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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 20 septembre 2019, n° 19-00161

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Carrefour Voyages (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruyère

T com. mixte Fort-de-France, du 29 mars …

29 mars 2018

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 10 juillet 2015, Monsieur X s'est porté caution solidaire de l'engagement pris par la société Letchimy envers la SAS Carrefour Voyages de lui rembourser la somme de 155 173,15 euros qu'elle reconnaissait lui devoir, dans la limite de 205 000 euros jusqu'au 30 avril 2016.

Par acte d'huissier de justice délivré le 4 mars 2016, la SAS Carrefour Voyages a fait assigner Monsieur X devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France pour obtenir, en sa qualité de caution, le paiement des sommes.

Par jugement du 29 mars 2018, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a :

- condamné Monsieur X à payer à la SAS Carrefour Voyages la somme de 155 173,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2016,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts et de délais de paiement formées par Monsieur X,

- rejeté toute autre demande,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles,

- condamné Monsieur X aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Monsieur X a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 juillet 2018.

La SAS Carrefour Voyages a constitué avocat le 12 octobre 2018.

Statuant sur les conclusions de la SAS Carrefour Voyages et après débat contradictoire à l'audience du 28 février 2019, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 21 mars 2019 :

- rejeté la demande de la SAS Carrefour Voyages relative à l'éventuelle irrecevabilité de l'appel de Monsieur X,

- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état virtuelle du 9 avril 2019 à 8 heures,

- condamné la SAS Carrefour Voyages à verser à Monsieur X la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident.

Le 5 avril 2019, la SAS Carrefour Voyages a déposé et notifié, par la voie électronique, une requête aux fins de déférer à la cour l'ordonnance du 21 mars 2019.

Aux termes de celle-ci, elle demande à la cour de dire et juger recevable et bien fondé le déféré, d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état et statuant à nouveau :

- dire irrecevable l'appel diligenté par Monsieur X à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France en ce qu'il vise des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce qui ressortent du seul pouvoir juridictionnel de la Cour d'appel de Paris,

- dire en toute hypothèse irrecevables les demandes de Monsieur X devant la Cour d'appel de Fort-de-France en ce qu'elles sont fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- condamner Monsieur X au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Y.

A cet effet, elle fait valoir que, contrairement à l'analyse faite par le conseiller de la mise en état, Monsieur X a formé, devant la cour d'appel, une demande relative à l'application de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce. Or, en application de l'article D. 442-3 du Code de commerce, dès lors que le Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, faisant partie des juridictions visées par l'article D. 442-3 du Code de commerce, a statué sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce invoqué par Monsieur X, l'appel est nécessairement irrecevable devant une cour d'appel autre que celle de Paris.

Monsieur X n'a pas conclu sur ce déféré.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 14 juin 2019, à laquelle l'affaire a été plaidée.

MOTIFS

Aux termes de l'article D. 442-3 du Code de commerce, pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre.

La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.

Le tableau de l'annexe 4-2-1 mentionne parmi les juridictions commerciales compétentes en application du III de l'article L. 442-6 du Code de commerce, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France.

En l'espèce, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France dont le jugement rendu le 29 mars 2018 a été entrepris était saisi de plusieurs demandes formulées par Monsieur X ainsi reprises par le Tribunal mixte de commerce et le conseiller de la mise en état :

- constater le caractère disproportionné de son cautionnement au regard de ses biens et revenus,

- constater la nullité du contrat de franchise et du protocole de résiliation pour défaut de cause et en conséquence la nullité de son engagement de caution qui en constitue l'accessoire,

- constater que le contrat de franchise méconnaît les exigences de l'article L 442-6 I 2° du Code de commerce et condamner en conséquence la SAS Carrefour Voyages à lui payer la somme de 155 174,05 euros,

- dire que la SAS Carrefour Voyages ne rapporte pas la preuve de l'existence et de montant de la créance réclamée, et la débouter de ses demandes,

- constater que la SAS Carrefour Voyages a manqué à son obligation de bonne foi à son égard et la condamner à lui verser la somme de 205 000,00 euros à titre de dommages intérêts,

- ordonner la compensation entre sa créance de dommages intérêts et les éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- lui octroyer des délais de paiement sur vingt-quatre mois.

Ainsi, il est constant que Monsieur X a, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, sollicité la condamnation de la SAS Carrefour Voyages à lui payer la somme de 155 174,05 euros. Le visa de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce se rattache ainsi bien à une prétention et ne consiste pas en un simple moyen de défense contrairement à l'analyse faite par le conseiller de la mise en état.

Il est tout aussi constant que, comme l'a relevé le conseiller de la mise en état, le Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a statué sur la demande en responsabilité de la société Carrefour Voyages émise par Monsieur X sans d'ailleurs fonder juridiquement sa décision sur ce point. Cependant, l'une des demandes de dommages et intérêts émise par Monsieur X était fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce. Or, le Tribunal mixte de commerce était une juridiction compétente pour statuer sur cette action en application de l'article D. 442-3 du Code de commerce.

Monsieur X a maintenu cette demande sur ce même fondement dans ses conclusions d'appel.

Dès lors, en application de l'article D. 442-3 du Code de commerce, la cour d'appel compétente pour connaître des seules décisions rendues par les juridictions spécialement désignées par cet article, dont fait partie le Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, visé par l'annexe 4-2-1, est la Cour d'appel de Paris, et cela peu importe que Monsieur X soit caution, personne physique, et que d'autres fondements notamment de droit commun aient été soulevés, les parties n'ayant pas sollicité de disjonction.

La sanction liée au non-respect de cette règle de compétente est l'irrecevabilité de l'appel.

Dès lors, l'appel interjeté par Monsieur X contre le jugement rendu le 29 mars 2018 par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, statuant sur l'application de l'article L. 442-6 dont il était saisi par Monsieur X, est irrecevable devant la cour d'appel de Fort-de-France, l'appel devant être interjeté devant la cour d'appel de Paris détenant une compétence exclusive en l'espèce puisque le jugement entrepris était une juridiction spécialement désignée par l'article D. 442-3 du Code de commerce.

L'ordonnance du conseiller de la mise en état sera donc réformée et l'appel de Monsieur X déclarer irrecevable.

Succombant à l'instance, Monsieur X sera condamné aux entiers dépens ainsi qu'à payer à la SAS Carrefour Voyages la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Infirme l'ordonnance déférée ayant rejeté la demande de la SAS Carrefour Voyages relative à l'éventuelle irrecevabilité de l'appel de Monsieur X ; Statuant à nouveau, Déclare irrecevable l'appel interjeté par Monsieur X contre le jugement rendu le 29 mars 2018 par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France ; Dit que la juridiction compétente pour statuer sur cet appel est la Cour d'appel de Paris ; Condamne Monsieur X aux entiers dépens de l'instance et à payer à la SAS Carrefour Voyages la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.