CA Versailles, 12e ch., 26 septembre 2019, n° 17-06966
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Embevi (SA) ; Selarl Vincent Mequignon (ès qual.), Selarl Mayon (ès qual.)
Défendeur :
Mercedes-Benz Trucks France (Sasu), Mercedes Benz Financial Service France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Andrieu
Conseillers :
Mmes Soulmagnon, Muller
Avocats :
Mes Zerhat, Silva, Gazagne, Vogel
FAITS ET PROCEDURE
La société Mercedes-Benz France importe en France des véhicules neufs de la marque Mercedes-Benz ainsi que des pièces afférentes.
La société anonyme Mercedes-Benz Financial Service France est un établissement de crédit et une filiale de la société Mercedes-Benz France.
La société anonyme Embevi, anciennement Etoile d'Aquitaine, a été concessionnaire de véhicules industriels et utilitaires de la société Mercedes-Benz France depuis plusieurs années.
Le 16 septembre 2002, les sociétés Mercedes-Benz France et Embevi ont conclu quatre contrats : deux contrats de distribution et deux de services.
Suite à diverses difficultés, la société Mercedes-Benz France a, par lettre recommandée du 29 janvier 2009, mis en demeure la société Embevi de lui régler une somme de 1 022 938,69 euros correspondant à vingt-cinq véhicules qu'elle lui avait livrés et qui ne lui avaient pas été réglés.
La société Embevi ne s'est pas exécutée.
Par la suite, la société Mercedes-Benz France a adressé plusieurs mises en demeure pour impayés à la société Embevi.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 avril 2009, la société Mercedes-Benz France a mis fin aux contrats de distribution avec un préavis de deux ans.
Par acte du 29 octobre 2010, la société Embevi a cédé son fonds de commerce à la société Sami Aquitaine.
C'est dans ces conditions que par acte d'huissier du 29 octobre 2015, la société Embevi a assigné les sociétés Mercedes-Benz France et Mercedes-Benz Financial Service France devant le tribunal de commerce de Versailles en indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de leur attitude déloyale à son égard.
Par jugement du 8 septembre 2017, le tribunal de commerce de Versailles a :
- Dit irrecevable la société Embevi en ses demandes formulées à l'encontre de la société Mercedes-Benz France et de la société Mercedes-Benz Financial Service ;
- Condamné la société Embevi à payer à la société Mercedes-Benz France et à la société Mercedes-Benz Financial Service, chacune, la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Condamné la société Embevi aux dépens.
Par déclaration du 26 septembre 2017, la société Embevi a interjeté appel du jugement.
Le 17 octobre 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Embevi, en fixant la date de cessation des paiements au 4 septembre 2018. Il a désigné la société Vincent Mequinion en qualité d'administrateur judiciaire, et la société Laurent Mayon en qualité de mandataire judiciaire.
Le 29 novembre 2018, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire ont déposé des conclusions d'intervention volontaire.
Par suite d'un apport partiel d'actifs prenant effet le 1er avril 2019, la société Mercedes-Benz Trucks France s'est substituée à la société Mercedes-Benz France dans l'exécution des engagements liés à l'activité camion, incluant les contentieux.
PRÉTENTIONS ET DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 22 mai 2019, la société Embevi prise en la personne de son administrateur judiciaire, la société Vincent Mequinion ès qualité et la selarl Mayon Laurent ès qualité de mandataire judiciaire de la société Embevi ont demandé à la cour de :
Vu les articles 1134, 1147, 1289 et 1290 du Code civil ;
Vu les articles 2224 et 2234 du Code civil ;
Vu les articles 8, 10, 11, 66, 146, 325 et suivants, 555 et 700 du Code de procédure civile ;
- Prononcer le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries ;
- Recevoir la société Embevi, prise en la personne de son administrateur judiciaire, intervenant volontaire, commis à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 17 octobre 2018, anciennement dénommée Etoile d'Aquitaine, en son appel et l'y déclarer toute aussi recevable que bien fondée ;
- Recevoir en son intervention volontaire la société Laurent Mayon ès qualités de mandataire judiciaire de la société Embevi commise à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 17 octobre 2018,
- Infirmer purement et simplement le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Versailles le 8 septembre 2017 ;
Statuant de nouveau,
- Dire et juger que les demandes formulées par la société Embevi, prise en la personne de son administrateur judiciaire, ne sauraient être déclarées comme prescrites ;
- Dire et juger que la société Mercedes-Benz France aux droits de laquelle semble venir la société Mercedes-Benz Trucks France a été déloyale et en tant que telle fautive d'avoir prononcé la résiliation des contrats de distribution Mercedes-Benz Utilitaires et Mercedes-Benz Industriels, la liant à la société Embevi, anciennement dénommée Etoile d'Aquitaine, en avançant comme motifs objectifs des impayés et une perte de confiance ;
- Juger que la déloyauté de la société Mercedes-Benz France aux droits de laquelle semble venir la société Mercedes-Benz Trucks France s'est poursuivie postérieurement à la résiliation des contrats de distribution ;
- Juger que la société Mercedes-Benz France aux droits de laquelle semble venir la société Mercedes-Benz Trucks France et Mercedes-Benz Financial Service, ont toutes deux été à l'origine de la cession du fonds de commerce, propriété de la société Embevi, anciennement dénommée Etoile d'Aquitaine ;
- Condamner solidairement la société Mercedes-Benz France aux droits de laquelle semble venir les sociétés Mercedes-Benz Trucks et Mercedes-Benz Financial Service au paiement d'une somme de 12 197.446 euros, en indemnisation du préjudice subi par la société Embevi, anciennement dénommée Etoile d'Aquitaine ;
A titre subsidiaire,
- Commettre tel expert qu'il plaira avec mission habituelle afin de valoriser :
Le prix de vente du fonds de commerce de la société étoile d'Aquitaine dès lors que les contrats de distribution n'avaient pas été résiliés le 30 avril 2009 ;
La perte de marge éprouvée par la société étoile d'Aquitaine quant aux mois d'août, septembre et octobre 2010 ;
Le manque à gagner inhérent aux véhicules propriété de la société Embevi dont le cessionnaire n'a pas entendu se porter acquéreur ;
Le manque à gagner des pièces détachées conservées par la société Etoile d'Aquitaine que le cessionnaire n'a pas entendu acquérir.
- Débouter la société Mercedes-Benz France aux droits de laquelle semble venir la société Mercedes-Benz Trucks France et Mercedes-Benz Financial Service France de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner solidairement les sociétés Mercedes-Benz France aux droits de laquelle semble venir les sociétés Mercedes-Benz Trucks France et Mercedes-Benz Financial Service au règlement d'une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 23 mai 2019, les sociétés Mercedes-Benz Trucks France venant aux droits de la société Mercedes Benz France suite à l'apport partiel d'actif prenant effet au 1er avril 2019 et la société Mercedes-Benz Financial Services France ont demandé à la cour de :
Vu les articles 2224 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce,
Vu les articles 1134 du Code civil,
1) A titre principal,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 8 septembre 2017 et,
- Dire et juger que les demandes de la société Embevi, prise en elle-même et/ou en la personne de son administrateur judiciaire, sont prescrites, les faits lui permettant de faire les demandes étant connus de la société Embevi antérieurement au 29 octobre 2010,
- Débouter en conséquence la société Embevi, prise en elle-même et/ou en la personne de son administrateur judiciaire de l'ensemble de ses demandes,
- Dire et juger que la société Embevi, prise en elle-même et/ou en la personne de son administrateur judiciaire n'est pas fondée à sommer la société Mercedes-Benz France aux droits de laquelle intervient les sociétés Mercedes-Benz Trucks et Mercedes-Benz Financial Service à lui fournir les documents demandés le 15 avril 2019.
- En tout état de cause, dire et juger irrecevables et mal fondées l'ensemble des demandes de la société Embevi, de la société Vincent Mequinion en sa qualité d'administrateur judiciaire et de la société Mayon Laurent en sa qualité de mandataire judiciaire.
2) Subsidiairement,
- Dire et juger en tout état de cause que la société Mercedes-Benz France aux droits de laquelle intervient les sociétés Mercedes-Benz Trucks et Mercedes-Benz Financial Service n'ont commis aucune faute à l'encontre de la société Embevi.
- Débouter en conséquence la société Embevi, prise en elle-même et/ou en la personne de son administrateur judiciaire, de l'ensemble de ses demandes.
3) Plus subsidiairement encore,
- Dire et juger que la société Embevi, prise en elle-même ou en la personne de son administrateur judiciaire, ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle allègue, ni de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et les prétendues fautes.
- Débouter la société Embevi de sa demande d'expertise aux fins de valoriser :
Le prix de vente du fonds de commerce de la société Etoile d'Aquitaine dès lors que les contrats de distribution n'avaient pas été résiliés le 30 avril 2009 ;
La perte de marge éprouvée par la société Etoile d'Aquitaine quant aux mois d'août, septembre et octobre 2010 ;
Le manque à gagner inhérent aux véhicules propriété de la société Embevi dont le concessionnaire n'a pas entendu se porter acquéreur ;
Le manque à gagner des pièces détachées conservées par la société Etoile d'Aquitaine que le concessionnaire n'a pas entendu acquérir.
- Débouter en conséquence la société Embevi, prise en elle-même ou en la personne de son administrateur judiciaire, de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.
4) En tout état de cause,
- Débouter la société Embevi, prise en elle-même ou en la personne de son administrateur judiciaire, de toutes ses demandes ;
- Débouter la société Embevi, la société Vincent Mequinion en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société Mayon Laurent en sa qualité de mandataire judiciaire de toutes leurs demandes ;
- Condamner la société Embevi, la société Vincent Mequinion en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société Mayon Laurent en sa qualité de mandataire judiciaire à verser solidairement à chacune des sociétés Mercedes-Benz Trucks venant aux droits de la société Mercedes-Benz France et Mercedes-Benz Financial Service une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société Embevi, la société Vincent Mequinion en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société Mayon Laurent en sa qualité de mandataire judiciaire en tous les dépens, dont distraction au profit de la société civile professionnelle Gazagne Yon Levy conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été révoquée et prononcée le 23 mai 2019.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
L'article L 110-4 du Code de commerce dispose que "les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes."
L'article 2224 du Code civil édicte que " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer."
Les articles 2228 et 2229 du Code civil disposent que la prescription se compte par jours et non par heures, qu'elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.
Sur le point de départ de la prescription
Les sociétés Mercedes font valoir que dès le 19 juillet 2010 lors de la promesse de cession du fonds de commerce, la société Embevi avait une parfaite connaissance du préjudice allégué dans la présente procédure, qu'ayant introduit l'instance par acte d'huissier du 29 octobre 2015, elle est prescrite en son action à l'égard des sociétés intimées. Elle estime que le prix de cession était connu de la société Embevi dès cette promesse de vente, que le prix convenu de 900 000 a été celui réglé par la société Convenant.
Elles ajoutent que la société Embevi démontrait être consciente du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la résiliation des contrats par différents mails adressés à la société Mercedez Benz France datés du dernier semestre 2009 faisant état de sa désapprobation suite à la résiliation.
Elles soutiennent que la date de cession du fonds le 29 octobre 2010 ne peut donc être retenue comme point de départ de la prescription comme le prétend la société Embevi et que même au cas où la cour viendrait à retenir cette date comme point de départ, la société Embevi serait prescrite dans la mesure où l'assignation aurait dû être délivrée au plus tard à minuit le 28 octobre 2015 et non le 29 octobre 2015, sachant que la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli en application de l'article 2229 du Code civil.
En réplique, la société Embevi qui conclut à l'infirmation du jugement entrepris qui a déclaré son action prescrite, fait tout d'abord valoir que son action est bien prescrite le 29 octobre 2015 à minuit et non pas le 28 octobre 2015 à minuit comme le soutiennent les sociétés Mercedes, qu'il convient comme point de départ de la prescription de prendre en compte la date de l'acte de cession de vente du fonds de commerce et pas celle de la promesse de vente.
Sur ce :
Le point de départ de la prescription en matière contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.
Il résulte des éléments de la procédure que la société Embevi a eu connaissance du dommage qu'elle estimait avoir subi si ce n'est dès la résiliation des contrats de distribution le 30 avril 2009 en tout état de cause lorsqu'elle a décidé de céder son fonds de commerce, connaissant alors la valeur estimée à 900 000 qui était moindre que ce à quoi elle pensait pouvoir prétendre, considérant dès lors le prix comme très largement inférieur à la valeur réelle du fonds.
La société Embevi dès la signature de la promesse de vente du 19 juillet 2010 du fonds de commerce avait en conséquence connaissance du préjudice allégué dans la présente procédure, le dommage étant la conséquence des fautes qu'elle reprochait aux sociétés Mercédès.
La société Embevi ne peut prétendre que les faits dommageables à l'origine de son action n'ont été connus d'elle de façon certaine qu'à compter de l'acte définitif de cession de vente du fonds de commerce réalisé le 29 octobre 2010 après réalisation des conditions suspensives, le montant du prix tel que prévu dans la promesse de vente étant celui qui a été versé au demeurant par la société Convenant.
Dès lors, la prescription de l'action de la société Embevi a commencé à courir pour le moins à compter 19 juillet 2010, de sorte que l'action introduite le 29 octobre 2015, soit plus de cinq ans après est prescrite.
Au surplus, même dans l'hypothèse où la date de connaissance des faits aurait été retenue et fixée le 29 octobre 2010, date de passation de l'acte de vente du fonds de commerce, l'assignation date du 29 octobre 2015 alors qu'elle ne pouvait intervenir que le 28 octobre 2015 à minuit au plus tard pour interrompre la prescription étant rappelé que l'article 2229 du Code civil prévoit que la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.
Sur l'interruption ou la suspension de la prescription :
La société Embevi estime qu'en tout état de cause la prescription a été suspendue du fait de la procédure de conciliation qui a été ouverte avec les principaux créanciers de la société Embevi sur requête du 9 juin 2010, pour une durée de quatre mois laquelle a été prorogée jusqu'au 10 novembre 2010 en vue d'un accord amiable. Elle soutient que cette conciliation s'inscrit dans le champ d'application de l'article 2238 du Code civil et dès lors a suspendu la prescription.
Elle ajoute que la généralité des termes de l'article 2238 du Code civil permet d'inclure dans son champ d'application la conciliation dont l'ouverture résulte d'une ordonnance prononcée par le président du tribunal de commerce, rappelant qu'un litige existait entre les parties portant sur les conditions de financement de livraison des pièces détachées.
La société Mercedes réplique qu'il s'agissait d'une procédure pour un accord amiable avec les principaux créanciers de la société Embevi liée à une procédure collective de conciliation entre un débiteur et ses créanciers, que dès lors l'article 2238 du Code civil dont se prévaut la société Embevi est inapplicable à l'espèce car aucune conciliation n'est intervenue entre les parties pour régler le présent litige qui les oppose.
Sur ce :
L'article 2238 du Code civil dispose que la prescription est suspendue à compter du jour où après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la conciliation ou à la médiation.
L'article 2238 du Code civil vise la médiation et la conciliation ; son champ d'application recouvre les procédures amiables de règlement des conflits et il n'est pas visé le cas de la procédure de conciliation judiciaire relevant des procédures de prévention des difficultés des entreprises.
En l'espèce, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a rendu une ordonnance le 10 juin 2010 à la requête de plusieurs sociétés dont la société Embevi (dénommée Etoile Aquitaine) aux fins d'ordonner une conciliation.
Les sociétés Mercedes n'étaient pas parties à la procédure, s'agissant d'une procédure de conciliation intervenue dans un autre contexte.
La procédure de conciliation invoquée ne se rapporte pas au litige soumis au tribunal de commerce de Nanterre.
En conséquence, la procédure de conciliation ouverte par le président du tribunal de commerce de Bordeaux sur requête du 9 juin 2010 est sans effet sur le cours de la prescription.
Sur l'intervention de l'administrateur judiciaire :
La société Embevi fait valoir qu'elle a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 17 octobre 2018. Elle soutient qu'aucune prescription ne peut être opposée aux organes de ladite procédure, qu'ainsi le délai posé par l'article 2224 du Code civil ne courrait à l'encontre de l'administrateur judiciaire qu'à compter du jour de la date d'ouverture de la procédure collective.
La société Mercedes rétorque que les affirmations de la société Embevi sont erronées. Elle estime pour sa part que la prescription qui était opposable à la société Embevi lui reste opposable même si elle est "prise en la personne de son administrateur." Elle fait valoir qu'un délai de prescription qui court contre un débiteur n'est pas suspendu par sa mise en redressement ou liquidation judiciaire. De plus, elle relève que la société Embevi a été placée en redressement judiciaire le 17 octobre 2018, or, la prescription de l'action est intervenue au plus tard en le 28 octobre 2015, qu'ainsi la prescription était déjà advenue au jour d'ouverture de la procédure collective de sorte que celle-ci ne peut produire en tout état de cause aucun effet sur la prescription acquise.
De plus, l'intervention de Monsieur Vincent Mequinion à l'instance ne permet qu'à la société Embevi de poursuivre une instance en cours en intégrant le fait qu'une procédure collective a été ouverte à son égard. Ce simple fait visé par l'article L. 622-23 du Code de commerce ne peut à lui seul être créateur de droits. L'administrateur judiciaire représente les intérêts de la société en difficulté et ne dispose d'aucun droit dont ne disposerait pas le débiteur assisté lui-même. Ainsi en matière de prescription, celle-ci commence à courir à l'égard de l'administrateur à la même date que pour le débiteur.
Elle rappelle enfin que le mandataire judiciaire ne peut qu'appuyer les prétentions du débiteur et ne revêt ainsi qu'un caractère accessoire.
Sur ce :
L'ouverture d'une procédure collective ne peut faire courir un nouveau délai de prescription à l'égard des organes de la procédure.
Ainsi, le mandataire judiciaire ne fait qu'assister la société débitrice ou en représente les intérêts. Il agit alors dans les conditions qui seraient opposables au débiteur qu'il représente.
En conséquence, l'action de la société Embevi étant prescrite, cette prescription est opposable à son administrateur judiciaire, M. Vincent Mequinion.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action de la société Embevi prise en la personne de son administrateur judiciaire à l'égard des sociétés Mercedes irrecevable.
Sur les autres demandes
Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Embevi aux dépens et à des indemnités sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Embevi, la société Vincent Mequinion ès qualité d'administrateur judiciaire et la société Mayon-Laurent ès qualité de mandataire judiciaire sont condamnés aux dépens d'appel avec distraction en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu de condamner la société Embevi prise en la personne de la société Vincent Mequinion ès qualité d'administrateur judiciaire et de la société Mayon-Laurent ès qualité de mandataire judiciaire à verser aux sociétés Mercedes-Benz-Trucks France venant aux droits de la société Mercedes Benz France et la société Mercedes-Benz Financial Services France une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, les sociétés intimées étant déboutées de leur demande à ce titre.
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement rendu le 8 septembre 2017, par le tribunal de commerce de Versailles en ses dispositions. Y ajoutant, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société Embevi, la société Vincent Mequinion ès qualité d'administrateur judiciaire et la société Mayon-Laurent ès qualité de mandataire judiciaire aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct.