CA Lyon, 1re ch. civ. A, 26 septembre 2019, n° 17-06237
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Cantiere Nautico Cranchi (Sté), Société D'exploitation des Etablissement Palomares (Sté), Stigma (SAS), Volvo Trucks (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rachou
Avocats :
Mes Nouvellet, Cohen-Elbaz
Par acte du 16 avril 2006, M. C... A... a conclu avec la SA CGE Bail un contrat de location avec option d'achat portant sur un bateau neuf de marque Cranchi fourni par la SAS Union nautique insulaire bateaux (la société Stigma) moyennant le paiement de 83 loyers.
L'article 4 du contrat de location stipulait la clause suivante : " le locataire bénéficie de la garantie donnée par le fournisseur contre lequel il est habilité, à ses frais, à exercer toute action, sauf à en informer préalablement le bailleur ".
Le bateau était équipé de deux moteurs Volvo Penta D9, fournis par la société Volvo Trucks France.
L'entretien du bateau a été confié à la société D'exploitation des Etablissements Palomares (la société Palomares).
Le 10 juin 2006, M. A... a pris livraison du bateau en attestant de sa conformité.
Le 25 juillet 2007 l'un des moteurs du bateau est tombé en panne.
La société VOLVO a remplacé les deux moteurs au mois de novembre 2007.
Par acte d'huissier en date du 28 janvier 2008, M. A... a assigné la société Stigma devant le tribunal de grande instance de Grasse en indemnisation de ses préjudices sur le fondement des articles 1641, 1643 et 1645 du Code civil.
La société Stigma a assigné en intervention forcée la société Cantiere Nautico Cranchi (la société Cranchi), la société Palomares et la société Volvo.
Par avenant du 12 septembre 2008 le contrat de location a été transféré à la société Heli Yacht, nouveau locataire, avec effet au 15 août 2008.
Par jugement en date du 6 mars 2012, le tribunal de grande instance de Grasse a : Constaté que le juge de la mise en état a statué sur la compétence du tribunal de grande instance de Grasse pour connaître de ce litige, Constaté que M. A... a qualité et intérêt pour agir, Déclaré recevable son action devant le tribunal de grasse à l'encontre des défendeurs, Constaté que M. A... ne rapporte pas l'existence de vices cachés, Débouté M. A... de ses demandes sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, Constaté que le temps d'immobilisation du bateau et son coût ne sont pas déterminés, Dit n'y avoir lieu à ordonner une expertise pour déterminer le préjudice de M. A..., Débouté M. A... de sa demande d'indemnisation de son trouble de jouissance sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code civil, Débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamné M. A... aux entiers dépens lesquels seront distraits au profit des avocats de la cause conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 4 avril 2012, M. A... a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 2 juillet 2013, la cour a : Réformé le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. A..., Déclaré M. A... irrecevable en son action fondée sur la garantie des vices cachés faute de qualité pour agir, Condamné M. A... au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à chacune des sociétés intimées ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du même Code.
Sur le pourvoi formé par M. A..., la Cour de cassation a, dans un arrêt du 4 décembre 2014, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 2 juillet 2013 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et renvoyé les parties devant cette cour autrement composée pour les motifs suivants :
" Sur le moyen unique :
Vu l'article 31 du Code de procédure civile ;
[...]
Attendu que, pour déclarer M. A... irrecevable faute de qualité pour agir, l'arrêt retient que, ayant transféré le contrat à une société tierce par un avenant ayant pris effet au 15 août 2008, M. A... a perdu le bénéfice de la clause l'habilitant à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. A... qui, selon les productions, sollicitait devant la cour d'appel la réparation d'un trouble de jouissance et que son intérêt à agir en réparation de ce préjudice, qui existait au jour de l'introduction de la demande en justice, avait été conservé en dépit du transfert du contrat de location avec option d'achat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; "
Par déclaration sur renvoi après cassation en date du 31 août 2017, M. A... a saisi la cour d'appel de renvoi qui, dans un arrêt du 12 janvier 2016, a : Déclaré l'appel infondé, Confirmé le jugement de premier ressort, Débouté l'appelant de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la SARL Stigma sur le fondement des articles 1641 et 1134 du Code civil, Condamné l'appelant aux entiers dépens qui seront au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
M. A... a formé un pourvoi contre cette décision.
Par arrêt du 1er juin 2017, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 12 janvier 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Lyon, pour les motifs suivants :
" Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 431-4 du Code de l'organisation judiciaire, 456, 458 et 626 du Code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 4 décembre 2014, pourvoi n° 13-23.445), que dans un litige l'opposant à différentes sociétés M. A... a saisi la cour d'appel de renvoi le 16 décembre 2014 ;
Attendu que l'arrêt attaqué mentionne que les débats ont eu lieu en présence de M. Torregrosa, président, de Mme D... et de Mme Demont, conseillers, qui en ont délibéré ; que l'arrêt a été signé par M. Olivier Brue, conseiller, en raison de l'absence du président, empêché ;
Qu'en l'état de ces mentions, dont le vice allégué ne peut être réparé et d'où il résulte que M. Olivier
Brue a signé l'arrêt alors qu'il n'avait pas assisté aux débats ni participé au délibéré comme ne pouvant faire partie de la formation de renvoi pour avoir participé à la décision cassée par l'arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2014, l'arrêt signé par ce magistrat est nul ; "
Vu la déclaration de saisine de la cour de renvoi transmise au greffe par M. C... A... le 31 août 2017.
Vu ses conclusions du 30 novembre 2017, déposées et notifiées, par lesquelles il demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1641 du Code civil, de : Infirmer le jugement, Condamner la société Stigma au paiement d'une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement à titre principal de l'article 1641 du Code civil, à titre subsidiaire sur celui des dispositions des articles 1134 et suivants du Code civil, en l'absence de délivrance d'un objet conforme à ce qui avait été commandé, La condamner au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Jacques Aguiraud et Philippe Nouvellet, avocat.
Vu les conclusions du 9 février 2018 de la société Stigma, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1641 et suivants du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, de :
À titre principal : Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 6 mars 2012 en ce qu'il a déclaré M. A... recevable à invoquer un vice caché, Déclarer M. A... irrecevable à invoquer un vice caché sans examen au fond,
À titre subsidiaire : Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 6 mars 2012 en ce qu'il a Débouté M. A... de l'ensemble de ses demandes comme étant mal fondées,
A titre infiniment subsidiaire : Condamner la société Volvo, la société Palomares et la société Cranchi à relever et garantir la société Stigma de toute condamnation prononcée à son encontre,
En tout état de cause : Condamner tout succombant à payer à la société Stigma la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamner tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de Me B....
Vu les conclusions du 28 février 2018 de la société Cranchi, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1641 du Code civil, de :
À titre principal : Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 6 mars 2012 en ce qu'il a débouté M. A... de l'intégralité de ses demandes, Dire et juger sans objet l'appel en garantie formé par la société Stigma à l'encontre de la société Cranchi,
À titre subsidiaire : Déclarer mal fondé l'appel en garantie formé par la société Stigma à l'encontre de la société Cranchi, Prononcer en tout état de cause la mise hors de cause de la société Cranchi,
À titre infiniment subsidiaire : Condamner la société Volvo à garantir la société Cranchi de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge,
En tout état de cause : Condamner la partie succombante à payer à la société Cranchi une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamner aux entiers dépens dont recouvrement au profit de Me Jerôme Novel, avocat au barreau de Lyon.
Vu les conclusions du 9 mars 2018 de la société Volvo, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1641 du Code civil, de :
À titre principal : Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. A... de l'intégralité de ses demandes, Dire sans objet l'appel en garantie de cette dernière à l'encontre de la société Volvo,
À titre subsidiaire : Débouter la société Stigma de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société Volvo, Débouter la société Cranchi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société Volvo, Débouter toute partie de toutes demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la société Volvo,
À titre très subsidiaire : Condamner la société Palomares à relever et garantir la société Volvo de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre tant en principal, frais et accessoires,
En tout état de cause : Condamner tout succombant à payer à la société Volvo une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Le condamner enfin aux entiers dépens dont droit de recouvrement distraits au profit de la Selarl de Fourcroy, avocats au barreau de Lyon.
Vu les conclusions du 5 février 2018 de la société Palomares, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1641 du Code civil, de : Confirmer en totalité le jugement dont appel, Débouter M. A... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions comme étant totalement injustifiées tant en leur principe sur le fondement des vices cachés qu'en leur quantum et confirmer purement et simplement le jugement dont appel,
À titre infiniment subsidiaire : Dire et juger que la société Palomares exerçant sous l'enseigne Croix du sud n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité, Prononcer sa mise hors de cause pure et simple,
Enfin : Condamner tout succombant à payer à la société Palomares la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SAS Tudela & associés, avocats associés, sur son affirmation de droits.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 mai 2018.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes de M. C... A... formées contre la société Stigma
Sur leur recevabilité
Selon la société Stigma, elles sont irrecevables, motifs pris que :
- M. C... A... n'a pas informé préalablement le bailleur de son intention d'exercer une action en garantie contre les vices cachés ;
- ayant par avenant du 12 septembre 2008 transféré le contrat de location à un tiers, avec effet au 15 août suivant, il a été déchu, à compter de cette date, du droit d'agir qui lui avait été consenti par l'article 4 du contrat de bail.
Cependant, M. C... A... justifie avoir informé la société GCE BAIL, par un courrier du 2 janvier 2008, de son intention d'exercer contre la société Stigma l'action en garantie prévue par l'article 4 du contrat.
Ensuite, il sollicite la réparation d'un trouble de jouissance et son intérêt à agir en réparation de ce préjudice existait au jour de l'introduction de sa demande de justice, en dépit du transfert du contrat de location avec option d'achat.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il déclare sa demande recevable.
Sur le bienfondé des demandes de M. C... A...
a) sur la garantie légale des vices cachés
Selon la société Stigma, M.C... A... ne fait pas la démonstration d'un vice caché affectant le bateau.
Elle fait valoir en effet que :
- la preuve de l'origine de la panne des moteurs n'est pas rapportée ;
- le rapport d'expertise du cabinet Pretay, produit par M. C... A..., n'est pas contradictoire et il ne se prononce pas sur l'origine de la panne ;
- il n'est donc pas démontré que la panne des moteurs a son origine dans une cause antérieure à la livraison du bateau ;
- les autres défauts listés par le cabinet Pretay sont mineurs et n'empêchent pas le bateau de naviguer.
M. C... A... soutient que :
- le bateau a subi une panne majeure ;
- l'existence d'un vice caché affectant le bateau est établie, dès lors qu'une réparation a été nécessaire sur les deux moteurs en raison de leur dysfonctionnement ;
- l'intervention de la société Stigma, qui est un professionnel, fait la preuve du vice.
Sur ce :
Pour que la garantie légale des vices cachés soit acquise à l'acquéreur, il lui appartient notamment de prouver que le vice est antérieur à la vente.
Pour rapporter cette preuve, M. C... A... verse aux débats un rapport d'expertise établi au mois de novembre 2007 par le cabinet Fretay & Associés.
M. C... A... ne produit aucune autre pièce, en dehors de ce rapport, pour établir l'antériorité du vice par rapport à la vente.
En outre, ledit rapport ne fait pas la preuve de cette antériorité. En effet il en ressort seulement qu'une partie du gelcoat est terni de manière anormale mais il ne se prononce pas sur le moment de la naissance de ce défaut.
Ensuite, et à la demande de M. C... A..., l'expert décrit dans son rapport divers désordres qui affectaient le bateau, mais il ne se prononce pas davantage pour chacun d'entre eux sur leur antériorité par rapport à la vente.
Par ailleurs, il ressort du bon de réception du bateau signé par M. C... A... le 10 juin 2006 que celui-ci a été commandé à la société Stigma le 19 septembre 2005, soit plus d'un an avant la survenance des premières pannes affectant les moteurs.
Compte tenu de ce laps de temps important, l'antériorité des vices affectant les moteurs par rapport à la vente ne peut se déduire d'un simple rapprochement entre la date de la vente et celle de l'apparition des vices.
M. C... A... ne démontrant donc pas que la garantie légale des vices cachés lui est acquise , sa demande d'indemnisation ne peut se fonder sur les dispositions de l'article 1645 du Code civil.
b) sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme
La société Stigma soutient que M. C... A... a réceptionné le navire sans réserve le 10 juin 2006 en attestant qu'il était conforme au bon de commande.
M. C... A... demande que la société Stigma soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts, en l'absence de délivrance d'un objet conforme à ce qui lui avait été commandé, à savoir un bateau neuf fonctionnant correctement.
Cependant, la non-conformité sanctionne la différence entre la chose contractuellement promise et la chose livrée, alors que le vice caché s'entend d'un défaut rendant la chose impropre à son usage.
L'action en garantie des vices cachés est donc la seule action ouverte à l'acheteur qui invoque le défaut d'une chose la rendant impropre à l'usage auquel il la destine.
En l'espèce, M. C... A... se plaint de défauts affectant le bateau qui diminuent son usage, ou qui le rendent impropre à sa destination, telle la panne de ses moteurs.
En outre, il a signé le 10 juin 2006 à la demande de la société Stigma un document intitulé " réception de commande " par lequel il atteste que le bateau livré est tout à fait conforme au bon de commande n° AM-05-022 en date du 19 septembre 2005.
Pour ces raisons, il ne peut invoquer un manquement à l'obligation de délivrance conforme pour fonder sa demande.
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il le déboute de toutes ses prétentions.
Sur les appels en garanties dirigés contre les sociétés Cranchi, Volvo et Palomares :
Ces appels en garanties formés par la société Stigma sont sans objet, dès lors que les demandes de M. C... A... sont rejetées.
Par ces motifs LA COUR, Statuant sur renvoi après cassation, contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette la demande de M. C... A... et des sociétés Cranchi, Volvo et Palomares et condamne M. A... à payer à la société Stigma la somme de 3 000 euros ; Le condamne aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents aux arrêts cassés lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.