CA Orléans, ch. com., économique et financière, 26 septembre 2019, n° 18-02781
ORLÉANS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Olivet Distribution (SAS)
Défendeur :
Auchan Hypermarché (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hours
Conseillers :
M. Bersch, Mme Renault-Malignac
Avocats :
Mes Gontier, Moirot, Guin
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SAS Olivet Distribution exploite un centre commercial sous l'enseigne E. Leclerc.
Elle a constaté, le 14 novembre 2016, que la société Auchan France, qui exerce la même activité qu'elle dans la même zone de chalandise d'Olivet, avait implanté au niveau de la station-service de son hypermarché près de la nationale 20, une banderole visible par les usagers, les automobilistes, et les piétons, qui annonçait : " Certains se disent moins cher ! S'il fallait vous rassurer E. Leclerc Olivet 7,67 % plus cher alors qui est le moins cher " avec la mention, avec une taille de caractère beaucoup plus petite " au relevé de prix du 9 octobre 2016 sur 1191 produits ".
Elle a en conséquence diligenté un huissier de justice afin de procéder à des photographies de la banderole et de se rendre au sein de l'établissement Auchan pour obtenir la liste des 1191 produits indiqués comme ayant été comparés.
L'huissier de justice a relaté n'avoir obtenu ni explications sur les produits comparés ni la délivrance de la liste de ces produits.
Olivet Distribution n'a pu elle-même obtenir cette liste malgré ses réclamations.
La banderole a été retirée du 22 novembre 2016 au 28 novembre 2016, date à laquelle elle a été réimplantée ainsi que l'a à nouveau fait constater par huissier de justice Olivet Distribution.
La direction d'Auchan a cependant cette fois remis à l'huissier de justice une liste de 1191 produits en expliquant avoir fait effectuer le relevé de prix le 9 octobre 2016 par la société IRI basée à Chambourcy.
Faisant valoir que la publicité effectuée par Auchan est illicite et dénigrante et lui a causé un trouble commercial, Olivet Distribution l'a assignée le 9 décembre 2016 devant le tribunal de commerce d'Orléans en réclamant sa condamnation à lui verser 100 000 euros de dommages et intérêts et l'affichage et la publication de la décision de condamnation.
Par jugement en date du 20 septembre 2018, le tribunal a dit que " la publicité comparative de la société Auchan vis-à-vis de la société Olivet Distribution est licite ", retenu que l'huissier de justice a " outrepassé sa mission lors du constat du 14 novembre 2016 ", considéré que le refus de la société Auchan de répondre aux questions de l'huissier lors de sa visite est légitime, et débouté la société Olivet Distribution de l'ensemble de ses demandes.
La SAS Olivet Distribution a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 2 octobre 2018.
Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de condamner l'intimée à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts à compter de la date de délivrance de l'assignation, d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de cette même date, ordonner la publication du " jugement à intervenir " dans le quotidien local La République Du Centre, ainsi que dans deux autres publications de son choix, aux frais de la société Auchan, dans la limite de 5 000 euros par insertion, d'ordonner à la société Auchan, dans les 8 jours suivant la signification du présent arrêt, de procéder à l'affichage du jugement à intervenir pendant une durée de 15 jours en caractère gras sur une affiche de 2 mètres sur un, placée à l'accueil du magasin, de manière visible, avec comme titre, en police 15 cm " Arrêt de la Cour d'Appel d'Orléans en date du ... ayant condamné Auchan Olivet pour publicité comparative illicite au préjudice du centre Leclerc Olivet ", sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, d'ordonner à la société Auchan de procéder à l'affichage d'une banderole au même emplacement que celui ayant servi à procéder à la publicité comparative illicite, de manière visible, avec comme titre, en police 30 cm " Arrêt de la Cour d'Appel d'Orléans, en date du ... ayant condamné Auchan Olivet pour publicité comparative illicite au préjudice du centre Leclerc Olivet ", sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de se réserver la liquidation de l'astreinte, de condamner l'intimée à lui verser une indemnité de procédure de 5 000 euros ainsi qu'à supporter les dépens comprenant le coût des constats d'huissier, soit 1 203,10 euros.
Elle rappelle les dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-5 du Code de la consommation et l'interprétation stricte qui doit en être faite, et souligne que la Cour de justice des communautés européennes a indiqué en réponse à une question préjudicielle portant sur la directive relative à la publicité comparative, que " celle-ci doit être interprétée en ce sens qu'une caractéristique mentionnée dans une publicité comparative ne satisfait à l'exigence de vérifiabilité posée sur cette disposition, lorsque les éléments de comparaison sur lesquels repose la mention de cette caractéristique ne sont pas énumérés dans cette publicité, que si l'annonceur indique, notamment à l'attention des destinataires de ce message, où et comment ceux-ci peuvent prendre aisément connaissance de ces éléments aux fins d'en vérifier ou, s'ils ne disposent pas de la compétence requise à cette fin, d'en faire vérifier l'exactitude ainsi que celle de la caractéristique en cause ".
Elle fait valoir qu'elle ne conteste pas qu'Auchan pouvait procéder à une publicité comparative mais lui reproche de ne pas avoir effectué de comparaison avec les produits mis en vente au sein de son hypermarché et d'avoir utilisé un relevé de prix effectué au niveau national par un organisme extérieur, lequel n'est pas venu effectuer de relevé au sein de ses propres locaux et que les éléments comparés ne sont donc pas exacts ; qu'Auchan a annoncé sur sa banderole avoir effectué un relevé de prix le 9 octobre 2016, ce qui est tout aussi inexact puisque, dans le courrier qu'elle a adressé à l'huissier de justice le 28 novembre 2016, elle a écrit : " Comme nous vous l'avons expliqué lors de votre venue le lundi 14 novembre, le relevé de prix a été effectué par un organisme extérieur en semaine 40, du 3 au 8 octobre, la compilation ayant été faite au 8 octobre. L'extraction du fichier a été réalisée dans notre magasin le 13 octobre 2016 pour analyse et traitement par nos managers " ; que de même l'annonceur doit indiquer, notamment à l'attention des consommateurs, où et comment ceux-ci peuvent prendre connaissance des produits de comparaison aux fins d'en vérifier l'exactitude et qu'elle démontre par le procès-verbal de constat qu'elle communique que tel n'était pas le cas ; que la société IRI, qu'elle a interrogée, a clairement indiqué que, si elle pouvait effectuer des relevés de prix, ceux-ci ne pouvaient l'être que dans le cadre d'un usage interne comme stipulé par les termes de son contrat avec Auchan confirmant que " les relevés de prix ne doivent pas être exploités dans un but de communication " ; que les éléments communiqués ne permettent pas de connaître les dates des relevés ni les produits objets de la comparaison et que la société IRI fait d'ailleurs état de relevés de prix fournis en novembre 2016, alors que la publicité de l'intimée mentionne un relevé de prix en octobre.
Et elle fait valoir que toute publicité peut être sanctionnée dès lors qu'elle est de nature à induire en erreur sans que la partie qui en est victime n'ait à démontrer qu'elle a effectivement produit cet effet.
Elle affirme que si des prix relevés sur 130 magasins au niveau national, à quelques jours d'intervalle, demeurent parfaitement comparables, cela n'est pas possible sur quelques produits au niveau local ; que les promotions, remises, prix d'achats sur les produits vendus localement ne permettent pas de comparer des produits sur des périodes importantes et elle souligne qu'Auchan entend expliquer qu'Olivet Distribution diffuserait depuis de nombreuses années et à intervalles réguliers, des publicités comparatives sur des périodes beaucoup plus longues que celles aujourd'hui discutées mais elle souligne que ces publicités sont des publicités nationales, toutes enseignes confondues, et portent sur 124 magasins.
Elle fait valoir que le constat d'huissier, dans un lieu privé ouvert au public est autorisé s'il ne porte pas atteinte au droit de propriété et qu'il est réalisé avec l'accord express de l'occupant du lieu privé ouvert au public, et ce de 6 h à 21 h, dans le cadre du délai légal d'intervention ; que tel est le cas en l'espèce puisque Maître X, qui s'est présenté à l'accueil, a été invité à monter dans les bureaux de la société Auchan ou des déclarations lui ont été faites après qu'il ait annoncé l'objet de sa venue.
Elle précise avoir subi un préjudice important puisque la publicité est intervenue pendant la période des fêtes de fin d'année, qu'elle est restée visible par le consommateur durant plus de 11 jours, y compris de la Nationale 20 très fréquentée, que le flux de véhicules au carrefour où est situé le magasin Auchan est de 40 000 véhicules par jour et elle affirme que cette publicité s'apparentait à un dénigrement.
Auchan conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour d'y ajouter en déclarant nul le constat d'huissier de Maître X en date du 14 novembre 2016, en lui allouant une indemnité de procédure de 20 000 euros, et en condamnant l'appelante aux entiers dépens.
Elle fait valoir que la société appelante " diffuse, depuis de nombreuses années et à intervalles réguliers, des publicités comparatives présentant le magasin exploité par la société Auchan Hyper-Marché à Olivet comme pratiquant des prix plus élevés que les siens ". Elle précise qu'elle a analysé 1 191 prix relevés à la même période par une société tierce, le paneliste IRI et qu'elle a pu constater que le magasin E. Leclerc d'Olivet était, pour ce panel, 7,67 % plus cher que le magasin Auchan Olivet.
Elle fait valoir qu'elle a remis à l'huissier de justice le 28 novembre 2016, c'est-à-dire dans les jours suivants la demande qui lui a été adressée, la liste des produits dont les prix ont été comparés, ainsi que les prix relevés pour chacun de ces produits. Elle précise que les prix avaient été relevés par la société IRI entre le 3 et le 7 octobre 2016, que les relevés avaient été mis en forme le 9 octobre, et que le magasin les avait récupérés par le biais de l'extraction du fichier le 13 octobre, ce qui avait permis leur traitement et donc de calculer la différence de prix annoncée.
Elle insiste sur le fait que l'appelante n'a jamais soutenu, et a fortiori prouvé, que cette différence de prix était fausse, ni qu'elle avait pu altérer le comportement économique d'un consommateur.
Elle rappelle que les huissiers de justice ne peuvent intervenir dans des lieux privés, même ouverts au public, qu'avec l'autorisation des occupants ; qu'en l'espèce le procès-verbal de constat ne relate aucune demande d'autorisation et a fortiori aucune autorisation du président du tribunal de commerce pour permettre une intervention dans son magasin et elle affirme que l'huissier de justice a procédé à une véritable enquête en interrogeant le directeur du magasin et en tentant de se faire remettre des pièces ; qu'il ne s'est pas assuré auprès des personnes rencontrées qu'elles acceptaient une intervention de sa part sans autorisation judiciaire, et qu'il ne revenait pas aux personnes rencontrées de manifester leur opposition à l'intervention d'un huissier de justice dont la qualité d'officier ministériel peut donner le sentiment aux personnes sollicitées qu'elles n'ont pas d'autre choix que de se soumettre à ses demandes.
Elle fait valoir que l'appelante ne verse aux débats aucune attestation d'un consommateur qui se serait vu refuser d'avoir accès à la liste des produits comparés et aux prix relevés par la société IRI ; qu'il ne peut pas être reproché au directeur du magasin de ne pas avoir répondu à l'huissier de justice qui n'est pas intervenu régulièrement ; que le document établi par la société IRI mentionne bien que les prix relevés sont ceux du magasin " Leclerc Olivet " ; que les textes n'obligent nullement l'éditeur d'une publicité comparative à effectuer lui-même les relevés des prix comparés et que la preuve de l'exactitude de la publicité comparative est au contraire libre et peut parfaitement être établie par des relevés de prix effectués par un tiers ; que contrairement à ce que prétend l'appelante, les enquêteurs d'IRI n'ont aucune obligation de se signaler à l'entrée du magasin pour relever des prix affichés dans les rayons ; qu'elle démontre la réalité de ces relevés en produisant la lettre qui lui a été adressée par IRI pour lui reprocher d'avoir fait un usage publicitaire de son étude qui ne devait être utilisée qu'en interne et qui lui a écrit le 30 novembre 2016 : " Le magasin Auchan Olivet fait actuellement des communications comparatives sur les prix du Leclerc Olivet. La source de ces comparaisons sont les relevés que nous vous avons délivrés début novembre ".
Elle soutient qu'est indifférente l'inexactitude de la mention d'un relevé effectué le 9 octobre en affirmant que des prix relevés à quelques jours d'intervalle demeurent arfaitement comparables et que les publicités comparatives diffusées par les magasins E. Leclerc, dont la société Olivet Distribution, comparent souvent des prix relevés sur une période beaucoup plus longue, et même parfois plusieurs semaines avant la diffusion de ces publicités.
Et elle prétend que l'indication du 9 octobre n'était pas susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement du consommateur.
Elle fait également valoir qu'il importe peu que les produits comparés ne soient pas des produits" majeurs " et indique que la jurisprudence retient qu'il est toujours loisible à l'auteur d'une publicité comparative de choisir les paramètres qui lui sont favorables ; qu'elle a bien comparé objectivement de très nombreux produits puisqu'ils étaient plus de 1 000 ; que les produits, dont les prix ont été constatés, ont été précisément désignés sur la liste qui a été remise à l'appelante qui n'a jamais contesté les mentions concernant ses propres prix. Et elle souligne que sa banderole se contentait de reprendre un thème largement utilisé par l'appelante (qui est le moins cher') en mettant simplement en avant une volonté de rassurer " ses propres clients sans aucune volonté de dénigrement.
Elle souligne qu'Olivet Distribution ne produit pas la moindre pièce justifiant qu'elle aurait subi un réel préjudice consécutif à la publicité litigieuse précisant que son propre chiffre d'affaires a baissé en novembre et décembre 2016. Elle fait valoir que l'indemnité sollicitée ne peut en tout état de cause produire intérêts à compter de l'assignation et que la capitalisation des intérêts ne peut être ordonnée dès lors que le préjudice allégué est susceptible d'être apprécié à la date du présent arrêt. Et elle prétend que les sommes réclamées sont sans commune mesure avec les faits qui lui sont reprochés, soulignant que les condamnations à affichages demandés, à l'intérieur du magasin, ou sur une banderole, ou sur l'internet, ne sont pas prévues par le Code de la consommation ; que l'article L. 121-4 du Code de la consommation invoqué par l'appelante a été abrogé par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et n'était pas relatif à la publicité comparative mais aux pratiques commerciales déloyales; qu'enfin le site de vente en ligne www.auchan.fr est édité par une société tierce, la société Auchan E-Commerce France et non par elle-même, ce qui doit conduire la cour à retenir qu'aucune publication ne peut y être ordonnée.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu que les longs développements d'Auchan sur les publicités comparatives auxquelles se livrent les magasins E. Leclerc sont sans intérêt pour la solution du litige, l'intimée n'ayant, par elle-même ou par son franchiseur, pas engagé d'action pour publicité illicite ou mensongère les concernant et ne soutenant pas que ces publicités comparatives ne sont pas conformes aux dispositions légales ;
Qu'il sera en outre relevé que l'indication, par Auchan, de ce que " Olivet Distribution diffuse, depuis de nombreuses années et à intervalles réguliers, des publicités comparatives présentant le magasin exploité par la société Auchan Hyper-Marché à Olivet comme pratiquant des prix plus élevés que les siens " est inexacte puisque ce n'est pas Olivet Distribution qui diffuse ces publicités et que ce n'est pas le magasin Auchan d'Olivet qui est spécifiquement visé par ces comparaisons ;
Que le litige soumis à l'appréciation de la cour concerne, non une publicité comparative nationale, mais une publicité comparative locale réalisée par l'appelante elle-même et visant un magasin précis, celui tenu par sa concurrente directe à Olivet ;
Attendu qu'il résulte des deux constats établis par Maître X, huissier de justice, que tant le 14 novembre que le 18 novembre, ce dernier n'a d'abord opéré des constatations qu'à partir de la route pour relever les indications portées sur les banderoles litigieuses ;
Qu'un tel constat est régulier ;
Que l'huissier de justice s'est ensuite présenté à l'accueil du magasin où il a immédiatement décliné sa qualité et a demandé à rencontrer un membre du personnel de direction ;
Que Maître X ne pouvait alors procéder à aucun constat sans l'accord de la direction du magasin et qu'il ne pouvait en conséquence indiquer qu'aucune mention concernant la liste des produits comparés n'était affichée à l'accueil ; qu'Olivet Distribution ne peut donc tirer aucune conséquence de cette mention ;
Attendu que Monsieur Y, directeur a accepté de recevoir Maître X et qu'il s'est librement entretenu avec lui, puis l'a conduit dans le bureau de Madame Z, responsable commerce, laquelle après lui avoir expliqué comment avaient été réalisés les relevés de prix, l'a raccompagné chez Monsieur Y qui a refusé, le 14 novembre de lui remettre la liste des 1 191 produits comparés qu'il lui a au contraire remise sans difficultés le 28 novembre suivant ;
Que Monsieur Y pouvait parfaitement refuser de remettre à l'huissier de justice la liste des produits comparés et qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de ce refus mais que les propos de Monsieur Y, de Madame Z ou de Monsieur A, contrôleur de gestion, pouvaient parfaitement être rapportés par l'huissier de justice, puisque c'est Monsieur Y, membre de la direction qui l'avait introduit auprès de ces autres membres du personnel ;
Que l'huissier de justice n'est pas un officier de police judiciaire et n'a pas à aviser ses interlocuteurs d'un droit au silence ;
Qu'il ne pouvait être retenu que l'huissier de justice mandaté par l'appelante avait " outrepassé sa mission ", ce qui n'était pas le cas puisque cet officier public et ministériel n'était pas chargé d'une mission par une juridiction et que la demande tendant à l'annulation des procès-verbaux de constat sera rejetée, sous la réserve de ce qu'il ne peut être tenu compte de la mention de ce que la liste des produits concernés par la comparaison n'était pas affichée à l'accueil ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 122-1 du Code de la consommation toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :
1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ; 2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ; 3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ;
Que l'article L. 122-5 du même Code précise que l'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité ;
Et attendu qu'il résulte de ces dispositions que la charge de la preuve de la licéité de la publicité comparative pèse sur son auteur puisque les textes qui la régissent précisent que c'est à l'annonceur qu'il appartient de prouver, dans un bref délai, l'exactitude matérielle des énonciations contenues dans sa publicité " ;
Que le tribunal a en conséquence inversé la charge de la preuve en retenant qu'il n'était pas prouvé que la société IRI n'ait pas effectué de relevés de prix dans le magasin E. Leclerc d'Olivet ;
Attendu qu'en l'espèce, Auchan n'apporte aucunement la preuve qui lui incombe de l'exactitude de l'énonciation " Relevé de prix du 9 octobre 2016 sur 1 191 produits " ;
Que selon les termes de l'annonce qu'elle a librement choisis, un tel relevé de prix doit avoir été effectué le 9 octobre 2016 sur 1 191 produits vendus par le magasin E. Leclerc d'Olivet et doit avoir été simultanément réalisé sur les mêmes 1 191 produits vendus dans son propre magasin ;
Qu'elle ne saurait soutenir démontrer l'existence de relevés concomitants réalisés le 9 octobre 2016 par la production (sa pièce n° 7) d'un courriel qui a été adressé à Auchan France (et non à elle) le 30 novembre 2016 par Monsieur W, de la société IRI dont elle affirme qu'il s'agit du cabinet ayant procédé à des relevés de prix dans le magasin de l'appelante ;
Qu'en effet Monsieur W, qui signale que son courrier a pour objet le magasin Auchan d'Olivet écrit à Auchan France " Ce magasin Auchan fait actuellement des communications comparatives sur les prix du Leclerc Olivet. La source des comparaisons sont les relevés que nous avons délivrés début novembre. La confidentialité des informations GPS et la non publication comparative de celles-ci sont les bases de la réciprocité GPS, je souhaite pouvoir partager avec vous sur les actions à mener auprès d'Auchan Olivet afin de retirer les communications " ;
Que contrairement à ce que prétend l'intimé, ce courriel démontre que la société IRI a effectué des relevés nationaux pour Auchan France à laquelle elle s'adresse mais en aucun cas pour Auchan Olivet ;
Que, si l'intimée avait elle-même commandé une prestation de relevé de prix dans le magasin de l'appelante, il lui serait aisé de produire une attestation ou une facture du cabinet ayant procédé à un tel relevé ;
Que non seulement elle ne produit pas de telles pièces mais que sa propre salariée, Madame Z, a indiqué le 14 novembre 2016 que les relevés de prix sont effectués sur tous les produits comportant un gencod identique et qu'ils lui sont adressés tous les mois par la cellule prix hypermarchés France au siège d'Auchan sous la forme d'un fichier informatique ; que ce fichier est alors intégré dans le système informatique du magasin en vue, non seulement de permettre les ajustements des prix jugés nécessaires, mais aussi de faire des classements de type prix plus cher, prix moins cher ou prix égal et que " le taux affiché sur la banderole a été calculé à la suite de l'un de ces classement " ;
Que le 28 novembre 2016, l'appelante écrivait elle-même à l'huissier de justice : " Comme nous vous l'avons expliqué lors de notre venue le lundi 14 novembre, le relevé de prix a été effectué par un organisme extérieur de relevé de prix en semaine 40, du 3 au 7 octobre, la compilation ayant été faite au 8 octobre. L'extraction du fichier a été réalisée dans notre magasin le 13 octobre 2016 pour analyse et traitement par nos managers " ;
Qu'il est ainsi établi qu'il n'y a eu aucun relevé de prix le 9 octobre 2018 dans les magasins Leclerc et Auchan d'Olivet et que l'intimée ne peut justifier de l'exactitude des informations qu'elle a communiquées dans sa publicité comparative puisque la mention de la date à laquelle aurait été effectuée une comparaison entre les deux magasins était inexacte ;
Que c'est en vain que l'intimée prétend que l'appelante ne démontre pas qu'elle-même ou sa concurrente ne pratiquaient pas les prix indiqués sur cette liste et que le tribunal ne pouvait retenir un tel argument puisqu'il n'était pas possible pour Olivet Distribution d'apporter la preuve rétroactive des prix pratiqués dans le magasin Auchan Olivet le 9 octobre 2016 et qu'ainsi qu'il vient d'être exposé, elle n'a aucunement à apporter cette preuve ;
Que, pour ce premier motif, et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la publicité litigieuse est illicite ;
Et attendu que la publicité comparative doit répondre à des exigences d'objectivité et de vérifiabilité ;
Que, pour cela, elle doit soit mentionner dans la publicité elle-même quels produits ont été comparés, soit indiquer comment le consommateur peut les connaître ;
Qu'il est constant que la banderole apposée par Auchan ne comportait ni la liste des produits comparés ni l'indication de la manière dont les personnes lisant la publicité pouvaient prendre connaissance de cette liste ;
Qu'Auchan n'indique pas comment les lecteurs de son annonce pouvaient prendre connaissance de la liste des produits comparés et qu'elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'accessibilité des éléments de la comparaison permettant aux consommateurs d'en vérifier l'exactitude,
Que la publicité comparative litigieuse ne répondait pas à l'exigence de vérifiabilité imposée par la loi ;
Que, pour ce second motif et sans qu'il soit besoin de vérifier si la liste était ou non présente à l'accueil du magasin, par lequel ne passe pas l'intégralité des clients, l'intimée n'a pas respecté les conditions légales rendant licite la publicité à laquelle elle s'est livrée ;
Attendu qu'il ne pouvait par ailleurs être retenu qu'Auchan avait communiqué à Olivet Distribution le relevé des 1 191 produits comparés et le justificatif de la méthode de relevé de prix dans le bref délai prévu par l'article L. 122-5 du Code de la consommation ;
Qu'en effet l'appelante établit que l'intimée, qui avait refusé de signer l'avis de réception de son courrier du 18 novembre 2016 contenant ses demandes de relevé et de justificatif de méthode, a reçu le 21 novembre 2016 ces mêmes demandes qui lui ont été délivrées par huissier de justice ;
Qu'elle n'y a répondu, partiellement, que le 28 novembre 2016, et encore parce que l'huissier de justice diligenté par l'appelante s'était à nouveau présenté dans ses locaux après avoir constaté que la banderole retirée le 22 novembre, avait été remise en place le 28 novembre ;
Qu'Auchan devait nécessairement avoir la liste des 1 191 produits Avant de procéder à sa publicité comparative qui indique expressément que 1 191 produits sont moins chers dans son magasin que dans celui de sa concurrente et qu'elle ne pouvait avoir besoin d'une semaine pour la remettre à l'huissier de justice mandaté par l'appelante après qu'elle ait refusé la lettre recommandée qui lui avait été adressée ;
Qu'un délai de 7 jours en matière de publicité comparative n'est pas admissible pour un annonceur situé dans la même ville que son concurrent et devant avoir en sa possession la liste dont il avait fait lui-même l'annonce sur de grandes banderoles dès le 14 novembre, soit 7 jours avant même que puisse lui être délivrée une demande officielle de justification de ses dires ;
Qu'il ne peut qu'être observé que la liste communiquée par l'intimée ne porte aucune en-tête et que les comparaisons qui y sont faites ne peuvent être vérifiées, le tribunal ayant une nouvelle fois inversé la charge de la preuve en retenant que l'appelante devait démontrer qu'elle ne pratiquait pas les prix mentionnés ;
Que, pour ce troisième motif, il sera retenu qu'Auchan a procédé à une publicité comparative illicite ;
Attendu que le seul fait de se présenter comme étant moins cher que sa concurrente ne jette en lui-même nullement le discrédit sur cette dernière et qu'en l'absence de procédé tendant explicitement à rabaisser la concurrence, aucun dénigrement n'est caractérisé ;
Que cependant la publicité est déloyale lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix pratiqués ;
Qu'Olivet Distribution n'a pas à démontrer que des consommateurs ont été effectivement trompés par sa concurrente mais uniquement à établir que les actes de l'intimée étaient de nature à les induire en erreur ;
Que tel est le cas en l'espèce et que l'illicéité de cette publicité comparative trompeuse a causé un préjudice à l'appelante puisqu'elle était de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique de consommateurs normalement informés et raisonnablement attentifs ou avisés qui ne pouvaient que comprendre que le 9 octobre 2018, il avait été procédé à un relevé de prix concomitant dans les deux magasins d'Olivet dont il résultait que Auchan Olivet était 7,67 % moins cher que Leclerc Olivet, ce qui n'est aucunement justifié puisqu'il n'est justifié à cette date d'aucune comparaison de prix limitée à ces deux magasins ;
Attendu que cette publicité trompeuse a été apposée à deux reprises dans un lieu très passant fréquenté principalement par des consommateurs puisqu'il s'agit d'une zone commerciale ;
Que s'il est démontré que la première banderole est restée apposée 9 jours (du 14 au 22 novembre 2016), il n'est pas justifié du délai pendant laquelle la seconde banderole a été déployée et qu'en l'absence de toute indication sur ce point, il ne peut être retenu qu'un préjudice subi le 28 novembre 2016, seul jour d'infraction démontré ;
Qu'il convient dès lors de réparer le préjudice subi par l'appelante pendant ces 10 jours d'exposition d'une publicité comparative illicite et trompeuse en lui octroyant la somme de 80 000 euros ;
Attendu qu'une condamnation à payer des dommages et intérêts ne peut produire intérêts qu'à compter de la signification de la décision qui la prononce ;
Qu'il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts sollicitée, une telle condamnation pouvant être prononcée dès le premier jour de la condamnation mais ne prenant effet que si la somme due n'est pas intégralement payée à l'issue d'un délai d'une année ;
Attendu qu'il ne peut être fait droit à la demande de l'appelante tendant à voir condamner Auchan à afficher des banderoles sur son site commercial ou à publier le présent arrêt sur le site Internet de la société Auchan France, de telles sanctions n'étant pas prévues par la loi ;
Qu'il sera au contraire fait droit, dans les termes précisés au dispositif du présent arrêt à la demande de publication de la condamnation de l'intimée dans la Nouvelle République du Centre ainsi que dans deux autres publications de son choix, aux frais de la société Auchan, dans la limite de 5 000 euros par insertion ;
Attendu qu'Auchan, succombant à l'instance, devra en supporter les dépens et qu'il sera fait application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'appelante ;
Que les frais de procès-verbal de constat ne peuvent être intégrés dans les dépens lesquels sont strictement énumérés par le Code de procédure civile mais qu'il en sera tenu compte dans l'indemnité de procédure allouée à Olivet Distribution ;
Par ces motifs Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort, Infirme la décision entreprise, Statuant À Nouveau, Dit que la société Auchan a procédé à une publicité comparative illicite et trompeuse, Condamne la société Auchan à payer à la société Olivet Distribution la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, Autorise la société Olivet Distribution à faire publier aux frais de la société Auchan dans le journal La République du Centre et dans deux autres journaux écrits de son choix la présente décision de condamnation ou des extraits de son choix dans la limite de 5 000 euros par insertion, Condamne la société Auchan à payer à la société Olivet Distribution la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions, Condamne la société Auchan aux dépens de première instance et d'appel.