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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 3 octobre 2019, n° 17-01356

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Vindemia Logistique (Sasu)

Défendeur :

Cam Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Avocats :

Mes Fourgoux, Hameroux, Astruc

FAITS ET PROCEDURE :

La société Vindemia Logistique (Vindemia), qui exerce sous l'enseigne Saprim, est la centrale d'achats du Groupe Casino pour l'Océan indien.

Par contrats successifs, semestriels puis annuels, conclus de janvier 2006 à fin 2014, la société Vindemia a chargé la société Cam Diffusion de sélectionner, pour elle, des fournisseurs et des produits, négocier les prix et suivre les achats effectués par Vindemia.

Ces prestations étaient facturées par Cam à hauteur de 5 % du volume des achats réalisés par Vindemia.

En 2015, le contrat n'a pas été renouvelé.

Cam Diffusion, ayant, en vain, mis en demeure Vindemia de reprendre les relations contractuelles, a, par acte du 20 octobre 2015, assigné Vindemia devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation pour rupture du contrat d'agent commercial.

Par jugement rendu le 14 novembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit recevable l'action engagée par la société Cam Diffusion ;

- dit que le contrat liant la société Cam Diffusion à la société Vindemia Logistique constitue un contrat d'agent commercial ;

- dit que société Vindemia Logistique a unilatéralement rompu en avril 2015 le contrat d'agent commercial la liant à la société Cam Diffusion ;

- condamné la société Vindemia Logistique à payer à la société Cam Diffusion la somme de 51 921 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- condamné la société Vindemia Logistique à payer à la société Cam Diffusion la somme de 581 122 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat ;

- condamné la société Vindemia Logistique à payer à la société Cam Diffusion la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, complémentaires ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement avec constitution d'une garantie à hauteur de la moitié des indemnités accordées à la société Cam Diffusion par le tribunal au titre du préavis et à celui de la cessation du contrat ;

- condamné la société Vindemia Logistique aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 153,96 euros dont 25,22 euros de TVA.

Vu l'appel interjeté le 17 janvier 2017 par la société Vindemia Logistique à l'encontre de cette décision ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Vindemia Logistique, par dernières conclusions signifiées par le 13 avril 2017, demande à la cour, au visa des articles L. 134-1 et L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de :

- dire que les contrats conclus entre les parties constituent des contrats de courtage ;

En conséquence,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle dit que les contrats constituaient des contrats d'agent commercial ;

- dire qu'il n'y a pas de brusque rupture sans préavis du contrat de courtage venu à expiration le 31 décembre 2014 ;

- dire que la responsabilité de Vindemia Logistique ne saurait être engagée de ce chef ;

- condamner la société Cam Diffusion à verser à Vindemia Logistique la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle considère que la qualification de contrat d'agent commercial retenue par le tribunal de première instance est erronée, et que les contrats conclus entre les parties constituent des contrats de courtage, et non des contrats d'agent commercial.

Elle fait valoir que Cam Diffusion ne concluait aucun contrat au nom et pour le compte de Vindemia Logistique, de sorte que Cam Diffusion ne représentait pas son client, alors que la représentation est le critère essentiel du mandat. Elle observe que la société Cam n'a pas, comme le prescrit l'article R. 134-6 du Code de commerce, procédé à son immatriculation sur le registre spécial des agents commerciaux, formalité qui, si elle n'est pas nécessaire à la reconnaissance du statut d'agent commercial, constitue néanmoins un indice révélateur de ce dont les parties sont convenues. La convention liant les parties, qu'elles ont intitulée contrat de " sourcing ", est en réalité un contrat de courtage.

La société Vindemia considère que la rupture de la relation commerciale est imputable à la société Cam Diffusion ; ainsi, alors que les contrats de courtage ont été conclus et renouvelés chaque année du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2014 en des termes quasi-identiques, seules les modalités de rémunérations variant, la société Cam Diffusion a voulu modifier certaines clauses, notamment par la rajout d'une clause interdisant au client (Vindemia) de contracter directement avec les fournisseurs sélectionnés par le prestataire (Cam), clause revenant à substituer au contrat de courtage, un mandat confiant à Cam Diffusion le soin de représenter Vindemia - ce qui avait toujours été expressément écarté - et revenant donc à bouleverser l'économie du contrat ; les discussions s'étant poursuivies, les relations commerciales ont cessé en l'absence d'accord.

La société Vindemia précise qu'il n'y a pas eu à proprement parler de rupture car les conventions liant les parties étaient annuelles, de sorte que l'arrivée du terme du 31 décembre 2014 et l'absence de signature d'une nouvelle convention ne marquaient pas une rupture, Cam Diffusion ne pouvant se prévaloir d'un droit au renouvellement.

Enfin, dans l'hypothèse où la cour retiendrait qu'il y a eu rupture, celle-ci ne pourrait pas être qualifiée de brutale, dès lors que les négociations se sont poursuivies pendant la moitié de l'année 2015 ; au cours de cette période, Vindemia a continué à recourir aux services de Cam Diffusion et un semestre de poursuite des relations commerciales équivaut à un préavis.

La société Cam Diffusion, par dernières conclusions signifiées le 6 juin 2017, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé la durée du préavis dont aurait dû bénéficier la société Cam Diffusion à deux mois ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire que les relations contractuelles entre la société Cam Diffusion et la société Vindemia Logistique relèvent d'un contrat d'agent commercial ;

- dire que la société Vindemia a unilatéralement rompu le contrat d'agent commercial de la société Cam Diffusion ;

- dire que la société Cam Diffusion aurait dû bénéficier d'un préavis d'une durée de trois mois ;

- condamner la société Vindemia Logistique à payer à la société Cam Diffusion la somme de 77 881 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- condamner la société Vindemia Logistique à payer à la société Cam Diffusion la somme de 581 122 euros à titre d'indemnité de cessation de fin de contrat ;

A titre subsidiaire,

- dire que la société Vindemia Logistique a commis une faute à l'égard de la société Cam Diffusion en rompant les relations contractuelles sans respecter le moindre préavis au mépris des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code du commerce ;

- condamner la société Vindemia Logistique à payer à la société Cam Diffusion la somme de 467 286 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de la marge brute qui aurait été réalisée par le partenaire évincé sur une période de 18 mois avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 juillet 2015 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

- condamner la société Vindemia Logistique à payer à la société Cam Diffusion la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au coût des pertes annexes qu'elle a été contrainte de supporter ;

En tout état de cause,

- condamner la société Vindemia Logistique à payer à la société Cam Diffusion la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Vindemia Logistique aux entiers dépens, dont distraction, pour ceux-là concernant, au profit de Maître X, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, avocat aux offres de droit.

A titre principal, elle soutient que le contrat rompu par la société Vindemia est un contrat d'agent commercial, en ce qu'elle exerçait ses activités de manière indépendante et prospectait les clients au nom et pour le compte de la société Saprim, devenue Vindemia ; elle souligne qu'il est inexact de prétendre qu'elle ne concluait aucun contrat au nom et pour le compte de la société Vindemia et ne représentait pas son client. Elle indique également qu'il est de jurisprudence constante que l'absence d'inscription au registre spécial des agents commerciaux est sans conséquence sur l'existence du mandat d'agent commercial.

Elle prétend que c'est pour la première fois en cause d'appel que la société Vindemia prétend que la convention liant les parties serait en réalité un contrat de courtage ; contrairement aux contrats qui ont pu être qualifiés de contrats de courtage dans les jurisprudences citées par l'appelante, la mission dévolue à la société Cam Diffusion ne se bornait pas à une mission de recherche de fournisseurs et de suivi des commandes, ni à la conclusion de contrats de référencement avec les fournisseurs.

La société Cam Diffusion explique que la société Vindemia :

- a brutalement diminué le nombre de ses commandes auprès de la société Cam Diffusion ;

- n'a pas régularisé pour 2015 le contrat qu'elle avait pourtant soumis à la société Cam Diffusion ;

- a unilatéralement rompu le contrat conclu avec Cam Diffusion, sans la moindre notification préalable ;

- traite désormais directement avec les fournisseurs prospectés par la société Cam Diffusion.

La société Cam Diffusion considère ainsi être en droit de réclamer une indemnité compensatrice de préavis, mais que, contrairement à ce qu'a accordé le tribunal de première instance, la durée dudit préavis aurait dû être de trois mois, et non deux, correspondant à un montant de 77 881 euros.

En outre, conformément à l'article L. 134-12, alinéa 1er, du Code de commerce, l'agent est en droit d'obtenir une indemnité de cessation du contrat, correspondant à deux années de commissions brutes, d'autant que, pendant neuf années, la société Cam Diffusion a consacré la majeure partie de son temps de travail à la société Vindemia, a réalisé un important travail de prospection et un chiffre d'affaires en constante progression pour le compte de la société Vindemia.

A titre subsidiaire, sur la rupture brutale des relations commerciales, la société Cam Diffusion fait valoir que la société Vindemia a mis fin aux relations contractuelles avec effet immédiat, après neuf ans de relations commerciales établies et a cessé de lui adresser des commandes en l'absence de tout préavis.

Elle considère qu'un préavis de 18 mois aurait dû être respecté. Elle invoque, au soutien d'une telle durée, l'état de dépendance économique de la société Cam Diffusion établi par la part du chiffre d'affaires réalisé sur les commandes passées par la société Vindemia représentant un pourcentage de 90 %.

Elle soutient que deux types de préjudices peuvent être indemnisés, celui découlant de la brutalité de la rupture (correspondant à la perte de marge brute) et le préjudice né de la rupture elle-même. Elle précise que l'indemnisation peut être fondée à la fois sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce et sur les articles 1134 et 1147 anciens du Code civil ; les pertes annexes, telles que le coût des licenciements, peuvent également être indemnisées.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS

Sur la nature du contrat liant les parties

L'article L. 134-1 du Code de commerce dispose que : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières. ".

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; il incombe à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve.

Contrairement au commissionnaire ou au courtier, l'agent commercial est un mandataire, qui représente de façon permanente une ou plusieurs personnes, accomplit, à ce titre, des actes juridiques pour le compte de son mandant qui se trouve ainsi engagé.

Par contrats " de prestation de services " conclus à partir du 1er janvier 2006 jusqu'au 1er février 2014, la société Saprim a confié à la société Cam Diffusion la sélection, pour son compte, des fournisseurs, des produits et le suivi des achats.

S'il est établi que la société Cam Diffusion ne concluait aucun contrat pour le compte de Saprim, la conclusion de contrats pour le compte du mandant n'est pas une condition du statut d'agent commercial.

Toutefois, Cam, qui se borne à affirmer qu'elle " négociait, pour le compte de la société Vindemia, des contrats d'achat de produits avec les fournisseurs qu'elle avait préalablement sélectionnés ", ne rapporte la preuve ni qu'elle assurait de véritables négociations des prix ou des quantités pour le compte de Saprim, ni qu'elle était en mesure d'engager la centrale d'achat auprès des fournisseurs sélectionnés ; il s'avère que les négociations que Cam menait avec les candidats fournisseurs s'inscrivaient dans le processus de sélection de ceux-ci en vue de les mettre en contact avec la centrale d'achat à laquelle appartenait le choix final ; il n'est enfin produit par Cam aucun document à caractère juridique signé par elle, au nom et pour le compte de Saprim, avec les fournisseurs sélectionnés. Cam n'avait en réalité qu'une mission de suivi du marché, de recherche des fournisseurs, de recueil de leurs offres, qu'elle transmettait à la centrale d'achat, et de suivi des commandes.

Ces éléments sont corroborés par les stipulations du contrat qui ne prévoient :

- ni pouvoir de Cam d'engager le mandant, les conventions :

* tendant à la mise en place d'un " sourcing ", notion se définissant comme la prospection, l'évaluation et la sélection de fournisseurs ou de candidats à des contrats ;

* présentant Cam comme prestataire, et non comme mandataire de Saprim ;

* excluant, en leur article 10, tout représentation de Saprim : " Le prestataire (Cam) agit en son nom propre et pour son propre compte en qualité d'entrepreneur indépendant. Il n'a ni le pouvoir, ni l'autorisation d'engager le client de quelque façon que ce soit, aucune disposition du contrat ne pourra être interprétée comme créant entre le prestataire et le client, une filiation, une relation d'agent ou d'employé à employeur. " ;

- ni pouvoir de négociation, ainsi que le prévoit l'article 2.2 : " Les produits présélectionnés devront être proposés au client (SAPRIM) avec leur prix définitif (...). Il est entendu entre les parties que seul le client signe les bons de commande. Il est également précisé que le prestataire (Cam) n'a pas vocation à négocier les quantités. ".

Apparaissant, dans ces conditions, comme un intermédiaire n'ayant pas vocation à représenter une partie, mais à mettre en présence un client et ses fournisseurs, Cam a en réalité eu la fonction d'un courtier.

La cour infirmera en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le contrat liant les parties était un contrat d'agent commercial, dira que les relations contractuelles entre la société Cam et la société Vindemia relèvent d'un contrat de courtage et déboutera la société Cam de ses demandes fondées sur le statut d'agent commercial.

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause, " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) ".

Il est constant que le contrat liant les parties n'a pas été renouvelé au titre de 2015.

Vendemia fait valoir que :

- l'arrivée du terme du 31 décembre 2014 et l'absence de signature d'une nouvelle convention ne marquaient pas une rupture, Cam ne pouvant se prévaloir d'un droit au renouvellement ;

- ce n'est pas elle qui a rompu les relations, mais la société Cam qui, par ses propositions de modification du contrat, s'est employée à en bouleverser l'économie.

Sur le premier point, dès lors que la relation était suivie et stable et que les parties pouvaient légitimement s'attendre à ce qu'elle se poursuive - ce qui a été en l'espèce le cas puisqu'elles ont entrepris des négociations en vue du renouvellement du contrat - elle présentait le caractère d'une relation commerciale établie.

Sur le second point, si la demande, par une partie, d'une modification défavorable à l'autre, portant sur un point substantiel de la relation, caractérise une rupture brutale de la relation commerciale établie, cela ne vaut que si la partie en fait une condition de la poursuite de la relation.

Il n'est pas, à cet égard, discuté que Cam a demandé à Vindemia, le 15 avril 2015 (pièce Cam n° 9), d'insérer, dans le contrat en cours de négociation pour 2015, la stipulation selon laquelle " le client s'interdit de contracter directement avec les fournisseurs sélectionnés par le prestataire ". Il ne résulte toutefois d'aucun élément ni que Vindemia ait expressément refusé la modification proposée - alors que, les 4 et 27 mai 2015, Cam a invité Vindemia, sans réponse de cette dernière, à lui faire connaître sa position sur le projet transmis - ni que Cam, qui s'est bornée à formuler une proposition, ait exigé la modification du contrat dans le sens demandé et ait fait de celle-ci une condition de la signature d'une nouvelle convention. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, Vendemia échoue donc à démontrer que la rupture de la relation serait imputable à Cam par suite d'une demande de modification substantielle des conditions contractuelles.

Vindemia ne conteste ni que les commandes passées à Cam ont connu, au cours de premier semestre de 2015, une baisse drastique, ni que Vindemia s'inscrivait alors dans une nouvelle stratégie du groupe consistant à centraliser tous les achats directement au niveau de la centrale d'achat Casino. Les commandes de Vindemia ayant alors cessé, ces éléments caractérisent une rupture par Vendemia de la relation établie. La rupture de la relation n'ayant été assortie d'aucun préavis, elle présente un caractère brutal.

La durée du préavis que doit respecter l'auteur de la rupture de la relation s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et d'autres circonstances, notamment de l'état de dépendance économique éventuel du partenaire évincé.

Cam ne saurait, à cet égard, invoquer un quelconque état de dépendance économique vis-à-vis de Vindemia, dès lors que les contrats n'ont mis à la charge de Cam aucune obligation d'exclusivité et que la seule circonstance qu'une entreprise réalise une part importante de son activité auprès d'un seul partenaire - ce qui est en l'espèce le cas - ne suffit pas à caractériser son état de dépendance économique.

Eu égard à l'ancienneté de la relation - de neuf ans - Vendemia aurait dû respecter un préavis de huit mois.

En cas d'absence de préavis, le préjudice en résultant est, en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, évalué en considération de la marge brute correspondant à la durée du préavis jugé nécessaire. La cour dispose des éléments pour allouer à Cam, pour un chiffre d'affaires annuel moyen réalisé avec Vindemia de 2012 à 2014 de 290 560 euros (303 987 + 256 171 + 311 524 /3) et un taux de marge brute de 50 %, la somme de 96 853 euros [(290 560 x 50 %) / 12 x 8] à titre de dommages et intérêts en réparation de la brutalité de la rupture. La cour condamnera la société Vindemia au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter, non de la lettre de Cam à Vindemia du 10 juillet 2015 (pièce Cam n° 10) mais, en application de l'article 1153-1 du Code civil, du présent arrêt ; et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 ancien du Code civil.

Cam sera déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de préjudices annexes (charges immobilières, licenciement de personnel) dont elle ne justifie nullement.

Le jugement entrepris sera confirmé sur les condamnations accessoires. En cause d'appel, l'équité commande de condamner la société Vindemia à payer à la société Cam Diffusion la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris, sauf sur la condamnation prononcée en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ; Statuant à nouveau sur les points infirmés ; Déboute la SARL Cam Diffusion de ses demandes fondées sur le statut d'agent commercial ; Dit que la SAS Vindemia Logistique a brutalement rompu la relation commerciale établie ; La Condamne en réparation à payer à la SARL Cam Diffusion la somme de 96 853 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; Déboute la SARL Cam Diffusion du surplus de ses demandes de réparation ; Condamne la SARL Cam Diffusion à payer à la SAS Vindemia Logistique la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne la SARL Cam Diffusion aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.