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Décisions

CA Douai, 3e ch., 3 octobre 2019, n° 18-02302

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Allianz Iard (SA)

Défendeur :

LEUCI SPA CCIAA (Sté), LEUCI International CCIAA (Sté), Sermes (SA), Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Groupama Grand Est (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseillers :

M. Pety, Mme Bertin

Avocats :

Mes Franchi, Deleforge, Chevalier, Pietrzak, Ribeton, Steylaers

TGI Valenciennes, du 1er mars 2018

1 mars 2018

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

La société Galezey Logistic a entrepris en qualité de maître d'ouvrage l'édification d'un ensemble immobilier à Onnaing, opération comprenant la construction d'un entrepôt de stockage avec bureaux, locaux techniques, voiries, réseaux divers et aménagements extérieurs privatifs. A cette occasion, la compagnie AGF, devenue la compagnie Allianz Iard, a délivré une police unique de chantier, laquelle comportait plusieurs volets dont un volet dommages ouvrage, un volet constructeur non réalisateur et un autre responsabilité civile décennale couvrant l'intégralité des constructeurs ainsi que leurs sous-traitants dont la société ETDE Monchel en charge des travaux d'électricité.

La réception de l'ouvrage a été prononcée le 15 novembre 2005 sans aucune réserve en lien avec le présent litige. Les locaux ont été donnés à bail à la société FM Logistic pour le compte de la société Conforama. La SAS Valenciennes vient désormais aux droits de la société Galezey Logistic SAS et les locaux sont actuellement gérés par la société BNP Paribas Real Estate.

Cette dernière a régularisé le 23 mars 2011 une déclaration de sinistre dommages ouvrage auprès de la compagnie Allianz Iard, déclaration faisant état de problèmes survenus sur l'installation électrique au niveau des cellules de stockage de l'entrepôt. L'assureur a alors initié une expertise amiable. Il est ainsi apparu que le sous-traitant chargé des travaux d'électricité, la société ETDE Monchel, avait acquis les luminaires litigieux auprès de la société Sermes, assurée au titre de sa responsabilité civile auprès de la compagnie Groupama Alsace devenue Groupama Grand Est.

La société Allianz Iard a sollicité l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire pour examiner contradictoirement les luminaires fournis par la société Sermes. Par ordonnance du 13 août 2013, le magistrat des référés au tribunal de grande instance de Valenciennes a fait droit à cette demande et désigné à cette fin M. C, lequel a déposé son rapport le 22 mai 2014.

Suite au dépôt de ce rapport, la compagnie Allianz Iard a versé la somme de 193 154,20 euros à la SAS Valenciennes selon quittance du 3 février 2015. Les pourparlers avec la société Sermes n'ayant pas abouti, elle a, par actes d'huissiers des 4 et 5 août 2015, fait assigner la société Sermes et son assureur, la compagnie Groupama Grand Est, devant le tribunal de grande instance de Valenciennes aux fins de voir condamner les parties défenderesses à lui rembourser la somme versée par ses soins, outre 8 000 euros d'indemnité de procédure.

La société Sermes de son côté a fait appeler en garantie les sociétés Leuci International et B D ainsi que la société de droit italien Naxso SRL. Par ordonnance du 30 mars 2017, le juge de la mise en état au tribunal de grande instance de Valenciennes a déclaré cette juridiction incompétente au profit du tribunal de commerce de Paris pour connaître des demandes dirigées contre la société Naxso.

Par jugement du 1er mars 2018, le tribunal de grande instance de Valenciennes a débouté la compagnie Allianz Iard de toutes ses prétentions et condamné cette dernière à verser à la société Groupama Grand Est une indemnité de procédure de 1 000 euros.

La compagnie Allianz Iard a relevé appel de toutes les dispositions de ce jugement. Elle demande par voie d'infirmation à la cour de :

A titre principal,

- Constater que la société Allianz Iard est subrogée dans les droits et actions de la société ETDE Monchel, en particulier à l'égard de son fournisseur, la société Sermes,

- Dire en conséquence que la société Sermes doit être tenue à garantie intégrale, au titre de la fourniture d'un matériel défectueux,

Subsidiairement,

- Dire que la société Allianz Iard, assureur dommages ouvrage, est subrogée dans les droits et actions du maître de l'ouvrage après règlement de l'indemnité de 193 154,20 euros et régularisation d'une quittance de règlement subrogative en date du 3 février 2015,

- Constater que les fautes retenues à l'encontre de la société Sermes entraînent ainsi la responsabilité quasi délictuelle de celle-ci à l'égard du maître de l'ouvrage, et de l'assurance Allianz Iard subrogée dans les droits de celle-ci,

- En tout état de cause et quel que soit le fondement retenu, condamner in solidum la société Sermes et son assureur, Groupama Nord Est, à lui payer la somme de 193 154,20 euros,

- Dire que cette somme devra être assortie des intérêts légaux à compter de son règlement à l'assuré, soit le 3 février 2015,

- Condamner la société Sermes et la compagnie Groupama Grand Est au paiement d'une indemnité de procédure de 8 000 euros conformément à l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner in solidum la société Sermes et son assurer aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La compagnie appelante expose que son recours est double en ce qu'elle a délivré une PUC (police unique de chantier). Elle est ainsi à la fois assureur dommages ouvrage et assureur de responsabilité décennale de la société ETDE Monchel. Il lui était donc loisible de revendiquer la subrogation de l'article L. 121-12 du Code des assurances dans les droits et actions de la société ETDE Monchel à l'égard de son fournisseur, la société Sermes. La société ETDE Monchel a acquis les luminaires affectés de désordres auprès de Sermes. Le rapport de M. C. est formel sur la cause du sinistre et met en évidence la responsabilité de Sermes dans la genèse du sinistre (absence de globes et inadaptation des rails), société qui doit se retourner vers son fournisseur italien. Sur l'assiette du recours, M. C valide également la nature et le coût des travaux entrepris. La société Sermes doit donc être tenue à garantir intégralement au titre de la fourniture d'un matériel défectueux. La société ETDE Monchel dispose à son encontre d'une action fondée sur le vice caché affectant la marchandise vendue. Si la cour n'entend pas retenir la notion de vice caché, la compagnie Allianz Iard entend voir retenir le défaut de conformité des fournitures de Sermes qui ne répondent pas à l'usage auquel elles ont été destinées.

A titre subsidiaire, la compagnie Allianz Iard fait état de ce qu'en sa qualité d'assureur dommages ouvrage, elle est subrogée dans les droits et actions du maître de l'ouvrage après règlement de l'indemnité de 193 154,20 euros. A ce titre, elle expose que la responsabilité de la société Sermes est incontestable au vu des conclusions de l'expert judiciaire. Le matériel fourni et les rails ne sont pas adaptés pour ce type d'éclairage. Les lampes alpha ne possèdent pas de radiateur pour dissiper la chaleur produite par l'ampoule. Les rails Italia ne sont pas adaptés pour l'alimentation des appareils d'éclairage dans la mesure où le point de contact entre le connecteur et le rail est trop faible, d'où un phénomène de charbonnage des contacts de raccordement. La responsabilité quasi délictuelle de Sermes est ainsi engagée envers le maître de l'ouvrage et donc de l'assureur subrogé dans les droits de cette dernière.

Relativement à la garantie de Groupama Grand Est, la compagnie Allianz Iard fait valoir que la combinaison des articles 5.2 et 5.3 de la police d'assurance permet de retenir que la garantie de Groupama est exclue en cas de défaut de performance sauf lorsque ce défaut résulte d'un vice caché, le dommage étant bien subi en l 'occurrence par un tiers (" autrui "). L'insuffisance de dimensionnement des rails constitue à l'évidence une insuffisance de performance qui résulte d'un vice caché. Si la cour retenait l'application de l'exclusion de garantie de l'article 5.2 des conditions générales de la police Groupama Grand Est, il importerait alors de préciser que cette exclusion se matérialise par une déduction de la valeur du produit ou du prix de la prestation de service du montant des dommages subis par l'utilisateur. Il faut donc le cas échéant que la société Sermes ou que Groupama Grand Est indique à la cour le montant de la commande de ETDE Monchel à Sermes et que ce montant soit déduit de la somme de 193 154,20 euros.

Sur le travail de l'expert judiciaire, la compagnie Allianz Iard relève que la société Sermes entend faire table rase du rapport d'expertise judiciaire et des conclusions de M. C qui lui sont défavorables. Le débat ainsi introduit par Sermes est particulièrement technique. Pour autant, le rapport de M. C permet de retenir l'existence d'un vice caché ou d'un défaut de conformité.

A l'égard de Groupama, la compagnie Allianz Iard reconnaît que si la solidité du bâtiment n'est pas en cause, il n'est pas contestable que son défaut d'éclairage le rend impropre à sa destination, l'article 1792 du Code civil devant ici trouver à s'appliquer. Sur la non garantie, Groupama Grand Est ne répond pas selon Allianz à la problématique de l'application de l'article 5.2 des conditions générales.

Par actes du 10 octobre 2018, la Sermes a fait assigner B Z et de B D en appel provoqué, celles-ci n'ont pas constitué avocat.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 mars 2019, la SA Sermes sollicite pour sa part de la juridiction du second degré qu'elle :

- Déclare l'appel irrégulier, irrecevable et particulièrement mal fondé,

- En tout état de cause, constate la fin de non-recevoir pour défaut de droit d'agir de la société Allianz Iard en sa qualité d'assureur de la société ETDE Monchel,

- Déboute la société Allianz Iard de l'ensemble de ses moyens, confirme le jugement déféré ayant débouté cette compagnie d'assurance de toutes ses prétentions,

- Sur l'appel provoqué, condamne solidairement les sociétés Leuci International et B D à garantir la société Sermes SA et son assureur de toutes condamnations prononcées à leur encontre,

- Condamne solidairement les sociétés Leuci International et B D au versement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Sermes entend faire valoir que la compagnie Allianz Iard est irrecevable à agir faute de droit à agir en sa qualité d'assureur de la société ETDE Monchel. Outre le fait que son argumentation sur sa double qualité à intervenir est nouvelle en cause d'appel, la compagnie Allianz Iard ne produit pas la police d'assurance justifiant son intervention en qualité d'assureur de responsabilité civile de la société ETDE Monchel, cette dernière n'ayant pas été appelée aux opérations d'expertise judiciaire. Dans le cadre de l'expertise amiable antérieurement organisée, Allianz Iard est intervenue comme assureur dommages ouvrage. Dans son rapport final, M. C ne retient aucune responsabilité à l'encontre de l'installateur électrique. Il est donc difficilement compréhensible que la compagnie Allianz ait pu verser une indemnité d'assurance alors que la responsabilité de son assuré n'a jamais été discutée. C'est la responsabilité de la société GSE, contractant général dans ce dossier, qui aurait dû être recherchée, cette dernière pouvant alors se retourner contre ETDE Monchel qui se serait retournée contre Sermes dans la chaîne de contrats. S'il n'est pas contesté que la compagnie Allianz a versé aux débats la PUC, laquelle couvre bien l'entreprise ETDE Monchel, la société Sermes rappelle qu'elle n'a fait que livrer des composants électriques (luminaires et rails), composants solidaires sous certaines conditions de la responsabilité décennale pesant sur l'installateur, ETDE Monchel. La société Sermes maintient qu'en présence d'un EPERS, la responsabilité solidaire n'est envisageable que si l'installateur (entrepreneur poseur) a été appelé à la procédure. La fin de non-recevoir opposée par la société Sermes à la compagnie Allianz Iard est donc justifiée.

La SA Sermes conteste au surplus le fait que la compagnie Allianz Iard ne se soit pas intéressée au rôle des entreprises intervenantes en amont : concepteur de l'ouvrage, organisme de contrôle, société spécialisée en installation électrique, fabricants des luminaires. Le rapport d'IC 2000 commandé par le maître d'ouvrage en 2011 n'a pas mis en évidence le fait que les problèmes du réseau d'éclairage du bâtiment litigieux résulteraient uniquement des luminaires vendus par Sermes. Quant au rapport d'expertise dommages ouvrage, ce document ne fait que déterminer un quantum.

Sur le fondement juridique, la société Sermes confirme à l'instar du premier juge que le sous-traitant n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage. Il ne peut donc y avoir d'action directe entre ce dernier et le sous-traitant d'un fournisseur. La responsabilité de celui-ci envers le maître de l'ouvrage ne peut qu'être de nature délictuelle. Si l'assureur appelant entend désormais agir sur le terrain quasi délictuel, la société Sermes rappelle que les établissements ETDE Monchel n'ont pas participé aux opérations d'expertise judiciaire alors que ces derniers étaient ses seuls interlocuteurs. Se référant à une procédure similaire jugée par la cour de Paris, la société Sermes maintient que la responsabilité revient au constructeur pour son erreur de conception et certainement pas au distributeur, lequel pouvait se contenter de vérifier que tous les documents étaient en règle. Relativement à la conception de l'installation, la société Sermes relève que le bureau d'études (Socotec) a omis dans le cahier des charges de demander que soient installés des filtres anti harmoniques. Si de tels équipements ne sont pas prévus d'emblée, une analyse du réseau devait être menée lors de la mise en route de l'installation pour vérifier la présence ou non de tels phénomènes, ce qui devait être réalisé à la réception des travaux sans attendre une détérioration de l'installation. Ce n'est qu'en 2011, lors de l'expertise amiable, que ces filtres anti harmoniques ont été évoqués, c'est-à- dire près de six ans après la mise en service de l'installation. La société Sermes ajoute que la canalisation d'éclairage doit être installée de façon parfaitement horizontale sans contrainte mécanique au niveau des jonctions. Il est pourtant fait mention dans le rapport préliminaire d'expertise dommages ouvrage d'une déformation de ces canalisations. Les contacts électriques ont ainsi pu être altérés et provoqué des charbonnages. L'expert judiciaire signale pour sa part une durée d'utilisation annuelle de l'installation d'éclairage d'environ 4 000 heures. Les ampoules retenues par le bureau d'étude ont une durée de vie utile de 8 000 euros. Il était justifié de réaliser un relamping tous les deux ans. Plus la période de relamping est dépassée, plus les composants des luminaires sont sollicités, ce qui augmente sensiblement la température des composants dans le luminaire, le courant produit contribuant à surcharger les canalisations. Si l'on attend l'extinction complète des ampoules pour réaliser le relamping, le courant peut monter à 2,6 fois le courant nominal. Le non remplacement des sources dans les délais indiqués a contribué à surcharger l'installation et a endommagé les canalisations. En fin de vie des lampes, l'accroissement de la tension provoque l'extinction des sources mais favorise aussi les fuites au niveau des tubes à décharge, ce qui augmente la pression dans les ampoules. Il s'ensuit une élévation de température des composants des luminaires. Aucune campagne de relamping n'a été programmée entre 2005 et 2011. Cette maintenance défaillante a ainsi largement pu contribuer aux problèmes rencontrés. L'expert judiciaire s'est contenté de relever que les lampes Alfa ne possédaient pas de radiateur pour dissiper la chaleur produite par l'ampoule. Or, cette absence n'induit pas forcément une mauvaise dissipation de la chaleur à condition que la maintenance des ampoules soit correctement réalisée. L'adjonction ou non d'un radiateur est un choix de construction effectué par le fabricant. M. C n'a donc pas recherché les causes premières des dysfonctionnements observés et a conclu que le matériel devait être changé pour un coût de 192 500 euros. Non seulement Sermes conteste ce quantum mais cette personne morale rappelle qu'en sa qualité de revendeur de matériels, elle a appelé en garantie les fabricants des lampes Alfa et des rails mis en place par l'entreprise en charge du lot électricité. La société Sermes précise qu'elle ne peut être actionnée que pour les travaux de réparation, lesquels s'élèvent à 127 090,20 euros. Elle rappelle encore qu'elle est assurée par Groupama Grand Est qui doit être condamnée à prendre en charge le remplacement des luminaires litigieux par d'autres d'une autre marque, cette société d'assurances lui devant sa garantie au titre de cette indemnisation.

Relativement à l'appel provoqué, la société Sermes expose qu'elle n'a effectué qu'une prestation d'achat/vente en sa qualité de grossiste. Elle n'est nullement responsable d'un éventuel manquement du matériel ainsi acquis. Contrairement à ce qu'avance la compagnie Allianz Iard, elle n'est ni le fabricant du matériel litigieux ni le concepteur des luminaires ou rails. Les luminaires ont été conçus et fabriqués par une société italienne, Casarano Illuminazione, aux droits de laquelle viennent désormais les sociétés Leuci International et B D qui ont livré ces matériaux sous la marque Lamdalux, marque appartenant à Sermes mais apposée sur les luminaires par B dans ses ateliers. Les rails ont été conçus et fabriqués par la société italienne Naxso srl. Sermes n'a donc opéré aucun montage ou assemblage de ces équipements électriques. Le Code NAF de Sermes confirme que cette société est un distributeur et nullement un fabricant.

La compagnie Groupama Grand Est demande à la cour de débouter la compagnie Allianz Iard de toutes ses demandes et de confirmer le jugement entrepris. Elle sollicite de la juridiction du second degré qu'elle :

- Dise que les dommages électriques ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne peuvent être considérés comme relevant de la garantie décennale,

- En tout état de cause, vu les dispositions du contrat d'assurance, et des exclusions prévues à l'article 5.2 des conditions générales, déboute la société Sermes de sa demande de garantie des sommes qui seraient mises éventuellement à sa charge,

- Très subsidiairement, dise que les travaux de réparation ne peuvent excéder la somme de 127 090,20 euros,

- Condamne Allianz Iard ou tout partie qui succombe à lui verser une indemnité de procédure de 5 000 euros, sans préjudice des entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Sur la question des responsabilités, Groupama Grand Est fait valoir que c'est à bon droit que le premier juge a débouté Allianz Iard, la responsabilité de Sermes, sous-traitant, envers le maître d'ouvrage ne pouvant être retenue. Sermes n'étant ni le fabricant ni le concepteur des luminaires et rails, le débouté des prétentions de la compagnie Allianz Iard se justifie pleinement.

La compagnie Groupama Grand Est ajoute que les désordres litigieux ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage mais seulement à perturber l'exploitation des halles de stockage. Ces désordres ne relèvent pas de la garantie décennale. Pour le reste, l'assureur de Sermes s'en rapporte aux développements subsidiaires de son assuré. En tout état de cause, Groupama Grand Est oppose à Sermes l'exclusion de garantie de l'article 5.2 des conditions générales de la police d'assurance, s'agissant d'une obligation pour son assuré de remplacer les produits défectueux qu'il a livrés.

Les sociétés de droit italien B Z et B D n'ont pas constitué avocat de sorte qu'il importera de statuer en la cause par décision prononcée par défaut.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 4 juin 2019.

Motifs de la décision :

- Sur le recours subrogatoire de la SA Allianz ès qualités d'assureur de responsabilité civile décennale de la société ETDE Monchel :

Attendu que la compagnie Allianz Iard entend à titre principal exercer son recours subrogatoire contre la société Sermes ès qualités d'assureur de responsabilité civile décennale de la société ETDE Monchel, sous-traitant ayant exécuté dans l'entrepôt litigieux les travaux relevant du lot électricité, plus précisément de l'éclairage intérieur du bâtiment ;

Que s'il n'est pas contesté que cette compagnie d'assurances a délivré initialement une police unique de chantier mentionnant tant la garantie dommages ouvrage souscrite par le maître d'ouvrage que la responsabilité civile décennale de l'ensemble des constructeurs mais aussi de leurs sous-traitants, il ne peut être discuté par la société d'assurances demanderesse et appelante qu'elle ne justifie en l'état que d'une seule quittance de règlement subrogatif en date du 3 février 2015, quittance signée par la SAS Valenciennes, laquelle a été rendue destinataire par l'assureur d'un chèque de 193 154,20 euros ;

Qu'il n'est justifié par la société Allianz Iard d'aucune quittance délivrée par la société ETDE Monchel de sorte que cette compagnie d'assurances n'est recevable à agir contre la société Sermes ; qu'en sa seule qualité de subrogée dans les droits et actions du maître d'ouvrage, la SAS Valenciennes,

Que la cour ne peut donc que déclarer la société Allianz Iard irrecevable en son action dirigée contre la société Sermes pour défaut de qualité à agir en tant que subrogée dans les droits de la société ETDE Monchel ;

- Sur le recours subrogatoire de la SA Allianz Iard prise en sa qualité d'assureur dommages ouvrage de la SA Valenciennes :

Attendu qu'en sa qualité de subrogée dans les droits et actions du maître d'ouvrage, la SAS Valenciennes, il n'est pas discutable que le recours exercé directement par la société Allianz Iard contre la société Sermes, distributeur importateur en France de composants électriques fabriqués en Italie, ne peut qu'être de nature délictuelle ou quasi délictuelle, le maître d'ouvrage subrogeant n'ayant par définition aucun lien contractuel ni avec le sous-traitant chargé du lot électricité ni moins encore avec le distributeur grossiste d'équipements électriques fabriqués en Italie ;

Que, du reste, l'assureur poursuivant exerce son action en qualité de subrogé dans les droits et action du maître d'ouvrage sur le fondement quasi délictuel de l'article 1241 du Code civil (anciennement 1383), ce qui le contraint à caractériser contre la société Sermes une faute d'imprudence ou une négligence ;

Que M. C expose dans les réponses aux questions de la mission d'expertise judiciaire qui lui a été confiée, plus précisément en pages 15 et 16 de son rapport :

- que le matériel d'éclairage des halles A, B, C, D et E présentent des imperfections, le matériel Sermes (lampes Alpha) et les rails (Naxsolux) n'étant pas adaptés pour ce type d'éclairage,

- qu'en effet, les lampes ne possèdent pas de radiateurs pour dissiper la chaleur produite par l'ampoule lorsque l'éclairage est allumé,

- que les rails Naxsolux quant à eux présentent des charbonnages aux niveaux des contacts de connexions ;

Qu'au titre des causes de ces désordres, l'expert judiciaire émet l'idée que les rails en question ne sont pas adaptés pour l'alimentation des appareils d'éclairage puisque le point de contact entre le connecteur et le rail est trop faible, d'où une présence de charbonnage des contacts de raccordement entre la broche et le rail ;

Qu'il ajoute que le matériel d'éclairage Alpha en lui-même n'est pas en cause, excepté le haut du globe qui dissipe mal la chaleur, les rails n'étant pas dimensionnés pour supporter un taux d'harmoniques dans le neutre de sorte que les contacts charbonnent, qu'il y a effet A et que l'ampoule subit une détérioration ainsi que l'inductance et le condensateur ;

Que si M. C fait ensuite valoir que la responsabilité doit être supportée par la société Sermes, laquelle doit se retourner vers son fournisseur italien, il s'agit là, non pas d'une appréciation relevant de la stricte compétence technique de l'expert, mais bien d'une donnée d'ordre juridique qui ne peut lier la cour ;

Que les précédentes informations techniques relevées dans le rapport d'expertise judiciaire établissent que le matériel électrique installé n'est pas en soi la cause des désordres s'agissant d'un matériel inadapté aux conditions de fonctionnement de l'éclairage des lieux ;

Qu'il ressort des études menées par M. C que l'installation produit des harmoniques d'intensité, ce qui a pour conséquence de soumettre les lampes à des conditions d'utilisation au-delà de leur capacité, ce qui est source de l'échauffement constaté et de la détérioration des composants, la société Sermes justifiant pour sa part que les luminaires litigieux répondent à la norme de fabrication, ce qui est aussi avéré pour les rails ;

Qu'il apparaît de surcroît que la maintenance des luminaires, particulièrement le changement des lampes, n'a pas été effective s'agissant d'un matériel utilisé durant

4 000 heures en moyenne par an, la durée de vie moyenne du matériel en cause étant de 8 000 heures, ce qui suggère un remplacement des lampes des luminaires à l'issue de deux ans, ce qui n'a pas été le cas en l'occurrence dans la mesure où aucune opération de relamping n'a été réalisée avant l'expiration de six années ;

Qu'il faut donc conclure d'un point de vue juridique que le matériel mis en œuvre dans l'entrepôt de la SAS Valenciennes pour en éclairer les cinq halles n'était pas adapté à la destination qui lui a été donnée, ce qui n'autorise nullement la cour à conclure que ce matériel aujourd'hui totalement remplacé était vicié, la société Sermes en sa qualité de vendeur distributeur n'étant pas réputée connaître la destination des matériels commandés auprès d'elle vendus par ses soins, la rédaction du cahier des charges du lot électricité étant par définition le fait du bureau d'études, le sous-traitant chargé du montage électrique ayant par ailleurs une nécessaire connaissance des modalités d'utilisation du matériel acquis, ce qui n'est a priori pas le cas du fournisseur, aucun élément au dossier ne permettant en tous cas de l'établir ;

Qu'ainsi, la responsabilité de la société Sermes recherchée par la compagnie Allianz Iard au titre d'une faute d'imprudence ou de négligence n'est pas engagée de sorte que cet assureur doit être débouté de sa demande indemnitaire, et partant de sa demande de garantie dirigée contre Groupama Grand Est, le jugement déféré étant en cela confirmé ;

Que les appels en garantie dirigés par la SA Sermes contre les sociétés Leuci International et B D sont de fait sans objet ;

- Sur les frais irrépétibles :

Attendu que l'équité justifie l'indemnité de procédure arrêtée par les premiers juges au profit de la compagnie Groupama Grand Est et à la charge de la compagnie Allianz Iard, la décision entreprise étant en cela également confirmée ;

Que cette même considération commande en cause d'appel de fixer à 2 500 euros le montant de l'indemnité pour frais irrépétibles que la compagnie Allianz Iard devra verser à la compagnie Groupama Grand Est, la société d'assurances débitrice de cette somme étant par ailleurs déboutée de sa propre prétention indemnitaire à cette fin ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par défaut, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Y ajoutant, Déclare la SA Allianz Iard irrecevable en son action subrogatoire exercée en qualité d'assureur de responsabilité civile décennale de la société ETDE Monchel ; Dit en conséquence sans objet l'action de cette société d'assurances dirigée contre la compagnie Groupama Grand Est ainsi que les appels en garantie exercés par la société Sermes envers les sociétés de droit italien B Z et B D ; Condamne la SA Allianz Iard aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser en cause d'appel à la compagnie Groupama Grand Est une indemnité de procédure de 2 500 euros, l'assureur débiteur de cette somme étant lui-même débouté de sa propre prétention indemnitaire émise au visa de l'article 700 du Code de procédure civile.