 2017 concernant la redevance mensuelle ainsi que des travaux de post-production, et de celles établies au cours des mois suivants au titre du minimum garanti.
Par courrier du 26 juillet 2018, la société 360 Digit'Id a informé la société DDGI qu'elle entendait résilier le contrat avec effet au 1er octobre 2018 en application de l'article 1 de l'avenant.
La société DDGI s'y est opposée, faisant valoir qu'en application de l'avenant la résiliation n'était possible qu'à compter du mois de septembre 2019.
Par exploits du 20 décembre 2018, la société DDGI a fait assigner la société 360 Digit'Id ainsi que Mme X devant le juge des référés du tribunal de commerce de Dijon en condamnation solidaire au paiement, à titre provisionnel, de la somme de 15 207,68 correspondant aux factures impayées. Elle a fait valoir que ces sommes étaient incontestablement dues, dès lors qu'elles répondaient à la stricte application des stipulations contractuelles, et que Mme X en était tenue solidairement avec la société 360 Digit'Id en application des dispositions des articles 1216 et 1216-1 du Code civil.
Mme X a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie, subsidiairement a sollicité le rejet des demandes en tant qu'elles étaient formées à son encontre, au motif que la société 360 Digit'Id lui avait été régulièrement substituée dans les droits et obligations résultant du contrat.
La société 360 Digit'Id a réclamé le rejet des demandes au motif de l'existence d'une contestation sérieuse tenant au manquement de la demanderesse à ses obligations. Elle a fait grief à la société DDGI de ne pas lui avoir transmis le savoir-faire promis, de ne pas lui avoir fourni le matériel photo prévu, et de lui avoir proposé un concept qui ne s'était pas révélé viable.
Par ordonnance du 13 février 2019, le juge des référés a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par Mme X au motif que celle-ci n'avait pas désigné la juridiction compétente, mais a rejeté la demande en tant qu'elle était formée à son encontre, relevant que ses engagements avaient été repris par la société 360 Digit'Id, et que l'article 1216-1 du Code civil invoqué par la demanderesse était inapplicable, dès lors, d'une part, qu'il concernait la cession de contrats, et non la substitution de parties, et dans la mesure, d'autre part, où ce texte était applicable aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016, soit postérieurement à la convention litigieuse. Il a par ailleurs retenu que l'exception d'inexécution soulevée par la société 360 Digit'Id constituait une contestation sérieuse. Le juge des référés a en conséquence :
- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par Mme X ;
- s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes ;
- déclaré les demandes prises à l'encontre de Mme X infondées ;
- en conséquence, mis hors de cause Mme X ;
- constaté son défaut de pouvoir sur les demandes présentées à l'encontre de la Sasu 360 Digit'Id ;
- dit n'y avoir lieu à référé ;
- condamné la SARL DDGI à payer à Mme X et la Sasu 360 Digit'Id la somme de 1 500 chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- dit le surplus de la demande de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile injustifié et en tout cas mal fondé, les en a déboutées ;
- condamné la SARL DDGI en tous les dépens de l'instance.
La société DDGI a relevé appel de cette décision le 20 février 2019.
Par conclusions notifiées le 4 avril 2019, l'appelante demande à la cour :
Vu l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1134 et 1216 et 1216-1 du Code civil,
- de réformer l'ordonnance du 13 février 2019 en toutes ses dispositions, hormis en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme X ;
Et, statuant de nouveau :
Sur la condamnation de la société 360 Digit'Id :
- de constater l'absence de contestation sérieuse ;
En conséquence,
- de condamner la société 360 Digit'Id à payer à la société DDGI, à titre provisionnel, la somme de 15 207,68 ;
- de condamner la société 360 Digit'Id, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, à payer à la société DDGI la somme de 3 000 au titre des frais irrépétibles de première instance et 2 000 au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Sur la solidarité de Mme X :
- de dire que Mme X est tenue solidairement des sommes dues par la société 360 Digit'Id ;
En conséquence,
- de la condamner solidairement à payer à la société DDGI les sommes de 15 207,68 au titre des factures impayées, 3 000 au titre des frais irrépétibles de première instance et 2 000 au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 30 avril 2019, la société 360 Digit'Id et Mme X demandent à la cour :
Vu l'article 873 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1108 et suivants du Code civil dans leur ancienne version applicable au présent litige,
Vu les articles 1147, 1183 et 1184 du Code civil,
- de juger irrecevables et subsidiairement infondées les demandes formées contre Mme X et de confirmer l'ordonnance du 13 février 2019 en ce qu'elle a mis hors de cause Mme X, débouté la société DDGI de ses demandes ;
- de confirmer l'ordonnance du 13 février 2019 en ce qu'elle a jugé que les demandes de la société DDGI se heurtent à l'existence d'une contestation sérieuse et dit n'y avoir pas lieu à référé, et en ce qu'elle a condamné la SARL DDGI à payer à Mme X et à la Sasu Digit'Id chacune, la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;
- de débouter la société DDGI de l'ensemble de ses demandes ;
- de condamner la société DDGI à verser la somme de 3 000 à chacun des intimés (soit 6 000 au total) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner la société DDGI aux dépens.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, LA COUR,
Il sera relevé que la décision déférée n'est pas remise en cause s'agissant de l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence qui avait été soulevée en première instance par Mme X.
L'article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de grande instance peut accorder une provision au créancier.
En l'espèce, la société DDGI sollicite à titre provisionnel la condamnation solidaire de la société 360 Digit'Id et de Mme X au paiement de la facture de 773,06 HT établie en février 2017, et de 17 factures correspondant au minimum garanti mensuel de 700 HT pour la période du 1er mars 2017 au 30 septembre 2018.
Les intimés s'opposent en premier lieu à cette demande en ce qu'elle porte sur la condamnation solidaire de Mme X, faisant valoir que celle-ci s'était substituée la société 360 Digit'Id dans les droits et obligations résultant du contrat de franchise signé avec la société DDGI, de sorte qu'elle ne pouvait plus être recherchée en paiement par cette dernière.
Pour solliciter l'infirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point, l'appelante fait valoir que la substitution de cocontractant est soumise aux dispositions des articles 1216 et 1216-1du Code civil, ce dernier énonçant qu'à défaut de consentement exprès du cédé, le cédant reste tenu solidairement à l'exécution du contrat. Elle ajoute que ces textes, issus de l'ordonnance du 10 février 2016, et applicables aux contrat conclus à compter du 1er octobre 2016, trouvent bien application en l'espèce, dès lors que la substitution de cocontractant litigieuse est intervenue le 13 octobre 2016.
Toutefois, Mme X s'est substituée la société 360 Digit'Id, dont elle est à la fois le dirigeant et l'associée, en vertu d'une clause du contrat de franchise du 16 mai 2016 l'y autorisant expressément. En effet, dans le paragraphe consacré à l'identification des parties, il est indiqué que la société DDGI contracte avec Mme X, "lequel se réserve la possibilité de substituer dans le bénéfice des présents toutes personnes morales qu'il constituerait à cet effet, sous réserve qu'il en soit le dirigeant et associé." Cette clause est au demeurant reprise à l'identique dans l'avenant conclu le même jour entre la société DDGI et Mme X.
Ainsi, la substitution litigieuse est intervenue en exécution d'une clause du contrat du 16 mai 2016, lequel a été conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, de sorte que les dispositions des articles 1216 et 1216-1 du Code civil invoquées par la société DDGI ne lui sont pas applicables.
C'est ainsi à bon droit que le premier juge a mis Mme X hors de cause.
S'agissant de la demande provisionnelle en tant qu'elle est formée à l'encontre de la société 360 Digit'Id, la société DDGI fait valoir que sa demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
Pourtant, il doit en premier lieu être constaté que le juge du fond est d'ores et déjà saisi du litige, puisque, par exploit du 29 janvier 2019, arguant de la non-mise à disposition du savoir-faire et de l'assistance promises, du manque de notoriété du franchiseur sur le secteur concerné et du défaut de rentabilité du concept, la société 360 Digit'Id et Mme X ont fait assigner la société DDGI devant le tribunal de commerce de Dijon en nullité du contrat de franchise pour absence de cause, et en paiement de diverses sommes en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir respectivement subis. Or, il n'appartient pas au juge des référés, ni à la cour d'appel saisie d'un recours contre la décision de celui-ci, d'apprécier le bien-fondé des contestations émises par la société DDGI à l'encontre des demandes ainsi formées, qui relèvent du pouvoir du seul juge du fond. L'argument de l'appelante selon lequel l'assignation au fond n'aurait été délivrée que pour faire échec à la demande de provision, et qu'elle serait manifestement dénuée de fondement dès lors que, durant les premiers mois du contrat, il n'avait été émis aucune critique à l'égard du contrat, ne peut être accueilli dès lors qu'il implique nécessairement un examen de l'affaire au fond, et qu'en tout état de cause il résulte de l'économie de la convention et de la chronologie des faits qu'aucun paiement n'a été réclamé à la société 360 Digit'Id antérieurement au mois de mars 2017, ce qui suffit à expliquer l'absence de contestation antérieure, étant observé que le différend s'est noué dès lors que la société DDGI a commencé à facturer des prestations.
Ensuite, la société Digit'Id invoque à titre subsidiaire des manquements contractuels de la part de la société DDGI, dont au moins l'un d'eux n'est pas contesté par cette dernière, savoir l'absence de fourniture du matériel photo qui était prévue au contrat. Là-encore, il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur l'argumentation de l'appelante consistant à soutenir qu'il n'était pas résulté de cette carence de préjudice particulier pour son cocontractant, seul le juge du fond étant en mesure d'apprécier la gravité des manquements contractuels invoqués au soutien d'une exception d'inexécution.
Au regard de ces éléments, c'est à juste titre que le juge des référés, constatant l'existence de contestations sérieuses, a dit n'y avoir lieu à référé.
L'ordonnance déférée devra en conséquence être confirmée en toutes ses dispositions.
La société DDGI sera condamnée, outre aux dépens d'appel, à payer à Mme X et à la société 360 Digit'Id la somme de 1 000 chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 13 février 2019 par le juge des référés du tribunal de commerce de Dijon ; Y ajoutant : Condamne la société DDGI à payer à Mme X et à la société 360 Digit'Id la somme de 1 000 chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société DDGI aux dépens d'appel.