ADLC, 21 août 2019, n° 19-DCC-160
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Ineos de la SASP Olympique Gymnaste Club de Nice
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
La présidente, Isabelle de Silva
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 22 juillet 2019, relatif à la prise de contrôle, par le groupe Ineos, de la SASP Olympique Gymnaste Club de Nice (ci-après " OGC Nice "), opération formalisée par un contrat de cession en date du 11 juillet 2019 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
Résumé *1
L'Autorité a autorisé le rachat de la SASP Olympique Gymnaste Club de Nice (OGC Nice), par la société Ineos Industries Holding.
L'Autorité s'est prononcée pour la première fois sur le rachat d'un club de football professionnel, qui n'avait pas encore été examiné par la pratique décisionnelle en France ou en Europe.
Pour les besoins de son examen l'Autorité a considéré qu'il fallait retenir un marché de produits sur lequel les clubs de football professionnels achètent et vendent des contrats de joueurs ; afin d'arbitrer entre les offres des différents clubs, les joueurs se fondent sur plusieurs critères tels que, par exemple, (i) la rémunération nette, (ii) la réputation du club, (iii) la durée du contrat, (iv) la compétitivité du championnat national dans lequel le club évolue et (v) les compétions internationales dans lesquelles le club évolue. L'Autorité a considéré le marché international des transferts, en notant néanmoins la forte part des transferts de joueurs qui interviennent au niveau européen. L'Autorité a également examiné le marché du marketing sportif, sans le limiter spécifiquement à un sport tel que le football. Ce marché est, comme le précédent, de plus en plus international.
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Ineos Industries Holding est une société de droit anglais, filiale de Ineos Limited, société faîtière du groupe Ineos (ci-après " Ineos "), détenu ultimement par M. James Arthur Ratcliff. Ineos est un groupe de dimension mondiale, actif dans le secteur de la fabrication de produits pétrochimiques, de produits chimiques spéciaux et de produits pétroliers ainsi que dans l'exploration et la production de pétrole et de gaz. Ineos a également développé ses activités dans le domaine du sport, notamment en acquérant en 2017 le FC Lausanne-Sport, principal club de football de la ville de Lausanne, en Suisse.
2. La SASP Olympique Gymnaste Club de Nice Côte d'Azur (ci-après " OGC Nice ") est une société sportive professionnelle, créée par l'Association OGC Nice Côte d'Azur aux fins de la gestion de l'ensemble des activités liées à la participation du club de football professionnel de cette association, l'OGC Nice, à des manifestations sportives payantes (championnat Ligue 1/Ligue 2, coupes nationales et, en cas de qualification, compétitions européennes).
3. L'opération est formalisée par un contrat de cession signé par les parties le 11 juillet 2019. Elle consiste en l'acquisition par Ineos de 100 % du capital de la société OGC Nice Investment Company Limited, société de droit hongkongais, qui détient elle-même 78,26 % des actions et droits de vote de l'OGC Nice. En ce qu'elle entraîne l'acquisition du contrôle exclusif par Ineos de l'OGC Nice, l'opération constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430- 1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Ineos, [= 150 millions] d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2018 ; OGC Nice, 52,3 millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2018). Chacune d'entre elles a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Ineos, [= 50 millions] d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2018 ; OGC Nice, 52,3 millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2018). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. Le secteur concerné par l'opération est celui du football professionnel, qui n'a jamais été examiné par la pratique décisionnelle, tant nationale qu'européenne. La partie notifiante a proposé que l'analyse concurrentielle porte sur les marchés de la billetterie de spectacles, du transfert de joueurs de football professionnels et sur celui des services de communication marketing. Un test de marché effectué auprès des dix plus grands concurrents de l'OGC Nice a permis de corroborer la position des parties. Au cas d'espèce, les activités des parties se chevauchent sur les marchés du transfert de joueurs professionnels de football et celui de la commercialisation des droits marketings et du sponsoring *2 .
A. LE MARCHÉ DU TRANSFERT DE JOUEURS PROFESSIONNELS
1. MARCHÉ DE PRODUITS
6. La partie notifiante considère qu'il existe un marché sur lequel sont présents les différents clubs professionnels pour vendre et acheter des contrats de joueurs. Selon elle, le prix d'achat (ou de vente) des joueurs correspond, sur un plan juridique, à l'indemnité de transfert que les clubs acheteurs versent aux clubs vendeurs en cas de rupture anticipée du contrat qui les lie à l'un de leurs joueurs.
7. Afin d'arbitrer entre les offres des différents clubs, les joueurs se fondent sur plusieurs critères tels que, par exemple, (i) la rémunération nette, (ii) la réputation du club, (iii) la durée du contrat, (iv) la compétitivité du championnat national dans lequel le club évolue et (v) les compétions internationales dans lesquelles le club évolue.
8. Les réponses au test de marché ont confirmé l'existence et la définition du marché telles que présentées par la partie notifiante.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
9. Selon la partie notifiante, la concurrence pour le transfert de joueurs professionnels s'exerce entre les clubs du monde entier. La très grande majorité des répondants au test de marché a également confirmé la dimension internationale du marché des transferts, un seul répondant mentionnant en outre une dimension régionale pour les joueurs sortant de formation.
10. Toutefois, il ressort du document FIFA TMS *3 , transmis par la partie notifiante, que plus de la moitié des transferts en volume se fait entre clubs affiliés à l'UEFA. Ce document souligne également que, bien que le marché des transferts continue de s'internationaliser, les transactions se font le plus souvent entre clubs appartenant à la même confédération. Ceci implique que la dimension européenne du marché présente signification particulière. À cet égard, les parties exercent leurs activités sur le territoire européen.
11. Au cas d'espèce, la question de la délimitation géographique, européenne ou mondiale, peut, toutefois être laissée ouverte, l'analyse concurrentielle demeurant inchangée quelle que soit l'hypothèse retenue.
B. LE MARCHÉ DES SERVICES DE COMMUNICATION MARKETING ET DE SPONSORING
1. MARCHÉ DE PRODUITS
12. Dans sa décision n° 09-D-31 *4 , l'Autorité de la concurrence a identifié un marché du marketing sportif qui met en relation les détenteurs de droits et les entreprises sponsors. La pratique décisionnelle de la Commission européenne a également identifié un marché des services de la communication marketing dans le domaine du sport, englobant un large panel d'activités, telles que la publicité, l'information et le conseil, les relations publiques, le marketing direct et la gestion d'événement *5 . La pratique nationale et européenne considèrent toutefois qu'il n'est pas nécessaire de distinguer ce marché en fonction du sport.
13. L'intégralité des répondants au test de marché a confirmé l'existence d'un marché des services de communication marketing et de sponsoring non segmenté en fonction du sport.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
14. La pratique décisionnelle nationale a retenu une dimension nationale au marché du marketing Sportif *6 .
15. Pour autant, une majorité de répondants au test de marché a indiqué que, les sponsors et annonceurs étant de plus en plus des acteurs internationaux, le marché du sponsoring sportif pouvait être considéré comme de dimension internationale.
16. Au cas d'espèce, la question de la délimitation géographique peut, toutefois être laissée ouverte, l'analyse concurrentielle demeurant inchangée quelle que soit l'hypothèse retenue.
III. Analyse concurrentielle
17. Sur le marché des transferts de joueurs de football masculins, la part de marché de la nouvelle entité demeurera inférieure à 1 %, quelle que soit la délimitation géographique retenue.
18. Sur le marché des services de communication marketing et de sponsoring au niveau européen, seule délimitation pour laquelle les activités des parties se chevauchent, la nouvelle entité disposera d'une part de marché inférieure à 1 %.
19. En outre, la nouvelle entité restera soumise à la concurrence de l'ensemble des clubs de football professionnels français et européens.
20. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur les marchés identifiés.
DÉCIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 19-179 est autorisée.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Le marché de la billetterie étant de dimension nationale, les activités des parties ne se chevauchent pas.
3 FIFA TMS, Global Transfer Market Report 2018 (Men's football).
4 Voir décision n° 09-D-31 du 30 septembre 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion et de la commercialisation de droits sportifs de la Fédération française de football.
5 Voir décision COMP/M.4519 Lagardère/Sportive, du 18 janvier 2007.
6 Voir décision n° 09-D-31, précitée.