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Décisions

Cass. com., 2 octobre 2019, n° 18-10.886

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Sol France (SAS)

Défendeur :

Volard frères (SARL) , Cunière et fils (SARL) , Etude réalisation montage spéciaux (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Orsini

Rapporteur :

Mme Sudre

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan

T. com. Pontoise, 1re ch., du 22 juill. …

22 juillet 2015

LA COUR : - Sur la déchéance du pourvoi, en ce qu'il est formé contre les arrêts des 29 novembre 2016 (n° RG 15/06024, n° RG 15/06025, n° RG 15/06026) et 25 avril 2017 (n° RG 15/06024) : - Vu l'article 978 du Code de procédure civile ; - Attendu que le mémoire en demande ne contenant aucun moyen dirigé contre ces arrêts, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre ces décisions ;

Sur le pourvoi, en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 31 octobre 2017 : - Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche : - Vu les articles 4, 5 et 12 du Code de procédure civile ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cunière et fils (la société Cunière) a assigné la société Sol France (la société Sol) devant le tribunal de commerce de Pontoise en paiement de dommages-intérêts pour rupture unilatérale anticipée du contrat à durée déterminée les liant, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 1149, devenu 1231-2, du même Code ; que la société Sol a formé une demande reconventionnelle en résiliation de ce contrat et en réparation des préjudices en résultant, et a assigné, sur le même fondement contractuel, la société Volard frères (la société Volard), ainsi que la société Etude réalisation montage spéciaux (la société ERM-S) en paiement de dommages-intérêts au titre de la rupture illégitime et anticipée de leur contrat respectif ; qu'après avoir prononcé la résiliation du contrat conclu entre la société Sol et la société Cunière, aux torts exclusifs de cette dernière, et déclaré les sociétés Volard et ERM-S responsables de la rupture de leur contrat respectif conclu avec la société Sol, le tribunal a condamné chacune de ces sociétés à payer des dommages-intérêts à la société Sol sur le fondement des textes précités ; que les sociétés Cunière, Volard et ERM-S ont formé appel de ce jugement devant la cour d'appel de Versailles, qui, par quatre arrêts avant dire droit des 29 novembre 2016 et 25 avril 2017, a invité les parties à présenter leurs observations, d'abord sur la fin de non-recevoir tirée des dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause, et de l'article D. 442-3 du même Code, qu'elle a relevée d'office puis, ensuite, sur les conséquences du revirement de jurisprudence résultant des arrêts de la Cour de cassation du 29 mars 2017 (chambre commerciale, financière et économique, pourvois n° 15-17.659 et 15-24.241) ; que, par un arrêt du 31 octobre 2017, la cour d'appel de Versailles a infirmé le jugement du 3 juin 2015 et déclaré irrecevables les demandes des sociétés Sol et Cunière ainsi que les demandes reconventionnelles des sociétés Volard et ERM-S ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes respectives d'indemnisation des sociétés Cunière, Sol, Volard et ERM-S, l'arrêt, énonçant que la juridiction saisie peut, en application de l'article 12 du Code de procédure civile, donner une exacte qualification aux faits invoqués, retient que les sociétés Sol et Cunière étaient liées, depuis 2010, par une relation commerciale établie lorsque la société Sol a constaté la rupture soudaine de cette relation et de celles entretenues, par le biais de la société Cunière, avec les sociétés Volard et ERM-S ; qu'après avoir relevé que la société Cunière avait précisé, dans ses conclusions devant les premiers juges, que la relation contractuelle avait été "brutalement rompue" par la société Sol et que cette dernière avait, pour sa part, indiqué que la quasi-totalité des clients rattachés au dépôt de la société Cunière avaient cessé leur relation contractuelle avec elle "de manière brutale et sans information ni justification préalable", l'arrêt retient que chacune des parties principales impute en réalité à l'autre une rupture brutale de leurs relations contractuelles et que les circonstances alléguées par l'une et l'autre ne sont pas de nature à exclure leurs prétentions du champ d'application de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ni à exclure de ce même champ d'application les prétentions de la société Sol envers les sociétés Volard et ERM-S, dès lors que ces dernières peuvent être considérées comme formant une seule entité économique avec la société Cunière, auteur prétendu, selon celle-là, de la rupture brutale alléguée ; qu'il retient encore que, bien qu'explicitement fondées sur les dispositions générales des articles 1134 et 1147 du Code civil dans le dispositif de leurs écritures respectives, les prétentions des sociétés Cunière et Sol sont donc, en réalité, fondées sur les dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ; qu'il en déduit que la cour d'appel de Versailles, saisie d'un recours contre une décision émanant d'une juridiction non spécialement désignée, peut, et doit, relever d'office l'excès de pouvoir commis par les juges de première instance et qu'il convient dès lors de déclarer irrecevables les demandes formées par les sociétés Cunière et Sol et, par voie de conséquence, celles formées, à titre reconventionnel, par les sociétés Volard et ERM-S, seul le tribunal de commerce de Paris disposant, pour le ressort de la cour, des pouvoirs juridictionnels nécessaires pour pouvoir se prononcer sur les conséquences de la rupture de la relation commerciale établie ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ni les demandes de la société Sol ni celles des sociétés Cunière, Volard et ERM-S n'étaient fondées sur l'application de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, qu'elles ne mentionnaient pas, et que la décision qui lui était soumise avait statué sur le seul fondement de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : constate la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre les arrêts rendus les 29 novembre 2016 (n° RG 15/06024, n° RG 15/06025, n° RG 15/06026) et contre l'arrêt rendu le 25 avril 2017 (n° RG 15/06024) ; casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.