Livv
Décisions

CA Orléans, ch. civ., 30 septembre 2019, n° 18-00158

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fraiseraie de Sologne (EARL)

Défendeur :

European Trade (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guyon Nerot

Conseillers :

Mmes Hours, Malignac

Avocats :

Mes Queste, Adjemian

TGI Blois, du 14 déc. 2017

14 décembre 2017

Selon devis établi le 9 avril 2008 au montant de 10 178,45 euros HT qui prévoyait la fourniture de divers matériaux destinés à l'édification d'un abri climatique et une assistance au montage, l'Earl Fraiseraie de Sologne qui exerce une activité de culture de fraises, a adressé une commande à la société Européan Trade, laquelle lui a adressé trois factures les 30 mai, 18 juillet 2008 et 12 juin 2009 aux montants TTC, respectivement, de 6 115,63 euros, 1 887,30 euros et 824,48 euros.

Exposant que la société European Trade ne lui a pas fourni de piquets, qu'elle a dû se les procurer auprès d'une entreprise tierce, la société Guedon, que bien qu'un préposé de la société European Trade l'ait assistée dans les opérations de montage, l'abri s'est effondré le 29 novembre 2010, qu'elle a sollicité de son assureur juridique qu'il missionne un technicien, lequel, au contradictoire de la société Guedon alors mise en cause, a déposé un rapport le 26 mai 2011, puis sollicité de la juridiction des référés la désignation d'un expert, monsieur X désigné par la cour d'appel établissant son rapport le 8 février 2014, l'Eurl La Fraiseraie de Sologne a assigné la société European Trade au fond afin d'obtenir, sur le fondement des articles 1147 et 1787 du Code civil, la réparation de son préjudice chiffré à la somme de 20 800 euros dans le dernier état de la procédure, ceci selon acte du 11 août 2014.

Par jugement contradictoire rendu le 14 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Blois a, en substance, rejeté la demande de complément d'expertise formée par la requérante, constaté que la société European Trade n'a pas manqué à ses obligations contractuelles, rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires formées par l'Earl Fraiseraie de Sologne, rejeté les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en condamnant la requérante à supporter les entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

Par dernières conclusions notifiées le 29 avril 2019, l'exploitation agricole à responsabilité limitée La Fraiseraie de Sologne, appelante, demande pour l'essentiel à la cour d'infirmer le jugement, de rejeter toutes les prétentions adverses et, à titre principal de condamner l'intimée à lui verser la somme de 20 800 euros en réparation de son préjudice, subsidiairement d'ordonner un complément d'expertise confiée au même expert aux fins de déterminer le matériel fourni par la société European Trade, en particulier les ancrages et fils de tension, ainsi que sa perte d'exploitation, en tout état de cause de condamner cette dernière à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

Par dernières conclusions notifiées le 7 mai 2019 la société par actions simplifiée European Trade exerçant sous l'enseigne Emis France prie essentiellement la cour, au visa des articles 1147 et 1134 du Code civil, principalement de confirmer le jugement sauf en son rejet de sa demande au titre des frais de procédure, subsidiairement et avant dire droit de faire droit à la demande de complément d'expertise, aux frais avancés de l'appelante, à l'effet de déterminer le matériel qu'elle a fourni, de donner son avis sur la responsabilité de l'Earl Fraiseraie de Sologne dans le choix de la méthode d'ancrage et plus généralement sur les responsabilités encourues, en tout état de cause de condamner l'appelante à lui verser, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, deux fois la somme de 2 000 pour les frais de procédure exposés en première instance puis en appel, en la condamnant à supporter les entiers dépens incluant les frais d'expertise.

SUR CE,

Sur l'engagement de la responsabilité de la société European Trade :

Attendu qu'évoquant l'obligation de délivrance du vendeur professionnel qui comprend les accessoires de la chose vendue outre son obligation d'information s'étendant à celle d'attirer l'attention de l'acquéreur sur les inconvénients liés à la qualité du matériau choisi et sur les précautions à prendre - laquelle n'exclut pas, précise-t-elle, celle de l'installateur - et qui se trouve accrue lorsqu'un professionnel est en présence d'un acheteur profane, l'Eurl La Fraiseraie de Sologne reproche au tribunal d'avoir rejeté sa demande au motif qu'elle a refusé la prestation d'assistance au montage que la société European Trade lui proposait dans son devis ;

Qu'elle fait successivement valoir que l'assistance au montage d'une durée de trois jours était mentionnée mais non déterminée dans le devis et qu'il a pu en être convenu ultérieurement, que dans la mesure où la société European Trade la renvoyait à se fournir en piquets auprès d'un tiers, elle devait s'assurer de la conformité du matériau, que la télécopie destinée à prouver son refus d'assistance, incomplète et dont la transmission n'est pas prouvée, ne peut lui être opposée, d'autant qu'elle ne l'a pas refusée, et que, surtout, la société European Trade a missionné, durant une journée, un salarié dont il ne peut lui être opposé qu'il exerçait une activité commerciale dès lors qu'il aurait dû s'adjoindre un employé ayant les compétences requises afin d'effectuer une prestation d'assistance qui lui a été offerte à titre commercial, peu important qu'elle n'ait pas été facturée ; que cela la conduit à affirmer qu'accessoire de la relation contractuelle, cette prestation est donc entrée dans son champ ;

Qu'elle ajoute qu'elle ne peut être regardée comme étant maître de l'ouvrage, qu'il ne ressort pas de l'expertise qu'elle ait seule réalisé l'ancrage artisanal en cause, que le seul fait que la société European Trade soit intervenue suffit à engager sa responsabilité en cas de manquement et qu'en l'espèce le préposé de cette société aurait dû vérifier la conformité des piquets, contrôler et donner des conseils lorsqu'il a été procédé aux opérations d'ancrage, les ancres lui ayant d'ailleurs été fournies par son adversaire ;

Attendu, ceci rappelé et s'agissant de la cause du sinistre ainsi que de ses conséquences, que l'expert judiciaire, se prononçant dans le même sens que le technicien mandaté par l'assureur, indique dans son rapport que l'effondrement de l'abri s'est produit à l'occasion d'une chute de neige sans caractère exceptionnel et que les matériaux fournis étaient conformes à l'usage auquel ils étaient destinés ; qu'il retient en revanche une insuffisance d'ancrage et une tension des fils approximative et conclut qu'il n'en est pas résulté de perte d'exploitation, l'abri étant vide, mais la nécessité d'un démontage, d'un arrachage des piquets et d'un remontage avec de nouvelles fournitures, le tout étant évalué à la somme de 20 800 euros ;

Que, s'agissant de définir les obligations de la société European Trade, dont l'activité porte,

selon l'extrait Kbis versé aux débats sur la " vente, import, export de tissus et filets destinés à usage particulier et de tous autres matériaux similaires et complémentaires ", que si le devis initial comportait une " assistance au montage, 3 jours à déterminer " à raison de 1 350 euros pour trois journées, outre le fait que le devis accepté porte la mention manuscrite " non " en regard de la prestation d'assistance à déterminer, l'examen des bons de livraison et factures produits révèle que l'objet du contrat a porté sur la vente de matériaux, comme le fait valoir l'intimée, lesquels n'ont pas eu un rôle causal dans la production du dommage, ainsi qu'il ressort des constatations expertales ;

Que l'Earl La Fraiseraie de Sologne ne peut donc se prévaloir d'une quelconque convention portant sur l'assistance au montage visée dans le devis, le chargé d'affaires de la société ATDE exposant dans une attestation datée du 20 février 2015, que dans le cadre de la collaboration que sa société a coutume d'entretenir avec la société European Trade, " lorsqu'il s'agit d'une simple assistance au montage d'un abri climatique, d'une durée de trois ou quatre jours, le montant de cette prestation s'élève à la somme de 1 350 euros HT. Cette somme est refacturée à la société Emis France qui prend à sa charge nos frais de déplacement et hébergement " ;

Qu'il est vrai qu'un salarié de la société European Trade, dont il n'est pas contesté qu'il exerçait des activités commerciales au sein de cette société, est intervenu lors des opérations de montage, encore que ne soient pas précisées la date, la durée et la nature précise de cette intervention, seul étant incriminé le manquement de celui-ci à ses devoirs d'information et de conseil, et que l'appelante peut se prévaloir d'un contrat sans contrepartie onéreuse conclu dans son intérêt exclusif et qu'elle a tacitement accepté, lequel n'exonère pas pour autant la société de toute faute commise par son préposé à son égard ;

Qu'il appartient néanmoins à l'Eurl La Fraiseraie de Sologne qui, eu égard à ce qui précède sur le domaine de spécialité de la société European Trade, ne peut la tenir pour un professionnel de l'assistance au montage et se prévaloir d'une obligation d'information renforcée, de démontrer que, par son préposé, elle a concouru à la réalisation du dommage ;

Qu'à cet égard, c'est à juste titre que la société intimée oppose à l'Eurl La Fraiseraie de Sologne, qualifiée tant de maître de l'ouvrage que de maître d'œuvre dans la réalisation de l'installation par l'expert judiciaire, le fait qu'elle est responsable de ses choix techniques et que s'il pouvait être attendu de son préposé qu'il délivre informations et conseils relatifs aux matériaux objet de la livraison, il ne peut lui être reproché de ne pas s'être prononcé sur l'ancrage - préalablement réalisé par l'Eurl elle-même (" avant trous à la tarière, piqués enfoncés de 1 m ") et de façon non conforme aux règles de l'art, comme décrit et analysé par l'expert - ou sur la tension des fils de faîtage - l'examen des factures révélant que s'ils devaient être livrés, en sus d'un câble, dans le devis, seul ce câble fut commandé et livré - ;

Que rien ne permet de retenir que la société European Trade se soit trouvée débitrice d'une obligation d'information et de conseil excédant la mise en place des seuls matériaux livrés, plus précisément la mise en place des filets de protection qui ne sont pas à l'origine du dommage, que la demande d'un complément d'expertise portant sur les ancrages, fils de tension ou pertes d'exploitation ne se justifie aucunement, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il dispose que la demande en paiement, laquelle, qui plus est, n'aurait pu s'analyser qu'en une perte de chance, ainsi que cette demande de complément d'expertise doivent être rejetées ;

Sur les autres demandes :

Attendu, sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, qu'il n'y a pas lieu à infirmation du jugement sur ce point ; que l'Eurl La Fraiseraie de Sologne sera, en revanche, condamnée à verser à la société European Trade la somme de 2 000 euros à ce titre, ainsi que requis pour ce qui est de l'instance d'appel ;

Que, déboutée de ce dernier chef, l'appelante qui succombe supportera les entiers dépens en sus des dépens de première instance incluant les frais d'expertise ;

Par ces motifs Confirme le jugement et, y ajoutant ; Déboute l'Eurl La Fraiseraie de Sologne de ses demandes au titre de ses frais non répétibles et des dépens ; Condamne l'Eurl La Fraiseraie de Sologne à verser à la société European Trade SAS exerçant sous l'enseigne Emis France la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.