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Décisions

Cass. com., 2 octobre 2019, n° 18-14.849

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Lalique Beauty services (Sté)

Défendeur :

Marchier (ès qual.) , Puig France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Orsini

Rapporteur :

Mme Sudre

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Gadiou, Chevallier, SCP Piwnica, Molinié

T. com Paris, 11e ch., du 30 nov. 2012

30 novembre 2012

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 8 mars 2016, pourvoi n° 14-25.718), que la société Cosmetics Perfumes Services (la société CPS) s'est vu confier par la société Parfums Nina Ricci (la société Nina Ricci) et la société Paco Rabanne parfums (la société Paco Rabanne) le conditionnement de produits par des contrats des 19 octobre 2005 et 31 janvier 2006, ce dernier ayant été conclu pour une durée de deux ans, renouvelable par tacite reconduction, et comportant l'engagement des donneurs d'ordre d'assurer une activité pour au moins " 50 000 heures " de travail par an ; qu'un nouveau contrat a été conclu le 11 février 2008, pour une durée d'un an, avec effet au 1er janvier précédent, prévoyant la tenue d'un rendez-vous au mois de novembre en vue d'envisager les termes d'un engagement pour l'année suivante ; qu'aucun contrat n'a été conclu pour l'année 2009, la société Paco Rabanne s'étant limitée à adresser des commandes à la société CPS avant de lancer un appel d'offres, à l'issue duquel cette dernière n'a pas été retenue ; que s'estimant victime d'une rupture brutale de la relation commerciale établie, la société CPS, mise en redressement judiciaire en février 2010, a assigné les sociétés Paco Rabanne et Nina Ricci en paiement de dommages-intérêts ; qu'en cours de procédure, la société Paco Rabanne, devenue la société Puig France (la société Puig) est venue aux droits de la société Nina Ricci ; que la société CPS, devenue Arts et fragrance services et aujourd'hui dénommée la société Lalique Beauty services (la société Lalique Beauty) a bénéficié d'un plan de redressement, M. Marchier étant désigné commissaire à l'exécution du plan ;

Attendu que la société Lalique Beauty fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande alors, selon le moyen : 1°) que la succession de contrats-cadre d'une durée déterminée, garantissant à l'un des contractants un chiffre d'affaires annuel, à l'échéance desquels l'autre cocontractant a continué de passer des commandes, caractérise une relation commerciale régulière, significative et stable entre les parties, et partant établie, qui ne peut être rompue sans le respect d'un préavis suffisant ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Art et fragrance services, aux droits de laquelle est venue la société Lalique Beauty, a conclu avec les sociétés Nina Ricci et Paco Rabanne, aux droits desquelles est venue la société Puig, successivement, deux contrats-cadre de sous-traitance d'une durée chacun de deux ans, renouvelables tacitement, lui garantissant un nombre d'heures de travail et un chiffre d'affaires minimum annuel ; qu'à l'échéance, soit le 31 décembre 2007, la société Puig lui a proposé de signer un nouveau contrat pour entrer dans le panel de ses fournisseurs permanents et pour pouvoir répondre aux appels d'offres plus élargis en terme d'activités, après l'avoir informée par courriels des 14 novembre et 6 décembre 2007, qu'elle lui attribuait une partie de la campagne pour 2008, les commandes du premier trimestre portant sur la production de coffrets, le remplissage et la production d'échantillons ; que la société Art et fragrance services a conclu un troisième contrat-cadre le 11 février 2008, à effet au 1er janvier 2008, pour une année, le donneur d'ordres s'engageant à proposer une activité qui ne serait pas inférieure à 1 000 000 euros, et que, passé ce délai, son cocontractant a continué de lui passer des commandes ; qu'en relevant, pour dire que ces sociétés n'étaient pas liées par une relation commerciale établie, que les contrats successifs étaient à durée déterminée et, pour le dernier, sans tacite reconduction, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé l'article 442-6, I, 5°, du Code de commerce ; 2°) que la succession de contrats-cadre d'une durée déterminée, garantissant à l'un des contractants un chiffre d'affaires annuel, à l'échéance desquels l'autre cocontractant a continué de passer des commandes, caractérise une relation commerciale régulière, significative et stable entre les parties, et partant établie, qui ne peut être rompue sans le respect d'un préavis suffisant ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Art et fragrance services, aux droits de laquelle est venue la société Lalique Beauty, a conclu avec les sociétés Nina Ricci et Paco Rabanne, aux droits desquelles est venue la société Puig, successivement, deux contrats-cadre de sous-traitance d'une durée chacun de deux ans, renouvelables tacitement, lui garantissant un nombre d'heures de travail et un chiffre d'affaires minimum annuel ; qu'à l'échéance, soit le 31 décembre 2007, la société Puig lui a proposé de signer un nouveau contrat pour entrer dans le panel de ses fournisseurs permanents et pour pouvoir répondre aux appels d'offres plus élargis en terme d'activités, après l'avoir informée, par courriels des 14 novembre et 6 décembre 2007, qu'elle lui attribuait une partie de la campagne pour 2008, les commandes du premier trimestre portant sur la production de coffrets, le remplissage et la production d'échantillons ; que la société Art et fragrance services a conclu un troisième contrat-cadre le 11 février 2008, à effet au 1er janvier 2008, pour une année, le donneur d'ordres s'engageant à proposer une activité qui ne serait pas inférieure à 1 000 000 euros, et que, passé ce délai, son cocontractant a continué de lui passer des commandes ; qu'en relevant, pour dire que ces sociétés n'étaient pas liées par une relation commerciale établie, que la société Puig n'était pas totalement satisfaite du travail de la société Art et fragrance services, qu'elle l'avait mise en concurrence avec d'autres et qu'au cours de la réunion du 29 novembre 2008, les perspectives de commandes étaient limitées, la cour d'appel, qui a statué par une motivation insuffisante à écarter l'existence d'une relation commerciale établie, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 442-6, I, 5°, du Code de commerce ; 3°) que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, pour établir l'existence d'une relation commerciale établie, la société Art et fragrance faisait valoir que la société Puig et le groupe auquel elle appartenait avaient mis en place un ensemble d'aides et de moyens pour l'assister et l'accompagner dans la réalisation de ses prestations contractuelles ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire qui établissait la relation significative, stable et durable qu'elles avaient nouée, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si, en l'état de la baisse brutale du chiffre d'affaires de la société Art et fragrance service au premier trimestre 2009, la société Paco Rabanne, aux droits de laquelle est venue la société Puig, lui avait clairement notifié la rupture partielle de leur relation commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir énoncé qu'afin de combiner le respect de la liberté contractuelle et les prescriptions de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause, le domaine d'application de ce dernier est limité aux cas où la relation commerciale entre les parties revêtait, avant la rupture, un caractère suivi, stable et habituel, dans la mesure où la partie victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial, l'arrêt relève qu'avant l'expiration de la durée du contrat de sous-traitance du 31 janvier 2006, la société Puig a, par lettres des 17 juillet et 14 novembre 2007, informé la société Lalique Beauty de difficultés liées à la qualité de ses prestations, en lui rappelant qu'elle compensait cette situation depuis 2005 par un accompagnement sur place et à distance mais qu'elle n'entendait pas, à défaut d'amélioration, maintenir cette situation au-delà de l'année 2008 ; qu'il relève également qu'à l'expiration du contrat conclu le 11 février 2008 pour une durée d'un an, sans tacite reconduction, et à l'issue d'une réunion organisée entre les parties en novembre 2008 pour effectuer un bilan de l'année 2008 et pour envisager les termes d'un engagement contractuel pour l'année 2009, aucun nouveau contrat n'a été signé, la société Lalique Beauty poursuivant néanmoins, mais en les limitant, ses commandes à la société CPS au cours du premier semestre 2009, en l'informant toutefois de ce qu'elle serait, désormais, soumise à une procédure d'appel d'offres ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, dont elle a déduit que la société CPS ne pouvait pas raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir avec la société Puig, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à prendre en compte l'insuffisante qualité des prestations de la société Lalique Beauty et a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu en déduire que la relation liant les parties présentait un caractère précaire, exclusif de l'application de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant écarté l'existence d'une relation commerciale établie, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si la société Puig avait consenti un préavis suffisant à la société Lalique Beauty ; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.