Cass. soc., 25 septembre 2019, n° 18-13.913
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Barantal
Défendeur :
Copy Sud (SAS), Copy Sud solutions (SARL), Union des syndicats anti-précarité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Huglo
Conseillers :
M. Rinuy (rapporteur), Mme Ott
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Thiriez, SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 janvier 2018), que M. Barantal a été engagé par la société Copy sud, en qualité de directeur informatique, par contrat de travail du 2 février 2004, sa rémunération comportant une partie fixe et une partie variable ; qu'il a, du 2 avril 2004 au 30 avril 2007, travaillé pour le compte de la société Copy sud solutions et a, par contrat du 2 mai 2007, avec reprise de l'ancienneté au 2 février 2004, été, à nouveau, engagé par la société Copy sud, pour occuper un poste de formateur, niveau VII, coefficient 359 de la convention collective nationale des commerces de détail, de papeterie, librairie, fournitures de bureau ; qu'il a été convoqué le 2 septembre 2014 à un entretien préalable au licenciement fixé au 11 septembre suivant et licencié, le 18 septembre 2014, pour faute grave ;
Sur le premier moyen :- Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes relatives à sa contestation du licenciement alors, selon le moyen : 1°/ que lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en décidant qu'il n'était pas fondé à soutenir que son licenciement était nul parce qu'il aurait été discriminé en raison de son âge aux motifs que la lettre de licenciement articulait des griefs précis, sans lien aucun avec l'âge du salarié, et qu'il avait du reste été embauché en février 2004 quand il avait 53 ans, élément qui démontrait que son âge n'avait pas été un élément négatif et comme tel discriminant sans examiner les éléments rapportés par le salarié pour laisser présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ; 2°/ que la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; que le salarié faisait valoir qu'il avait été licencié par une lettre de licenciement datée du 18 septembre 2014, reçue le 22 septembre suivant alors même que la lettre de convocation à l'entretien préalable datait du 2 septembre précédent et qu'elle n'était accompagnée, malgré les faits prétendument graves qui lui étaient reprochés, d'aucune mise à pied à titre conservatoire ; qu'il en déduisait que son maintien à son poste durant cette période était de nature à ôter tout caractère de gravité à la faute reprochée ; qu'en déclarant ce licenciement justifié par une faute grave sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le délai ainsi écoulé n'était pas incompatible avec l'allégation d'une telle faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ; 3°/ que l'employeur ne peut invoquer une faute disciplinaire lorsqu'il a toléré les faits ultérieurement invoqués comme constitutifs d'une faute grave ; qu'en considérant que le grief invoqué au titre des activités concurrentes était établi sans même rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les écritures d'appel du salarié, si l'employeur n'avait pas toléré durant de nombreuses années ce fait qu'il invoquait comme constitutif d'une faute dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ; 4°/ qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il impute au salarié ; qu'en se fondant sur l'attestation de Mme Moulin en ce qu'elle aurait confirmé l'existence d'un accord verbal dont faisait état l'employeur quant à l'acceptation d'une commercialisation par le salarié de ses logiciels pour son compte en dehors de la zone géographique de l'employeur au motif qu'elle aurait indiqué que le salarié lui avait interdit de vendre sur le secteur géographique de l'employeur quand cet élément de preuve n'établissait pas que l'accord dont se prévalait l'employeur portait interdiction pour le salarié de vendre et de démarcher sur le secteur géographique de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ; 5°/ que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que l'employeur ne peut produire à titre d'élément de preuve recevable un document émanant de l'un de ses préposés ; qu'en se fondant sur les attestations de MM. Baude et Castres pour en déduire que les faits reprochés étaient établis, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu l'article 1353 du Code civil ; 6°/ qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il impute au salarié ; qu'en décidant que le salarié avait méconnu son obligation de loyauté à l'égard de la société Copy Sud quand elle avait constaté que le contrat de travail ne comportait aucune clause d'exclusivité, liée à l'activité parallèle et concurrente du salarié manifestement connue de l'employeur, et que ce dernier ne se prévalait que de l'existence d'un accord verbal dont il n'établissait pas la preuve exacte de son contenu, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le salarié a soutenu devant les juges du fond que l'employeur n'avait pas mis en œuvre la procédure de licenciement disciplinaire dans un délai restreint après qu'il a eu connaissance des faits fautifs invoqués ;
Attendu, ensuite, qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui étaient produits devant elle, que le salarié avait mené une activité concurrente de celle de son employeur et, tenu à l'égard de son employeur d'une obligation de loyauté, utilisé, pendant son temps de travail, les outils mis à sa disposition par son employeur pour démarcher et commercialiser pour son compte ses propres logiciels, notamment à des clients de son employeur avec lesquels il était en relation du fait de ses fonctions de formateur et qu'il avait conscience de concurrencer son employeur, qui n'avait accepté une commercialisation par le salarié de ses logiciels pour son compte qu'en dehors de sa zone géographique, la cour d'appel a pu décider, écartant par là-même tout autre motif de rupture lié à l'âge du salarié et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la faute ainsi caractérisée rendait impossible la poursuite du contrat de travail et constituait une faute grave ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes relatives aux bulletins de salaire alors, selon le moyen, que l'employeur doit mentionner sur le bulletin de salaire de l'intéressé le nom et l'emploi du salarié, ainsi que sa position dans la classification conventionnelle ; que la position du salarié est notamment définie par le niveau ou le coefficient hiérarchique qui lui est attribué ; qu'en décidant que l'employeur n'avait commis aucun manquement au motif que l'article R. 3243-1 du Code du travail ne citait le niveau ou le coefficient hiérarchique attribué au salarié que comme une illustration de l'exigence de mention de la classification pour en déduire qu'il ne résultait pas de leur absence antérieure que la classification n'était pas suffisamment renseignée par la mention de la qualification C, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article R. 3243-1, 4° du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a, d'une part relevé que les demandes du salarié pour la période antérieure à septembre 2009 se heurtaient à la prescription quinquennale, d'autre part retenu que la mention de la qualification du salarié par la lettre C (cadre) constituait une énonciation suffisante au regard des dispositions de l'article R. 3243-1, 4°, du Code du travail et a souverainement apprécié l'absence de préjudice du salarié, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne M. Barantal aux dépens ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes.