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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 27 septembre 2019, n° 18-16763

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Arnold (SARL)

Défendeur :

Vignes et Saveurs (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kerner Menay

Conseillers :

M. Vasseur, Mme Dias da Silva

Avocats :

Mes Grévellec, Feschet, Teytaud, Bellet, Perrier

T. com. Melun, prés., du 7 mars 2018

7 mars 2018

La SARL Arnold dont le gérant est M. X exploite un fonds de commerce de vente de vin sous l'enseigne " Olivins " à Fontainebleau. La société Vignes et Saveurs créée et dirigée par M. Y a souhaité dupliquer ce concept. Les parties ont donc décidé de formaliser un contrat de franchise en date du 19 novembre 2015 pour l'exploitation d'un point de vente à Joinville-le-Pont (94).

Dans le cadre de ce contrat, la société Vignes et Saveurs, le franchisé, s'est engagée à s'approvisionner exclusivement auprès de la société Arnold, le franchiseur, ou auprès de ses fournisseurs agréés, le franchiseur s'engageant à facturer au franchisé les produits aux mêmes prix que ceux obtenus auprès de ses fournisseurs outre certains frais prévus au contrat.

La société Arnold a déploré le non-paiement de factures à hauteur de 71 393,93 euros TTC, la dernière facture à la date du 12 octobre 2017.

La société Vignes et Saveurs a reproché à la société Arnold d'avoir sur-facturé les produits vendus et de ne pas avoir respecté les termes du contrat.

Par acte d'huissier de justice en date du 8 janvier 2018, la société Arnold a assigné en référé la société Vignes et Saveurs devant le président du tribunal de commerce de Melun aux fins de la voir condamner à lui payer, par provision, la somme de 71 393,93 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2017 et celle de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par une ordonnance du 7 mars 2018, le juge des référés du tribunal de commerce de Melun a :

- débouté la société Arnold de l'ensemble de ses prétentions ;

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- laissé à la société Arnold tous les dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le premier juge a relevé que la société Vignes et Saveurs soulevait une contestation sérieuse qui nécessitait une analyse au fond du dossier et de l'application du contrat en son article 8-2 avec les factures de transports réclamés.

Par une déclaration en date du 2 février 2018, la société Arnold a relevé appel de cette décision " en ce qu'elle l'a débouté de sa demande de condamnation de la société Vignes et Saveurs à lui payer la somme provisionnelle de 71 393,93 euros et la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, en ce qu'elle a renvoyé les parties à mieux se pourvoir et lui a laissé la charge des dépens ".

Dans ses dernières conclusions en date du 23 janvier 2019, la société Arnold demande à la cour de bien vouloir :

Vu l'article 873 alinéa 1 et 2 du Code de procédure civile ;

Vu les anciens articles 1147 et 1315 du Code civil ;

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 7 mars 2018,

- rejeter toutes les demandes de la société Vignes et Saveurs,

- constater l'absence de contestations sérieuses quant à réalité sa créance,

- constater que la société Vignes et Saveurs reconnaît lui devoir la somme de 60 856,72 euros,

- constater l'existence de contestations sérieuses quant à réalité la créance réciproque alléguée par la société Vignes et Saveurs,

Et statuant à nouveau,

- condamner à titre de provision la société Vignes et Saveurs à lui régler la somme de 71 393,93 euros, sauf à parfaire, outre les intérêts de retard au taux légal et ceci à compter de la mise en demeure du 22 novembre 2017 et ce au titre de la marchandise achetée ;

- condamner à titre de provision la société Vignes et Saveurs à lui régler la somme de 4 100 euros et ce au titre de la violation de l'article 21 du contrat de franchise ;

- condamner la société Vignes et Saveurs à lui régler la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Vignes et Saveurs aux entiers dépens de l'instance.

Elle fait valoir en substance :

- que les sommes dues sont fondées ; qu'elle le démontre en versant aux débats un extrait de compte, les factures et les bons de livraison afférents ; qu'elle est créancière d'une somme de 71 393,93 euros TTC à l'égard de la société Vignes et Saveurs, laquelle reconnaît, à tout le moins, lui être redevable de la somme de 60 856,72 euros TTC ;

- que la contestation invoquée par la société Vignes et Saveurs n'est pas sérieuse ; que cette dernière invoque une compensation, qui la rendrait non plus débitrice mais créancière d'une somme de 14 856,53 euros à son égard ; alors que, ce faisant, la société Vignes et Saveurs reconnaît nécessairement l'existence et le montant de la créance dont elle est débitrice ; qu'en outre, la créance réciproque invoquée est contestable ; qu'en effet, elle ne prouve ni qu'il s'agit d'une créance certaine, liquide et exigible, ni ne justifie de la réalité comptable de l'opération qui serait à l'origine d'une telle créance ;

- que la société Vignes et Saveurs, continue à utiliser sa marque Olivins sur internet et en devanture de son fonds de commerce, comme le montre le constat d'huissier en date du 13 avril 2018 ; que cette utilisation lui porte un préjudice qu'il convient de réparer ; que les initiatives que la société Vignes et Saveur a pu prendre pour modifier sa devanture sont sans effet sur l'existence et la réalité de la faute.

Dans ses dernières conclusions en date du 23 janvier 2019, la société Vignes et Saveurs demande à la cour de bien vouloir :

Vu les articles 873 et 564 du Code de procédure civile ;

Vu les articles 202 et 203 du Code de procédure civile ;

Vu les anciens articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ;

Vu l'article 1343-5 du Code civil ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des demandes de la société Arnold et l'infirmer pour le surplus,

En conséquence,

A titre principal,

- condamner la société Arnold à lui payer la somme de 14 856,53 euros à titre de provision,

- rejeter la demande de paiement de provision formulée par la société Arnold, en l'état de cette contestation sérieuse,

A titre subsidiaire,

- dire et juger qu'elle oppose utilement une contestation sérieuse à la demande de paiement provisionnel formée par la société Arnold,

- dire et juger qu'en l'état des contestations soulevées par elle, la société Arnold n'établit aucune urgence justifiant une demande de paiement provisionnel,

En conséquence,

- dire n'y avoir lieu à référé,

- débouter la société Arnold de l'ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que, en raison d'une trésorerie négative, elle ne peut en toute hypothèse pas acquitter en l'état la somme réclamée par la société Arnold,

En conséquence,

- lui accorder des délais de paiement dans les termes mentionnés ci-dessus,

En toute hypothèse,

- écarter des débats comme étant dépourvue de toute valeur probante la pièce adverse n° 10 (" courrier expert-comptable [ACTIFI] du 16 mai 2018 "),

- déclarer irrecevable la demande de la société Arnold formée au titre de l'utilisation de la marque " Olivins " postérieurement la résiliation du contrat de franchise, et à tout le moins mal fondée,

- débouter la société Arnold de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- condamner la société Arnold à lui payer la somme de 5 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Arnold aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me François Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance :

- que le contrat de franchise (art. 8.2) faisait obligation à la société Arnold de lui facturer ses produits " aux mêmes prix que ceux obtenus auprès de ses fournisseurs ", à l'exception des seuls frais administratifs, de transport et d'éventuels reconditionnements ; que des surfacturations indues, notamment au titre de frais de transports, ont été constatées de manière récurrente de la part de la société Arnold, pour un montant estimé a minima à 75 713,25 euros ; que le pointage des factures de la société Arnold et des flux de règlements et de produits, effectué par son expert-comptable, fait apparaître un solde de 60 856,72 euros TTC et non de 71 393,93 euros TTC comme réclamé par la société Arnold ; qu'elle est donc reconventionnellement fondée à solliciter, outre le rejet de la demande de provision de la société Arnold, la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 14 856,53 euros à titre de provision ;

- que son préjudice de marge, découlant des surfacturations opérées par la société Arnold, lui a causé un endettement net de 158 000 euros à la clôture du dernier exercice comptable ; qu'à raison de cette situation financière précaire, elle demande, à titre infiniment subsidiaire, un échelonnement du paiement en 12 mensualités égales, avec un délai de 13 mois, à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, avant la première mensualité ;

- que la demande de la société Arnold concernant l'utilisation de la marque Olivins est irrecevable en ce qu'elle est formée pour la première fois en cause d'appel ; qu'elle est de surcroît mal fondée ; qu'en effet, la marque Olivins est dépourvue de toute notoriété et qu'il n'existe pas de réseau éponyme ; qu'elle a dû différer la modification de sa dénomination et de son enseigne à raison de difficultés de trésorerie ; mais que ces modifications ont été depuis entreprises.

Suivant un arrêt du 22 mars 2019, la cour, après avoir recueilli l'accord des parties, a ordonné une médiation confiée à l'association Amidif. Suivant un message du 12 juin 2019, le représentant de celle-ci nous a informé de ce que la médiation n'avait pas abouti.

SUR CE, LA COUR,

La demande tendant à voir écarter des débats la pièce n° 10 de la société Arnold

A l'appui de ses demandes, la société Arnold a produit en pièce n° 10 une attestation de M. Z, expert-comptable à en tête du cabinet Actifi Conseil qui indique que " l'examen des comptes de la société Arnold sur la période du 8 novembre 2015 au 12 octobre 2017 fait apparaître les éléments suivants : facturation hors redevance à la société Vignes et Saveurs 284 628 euros, marge brute de 15 % 42 694 euros, prix d'achat des marchandises vendues 241 euros ; nombre de commandes : 99 euros ; marge brute par commande : 431,25 euros ".

La société Vignes et Saveurs sollicite que cette pièce soit écartée au motif que ce document est un courrier sommaire n'ayant pas valeur d'attestation et qui ne mentionne pas les éléments pris en compte pour aboutir à ce résultat. Elle ajoute encore qu'il ne peut être exclu qu'il existe un lien de parenté entre M. X, le gérant de la société Arnold et M. Z, expert-comptable auteur du document en raison du fait qu'ils ont le même patronyme, ont une activité en Seine-et-Marne et sont originaires tous deux du Loiret.

La société Arnold produit en réponse une attestation de M. Z qui certifie n'avoir aucun lien familial avec le gérant de la société Arnold.

La cour relève que la simple allégation, sans démonstration effective, de l'existence d'un lien de famille entre le gérant de la société Arnold et son expert-comptable ne suffit pas à établir le caractère illicite de la preuve produite dès lors en outre que le témoin atteste, sans être plus contredit, qu'il ne possède aucun lien de famille avec ladite société.

Par ailleurs, la pièce n° 10 dont il s'agit a été communiquée en temps et en heure à la partie adverse de sorte qu'un débat contradictoire a pu s'instaurer sur la portée de ce document et sa valeur probante qui feront donc l'objet d'une appréciation par la cour au regard des autres éléments produits.

La demande de voir écarter cette pièce sera donc rejetée.

La demande de provision

Au terme de l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

S'il appartient au demandeur d'établir l'existence de la créance qu'il invoque, c'est au défendeur de démontrer que cette créance est sérieusement contestable.

En l'espèce, les parties sont liées par un contrat de franchise conclu le 19 novembre 2015. Le franchisé, la société Vignes et Saveurs dirigée par M. Y a ouvert sa boutique à l'enseigne " Olivins " à Joinville-le-Pont, le 5 décembre 2015. Les relations commerciales entre les parties ont cessé le 17 décembre 2017 suite à l'envoi par la société Vignes et Saveurs d'un courrier de résiliation à effet immédiat.

Les factures dont le paiement est réclamé par le franchiseur, la société Arnold gérée par M. X, concernent des impayés compris entre le 8 novembre 2015 et le 12 octobre 2017 pour un montant total de 71 393, 93 euros TTC.

A l'appui de sa demande, la société Arnold fournit en sa pièce n° 7 les factures correspondantes ainsi qu'une attestation de son expert-comptable confirmant un solde réclamé au titre de ces factures pour un montant de 73 284,10 euros TTC à régler au 1er novembre 2017.

S'agissant de ces factures, la société Vignes et Saveurs indique avoir fait procéder de son côté à un pointage des factures réclamées avec les flux des règlements et des produits par son expert-comptable. Au terme de ces vérifications, elle évalue " très raisonnablement le montant des facturations à une somme de 75 713,25 euros " (sa pièce n° 20) mais précise que cette somme n'est pas justifiée au-delà du montant de 60 856,72 euros TTC.

Les documents produits par la société Arnold et notamment des bons de livraison des marchandises ne permettent pas de retenir comme non sérieusement contestables la différence entre les factures validées par le débiteur et celles réclamées par le créancier à titre principal, nombre des bons de livraison étant en partie illisibles.

La société Arnold sollicite la condamnation de la société Vignes et Saveurs au paiement " à tout le moins " de cette somme de 60 856,72 euros TTC dont il est admis par cette dernière société qu'elle correspond effectivement à des livraisons effectuées et non payées.

Par ailleurs, la société Vignes et Saveurs entend démontrer que son obligation au paiement de la somme de 60 856,72 euros TTC se heurte à des contestations sérieuses tant sur le principe que sur le quantum de celle-ci.

Elle explique s'être rendue compte de surfacturations en août 2017 après s'être interrogée sur un niveau de marge de 37 % soit 9 points de moins que le prévisionnel établi sur la base de marge réalisée par le franchiseur. Elle ajoute qu'elle n'avait pu faire aucune constatation auparavant car elle n'avait reçu du franchiseur que des factures d'acompte entre le 1er janvier 2016 et le 30 avril 2017, les factures définitives n'étant adressées que 17 mois plus tard à compter du 15 mai 2017. Elle insiste encore sur l'absence de transparence résultant des factures définitives qui affichent un prix global et non un prix unitaire, majoré des éventuels frais administratifs, de reconditionnement ou de transport. Elle explique avoir procédé à des vérifications en effectuant un pointage manuel, en appelant les fournisseurs directement et en faisant procéder à une analyse de la situation par son expert-comptable. Elle soutient en définitive l'existence de surfacturations sur frais de transports (13 701,21 euros) ainsi qu'une perte de la marge résultant de la surfacturation estimée à 62 012,04 euros. Elle considère ainsi, au vu des investigations menées par son expert-comptable, que la société Arnold lui est redevable d'une somme de 14 859,53 euros correspondant à la déduction de ces deux sommes du montant des factures justifiées à hauteur de 60 856,72 euros.

La société Arnold indique que la société Vignes et Saveurs ne fait que contester et se contente de se prévaloir de son propre avis par le truchement de son expert-comptable. Elle relève que la société Vignes et Saveurs, alors qu'elle conteste la facturation, a gardé le silence, a continué à commander, ne lui a adressé aucune mise en demeure et s'est bien gardée de commander directement auprès des fournisseurs comme le lui permettait le contrat. Elle soutient ainsi que l'obligation dont se prévaut la société Vignes et Saveurs se heurte à une contestation sérieuse et qu'elle ne prouve pas l'existence d'une créance certaine liquide et exigible de sorte qu'aucune compensation ne peut être ordonnée.

En l'espèce, le contrat de franchise du 19 novembre 2015 précise dans un article 8.2 intitulé " Tarifs " que " Le Franchiseur mettra à disposition de son Franchisé les mêmes produits dans les gammes vins, spiritueux, épiceries fines et alimentaires que ceux vendus dans ses propres magasins hormis le refus du fournisseur sur sa zone géographique. Le Franchiseur facturera au Franchisé ses produits au mêmes prix obtenus auprès de ses fournisseurs. Les prix seront ajustés des frais engagés par le Franchiseur pour approvisionner son Franchisé à savoir : le transport, le reconditionnement, des quantités vendues au Franchisé et le coût administratif du traitement de l'émission des bons de livraisons et factures ".

La lecture du contrat révèle donc, sans qu'il soit nécessaire de l'interpréter, que les factures de la société Arnold peuvent comprendre, hors redevance liée à la franchise, et du seul fait des livraisons de marchandises, un prix de base correspondant à la valeur achetée auprès des fournisseurs, augmentée du coût du transport, du reconditionnement et de frais administratifs.

Il ne peut donc être sérieusement soutenu que le prix ne pourrait qu'être strictement identique au montant d'achat auprès des fournisseurs.

La société Arnold produit en sa pièce n° 10 une note de son expert-comptable en date du 16 mai 2018 indiquant que l'examen des comptes sur la période du 8 novembre 2015 au 12 octobre 2017 fait apparaître sur le montant total de la facturation hors redevance à la société Vignes et Saveurs d'un montant de 284 628 euros, une marge brute de 15 % d'un montant de 42 694 euros.

Cette somme correspond donc à la différence entre la valeur d'achat et le montant facturé à l'intimée. Elle englobe donc tous les coûts induits par le transport, le reconditionnement et les frais administratifs.

Contrairement à ce que soutient la société Vignes et Saveurs, la valeur probante de cette note signée du cabinet d'expertise comptable de la société Arnold ne peut être moindre que le document n° 20 qu'elle produit elle-même à l'appui de sa démonstration qui n'est autre qu'un mail de son expert-comptable.

Il en résulte ainsi que la somme de 18 162,72 euros, correspondant à l'excédent entre le montant total des factures impayées sur la période et le total de la marge brute sur la même période (60 856,72 - 42 694) ne peut correspondre qu'au prix " fournisseur " de marchandises livrées et n'est pas sérieusement contestable.

Par ailleurs, il résulte de la lecture du contrat de franchise que la société Arnold était en droit de facturer des frais de transport à son Franchisé quand bien même, comme il est soutenu par la société Vignes et Saveurs, le Franchiseur aurait obtenu de payer la marchandise à son fournisseur franco de port puisqu'il s'agit de frais de transport différents de ceux permettant l'acheminement vers la société Vignes et Saveurs, étant observé encore que ce prix moindre profite aussi au franchisé dès lors qu'il permet un prix de base plus avantageux.

Il n'est par ailleurs pas allégué que les frais de transport facturés entre le franchiseur et le franchisé aient été fictifs de sorte que le montant de ceux-ci, évalué après investigations de la société Vignes et Saveurs à hauteur de 13 701,21 euros, n'est pas davantage sérieusement contestable. Cette somme s'ajoute aux 18 162,72 euros visés plus avant.

Après déduction de ces frais de transport de 13 701,21 euros, le solde de la marge brute de la société Arnold s'établit à la somme de 28 992,79 euros.

Le contrat prévoyait également la possibilité pour le Franchiseur de facturer le reconditionnement des quantités vendues au Franchisé et le coût administratif du traitement de l'émission des bons de livraisons et factures. Les factures établies par la société Arnold ne distinguent pas le coût de ces frais.

Les pièces produites par les parties, qu'il s'agisse notamment de l'analyse comptable résultant du mail du 13 février 2018 ou du tableau en pièce n° 23 de l'intimé ou de la pièce n° 10 de l'appelant, ne permettent pas de distinguer les coûts administratifs et de reconditionnement et d'apprécier l'existence d'une " surfacturation " des marchandises par la société Arnold en violation du contrat.

En l'absence de tels éléments de décomposition du surplus du prix, le solde de la somme, soit 28 992,79 euros, est sérieusement contestable.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de retenir avec l'évidence requise en référé que la société Vignes et Saveurs est redevable d'une somme provisionnelle de 31 863,93 euros (60 856,72 euros - 28 992,79 euros).

Infirmant la décision entreprise, cette société sera condamnée à payer cette somme à titre provisionnel.

La demande de la société Arnold s'agissant de l'utilisation de la marque Olivins

La société Arnold indique que postérieurement à la décision attaquée et nonobstant la résiliation du contrat intervenue le 17 décembre 2017, elle a fait constater par voie d'huissier de justice le 13 avril 2018 que la société Vignes et Saveurs continuait à utiliser la marque Olivins sur internet et en devanture du magasin. Elle sollicite ainsi, sur la base d'une redevance de franchise à hauteur de 830 euros HT, que cette dernière soit condamnée à lui payer la somme de 4 150 euros correspondant à 5 mois de franchise.

La société Vignes et Saveurs relève que cette demande est nouvelle en cause d'appel et est donc irrecevable et au demeurant mal fondée, en l'absence de preuve d'un quelconque préjudice résultant du maintien de l'enseigne durant le premier semestre 2018 étant ajouté que l'enseigne a, depuis lors, été modifiée sous une nouvelle dénomination " Vignes et Saveurs ".

L'article 564 du Code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou la survenance d'un dommage.

La cour constate que lors de l'audience de première instance qui s'est tenue le 21 février 2018, la société Arnold était en mesure de faire constater le maintien de l'usage de l'enseigne Olivins alors que le contrat était résilié depuis décembre 2017 de sorte que cette demande formulée pour la première fois à hauteur d'appel, est nouvelle et sera donc déclarée irrecevable.

Les demandes accessoires

L'équité commande de condamner la société Vignes et Saveurs à payer à la société Arnold la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance et l'instance d'appel. Elle sera également condamnée aux dépens de l'instance de première instance et d'appel.

Par ces motifs Rejette la demande de voir écarter la pièce n° 10 produite par la société Arnold Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Melun en date du 7 mars 2018 ; Statuant à nouveau, Condamne la société Vignes et Saveurs à payer à la société Arnold la somme provisionnelle de 31 863,93 euros au titre du solde des factures établies entre le 8 novembre 2015 et le 12 octobre 2017 ; Déclare irrecevable la demande de la société Arnold au titre de l'utilisation de l'enseigne Olivins ; Condamne la société Vignes et Saveurs à payer à la société Arnold la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel ; Condamne la société Vignes et Saveurs aux dépens de la première instance et d'appel.