CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 13 septembre 2019, n° 18-18725
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Johnson Controls France (SAS)
Défendeur :
Générali Iard (SA), Capembal Equipement (SAS), Carri Nostri (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dabosville
Conseillers :
Mmes Durand, Leblanc
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Carri Nostri exerce depuis le 1er avril 2009 une activité de découpage-boucherie dans un local commercial situé [...].
Elle est assurée auprès de la Compagnie Générali.
Les locaux étaient équipés de chambres froides, gérées par un tableau de commande :
- installé en 2009 par la société Matequip, assurée auprès de la Compagnie Générali
- acquis par cette dernière auprès de la société Disco Froid France
- et fabriqué pour le tableau par la société Johnson Controls France
Le 6 juillet 2010, un incendie est survenu dans les locaux, et a endommagé le bâtiment et l'exploitation.
A l'occasion des opérations d'expertise amiable, l'origine de l'incendie a été localisée dans le tableau de commande de température des chambres froides, siège d'un court-circuit.
La société Carri Nostri et son assureur ont sollicité une mesure d'expertise judiciaire ayant pour objet de déterminer l'origine, les causes et l'étendue du sinistre, laquelle a été ordonnée par décision du 12 janvier 2011 au contradictoire :
- de la société Disco Froid France et de son assureur Gan Eurocourtage
- de la société Matequip
- des bailleurs propriétaires des lieux, Monsieur Antoine C. et Mme Marie T.
- du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble
- de la société Johnson Controls France.
Monsieur G. a donc été désigné en qualité d'Expert Judiciaire.
Les opérations d'expertise ont été étendues à :
- la société Sud Electricité, en charge de l'installation électrique, par ordonnance du 6 mai 2011
- la société Tournus Equipement, en charge de la fabrication d'un bac à couteaux situé sous le tableau de commande litigieux par ordonnance du 24 juin 2011
- la société Elemastere Tecnologie Elettroniche, fabricant de certains composants des coffrets de commande.
Sur la base des observations du sapiteur spécialisé en recherche des causes d'incendie et d'explosion, Monsieur Christian P., l'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 12 mars 2013.
Par exploit d' huissier des 12, 13, 15 et 19 avril 2013, la société Carri Nostri a fait assigner devant le Tribunal de grande instance d'Ajaccio les sociétés Johnson Controls France, Matequip, Générali Iard, Marie-Dominique et Cécile Françoise C. aux 'ns de voir engager la responsabilité de la société Johnson Controls France et celle de la société Matequip ainsi que la garantie de cette dernière par la compagnie d'assurances Générali Iard et obtenir l'indemnisation des préjudices subis à la suite de l'incendie du 6 juillet 2010 soit la somme de 24 079,73 euros outre leur condamnation aux frais irrépétibles et aux dépens.
Par jugement en date du 23 octobre 2014, le tribunal a statué en ces termes :
" Vu les articles 1147 et 1792 du Code civil, Vu les articles 1386-1 et s. du même Code, Vu le rapport d'expertise du 12 mars 2013, Déclare la société Johnson Controls France prise en la personne de son représentant légal entièrement responsable des préjudices subis par la société Carri Nostri et Marie Dominique et Cécile Françoise C. du fait de l'incendie intervenu le 6 juillet 2010 [...], Déclare la société Matequip prise en la personne de son représentant légal entièrement responsable des préjudices subis par la société Carri Nostri et Marie Dominique et Cécile Françoise C. du fait de l'incendie intervenu le 6 juillet 2010 [...], Fixe la date de résiliation du contrat de bail commercial entre la société Carri Nostri et Marie Dominique et Cécile Françoise C. à la date du 22 mai 2013, Fixe le montant total des préjudices subis par la société Carri Nostri à la somme de 452 050,14 euros (quatre cent cinquante-deux mille cinquante euros et quatorze centimes), Condamne in solidum les sociétés Johnson Controls France et Matequip prises en la personne de leurs représentants légaux à payer à la société Carri Nostri prise en la personne de son représentant légal la somme de 272 574,70 euros (deux cent soixante-douze mille cinq cent soixante-quatorze euros et soixante-dix centimes) en réparation de ses préjudices résultant de l'incendie du 6 juillet 2010, ladite somme portant intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts, Déboute la société Carri Nostri de ses demandes d'indemnisation au titre des frais supplémentaires d'agencement, des frais d'expertise Godfroid et des loyers indûment virés de juillet 2010 à novembre 2010, Condamne in solidum les sociétés Johnson Controls France et Matequip prises en la personne de leurs représentants légaux à payer à Marie Dominique C. et Cécile Françoise C. la somme de 185 115,15 euros (cent quatre-vingt-cinq mille cent quinze euros et quinze centimes) en réparation de leurs préjudices résultant de l'incendie du 6 juillet 2010, Condamne in solidum Marie Dominique C. et Cécile Françoise C. à restituer à la société Carri Nostri la somme de 7 500 euros (sept mille cinq cents euros), Déboute Marie Dominique C. et Cécile Françoise C. de leurs demandes à l'encontre de la société Carri Nostri, Déboute Marie Dominique C. et Cécile Françoise C. de leurs demandes au titre de l'indemnité d'occupation et des frais de maîtrise d'œuvre, Déboute les sociétés Johnson Controls France et Matequip prises en la personne de leurs représentants légaux de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code civil, Condamne in solidum les sociétés Johnson Controls France et Matequip prises en la personne de leurs représentants légaux à payer à Marie Dominique C. et Cécile Françoise C. la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Johnson Controls France et Matequip prises en la personne de leurs représentants légaux à payer à la société Carri Nostri prise en la personne de son représentant légal, la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Johnson Controls France et Matequip prises en la personne de leurs représentants légaux aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise ordonnée en référé le 12 janvier 2011 dont distraction au profit de Maître Jean C. en application de l'article 600 du Code de procédure civile, Condamne la compagnie d'assurance Générali Iard prise en la personne de son représentant légal à garantir la société Matequip de toutes les condamnations mises à sa charge, Dit n'y Avoir Lieu à exécution provisoire. "
La SAS Johnson Control France a relevé appel de ce jugement le 23 octobre 2014.
La SAS Matequip et la compagnie d'assurance Générali Iard ont également relevé appel du même jugement le 12 décembre 2014.
Par arrêt en date du 23 mars 2016, la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Bastia a statué en ces termes :
" Confirme le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, le 23 octobre 2014, y ajoutant, Précise que les condamnations sont prononcées hors taxes, Déboute les sociétés Johnson Controls France, SAS Matequip et Carri Nostri ainsi que la Compagnie Générali Iard de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, Condamne les sociétés Johnson Controls France et Matequip, prise en la personne de leur représentant légal à payer à Madame Dominique C. et à Madame Cécile C., ensemble, une somme de 1 500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, Condamne les sociétés Johnson Controls France et Matequip, prise en la personne de leurs représentants légaux, aux dépens d'appel. "
La société Johnson Controls a formé pourvoi à l'encontre de cette décision.
Par arrêt en date du 27 juin 2018, cette dernière, 1ère chambre, a rendu la décision suivante :
" Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il déclare la société Johnson Controls France entièrement responsable des préjudices subis par la société Carri Nostri et Mmes Marie- Dominique et Cécile C. du fait de l'incendie intervenu le 6 juillet 2006 et en ce qu'il la condamne, in solidum, avec la société Matequip, à les réparer, l'arrêt rendu, le 23 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société Carri Nostri aux dépens ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé. "
Au motif que :
" L'expert a situé le départ du feu dans le coffret de commande et de régulation et que, selon lui, l'origine de l'incendie peut se trouver soit sur une borne intrinsèque au câblage intérieur du coffret réalisé par la société Johnson, soit sur une borne de raccordement de service ou d'alimentation mise en œuvre par la société Matequip, l'échauffement dû au desserrage structurel ou accidentel de bornes de raccordement ayant provoqué le départ du feu ; qu'il en déduit que le coffret est à l'origine de l'incendie, même s'il n'est pas possible de dire si c'est en lien avec un défaut d'origine de l'appareil ou avec l'intervention de l'installateur ; Qu'en statuant ainsi, alors que la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ".
La SAS Johnson Controls France a saisi la cour de renvoi le 24 juillet 2017.
Vu ses conclusions en date du 21 février 2019 par lesquelles elle demande à la cour de :
Vu l'exploit introductif d'instance,
Vu les articles 1240 et suivants du Code Civil,
Vu le rapport d'expertise de Monsieur G.,
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio en date du 23 octobre 2014,
Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Bastia en date du 23 mars 2016,
Vu l'arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation en date du 27 juin 2018,
Infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio en date du 23 octobre 2014 et l'arrêt de la Cour d'Appel de Bastia en ce qu'ils ont retenu la responsabilité de la société Johnson Controls France,
Statuant à nouveau,
Dire et Juger que la ou les causes de l'incendie survenu le 6 juillet 2010 sont indéterminées.
Dire et Juger que les demandes formées contre la société Johnson Controls France sont infondées,
Mettre Hors De Cause la société Johnson Controls France,
En conséquence,
Débouter la société Carri Nostri de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la société Johnson Controls France devait être condamnée :
DIRE que les condamnations seraient prononcées en montant hors taxes,
Condamner la société Capembal à relever et garantir intégralement la société Johnson Controls France,
Débouter les sociétés Capembal et Générali de leur appel incident ainsi que de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Condamner les succombants à régler à la société Johnson Controls France la somme de 10 000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Les Condamner en tous les dépens dont distraction au profit de la Selarl BDL Avocats, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions de la société Carri Nostri en date du 26 novembre 2018 par lesquelles elle demande à la cour de :
- La confirmation du jugement en ce qu'il a :
Reconnu que Johnson et Matequip engageaient leurs responsabilités cumulativement, respectivement sur le fondement des articles 1386-1 et s. pour le premier et 1792 et 1792-2 du Code civil pour le second.
Condamné in solidum Johnson et Capembal Equipement SAS venant aux droits de Matequip à réparer le préjudice en résultant pour Carri Nostri,
Condamné Générali à garantir Capembal Equipement SAS venant aux droits de Matequip des condamnations prononcées contre elle.
- Déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondé l'appel de la société Capembal Equipement SAS venant aux droits de Matequip
- A titre subsidiaire
Condamner Capembal Equipement SAS venant aux droits de Matequip à payer 288 252 euros de dommages et intérêts à Carri Nostri, en deniers ou quittances
Condamner Générali à garantir Capembal Equipement SAS des condamnations prononcées contre elle.
Condamner Johnson, Capembal Equipement SAS venant aux droits de Matequip et Générali in solidum à payer 5 000 euros à la société Carri Nostri au titre de l'article 700 du CPC outre aux entiers dépens.
Rejeter toutes autres demandes contre Carri Nostri.
Vu les conclusions de la SA Générali Iard, assureur de la société Carri Nostri en date du 25 février 2019 par lesquelles elle demande à la cour de :
Vu l'article 554 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1386-1 et suivants, devenus 1245-1 et suivants du Code civil
Vu l'article 1382, devenu 1240 du Code civil
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil
Vu l'article L. 121-12 du Code des assurances
- Recevoir la Compagnie Générali Iard, prise en sa qualité d'assureur de la société Carri Nostri, en son intervention volontaire,
- Recevoir la Compagnie Générali Iard, prise en sa qualité d'assureur de la société Carri Nostri, en ses présentes écritures et l'y déclaré recevable et bien fondée
- Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés Johnson Control et Matequip au titre de l'incendie survenu le 6 juillet 2010
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Johnson Control et Matequip à indemniser les tiers lésés des conséquences du sinistre
- Donner Force Exécutoire au protocole d'accord conclu entre la Compagnie Générali Iard et les sociétés Johnson Control et Matequip
- Au besoin, Condamner les sociétés Johnson Control et Matequip, in solidum, à régler à la Compagnie Générali Iard la somme de 199.500 euros
- Condamner les sociétés Johnson Control et Matequip au paiement de la somme de 2 000 euros à la Compagnie Générali Iard au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamner les sociétés Johnson Control et Matequip au paiement des entiers dépens.
Vu les conclusions de Mme Marie-Dominique et Cécile C. en date du 15 janvier 2019 par lesquelles elles demandent à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL,
Voir Déclarer irrecevable l'appel incident de la Société Capembal Equipement et la Compagnie d'assurance Générali,
A TITRE SUBSIDIAIRE.
Voir Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio en date du 23 octobre 2014 en ce qu'il a :
- déclaré la Société Johnson France et la Société Matequip entièrement responsables des préjudices subis par Mesdames Marie- Dominique C. et Cécile C.,
- condamné in solidum la Société Johnson France et la Société Matequip à payer à Mesdames Marie-Dominique C. et Cécile C. la somme de 185 115,15 euros en réparation de leur préjudice résultant de l'incendie du 6 juillet 2010,
- condamné la Compagnie d'Assurance Générali à garantir la Société Matequip de toute condamnation mise à sa charge.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE.
Voir Condamner la Société Capembal Equipement venant aux droits de la Société Matequip à payer à Mesdames Marie-Dominique C. et Cécile C. la somme de 185 115,15 euros en réparation de leur préjudice résultant de l'incendie du 6 juillet 2010,
Voir Condamner la Compagnie d'Assurance Générali à garantir la Société Matequip de toutes les condamnations mises à sa charge.
Voir Condamner la Société Capembal Equipement venant aux droits de la Société Matequip à payer à Mesdames Marie-Dominique C. et Cécile C. la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du C.P.C.
Les Condamner aux entiers dépens.
Vu les conclusions de la société Capembal Equipement SAS et de son assureur Générali Iard en date du 28 décembre 2018 par lesquelles elles demandent à la cour de :
Recevoir la société Capembal Equipement et son assureur RC Générali en leur appel incident, et le déclarer recevable.
Vu les articles 562 alinéa 2 et 615 alinéa 1 er du CPC.
Dire et juger que la cause du sinistre litigieux est purement accidentelle et qu'en tout état de cause la preuve de la défaillance de la concluante n'est pas rapportée.
Dire et juger inapplicable aux faits de l'espèce les dispositions de l'article 1792 du Code Civil.
Réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio du 23/10/2014.
En conséquence, mettre la société Capembal Equipement purement et simplement hors de cause.
Mettre hors de cause la compagnie Générali.
Débouter la société Carri Nostri et les consorts C. de leurs demandes.
Condamner tout succombant au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Me Emmanuel A., Avocat à la Cour de Paris.
MOTIFS DE LA DECISION
Il y a lieu de donner acte à la société Générali Iard de son intervention volontaire en sa qualité d'assureur de la société Carri Nostri, laquelle n'est contestée par aucune partie.
Sur l'étendue de la cassation :
L'article 623 du Code de procédure civile dispose que la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres.
Selon l'article 624 du même Code, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
Il se déduit des dits articles que la cassation laisse subsister, comme passées en force de chose jugée, toutes les dispositions de la décision qui n'ont pas été attaquées par le pourvoi.
Le pourvoi de la société Johnson Controls France était formé à l'encontre de l'ensemble des parties ; la société s'est ensuite désistée de son pourvoi en ce qu'il était dirigé contre la société Matequip et la société Générali Iard. Ces deux sociétés n'ont de leur côté pas formé de pourvoi.
En l'espèce, la cassation est partielle, l'arrêt étant cassé et annulé mais seulement en ce qu'il déclare la société Johnson Controls France entièrement responsable des préjudices subis par la société Carri Nostri et Mmes Marie- Dominique et Cécile C. du fait de l'incendie intervenu le 6 juillet 2006 et en ce qu'il la condamne, in solidum, avec la société Matequip, à les réparer, l'arrêt rendu, le 23 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
Ne sont donc pas concernées par la cassation les dispositions suivantes du jugement du 23 octobre 2014 qui ont été confirmées par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mars 2016 :
- Déclare la société Matequip prise en la personne de son représentant légal entièrement responsable des préjudices subis par la société Carri Nostri et Marie Dominique et Cécile Françoise C. du fait de l'incendie intervenu le 6 juillet 2010 [...],
- Condamne in solidum les sociétés Johnson Controls France et Matequip prises en la personne de leur représentants légaux à payer à la société Carri Nostri prise en la personne de son représentant légal la somme de 272 574,70 euros (deux cent soixante-douze mille cinq cent soixante-quatorze euros et soixante-dix centimes) en réparation de ses préjudices résultant de l'incendie du 6 juillet 2010, ladite somme portant intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts,
- Condamne in solidum les sociétés Johnson Controls France et Matequip prises en la personne de leurs représentants légaux à payer à Marie Dominique C. et Cécile Françoise C. la somme de 185 115,15 euros (cent quatre-vingt-cinq mille cent quinze euros et quinze centimes) en réparation de leurs préjudices résultant de l'incendie du 6 juillet 2010, sauf en ce qui concerne la condamnation in solidum de la société Johnson avec la société Matequip.
Il en résulte que la responsabilité de la société Matequip ne peut être remise en cause de même que sa condamnation au paiement desdites sommes.
Reste à juger, ainsi que le font observer, page 7 de leurs conclusions Mmes C., de la responsabilité éventuelle de la société Johnson Controls France :
- dans les préjudices qu'elles ont subis,
- dans le préjudice de la société Carri Nostri,
Puisqu'il n'existe aucune indivisibilité entre les condamnations des sociétés Johnson Controls France et Matequip.
Dès lors sont irrecevables les demandes de sociétés Capembal Equipement SAS anciennement Matequip et de son assureur Générali Iard tendant à :
" En conséquence, mettre la société Capembal Equipement purement et simplement hors de cause.
Mettre hors de cause la compagnie Générali ".
Il en est de même de la demande de la société Générali Iard assureur de la société Carri Nostri en sa demande tendant à voir condamner la société Matequip in solidum avec la société Johnson Controls à lui régler la somme de 199 500 euros, somme dont elle s'est acquittée auprès de son assuré à la suite du sinistre.
Sur la responsabilité de la société Johnson Controls France :
S'agissant de la responsabilité de cette société, Mmes C. s'en remettent à la cour sur ce point, page 8 de leurs conclusions.
La société Carri Nostri s'en remet également à l'appréciation de la cour sur ce point.
Son assureur la société Générali rappelle que l'origine du feu se situe dans l'un des coffrets de commande et de régulation des chambres froides fourni par la société Johnson de sorte que sa responsabilité peut être recherchée sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil.
Elle fait valoir :
- que l'expert a exclu l'ensemble des autres causes possibles de départ d'incendie,
- qu'il a expressément retenu le coffret de commande comme étant à l'origine de l'incendie,
- que la cause du départ du feu se trouve sur un défaut de serrage (ou un desserrage naturel) des conducteurs,
- que dès lors le problème de serrage constitue une défectuosité du produit,
- qu'une modification extérieure des coffrets produits par Johnson n'a pas été démontrée,
- qu'en toute hypothèse, il appartenait à la société Johnson d'assurer la parfaite formation et information de l'acquéreur quant aux conditions de raccordement et aux risques d'incendie.
La société Capembal Equipement et Générali sollicitent la mise hors de cause de la société Capembal soutenant que le même raisonnement que celui développé pour la société Johnson doit être appliqué c'est à dire que " la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage ". (page 4 de ses conclusions).
Aux termes des dispositions de l'article 1386-1 ancien du Code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
L'article 1386-4, devenu 1245-3 du même Code, précise qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
Il est établi que le départ de feu se situe sur l'un des trois coffrets de commande et de régulation des chambres froides, l'expert ayant exclu les autres possibilités de départ de feu (pages 16-17 et 27 du rapport).
Les coffrets de commande des chambres froides ont été construits par Johnson, distribués par Disco Froid, vendus, posés et raccordés par Matequip alimentés sur les câbles en attente réalisés par Sud Electricité : des éléments de commandes réalisés par Elematic sont présents dans ces coffrets (page 16 du rapport).
L'expert souligne ensuite, page18, que les coffrets ont été correctement choisis par Matequip en fonction de la puissance des moteurs de chambre froide, que leur fonctionnement intrinsèque n'a pas non plus fait l'objet de défauts pendant cette période d'exploitation, qu'il s'agit de produits industriels courants et vendus sur catalogue par Johnson, que leur conception n'est pas en cause dans l'origine du feu.
L'expert explique ensuite, page 19 :
- " que ces coffrets sont une composition d'éléments électriques industriels, raccordés par un réseau de fils entre eux puis par l'intermédiaire d'un bornier de raccordement aux câbles d'alimentation et de commande des moteurs,
- que les câbles d'alimentation et de commande sont eux raccordés sur les bornes situées en partie basse,
- que tous ces câbles sont connectés dans les bornes et les organes par des cages de raccordement à serrage,
- que c'est dans un défaut de serrage (ou un desserrage naturel) de ces conducteurs que se trouve la cause de départ de ce feu, sur l'un des deux coffrets les plus à droite avec une probabilité sur celui de droite, que la borne électrique a charbonné jusqu'à élever la température du conducteur suffisamment pour que l'échauffement produit fasse fondre les éléments plastiques et créer le départ d'incendie sur l'un de ces deux coffrets. ".
L'expert fait observer également en fin de page 19, " qu'il apparaît que ces coffrets ont pu être modifiés lors de la mise en œuvre par Matequip : cette modification peut avoir entraîné la modification intérieure du câblage et être également à l'origine d'un défaut de serrage ".
Il précise page 21 : " toutefois nous avons noté que certains coffrets n'étaient pas exactement similaires avec la description qu'en fait le fabricant Johnson / Il existe une probabilité de (sic) ceux-ci aient été modifiés par les monteurs de Matequip au cours de chantier pour assurer une adaptation électrique de ces coffrets avec les chambres froides qu'ils ont également réalisées ".
Il souligne qu'il n'a pas été possible de déterminer s'il s'agit d'une borne interne au coffret (et donc construit en usine par Johnson Controls) ou une borne de raccordement avec les câbles d'alimentation (et donc raccordée par les monteurs de Matequip lors de la mise en œuvre).
Il s'évince de ces différentes constatations faites par l'expert et son sapiteur :
- que le fonctionnement intrinsèque des coffrets n'a pas fait l'objet de défauts pendant leur exploitation,
- qu'on ignore si le départ de feu provient d'une borne interne ou externe au coffret responsable du départ de feu alors qu'il est également possible que ces coffrets aient été modifiés par leur poseur soit la société Matequip de sorte que le desserrage ou mauvais serrage a pu se produire sur les bornes intrinsèques au coffret Johnson ou sur les bornes modifiées ou non par Matequip.
Selon M.W. expert consulté par la société Johnson qui a examiné un coffret identique à celui mis en cause lors de l'incendie, l'assemblage et le serrage des cosses se font en usine avec de visseuses électriques ce qui, selon lui, garantit un couplage de serrage des vis minimum assez constant (pièce Johnson n° 3).
Il soutient également, page 8, que " à noter quand même que le serrage des cosses (qu'elles soient " internes " ou " externes ") doit être vérifié par l'installateur avant mise en service ; c'est dans les règles de l'art des électriciens ; le mauvais serrage date probablement de l'installation ou d'une modification ".
Il résulte de ce qui précède que si le feu ayant affecté le local de la société Carri Nostri trouve son origine dans un des trois coffrets de commande et de régulation des chambres froides fournis par la société Johnson, les investigations de l'expert et de son sapiteur n'ont pas permis de déterminer la cause exacte de ce départ de feu lequel peut être lié à un problème d'absence de serrage ou de desserrage d'une cosse, que la cosse incriminée peut être interne ou même externe, qu'une modification a pu intervenir sur le coffret.
Dès lors qu'il n'est donc pas possible de dire si l'incendie est en lien avec un défaut d'origine de l'appareil ou avec l'intervention de l'installateur, la simple imputabilité du dommage au produit ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage.
La responsabilité de la société Johnson Controls ne peut donc être recherchée sur le fondement de l'article 1386-1 ancien précité.
S'agissant d'un manquement de la société Johnson Controls à son devoir de conseil et d'information, tel que développé dans les conclusions page 10 de la société Générali assureur de la société Carri Nostri, la société Johnson n'est pas contractuellement liée à la société Carri Nostri mais à la société Matequip, étant cependant rappelé qu'une faute contractuelle peut constituer une faute quasi délictuelle notamment envers la société Carri Nostri.
Or, l'expert et son sapiteur n'évoquent nullement un tel devoir de conseil et d'information ; d'ailleurs ils n'ont effectué aucune recherche sur ce point notamment sur les notices ou recommandations éventuellement délivrées lors de l'achat des coffrets de commande, étant d'ailleurs observé que la société Matequip est une société spécialisée dans son secteur d'activité disposant des qualifications professionnelles adéquates et que M. W. a rappelé qu'il était dans les règles de l'art des électriciens de vérifier avant l'installation le serrage des cosses internes ou externes.
Aucune faute contractuelle de la société Johnson Controls n'est donc rapportée en l'espèce de sorte que la responsabilité quasi délictuelle de cette dernière ne peut être retenue.
Il y a donc lieu de débouter toutes les parties de leurs demandes en paiement à l'encontre de la société Johnson Control qui doit être mise hors de cause, le jugement étant dès lors infirmé en ce qu'il a :
- déclaré la société Johnson Controls France prise en la personne de son représentant légal entièrement responsable des préjudices subis par la société Carri Nostri et Marie Dominique et Cécile Françoise C. du fait de l'incendie intervenu le 6 juillet 2010 [...] ",
-et en conséquence condamné la société Johnson Controls à verser in solidum avec la société Matequip :
* à la société Carri Nostri prise en la personne de son représentant légal la somme de 272 574,70 euros (deux cent soixante-douze mille cinq cent soixante-quatorze euros et soixante-dix centimes) en réparation de ses préjudices résultant de l'incendie du 6 juillet 2010, ladite somme portant intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts,
* à Marie Dominique C. et Cécile Françoise C. la somme de 185 115,15 euros (cent quatre-vingt-cinq mille cent quinze euros et quinze centimes) en réparation de leurs préjudices résultant de l'incendie du 6 juillet 2010.
Sur les autres demandes :
Dans le dispositif de ses conclusions, la société Générali Iard, assureur de la société Carri Nostri, demande à la cour de " donner force exécutoire au protocole d'accord conclu entre la compagnie Générali Iard et les sociétés Johnson Control et Matequip ".
Page 5 de ses conclusions, elle évoque ainsi un protocole du 6 janvier 2017 aux termes duquel notamment la société Johnson Controls France accepterait de prendre en compte la somme de 199 500 euros payée par Générali en sa qualité d'assureur aux biens à la société Carri Nostri et la prendrait en charge par moitié avec la société Générali assureur de la société Matequip.
Or, ce protocole d'accord n'est pas versé aux débats et la société Jonhson Controls n'a pas conclu sur ce point de sorte que la demande de la société Générali Iard assureur de la société Carri Nostri doit être rejetée.
Conséquemment le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société Johnson Controls à verser in solidum avec la société Matequip les dépens comprenant les frais d'expertise et en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile les sommes de :
* 5 000 euros à Marie-Dominique C. et Cécile Françoise C.,
* 5 000 euros à la société Carri Nostri,
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du présent dispositif pour la procédure d'appel.
Par ces motifs Vu le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 23 octobre 2014, Vu l'arrêt de la cour d'appel de Bastia en date du 23 mars 2016, Vu l'arrêt de la cour de cassation 1re chambre civile en date du 27 juin 2018, Donne acte à la société Générali Iard de son intervention volontaire en sa qualité d'assureur de la société Carri Nostri ; Déclare irrecevables : - les demandes de sociétés Capembal Equipement SAS anciennement Matequip et de son assureur Générali Iard tendant à : " mettre la société Capembal Equipement purement et simplement hors de cause. Mettre hors de cause la compagnie Générali ". - la demande de la société Générali Iard assureur de la société Carri Nostri en sa demande tendant à voir condamner la société Matequip in solidum avec la société Johnson Controls à lui régler la somme de 199 500 euros, somme dont elle s'est acquitté auprès de son assuré à la suite du sinistre ; Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré la société Johnson Controls France responsable des préjudices subis d'une part par la société Carri Nostri et d'autre part par Marie Dominique et Cécile Françoise C. et l'a condamnée à leur verser diverses sommes en principal et en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et en outre les dépens ; Statuant à nouveau, Met hors de cause la société Jonhson Controls France ; Déboute l'ensemble des parties de l'ensemble de leurs demandes à son encontre ; Y ajoutant, Déboute la SA Générali Iard, assureur de la société Carri Nostri de sa demande d'homologation d'un protocole d'accord conclu entre la société Générali Iard et les sociétés Johnson Controls et Matequip ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens.