CA Douai, 1re ch. sect. 1, 3 octobre 2019, n° 18-00286
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Afibel (SAS), Warlop-Millois-Spatari (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Masseron
Avocats :
Mes Cappelaere, Sibille, Pani
Mme X a été rendue destinataire de plusieurs courriers de la société Afibel, spécialisée dans la vente par correspondance.
Soutenant que trois de ces correspondances s'analysent, à titre principal, en des offres de gains qu'elle a acceptées, formant ainsi des contrats pour une somme totale de 510 000 euros et, à titre subsidiaire, que la société Afibel a engagé sa responsabilité quasi-contractuelle envers elle, Mme X l'a fait assigner en paiement par acte d'huissier de justice en date du 18 septembre 2015, ainsi que la SCP Warlop-Millois-Spatari, Huissiers de justice.
Par jugement en date du 22 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Lille a :
- mis hors de cause la SCP Warlop-Millois-Spatari, Huissiers de justice ;
- débouté Mme X de ses demandes en paiement ;
- débouté la SCP Warlop-Millois-Spatari, de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- débouté la SCP Warlop-Millois-Spatari de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour violation de son droit à la présomption d'innocence ;
- condamné Mme X à payer à la SAS Afibel et à la SCP Warlop-Millois-Spatari, Huissiers de justice, la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et au paiement des dépens dont distraction au profit de Maître Y ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Mme X a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 avril 2018, elle sollicite l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- à titre principal, condamner la société Afibel au paiement de la somme de 510 000 euros au titre des trois contrats conclus (responsabilité contractuelle) ;
- à titre subsidiaire, condamner la société Afibel au paiement de la somme de 510 000 euros au titre des trois gains promis (responsabilité quasi-contractuelle) ;
- à titre infiniment subsidiaire, condamner la société Afibel à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des pratiques commerciales trompeuses et déloyales ;
- condamner la SCP Warlop-Millois-Spatari à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de sa responsabilité civile délictuelle ;
- condamner la société Afibel et la SCP Warlop-Millois-Spatari à titre solidaire, à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.
Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que l'appelante fait essentiellement valoir que :
- la jurisprudence considère que dès lors qu'il y a acceptation par le consommateur d'une offre de gain ferme et non équivoque, il y a formation du contrat que la société doit être condamnée à exécuter ;
- il convient de vérifier si, pour chaque offre de gain faite à Mme X par la société Afibel, celle-ci était ferme et non équivoque ;
- à titre subsidiaire, si la cour considérait qu'aucun contrat n'est formé, elle considérerait alors qu'un quasi-contrat existe, la Cour de cassation considérant que pouvaient être considérés comme des quasi-contrats les pratiques commerciales abusives visant à faire croire à tort à des personnes qu'elles ont gagné un prix exceptionnel ;
- à titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait qu'il n'existait aucun contrat ou quasi-contrat, elle pourrait condamner la société Afibel sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute dans la mesure où la société Afibel a eu recours à plusieurs reprises à des pratiques commerciales déloyales et trompeuses à l'égard de Mme X ;
- le fait d'avoir recours à un huissier de justice dans une opération trompeuse, renforce la déloyauté des pratiques de la société Afibel ;
- étant âgée et donc forcément vulnérable, elle fait preuve d'une parfaite bonne foi ;
- elle n'a pas mis en cause la responsabilité pénale de la SCP Warlop Millois Spatari mais considère que les dispositions du Code de la consommation n'ont pas été respectées, ce qui constitue une faute civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 juin 2018, la société Afibel sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et à titre reconventionnel, la condamnation de Mme X au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Y
Elle fait valoir que :
- les opérations litigieuses sont des loteries publicitaires dont les juridictions apprécient l'aléa par rapport à une cliente moyenne à qui il appartient de lire de manière complète et sincère tous les documents qu'elle reçoit sans pouvoir s'arrêter aux seuls termes et messages hyperboliques figurant en plus gros caractères ;
- depuis l'arrêt de la Cour de cassation en date du 6 septembre 2002, la responsabilité de l'organisateur d'une loterie s'envisage uniquement sur le plan de la responsabilité quasi-contractuelle de sorte que les demandes formées au titre de la responsabilité contractuelle doivent être rejetées ;
- dans le cadre de l'opération " Grand Tirage de la clé ", l'aléa était clairement mis en évidence à première lecture dans chaque document et ce, dès l'annonce du gain ;
- s'agissant de l'opération " Grand Tirage des 5 000 euros ", le caractère aléatoire du gain était visible dès la réception du publipostage ;
- sur l'opération " Grand Tirage : 500 000 euros soit plus de 3 millions de francs à partager ", l'aléa était clairement mis en évidence à première lecture du publipostage et sur chaque document le composant ;
- l'appréciation de l'aléa pour chaque opération reste spécifique à chaque document, en fonction de leur présentation et de leur rédaction, et relève par ailleurs de l'appréciation souveraine de chaque juridiction ;
- la jurisprudence rappelle que l'absence de croyance légitime du consommateur, à savoir sa mauvaise foi, conduit à l'échec de ses prétentions au titre des dispositions de l'article 1371 du Code civil
Dans ses dernières conclusions notifiées le 19 septembre 2018, la SCP Warlop-Millois-Spatari demande à la cour :
à titre liminaire
- de constater que la dissolution de la SCP Warlop-Millois-Spatari est antérieure à la déclaration d'appel ;
- juger irrecevables les prétentions de Mme X à son encontre sur le fondement des articles 32 et 122 du Code de procédure civile ;
- déclarer nulle la déclaration d'appel de Mme X sur le fondement de l'article 117 du Code de procédure civile ;
à titre principal
- débouter Mme X de l'ensemble de ses demandes et la déclarer hors de cause ;
à titre reconventionnel
- condamner Mme X au paiement de la somme de 3 000 euros pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;
en tout état de cause
- condamner Mme X au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Mme X aux dépens dont distraction au profit de Maître Z
Elle soutient que :
- la SCP Warlop-Millois-Spatari a été dissoute définitivement le 9 septembre 2017 et cette dissolution a fait l'objet de mesures de publicité légales de sorte que l'appel interjeté par Mme X est irrecevable en application des dispositions des articles 32 et 122 du Code de procédure civile, l'appel étant dirigé contre une société qui n'existe plus et est ainsi dépourvue du droit d'agir ;
- elle a exécuté sa mission en qualité de mandataire de la société Afibel et a parfaitement exécuté les missions qui lui avaient été confiées ;
- les loteries publicitaires sans obligation d'achat sont exclues du champ d'application des pratiques commerciales déloyales ;
- Mme X ne démontre pas l'existence des conditions nécessaires pour engager la responsabilité de la SCP Warlop-Millois-Spatari alors qu'elle n'est la gagnante de premier rang d'aucune des loteries publicitaires litigieuses et que l'aléa à première lecture est évident notamment par l'omniprésence de la conjonction "si" et la présence de la mention "tirage placé sous le contrôle de Maître Millois, Huissier de justice à Tourcoing" sur les enveloppes adressées à Mme X contenant les documentations commerciales ;
- Mme X cherche à tirer profit d'un pseudo-gain qu'elle sait ne pas être le sien pour engager une action abusive à l'encontre de la SCP Warlop-Millois-Spatari.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
Aux termes des dispositions de l'article 914 du Code de procédure civile, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
- prononcer la caducité de l'appel ;
- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 du Code de procédure civile ;
- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1 du Code de procédure civile ;
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
En l'espèce, force est de constater que la SCP Warlop-Millois-Spatari n'a pas fait valoir ses moyens tirés de l'irrecevabilité ou de la caducité de l'appel dirigé à son encontre par Mme X devant le conseiller de la mise en état, seul compétent pour statuer sur ces demandes, alors que l'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2019.
Il en résulte que ses demandes tendant à prononcer l'irrecevabilité des demandes formées par Mme X ainsi qu'à la caducité de sa déclaration d'appel en date du 11 janvier 2018 doivent être rejetées de ce chef.
Sur le fond
L'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que les conventions légalement conclues tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
A titre principal, Mme X soutient que la société Afibel engage sa responsabilité contractuelle dans la mesure où elle a accepté les offres de gains qui lui ont été adressées et que des contrats ayant été formés, ils doivent être exécutés et à titre subsidiaire, sollicite le paiement des trois sommes litigieuses au visa de l'article 1371 du Code civil.
Aux termes de l'article 1371 du Code civil, les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties.
Il résulte de ces dispositions :
- que même si la loterie a pour objet la participation à un jeu matérialisée par l'existence d'un bulletin de participation distinct du bon de commande, et qui nécessite une démarche de la part du destinataire de l'envoi publicitaire concrétisée par l'envoi de ce bon à l'organisateur de la loterie, il y a lieu de rechercher si l'organisateur d'un jeu publicitaire qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence, à première lecture, l'existence d'un aléa, s'oblige à le délivrer ;
- cet aléa doit être mis en évidence à la première lecture des documents publicitaires délivrés par une personne normalement diligente, et ce dès l'annonce du gain.
Il convient dès lors, à l'instar du premier juge, d'analyser chacun des documents afférents aux publicités litigieuses pour déterminer, d'une part, s'ils peuvent s'analyser en des offres fermes de conclure un contrat et, d'autre part, si ces opérations mettent en évidence, à première lecture normalement diligente et attentive, l'existence d'un aléa alors même que la bonne foi de Mme X n'est pas une condition d'application des dispositions de l'article 1371 du Code civil susvisé.
Sur l'opération "Grand Tirage de la clé"
Il résulte du règlement de l'opération promotionnelle organisée par la société Afibel que celle-ci a organisé une opération promotionnelle entièrement gratuite et sans obligation d'achat, se déroulant du 22 août 2014 au 30 août 2014 sous forme d'une loterie avec pré-tirage et post-tirage et dont la dotation est représentée par un chèque bancaire de 5 000 euros dans le cadre du pré-tirage et par un chèque bancaire de 1 000 euros dans le cadre du post-tirage.
Il est produit aux débats une enveloppe de publipostage sur laquelle est collée une enveloppe plus petite indiquant "La seule et unique cliente en possession d'une clé n° 021 377 collée sur un Certificat d'Attribution Nominatif gagne 5 000 euros" avec la mention "Tirage placé sous le contrôle de Maître Millois, Huissier de justice à Tourcoing".
Le premier juge a justement relevé que la référence à un tirage évoque l'intervention du hasard et donc l'existence d'un aléa portant sur l'attribution du gain alors même que le contrôle d'un huissier de justice est mis en exergue dans le cadre du tirage au sort.
En outre, cette correspondance ne peut être analysée en une offre univoque de gain et en conséquence, ne peut être soumise qu'au régime des quasi-contrats.
Par ailleurs, alors qu'aucune des pièces communiquées aux débats n'affirme à Mme X qu'elle est la gagnante du tirage au sort, il résulte des termes du prospectus fourni dans l'enveloppe intitulé " Comment savoir IMMEDIATEMENT si vous avez gagné 5 000 euros '', rappelant clairement l'existence d'un aléa avec une formule interrogative, que les conditions du tirage du sort sont clairement explicitées avec l'évocation d'une simple éventualité, " vous allez savoir si vous avez gagné " et " si tel est votre cas ":
" Chère Madame D,
Je vous invite à ouvrir au plus vite la petite enveloppe verte collée à l'extérieur car dans quelques instants, vous allez savoir si vous avez gagné la somme de 5 000 euros !
En effet, Maître Millois, Huissier de Justice à Tourcoing a attribué à une heureuse cliente une enveloppe (sur laquelle il a apposé son cachet et sa signature) contenant un certificat d'attribution nominatif de clé ainsi qu'une clé N° 021.377.
Si tel est votre cas, faites-vous connaître dans un délai maximal de 10 jours (à compter de la date de réception de ce courrier) en nous renvoyant tout simplement le formulaire qui se trouve au dos dûment complété car je vous confirme que vous avez bel et bien gagné 5 000 euros !
Nos services prendront alors contact avec vous ultérieurement pour organiser au mieux les modalités de remise de votre gain de 5 000 euros.
Pour renvoyer votre Formulaire d'Enregistrement dès maintenant, rien de plus simple : utilisez l'enveloppe-réponse spéciale jointe pour vous, elle vous permettra de bénéficier d'un traitement prioritaire.
Je compte sur votre réponse au plus vite... "
Ainsi, la cour relève que l'existence d'un aléa ressort de la lecture des termes du prospectus publicitaire par un consommateur normalement avisé et attentif de sorte que la société Afibel ne s'est pas engagée à délivrer le gain annoncé.
Enfin, il résulte du procès-verbal de constat établi le 9 janvier 2015 par Maître Millois, Huissier de justice que Mme A est la gagnante du gain de 5 000 euros et Mme B est celle du gain de 1 000 euros après réattribution sans que le nom de Mme X ne figure en qualité d'attributaire d'un lot.
En conséquence, il y a lieu de débouter Mme X de sa demande en paiement au titre de cette loterie, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.
Sur l'opération "Grand Tirage des 5 000 euros"
La société Afibel a organisé une opération promotionnelle gratuite et sans obligation d'achat, intitulée "Grand Tirage des 5 000 euros", se déroulant du 24 juillet 2014 au 31 août 2014 sous forme d'une loterie avec pré-tirage dont la dotation est constituée par un chèque bancaire d'une valeur de 5 000 euros.
Au soutien de sa demande en paiement, Mme X produit aux débats une grande enveloppe portant la mention 'Tirage placé sous le contrôle d'un huissier de justice' ainsi que le cachet de la SCP Warlop-Millois-Spatari ainsi que la mention suivante :
Conformément au règlement de ce grand tirage, si votre numéro a été désigné gagnant, nous pourrons alors déclarer :
" CONFIRMATION DE GAIN :
OUI Madame D
Votre numéro est sorti GAGNANT !
Vous allez recevoir 5 000 euros ! "
La seule lecture des mentions figurant sur l'enveloppe adressée à Mme X permet à un consommateur normalement attentif de percevoir l'existence d'un aléa caractérisé par la détention d'un numéro désigné gagnant à l'issue du tirage au sort.
En outre, le premier juge a justement relevé que cette condition était répétée à plusieurs reprises sur l'ensemble des prospectus figurant dans l'enveloppe alors que le prospectus fait directement référence à l'existence du Règlement du jeu et à l'existence d'un aléa tenant à l'attribution du numéro gagnant :
" Si vous possédez le numéro gagnant et le retournez trop tard ", le document intitulé " Garantie de paiement " indiquant : " Conformément à l'art. 6 du règlement ci-joint, si vous possédez et retournez le numéro gagnant à temps, nous vous informons que vous pouvez bénéficier d'une procédure de remise de prix express et recevoir votre gain dans les 48 h ! ".
De même, le formulaire d'enregistrement du jeu que le consommateur était invité à compléter en cochant une case pour valider sa participation, stipule :
" Oui, j'ai bien été informé que conformément au règlement ci-joint dont j'ai pris connaissance, si je possède le numéro gagnant et le retourne sous 10 jours (à réception du présent courrier), j'ai la garantie de recevoir la somme de 5 000 euros ".
Ainsi que la mention suivante: " Grand Tirage des 5 000 euros - Jeu gratuit sans obligation d'achat - N'omettez pas de lire l'extrait de règlement ci-joint - Règlement complet disponible gratuitement sur simple demande écrite... "
Alors qu'il résulte du procès-verbal de constat établi le 11 septembre 2014 que Mme X n'était pas l'attributaire du gain, la lecture attentive de l'ensemble des documents communiqués, dont les termes évoquent sans ambiguïté l'existence d'une condition, par un consommateur normalement avisé et diligent, démontre l'existence d'un aléa de sorte que la demande en paiement de Mme X sera rejetée de ce chef, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.
Sur le " Grand Tirage : 500 000 euros soit plus de 3 millions de francs à partager "
Cette opération constitue une loterie organisée en France et au Royaume-Uni, avec pré-tirage portant sur un gain de 500 000 euros à partager entre gagnants sur la période du 29 juillet au 12 septembre 2014, le partage s'opérant de la manière suivante :
- 1er prix : un chèque bancaire de 15 000 euros ou 12 500 livres, cette somme étant attribuée au gagnant tiré au sort ;
- 2e prix : le solde de 485 000 euros qui sera partagé à parts égales entre tous les autres participants ayant retourné leur bon de participation dans un délai de quinze jours à réception du document, cette somme étant versée par virement bancaire avec un montant minimum de garanti de 3 euros " autant de virements bancaires d'un montant minimum garanti de 3 euros que de bons de participation retournés ".
Alors qu'il résulte du procès-verbal de Maître Millois établi le 29 août 2014 que Mme C est la gagnante d'un chèque bancaire de 12 500 livres au titre du 1er prix, Mme X ne pouvant prétendre qu'à sa participation au titre du partage de la somme de 485 000 euros au titre du 2e prix.
Il résulte des termes du document intitulé " Notification de paiement " :
" Chère Madame D,
Nous avons le plaisir de vous annoncer que votre numéro personnel 2.415.825 a été désigné gagnant à notre " Grand Tirage " : 500 000 euros soit plus de 3 millions de francs à partager ". Un Virement bancaire est en attente de paiement pour vous.
500 000 euros c'est plus de 3 millions de francs et il s'agit bien de la plus importante somme d'argent mise en jeu par Afibel.
Cette fabuleuse somme va être partagée parmi l'ensemble des clients titulaires d'un numéro gagnant et répondant à temps. Vous aurez peut-être la bonne surprise de découvrir qu'il s'agit du 1er prix d'un montant de 15 000 euros. Renvoyez donc sans tarder votre Demande de Virement Bancaire ".
En outre, le document intitulé " Garantie de paiement " précise : " Conformément au règlement ci-joint, nous vous confirmons que les clientes désignées gagnantes dans le cadre de ce " Grand Tirage : 500 000 euros soit plus de 3 Millions de francs à partager ", placé sous le contrôle de Maître Millois, Huissier de justice, ont la garantie de recevoir le prix qui leur revient en partage de cette somme à la seule condition d'avoir répondu dans les délais requis ".
C'est à bon droit que le premier juge a estimé que ces documents ne pouvaient être assimilés à des offres fermes de gain pour des montants de 500 000 euros ou de 15 000 euros alors même que chacune des pièces produites aux débats évoque l'existence d'un partage du gain de 485 000 euros entre les différentes clientes gagnantes et que le montant du virement bancaire attribué à Mme X n'est jamais précisé.
Ainsi, Mme X sera déboutée de ses demandes en paiement de ce chef.
Sur la responsabilité de la société Afibel au titre de pratiques commerciales trompeuses et déloyales
Aux termes des dispositions de l'article L. 120-1 du Code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, les pratiques déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.
Le comportement déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.
II. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1.
En premier lieu, Mme X fait valoir que la société Afibel a eu des pratiques pouvant altérer le comportement du consommateur moyen en adressant des documents au contenu totalement extravagant, farfelu et manipulateur.
Toutefois, elle ne rapporte pas la preuve que ces documents aient altéré de manière substantielle son comportement économique alors même qu'elle ne justifie pas avoir passé des commandes qu'elle n'aurait pas passé en l'absence de ces messages et ne justifie pas de l'existence de pratiques commerciales trompeuses ni agressives.
L'article L. 121-1 du Code de la consommation dispose :
I.- Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...) 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (...)
e) La portée des engagements à l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; (...)
II.- Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celui-ci ne ressort pas déjà du contexte. (...)"
Si Mme X soutient que la société Afibel lui a adressé des présentations fausses ou pouvant induire en erreur portant sur des engagements dont la portée était sujette à caution et qu'elle a dissimulé ou fourni de façon ambigue des informations, il résulte des développements précédents que le consommateur normalement attentif et avisé ne pouvait se méprendre sur l'étendue des obligations de la société Afibel par une lecture exhaustive et raisonnablement attentive des documents fournis, ainsi que le souligne justement le premier juge.
Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 121-37 du même Code, dans sa rédaction applicable au présent litige que "Les documents présentant l'opération publicitaire ne doivent pas être de nature à susciter la confusion avec un document administratif ou bancaire libellé au nom du destinataire ou avec une publication de la presse d'information.
Ils comportent un inventaire lisible des lots mis en jeu précisant, pour chacun d'eux, leur nature, leur nombre exact et leur valeur commerciale."
Ils doivent également reproduire la mention suivante : " Le règlement des opérations est adressé, à titre gratuit, à toute personne qui en fait la demande ". Ils précisent, en outre, l'adresse à laquelle peut être envoyée cette demande ainsi que le nom de l'officier ministériel auprès de qui ledit règlement a été déposé en application de l'article L. 121-38.
Mme X fait valoir que des documents se présentant comme des chèques bancaires lui ont été adressés et qu'ils ne contenaient pas un inventaire lisible des lots mis en jeu précisant, pour chacun d'eux, leur nature, leur nombre exact et leur valeur commerciale.
Le premier juge a justement relevé que la pièce 5.1 intitulée " Garantie de Paiement " ne peut être assimilée à un chèque bancaire dans la mesure notamment où elle n'est pas libellée au nom de Mme X, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 121-37 susvisé et que la pièce 6-1 intitulée " Compte de trésorerie " précise à deux reprises que le montant de 500 000 euros est " à partager " alors qu'il ne peut être confondu avec un document bancaire.
Ainsi, il résulte de ces éléments que ce document ne pouvait être confondu avec un véritable document bancaire en raison de sa taille et de son libellé.
En conséquence, alors même qu'elle ne justifie pas de l'existence d'un préjudice en lien avec direct avec les messages contenus dans les documents publicitaires adressés par la société Afibel, Mme X ne rapporte pas la preuve d'une faute imputable à la société Afibel ni de pratiques commerciales trompeuses et déloyales au sens des dispositions susvisées de sorte qu'elle sera déboutée de l'ensemble de ses demandes de ce chef, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.
Sur la responsabilité délictuelle de la SCP Warlop-Millois-Spatari
Aux termes des dispositions de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
Mme X met en cause la responsabilité civile délictuelle de l'étude d'huissier qui a prêté son concours aux pratiques de la société Afibel qui, selon elle, constituent des pratiques commerciales trompeuses.
Il résulte des développements précédents que les dispositions du Code de la consommation n'ont pas été violées par la société Afibel, Mme X ne rapportant pas la preuve de l'existence de pratiques commerciales trompeuses, de sorte que la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande en paiement de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Il résulte des articles 1382 du Code civil et 32-1 du Code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement de l'appelante ayant dégénéré en abus, et le jugement du tribunal sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCP Warlop-Millois-Spatari de sa demande en dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
Mme X, partie perdante, sera condamnée à supporter les entiers dépens, de première instance et d'appel avec faculté de distraction au profit de Maître Y en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il n'apparaît inéquitable de la condamner à payer à la société Afibel, d'une part, et la SCP Warlop-Millois-Spatari, la somme de 3 000 euros à chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Rejette les demandes de la SCP Warlop-Millois Spatari au titre de la recevabilité de l'appel et de la caducité de l'appel ; Confirme le jugement entrepris en toute ses dispositions ; Y ajoutant : Condamne Mme X à payer à la société Afibel et à la SCP Warlop-Millois-Spatari la somme de 3 000 euros à chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Mme X aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Y.