CA Douai, 2e ch. sect. 2, 10 octobre 2019, n° 14-01367
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Aleo Industrie (SARL)
Défendeur :
Artois Equipement (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mmes Cordier, Fallenot
FAITS ET PROCEDURE
En 1986, M. X et M. Y (frères) ont constitué ensemble la SARL Design Corporel, successivement dénommée Sems puis Aléo industrie, le capital étant respectivement réparti entre les deux associés à hauteur de 49 et 51 %.
M. X a été désigné gérant.
La société, qui avait initialement pour objet social la fabrication et la commercialisation d'appareils de sport, a diversifié son activité, pour créer, fabriquer et commercialiser des portails, portillons et clôtures sous l'appellation " Portails des Flandres ".
Le 15 décembre 2000, M. Y a été nommé co-gérant. Il a conservé la direction commerciale de la société, la direction technique relevant de M. X.
En mai 2003, Mme Y, épouse de M. Y, a créé la société Artois équipement. Elle en est seule associée et gérante.
L'entreprise a pour objet social la commercialisation et l'installation de portails, portillons et porte de garages.
Par contrat du 1er septembre 2003, la société Aléo industrie, représentée par Y a confié la commercialisation et la distribution exclusive de sa gamme fermeture, sur un secteur géographique déterminé, à la société Artois équipement.
Le 6 juillet 2011, M. Y a été révoqué de son mandat de co-gérant de la société Aléo industrie.
Le 4 octobre 2011, la société Aléo industrie a assigné au fond M. Y et la société Artois équipement devant le tribunal de commerce de Lille Métropole afin de les voir condamnés à lui verser la somme de 904 456, 60 euros sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil et L. 223-22 du Code de commerce.
Le 29 mai 2012, M. Y a assigné au fond M. X afin de le voir condamner à des dommages et intérêts pour la révocation de son mandat de gérant, l'estimant abusive et vexatoire.
Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 18 décembre 2013, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- condamné M. L. à payer à la SARL Aléo industrie la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice causé par son implication fautive et directe dans l'activité de la SARL Artois équipement,
- condamné la SARL Aléo industrie à payer à M. Y une somme de 120 000 euros en réparation de ses préjudices économique et moral au titre de la révocation vexatoire et abusive de son mandat de co-gérant de la SARL Aléo industrie,
- dit qu'il y aura compensation entre les deux condamnations,
- débouté la SARL Aléo industrie de ses demandes au titre de fautes commises dans l'exécution du contrat de distribution qui la liait à la SARL Artois équipement, tant à l'encontre de M. Y que de la SARL Artois équipement,
- débouté M. Y de ses demandes à l'encontre de M. X,
- condamné la SARL Aléo industrie qui succombe pour l'essentiel dans ses demandes, à payer à M. Y et la SARL Artois équipement la somme de 5 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs de demandes,
- condamné la SARL Aléo industrie aux entiers dépens de l'instance.
Les premiers juges ont estimé que M. Y avait commis des fautes de gestion et abusé de son mandat en consacrant son activité à la société Artois équipement.
Sa révocation était justifiée pour cette raison, le tribunal octroyant 60 000 euros à titre de réparation à la société Aléo industrie, mais était reconnue pour abusive et vexatoire aux motifs que son implication dans les activités de la société Artois équipement était connue au sein de la société Aléo industrie dont elle ne pouvait être qualifiée de concurrent, son comportement n'avait l'objet d'aucun reproche, aucun débat amiable entre associés n'ayant eu lieu avant la révocation, outre que les constats d'huissier autorisés avaient porté atteinte à sa réputation.
La société Aléo industrie était donc à ce titre condamnée à payer la somme de 120 000 euros en réparation des préjudices moral et économique de M. Y.
Le tribunal a considéré que la société Artois équipement n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles, cette dernière, en qualité de distributeur agrée, ne pouvait commettre d'actes de concurrence déloyale, avait respecté son exclusivité d'approvisionnement, la société Aléo étant au final bénéficiaire des commandes issues des ventes conclues par la société Artois équipement en dehors de sa zone d'exclusivité. La rupture du contrat de distribution était imputée à la société Aléo industrie.
Par déclaration en date du 27 février 2014, la SARL Aléo industrie et M. X ont interjeté appel.
Parallèlement, soupçonnant M. Y de déplacer l'activité au profit de la société Artois équipement en violation de son mandat de gérant et au mépris de l'intérêt social de la société Aléo industrie, cette dernière a sollicité et obtenu, par ordonnance du 20 mai 2011, au visa de l'article 145 du Code de procédure civile la désignation d'un huissier aux fins de procéder à la consultation et la copie de documents au siège de la société Artois équipement, qui est également le domicile de sa gérante et de M. Y, concernant les relations entre les deux sociétés et le rôle de Y dans l'activité d'Artois équipement, l'huissier pouvant se faire assister de tout technicien de son choix.
Par ordonnance du 21 février 2012, le tribunal a rejeté la demande de rétractation, rejet confirmé sur appel interjeté par la société Artois équipement par arrêt de la cour d'appel de Douai du 13 mars 2013, lequel a été a cassé et annulé en toutes ses dispositions par arrêt en date du 26 juin 2014 de la Cour de cassation.
Sur saisine après cassation (instance 14/4705), la cour d'appel de Douai, autrement composée, a par arrêt du 3 décembre 2017, notamment infirmé l'ordonnance du 21 février 2012, rétracté l'ordonnance sur requête rendue le 20 mai 2011, débouté la société Aléo industrie de sa demande de désignation d'un huissier aux fins de constatation dans les locaux de la SARL Artois équipement, prononcé la nullité du constat d'huissier dressé le 17 juin 2011, et fait interdiction d'user des documents ainsi obtenus.
Dans le cadre de la présente procédure, plusieurs événements ont émaillé cet appel.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 21 mai 2015, statuant sur une demande d'incident formulée par la SARL Artois équipement et M. Y, il a été sursis à statuer dans le présent litige, dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel dans l'instance 14/4705.
Par conclusions d'incident en date du 6 mai 2016, la SARL Artois équipement et M. Y ayant saisi le conseiller de la mise en état de demandes de communication de pièces, les défendeurs à l'incident ayant indiqué les avoir transmis et les parties sollicitant successivement des renvois, une radiation de l'incident a été prononcée le 14 février 2017.
Par conclusions d'incident récapitulatives signifiées par voie électronique en date du 4 décembre 2017, la SARL Aléo industrie et M. X ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de communication de pièces.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 8 février 2018, la demande de production forcée par la société Artois équipement des pièces sollicitées par X et la société Aléo industrie a été rejetée, tout comme la demande de mesure d'instruction, par le biais d'une expertise, le présent litige étant renvoyé à l'audience collégiale du 27 septembre 2018.
Le tribunal de commerce de Lille Métropole ayant ouvert le redressement judiciaire de la société Aléo, par jugement du 26 mars 2018, une ordonnance d'interruption de l'instance a été rendue le 21 juin 2018.
Par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 16 mai 2018, le redressement judiciaire de la société Aléo Industrie a été converti en liquidation judiciaire.
Le 18 septembre 2018, Me A, en qualité de liquidateur de la société Aléo Industrie intervient volontairement à la présente procédure et indique faire siennes les écritures signifiées et déposées le 23 mars 2018 par la SARL Aléo industrie.
MOTIVATION
Par conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique en date du 28 novembre 2018, la SARL Aléo industrie représentée par son liquidateur Me A demande à la cour de :
- constater que Me A ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Aléo industrie constitue Me B, avocat associé au sein de la Selarl B,
- constater que Me A ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Aléo industrie entend reprendre l'instance un temps interrompue par le prononcé du redressement judiciaire puis de la liquidation judiciaire de la SARL Aléo industrie,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 décembre 2013 en ce qu'il a constaté le comportement fautif de Monsieur Y dans l'exercice de son mandat de co-gérant de la société Aléo Industrie et constaté que sa révocation était justifiée,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 décembre 2013 en toutes ses autres dispositions.
- et statuant à nouveau :
- constater que la société Artois équipement a manqué à ses obligations contractuelles résultant du contrat de distribution exclusive du 1er septembre 2003 en respectant la zone d'exclusivité territoriale qui lui avait été accordée et en prospectant hors de celle-ci,
- constater que M. Y a manqué à ses obligations de cogérant et agit contre l'intérêt de la société Aléo Industrie en détournant son activité et des clients à la société Artois équipement ainsi qu'en lui accordant des avantages exorbitants en fraude du contrat de distribution et de la nécessaire égalité entre les distributeurs du réseau,
- constater que la société Artois équipement avec la complicité de M. Y a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société Aléo industrie,
- condamner, en conséquence, solidairement M Y et la société Artois équipement à payer à la société Aléo Industrie, sur le fondement des articles 1134, 1147, 1382 et 1383 anciens du Code civil et L. 223-22 et suivants du Code de commerce, la somme principale de 675 129,53 , avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 4 octobre 2011 à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
- subsidiairement, ordonner une mesure d'instruction, sur le fondement des 263 et suivants du Code de procédure civile, et désigner pour y procéder tel expert judiciaire qui plaira à la Cour avec pour mission de déterminer et évaluer les préjudices subis par la société Aléo Industrie et en particulier :
- d'accéder et se faire communiquer tous documents, administratifs, comptables ou financiers par la société Artois équipement nécessaire à l'exécution de la présente mission,
- prendre connaissance du contrat de distribution conclu entre les sociétés Aléo Industrie et Artois équipements le 1er septembre 2003 et prendre acte de la zone d'exclusivité délimitée par son article 2 et les obligations contractuelles incombant à la société Artois équipement,
- rechercher et/ou se faire remettre par la société Artois équipement l'ensemble des bons de commandes, devis et factures établi par la société Artois équipement pour des clients et/ou prospects hors de sa zone géographique d'exclusivité telle que fixée par l'article 2 du contrat de distribution du 1er septembre 2003 et en relation avec des portails, portillons et clôtures, sur la période du 1er janvier 2008 au 6 juillet 2011,
- rechercher et/ou se faire remettre par la société Artois équipement l'ensemble des prospects/contacts clients et bons de commandes, devis et factures de ventes de portails, portillons et clôtures dont la gestion était affectée à M. Y au nom et pour le compte de la société Artois équipement, sur la période du 1er janvier 2008 au 6 juillet 2011,
- de rechercher et/ou déterminer les marges réalisées sur les ventes de portails, portillons et clôtures hors de la zone géographique d'exclusivité fixée par l'article 2 du contrat de distribution du 1er septembre 2003,
- déterminer et chiffrer :
* le montant global des ventes et les marges réalisées par la société Artois Equipement sur la période du 1er janvier 2008 au 6 juillet 2011 hors de sa zone d'exclusivité,
* le montant global des ventes et les marges sur lesquelles Monsieur Y est intervenu pour le compte de la société Artois équipement,
- évaluer les préjudices subis par la société Aléo Industrie à raison des ventes par la société Artois équipement hors de sa zone géographique contractuelle,
- communiquer dans son rapport l'ensemble des pièces utilisées pour la détermination de ces marges et de ces montants,
- dire que l'expert judiciaire ainsi désigné pourra interroger tout sachant et s'adjoindre tout sapiteur de son choix,
- dire que la première réunion d'expertise devra intervenir dans le délai maximum d'un mois à compter de la consignation au Greffe de la provision qui sera fixée,
- dire que l'expert judiciaire devra établir et transmettre aux parties son pré-rapport en leur octroyant un délai raisonnable pour présenter leurs dires et observations, conformément à l'article 276 du Code de procédure civile,
- dire que l'expert judiciaire devra rendre son rapport dans le délai maximal de 6 mois maximum à compter de la consignation au Greffe de la provision qui sera fixée,
- dire que la mesure d'expertise ainsi ordonnée sera effectuée aux frais avancés solidairement par la société Artois équipement et M. Y,
- prononcer la résiliation du contrat de distribution du 1er septembre 2003, sur le fondement de l'article 1183 du Code civil, aux torts et griefs exclusifs de la société Artois équipement,
- déclarer irrecevable, sur le fondement de l'article 564 du Code de procédure civile, la demande additionnelle de la société Artois Equipement tendant à la condamnation de la société Aléo Industrie à lui payer la somme de 50 000 , pour avoir demandé, obtenu et exécuté l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce d'Arras.
- débouter la société Artois équipement et M. Y de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
- condamner, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, solidairement M Y et la société Artois équipement à payer à la société Aléo Industrie la somme de 15 000 .
- condamner solidairement Monsieur Y et la société Artois équipement aux entiers frais et dépens, en ce compris le coût des constats d'huissier.
Elle revient sur :
- la constitution de la société Artois équipement, des liens unissant les sociétés et le contrat du 1er septembre 2013,
- la découverte du pillage de l'activité de la société Aléo industrie, cette dernière ayant été alertée par son commissaire aux comptes lors de l'établissement des comptes annuels 2010, lequel avait constaté une perte de marge significative affectant les portails commercialisés par l'intermédiaire de la société Artois équipement,
- le constat parallèle d'un effondrement du chiffre d'affaires réalisé par Y,
- les opérations de constat réalisées sur requête le 17 juin 2011,
- la révocation et le licenciement de M. Y,
- la dénonciation du contrat de distribution le 29 août 2011 pour le 31 août 2012 conformément au préavis prévu par l'article 9 du contrat.
Elle fait valoir que, sous couvert d'agir en distributeur, la société Artois équipement avec la complicité de M. Y, s'est livrée à une véritable concurrence déloyale en captant et détournant la clientèle, notamment grâce à :
- la confusion volontairement organisée par eux directement auprès des clients et prospects, en particulier par le mimétisme de la communication commerciale avec celle de la société Aléo industrie,
- le traitement préférentiel irrégulièrement octroyé par M. Y à la société Artois équipement dans le processus de fabrication de la société Aléo industrie,
- le débauchage de salariés de la société Aléo industrie par la société Artois équipement,
- la finalisation de sa stratégie par la rupture immédiate et prématurée du contrat.
Elle précise l'organisation de la distribution de la " gamme fermeture " de la société Aléo industrie avec deux types de commercialisation interne et externe, les zones de chalandises non affectées à un distributeur particulier, relevant d'une commercialisation directe par la société Aléo industrie et rappelle que le profit réalisé sur une vente directe est supérieur à celui réalisé par l'intermédiaire d'un distributeur (marge brute sur l'intégralité de la prestation).
Elle en déduit que :
- toute vente réalisée par un revendeur en fraude de sa zone d'exclusivité constitue donc un préjudice pour la société Aléo,
- les premiers juges ne pouvaient considérer que les manquements de la société Artois équipements à ses obligations n'occasionnaient qu'une désorganisation interne de la société Aléo industrie,
- la société Artois équipement ne se positionnait plus en un " distributeur agréé " mais en un véritable concurrent,
- la société Artois équipement n'était pas tenue uniquement au respect d'une obligation d'approvisionnement mais ne pouvait distribuer ces produits que dans la zone contractuellement délimitée.
Elle maintient que :
- malgré les dénégations de la société Artois équipement, les fonctions de M. Y comprenaient la direction commerciale de la société Aléo industrie et la commercialisation de portails sur la Zone " B ", sud-ouest de Lille suite à la cessation d'activité de la société Espace équipement,
- ce n'est qu'en raison de sa fonction d'installateur agréé pour la zone " b " qu'il a pu dissimuler sa gestion courante de dossiers au nom et pour le compte de la société Artois équipement.
- le nombre de dossiers directement traités par M. Y n'est pas compatible avec une simple mission d'assistance occasionnelle.
Elle souligne que :
- la réalisation régulière des ventes hors zone d'exclusivité est établie par le constat d'huissier de justice effectuée en son siège,
- la société Artois équipement a prospecté dans les zones réservées à la société Aléo ou celle relevant d'un autre distributeur, et non uniquement dans celle de M. Y, sans transmission de prospect,
- la société Artois équipement a conservé de nombreux prospects et ne peut justifier ses manquements par le fait que la frontière entre les différentes zones ne serait pas étanche, en se fondant sur une exception qui avait été convenue avec la société Aléo industrie,
Elle soutient que :
- M. Y privilégiait la société Artois équipement jusqu'à lui transmettre des prospects s'adressant d'abord à Aléo industrie, bien qu'ils ne relèvent pas de sa zone d'exclusivité, comme le montre le rapport de M D.,
- M. Y consacrait son activité à la commercialisation des portails au nom et pour le compte de la société Artois équipement et participait activement au pillage de l'activité portails de la société Aléo industrie,
- le chiffre d'affaires de M. Y sur sa zone de commercialisation s'est effondré, sans pouvoir s'expliquer par la conjoncture économique,
- l'animation commerciale du réseau de distribution n'autorisait pas Y à s'exonérer de la commercialisation directe des produits de la société Aléo industrie,
- l'effritement du chiffre d'affaires individuel de M Y résultait des déplacements de son activité au bénéfice de la société Artois équipement,
- le constat d'huissier établit que M. Y s'est au moins présenté à 72 prospects comme le directeur commercial de la société Artois équipement.
De manière générale, elle indique que la société Artois équipement ne peut contester les éléments recueillis en prétendant que les tableaux établis par la société Aléo industrie seraient des éléments créés de toutes pièces, ou des preuves faites à soi-même, ceux-ci étant exclusivement fondés sur les éléments obtenus lors des opérations de constats.
Elle conteste que la confusion entretenue par M. Y auprès des prospects, notamment en se présentant comme le " directeur " de la société Artois équipement, ait fait partie d'un politique commerciale, conforme aux intérêts de la société Aléo industrie.
Elle fait valoir que :
- la société Artois équipement a organisé sa communication avec un graphisme très proche (page web, modèles de proposition commerciale), sans que cela puisse être présenté comme la continuité de l'identité visuelle et commerciale voulue au sein du réseau de distribution,
- M. Y a utilisé la communication de la société Aléo pour promouvoir la fabrication et la vente ou la pose d'escaliers, produits commercialisés que par la société Artois équipements, publicité qui n'avait donc d'intérêt que pour cette dernière,
Elle conteste toute organisation par X d'une confusion similaire avec la société X Création dont il est le gérant et toute prise de commandes d'escaliers par la société X Créations en concurrence avec la société Aléo industrie. Toutes les prestations ont fait l'objet d'une facturation.
Elle estime que la société Artois équipement a fait l'objet d'un traitement préférentiel, aux motifs que :
- une priorité était accordée dans le processus de production de la société Aléo Industrie,
- des salariés et des moyens de la société Aléo industrie ont été requis au profit d'Artois équipement,
- des tarifs préférentiels étaient accordés, les portails étant vendus systématiquement à la société Artois équipement en deçà de leur prix de vente aux distributeurs et sans respecter la marge minimale de 40 %.
Elle plaide qu'avant de lui avoir notifié son intention de dénoncer le contrat de société de distribution, la société Artois équipement avait procédé au débauchage de salariés, les annonces déposées auprès de Pôle emploi ayant uniquement pour but de conférer à ces débauchages l'apparence de la régularité et l'éventuelle dégradation des conditions de travail n'étant que la résultante du malaise des salariés au regard des agissements de la société Artois équipement et de M. Y.
Au titre des préjudices, elle expose que :
- elle s'est rapprochée de M. D. afin qu'il confirme les méthodes de calcul employées et justifie l'évaluation de ses préjudices,
- en prenant en considération les années 2008, 2009, 2010 et 2011, elle établit son préjudice personnel direct et certain à la somme de 156 777 euros correspondant à la perte de marge sur les portails, 293 185, 53 euros correspondant à la perte de marge sur les ventes réalisées hors de la zone géographique contractuelle, et 255 167 euros correspondant à 50 % du coût de M. Y pris en charge par la société Aléo industrie alors qu'il ne vendait plus de produits, n'animait plus l'équipe commerciale et ne gérait plus le site internet.
Subsidiairement, elle sollicite la désignation d'un expert pour évaluer les préjudices subis par la société Aléo industrie.
Sur la dénonciation du contrat de distribution, elle fait valoir que :
- la dénonciation est régulière et conforme à l'article 9 du contrat,
- il n'existe pas de rupture brutale des relations commerciales, le délai de préavis étant d'un an,
- les modifications des prix publics et des délais de livraisons ont été appliquées à égalité avec l'ensemble de ses distributeurs,
- c'est Artois équipement qui a décidé de cesser toute commande à compter du 18 juillet 2011 puis de mettre un terme immédiat à ces relations, le 13 octobre 2011, sur la base de motifs fallacieux.
S'agissant de la révocation de M. Y de sa fonction de gérant, elle conteste :
- tout abus dans la révocation, laquelle est fondée, au regard des fautes commises, sur de justes motifs et visait à la préservation des intérêts de la société Aléo industrie, soulignant en outre que le principe du contradictoire avait été respecté, ce dernier étant en mesure de présenter ses observations sur les motifs de sa révocation,
- tout exercice de cette dernière dans des conditions vexatoires à raison des constats d'huissier diligentés aux sièges sociaux des deux entreprises, faisant observer que :
- les premiers juges ne pouvaient sans contradiction contester l'utilité des constats et se fonder sur les preuves obtenues dans le cadre de ces mesures pour condamner au titre des fautes commises dans l'exécution du mandat de gérant,
- ces opérations ont été effectuées dans le cadre de mesures autorisées, la cour de cassation ne s'étant jamais prononcée sur la légitimité ou les conditions dans lesquelles les opérations se sont déroulées,
- aucune intimité n'a été violée,
- le fait que la révocation ait été accompagnée de dénigrements, propos injurieux ou d'une publicité malveillante.
- le montant des préjudices moral et économique de la société, lesquels ont été exagérés, les premiers juges ne pouvant après avoir constaté le caractère justifié de la révocation, allouer des dommages et intérêt au titre du prétendu préjudice économique subi par Y.
La société Aléo industrie fait état également d'une absence de faute de M. X, soulignant que la responsabilité d'un associé qui lors d'une assemblée générale vote la révocation d'un gérant ne peut être engagée que si deux conditions cumulatives sont réunies, lesquelles font défaut en l'espèce.
Elle soulève l'irrecevabilité de la demande additionnelle de la société Artois équipement, identique à celle présentée dans une autre instance à savoir la procédure de rétractation et souligne l'incontestable utilité probatoire du constat réalisé au siège social de la société Artois équipement.
Par conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique en date du 28 novembre 2018, M. X demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 décembre 2013 en ce qu'il a constaté le comportement fautif de Monsieur Y dans l'exercice de son mandat de co-gérant de la société Aléo industrie et constaté que sa révocation était justifiée,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 18 décembre 2013 en toutes ses autres dispositions ;
- débouter Monsieur Y et la société Artois équipement et de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
- en conséquence,
- dire et juger que Monsieur Y a manqué à ses obligations de cogérant et agit contre l'intérêt de la société Aléo industrie en détournant son activité et des clients à la société Artois équipement ;
- dire et juger que la révocation de Monsieur Y est fondée au regard de ses agissements ;
- dire et juger que les conditions de la révocation de Monsieur Y ne sont ni abusives ni vexatoires ;
- dire et juger que la responsabilité personnelle de Monsieur X en tant qu'associé ne saurait être qualifiée et retenue ;
- condamner solidairement Monsieur Y et la société Artois équipement à payer à Monsieur X la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Monsieur Y et la société Artois équipement à supporter solidairement le règlement des entiers dépens.
Il revient sur :
- la relation contractuelle, les deux sociétés et les différentes procédures,
- la révocation de Monsieur Y qui était justifiée au regard de ses agissements.
Il estime que :
- ne pas proposer la révocation de Y lors de l'assemblée générale ordinaire du 6 juillet 2011 aurait constitué une faute de gestion et conteste la qualification de révocation abusive retenue par le tribunal, faute de négociation amiable et préalable entre associés, ce qui porte atteinte au principe de la libre révocation des dirigeants,
- la révocation de Monsieur Y était fondée sur de justes motifs et visait uniquement la préservation des intérêts de la société Aléo industrie.
Il conteste toutes conditions dans la révocation de Monsieur Y qui n'était ni abusive ni vexatoire, les constatations reprises dans les constats établissant les justes motifs justifiant la rupture, mesure ayant été autorisée par décision de justice et ne pouvant avoir lieu qu'au domicile conjugal, puisqu'il s'agit également du siège de l'entreprise. Les opérations menées, autorisées par deux ordonnances, n'ont nullement porté atteinte à la réputation ou à l'honneur de Monsieur Y.
Il conteste le terme utilisé par les premiers juges qualifiant les opérations de " perquisition ".
Il s'oppose à ce que sa responsabilité personnelle soit recherchée en sa qualité d'associé, aux motifs qu' :
- il a agi dans l'intérêt de la société Aléo industrie et n'a jamais agi dans l'intérêt de la société X Création et donc dans son intérêt personnel,
- il n'a jamais cherché à détruire la société Artois équipement " par la brutale rupture des relations commerciales établies ",
- aucune faute détachable de la qualité d'associé, à savoir une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des prérogatives attachées à la qualité d'associé, n'est établie,
- il existe de justes motifs justifiant la révocation, qui n'a pas été réalisée dans des conditions abusives et vexatoires, pas plus que n'a été commise de sa part une faute personnelle distincte de celle qui aurait été commise en qualité d'organe de la société et surtout contraire à l'intérêt social.
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 26 novembre 2018, la société Artois équipement et M. Y demandent à la cour de :
- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a
- débouté la société Aléo industrie de son action en concurrence déloyale présentée à l'encontre de la société Artois équipement et de Monsieur Y
- dit et jugé que la révocation de Monsieur Y était abusive et vexatoire, et en réparation a condamné Aléo industrie à lui verser une somme de 120 000 de dommages et intérêt, qui devra désormais être fixée au passif de la procédure collective à même montant ;
- réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- au visa de l'article 1240 du Code civil, constater, dire et juger que Monsieur X a commis une faute personnelle, rattachable à son statut d'associé majoritaire (en tenant compte du mandat que lui confiait Monsieur C.) en votant dans la seule intention de nuire à son frère Y, sa révocation de son mandat de gérant, le privant ainsi, par la même occasion, de toute ressource complémentaire ;
- en réparation du préjudice, le condamner solidairement avec la société Aléo industrie à payer les 120 000 alloués à Monsieur Y ;
- débouter la société Aléo industrie de sa demande en réparation du préjudice consécutif aux prétendues fautes de Monsieur Y commises dans l'exercice de son mandat de co-gérant ;
- sur la demande additionnelle :
- dire et juger que la société Aléo industrie a sollicité, obtenu, et exécuté fautivement l'ordonnance rendue par Monsieur le Président du Tribunal de commerce d'Arras du 16 mai 2011 ;
- la condamner en conséquence à réparer, au bénéfice d'Artois équipement, le préjudice constitué par la transmission d'informations relevant du secret des affaires, évalué à la somme de 50 000 . Fixer cette somme au passif de la procédure collective ;
- en toutes hypothèses,
- débouter tant Monsieur X que la société Aléo industrie, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- ajoutant au jugement de première instance, les condamner solidairement à verser tant à Monsieur Y qu'à la société Artois équipement, une somme de 10 000 au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.
- condamner solidairement Monsieur X et Aléo industrie en tous les frais et dépens de la procédure.
Y comme la société Artois équipement contestent avoir commis une faute dans l'exécution de leur mandat ou du contrat de distribution aux motifs que :
- aucune preuve n'est apportée pour justifier de la dégradation du chiffre d'affaires à raison de leur comportement, le tableau excel produit n'étant qu'une preuve non certifiée par un expert-comptable, établie pour les besoins de la cause, constituée par une partie pour ses propres intérêts,
- la société Artois équipement est un partenaire historique et non un concurrent,
- la surimplication ou l'excès d'implication de M. Y dans l'activité d'Artois équipement n'est qu'un moyen créé de toute pièce par le tribunal pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. Y.
Ils réfutent :
- tout avantage tarifaire accordé par Y au profit de la société Artois équipement, étant observé que la marge tarifaire était établie par M. X et était scrupuleusement appliquée par son frère, en ce compris dans ses relations avec Artois équipement, étant observé que la marge de 40 % arrêtée par la partie adverse n'est étayée par aucun élément concret,
- tout raccourcissement des délais de production au profit de la société Artois équipement, la priorité dans la production relevant de la compétence de X, étant précisé que la seule intervention de Y sur la production était liée à la priorité absolue pour l'atelier de fabriquer les pièces manquantes ou défectueuse dans le cadre du SAV, la facture ne pouvant être payée faute de réception du produit.
Ils s'opposent à toute accusation relative à un détournement de commandes revenant à la société Aléo industrie, précisant que :
- M. Y reconnaît avoir aidé la société Artois équipement dans sa prospection tout comme il le faisait avec tous les revendeurs,
- X pouvait utiliser la même méthode pour la distribution des produits de la société X Création.
Ils soulignent que :
- l'éviction de M. Y d'Aléo industrie n'a pas favorisé le développement du chiffre ou amélioré la rentabilité de la société Aléo industrie,
- la seule concurrence déloyale identifiée est celle que commet X au profit de la société X Création au détriment de la société Aléo industrie, étant observé que si Aléo industrie et Artois équipement étaient partenaires, X Création et Aléo industrie n'avaient aucun partenariat,
- la notion de co-gérance majoritaire interdit la superposition de fonctions techniques avec le mandat social et le même grief de passer plus de temps à leur propre société qu'à la société commune peut être reproché à chaque gérant,
- aucune preuve ne vient étayer que M. Y ait consacré un temps disproportionné au développement de la société Artois équipement.
Ils estiment que la société Artois équipement s'est comportée comme un partenaire loyal et de bonne foi, contestant :
- les griefs de parasitisme, les sites et la communication ayant été créés, au même moment, avec une volonté de créer une identité graphique pour l'ensemble des distributeurs, afin d'assurer une identité visuelle et commerciale voulue notamment par les parties au litige,
- le manquement à l'exclusivité, puisque la société Artois équipement n'a jamais vendu de portails dans un secteur bénéficiant d'une exclusivité, (la carte de la répartition géographique des secteurs dont se prévaut X ayant été falsifiée, comme ne correspondant pas à la convention de 2003 et aux échanges postérieurs (zone libre)), et s'est comportée en un distributeur loyal et de bonne foi,
- le débauchage, deux et aujourd'hui trois collaborateurs ayant rejoint les effectifs d'Artois équipement postérieurement à l'éviction de Y, sans qu'il ne soit démontré une quelconque sollicitation de la part de Y et que ces embauches aient engendré une quelconque désorganisation.
Ils font valoir que la société Artois équipement a respecté le contrat de distribution qui constitue la loi des parties.
Sur la demande reconventionnelle de Y contre la société Aléo Industrie, ils sollicitent la confirmation estimant que :
- la rupture du mandat de co-gérant de Y, brutale à raison de la mise en place d'un débat tronqué, est vexatoire (contexte de la mesure sur requête) et abusive, comme n'étant fondée sur aucun grief pertinent.
- le préjudice a été justement apprécié et la réparation octroyée doit être comparée au montant qui aurait été alloué à un salarié qui totaliserait une même ancienneté que celle de M. Y en qualité de gérant dans cette société.
Ils sollicitent l'infirmation du rejet par le tribunal de la demande à l'encontre de M. X, soulignant :
- se placer sur le fondement de la faute délictuelle de ce dernier (exécution le même jour de deux ordonnances aux fins de constat, une révocation à l'aide de la seule part détenue en dehors des deux frères, une rupture brutale de relations commerciales, une assignation à la condamnation solidaire de la société et du frère au paiement d'une somme de 900 000 euros).
- lui reprocher une faute non au titre de la gestion mais au titre sa responsabilité en sa qualité d'associé investi du pourvoir majoritaire de révoquer son frère, nécessitant une volonté de nuire constitutive d'une faute personnelle, caractérisée par la brutalité de la rupture et la préméditation.
Sur la demande additionnelle de la société Artois équipement en cause d'appel, ils soutiennent que :
- ces mesures tendaient à d'autres fins que d'obtenir des preuves,
- l'exécution de l'ordonnance n'a fait que nuire au moral et à la réputation de Y et a permis d'appréhender des informations qui relèvent du secret des affaires et de connaître l'ensemble des secrets commerciaux de la société Artois équipement,
- la société Aléo industrie a par son détournement de la procédure commis un acte de la concurrence déloyale et a eu accès à la quintessence du fonds de commerce.
Par message RPVA en date du 5 septembre 2019, la cour a invité les parties à produire :
- la pièce numérotée 20 dans le bordereau de communication de l'appelant, laquelle ne figure pas au dossier communiqué à la cour, à savoir le procès-verbal de constat en intégralité, annexe comprise, dans sa version originelle,
- la pièce numérotée 9 dans le bordereau de communication de l'appelant, dans une version exploitable, à savoir un format lisible, avec des couleurs pouvant différencier les différents secteurs dont fait état l'appelant dans ses conclusions,
Les pièces sollicitées ont été produites dans le délai imparti par la société Aléo industrie.
MOTIVATION
Sur les manquements reprochés par la société Aléo Industrie
En vertu des dispositions de l'article 1147 ancien du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
Le simple fait que la société Artois équipement soit le distributeur agréé de la SARL Aléo industrie ne peut à soi seul conduire à écarter tout reproche de concurrence déloyale, étant précisé que la SARL Artois équipement regroupe maladroitement sous ce vocable générique de concurrence déloyale, usité dans un sens courant, des griefs relatifs au non-respect des conditions contractuelles prévues par le contrat de distribution unissant les parties, mais également des faits de pure concurrence déloyale, tel que le parasitisme, le débauchage, le traitement préférentiel.
Il convient donc d'examiner chacun des manquements reprochés par la société Aléo industrie à la société Artois équipement, lesquels auraient été favorisés par M. Y ou commis par ce dernier.
1) Sur les manquements aux obligations contractuelles résultant du contrat de distribution exclusive et la captation de clientèle
Le tribunal de commerce ne pouvait balayer ce grief, qualifiant les " longs développements sur le sujet " d'" inopérants ", au seul motif que la société Artois équipement était un distributeur agréé et non un concurrent et que " s'il y a faute, elle n'a eu de conséquence qu'en interne relativement à l'organisation commerciale ", s'agissant de la principale faute contractuelle invoquée par la société Aléo industrie et de motifs hypothétiques et dubitatifs.
Afin de déterminer si ce grief est fondé, il convient de revenir sur la répartition par zones de la clientèle, le rôle dévolu à chacun et le statut de la zone B, affectée à M. Y selon la société Aléo industrie tandis que ce dernier et la société Artois équipement la qualifient de " zone libre ".
Des pièces du dossier, on peut retenir que :
- par l'article 2 du contrat de distribution en date du 1er septembre 2003 entre la société Sems, devenue depuis la société Aléo industrie et la société Artois équipement, intitulé secteur d'activité, " le distributeur participera à l'action de distribution des produits de l'entreprise ... pour les clients suivants : Particuliers, collectivité locales et entreprises. Et Territoires suivants : Toute la zone géographique comprise entre les villes (villes comprises) de : Houdain, Divion, Auchel, Lillers, Garbecques, Saint Venant, Merville, Estaires, Sailly sur la Lys, Nieppe, Armentières, La Chapelle d'Armentières, Bois Grenier, Englo, Haubourdin, Wavrin, Don Hantay, Violaines, Givenchy, Auchy les Mines, Noeux-les-Mines, Barlin, Rebreuve, Ranchicourt ".
- les articles 3, 5 et 6 régissent les obligations des parties, en contrepartie de cette zone, intitulée Zone A, à savoir une obligation d'exclusivité d'approvisionnement de la société Artois équipement auprès de la société Aléo industrie et une assistance technique et commerciale d'Aléo,
- selon l'article 5 g) du contrat de distribution, le distributeur s'engage " à retransmettre à l'entreprise les prospects qui ne seraient pas sur son secteur cité à l'article 2 ", alors qu'à l'article 6, l'entreprise Aléo industrie " met à la disposition du distributeur les contacts, prospects sur le secteur géographique défini à l'article 2 ",
- les zones délimitées sur la carte en pièce 9 de l'appelant, et affectées pour la zone A à Artois équipement, pour la zone F à Fabrice P., salarié de la société Aléo industrie, pour la zone C à Claude D. depuis 2009 et la zone ouest de la France, comprenant la basse Normandie, la Bretagne et les pays de la Loire, à Portails de l'Atlantique ne font l'objet d'aucune discussion entre les parties,
- les mentions apposées sur la carte produite, les organigrammes de la structure Aléo industrie, mentionnant Y sous la dénomination " commerciaux Portail " au même titre que Fabrice P. et Claude D., les extraits du site internet, ne peuvent avoir de valeur probatoire suffisante pour affecter la zone B à Y s'agissant de preuves que la société Aléo industrie se fait à elle-même, en outre peu exploitables, notamment pour l'extraction du site internet, et non datables avec certitude,
- si M. Y conteste dans ses conclusions avoir eu un rôle de commercial sur la zone B, il est contredit par ses propos repris dans le procès-verbal d'assemblée générale du 26 juillet 2011 (pièce 23 appelant), non critiqué par l'intimé, selon lesquels " il précise qu'en plus de sa fonction de commercial portails, il assure la fonction de Direction commerciale ", l'attestation de M. D. évoquant l'absence d'avantages donnés par M. Y à " ses propres clients ou ceux de la société de son épouse " ( pièce 16-2 de l'intimé), mais également son mail en date du 9/06/2008 sur la validation d'un prototype (pièce 34 de l'intimé) faisant état de " deux prospects à voir ce soir, 17 h00 à Wavrin, 18h30 à Allenes les Marais ".
Ainsi, il ressort de l'ensemble de ces éléments, et notamment clairement des stipulations contractuelles que la société Artois équipement disposait d'une zone d'exclusivité, clairement définie, la zone A qu'elle avait l'obligation de respecter, devant transmettre, l'ensemble des prospects non rattachés à son secteur, à la société Aléo industrie, laquelle devait faire de même pour les prospects issus de la zone d'exclusivité accordée à Artois équipement.
Le fait qu'aient pu être confiées par Delphine L., gérant d'Artois équipement à la société Aléo industrie des prospects relevant de sa zone pour permettre un alignement sur la concurrence ne remet pas en cause cette organisation et ne la prive pas d'efficience, s'agissant d'accords ponctuels entre les parties, qui n'autorisaient aucunement la société Artois équipement à s'affranchir des dispositions contractuelles souscrites.
Au vu des termes du contrat précité, cette obligation de transmission par la société Artois équipement à la société Aléo industrie vaut pour tout prospect non rattaché à sa zone, peu important qu'il relève d'une zone affectée exclusivement à un autre protagoniste, soit un autre distributeur soit un commercial d'Aléo, voire d'une " zone libre ".
Or, le constat d'huissier du 17 juin 2011 effectué le 17 juin 2011 au siège de la société Aléo industrie a permis d'appréhender de nombreuses fiches clients, bons de commandes et devis, établis à l'entête de la société Artois équipement, démontrant le non-respect par cette dernière de ses engagements, avec la complicité de M. Y.
En effet du rapprochement des pièces de l'appelant n° 61 " fiches clients et devis établis par M. Y au nom et pour le compte de la société Artois équipement " et n° 64 " fiches clients et devis établis par la société Artois équipement hors de sa zone d'exclusivité " et de la lecture du procès-verbal et ses annexes, il s'infère que au moins 62 fiches et devis pour des clients situés en dehors de la zone d'exclusivité concédée, la zone A, ont été réalisés par la société Artois équipement et en son nom.
Les intimés ne peuvent raisonnablement qualifier les pièces 61 et 64 précitées de preuve faite à soi-même s'agissant de tableaux récapitulatifs, auxquels sont annexés les devis listés, extraits du procès-verbal de constat d'huissier du 7 juin 2011, de même qu'ils ne peuvent soutenir leur absence de force probante, sans les exploiter et les critiquer de manière précise et argumentée.
Si la plupart des devis recensés hors zone A relèvent de la zone B, Grand Lille, qualifiée par les intimés de " libre " à la prospection de manière erronée comme démontré ci-dessus, la société Artois équipement et M. Y ne peuvent soutenir n'avoir jamais porté atteinte à une exclusivité reconnue, soit à un autre distributeur, soit à un commercial d'Aléo industrie, puisque un devis au moins concerne le Calvados (devis de M. C. domicilié à Cairon en date du 6 août 2009 (20-633)), relevant d'une zone ainsi attribuée à un autre distributeur, sans qu'il soit justifié d'un quelconque accord des différents protagonistes pour déroger à la répartition.
Il a tout autant été porté atteinte à l'exclusivité reconnue à des commerciaux d'Aléo par la société Artois équipement, notamment à raison d'un devis en date du 11 janvier 2010 au nom de M. et Mme L. domiciliés à Caucourt qui relève de la zone C (20-754). Il en est de même par exemple pour le devis en date du 25 août 2009 au nom de M. D., domicilié à Faumont, localisé en zone C, suite à un contact sur le site portail des Flandres (20-634/635), ou encore le devis de M. G., domicilié à Souchez en zone C en date du 12 juin 2009 (20-606).
Enfin, d'autres devis relèvent d'une zone non attribuée, tel le devis de M. et Mme W., domiciliés à Beaumont sur Oise en date du 24 juin 2009 (20-618), ou le devis de M. S., domicilié à Prémesque en date du 21 octobre 2009 (20-643) ou encore le devis de M. et Mme J. domiciliés à Houplines en date du 17 avril 2007 par exemple.
Or, il n'est justifié d'aucun accord de la société Aléo industrie pour que la société Artois équipement intervienne sur ces prestations dans des secteurs qui ne lui étaient pas concédés, cette dernière n'établissant aucunement avoir retransmis les prospects conformément aux stipulations contractuelles à la société Aléo industrie qui les lui aurait alors rétrocédés.
Le fait que Mme Delphine L. ait pu retransmettre des prospects (2), recevant pour cela, par mail du 30 juin 2011, les remerciements du commercial de la société Aléo industrie concerné n'invalide aucunement ces constatations.
Une petite moitié des devis (30), est effectuée sur le papier à entête de la société Artois équipement avec les références uniquement de ladite société et un suivi de l'affaire attribuée à Delphine L..
L'autre moitié des devis recensés (32) a été établi à l'entête de la société Artois équipement, avec les références de ladite société et un suivi de l'affaire attribué à Y, et ses coordonnées téléphoniques, essentiellement sur la période 2008-2009, puis plus ponctuellement sur la période 2010-2011, Y se plaçant alors comme préposé de la société Artois équipement ou se présentant régulièrement dans certains documents comme le directeur même de la société Artois équipement.
Quand bien même le secteur B aurait été attribué à M. Y en qualité de commercial, voire même libre selon les intimés, ce dernier n'aurait pu en aucun cas se présenter comme intervenant au nom et pour le compte de la société Artois équipement, sans porter atteinte à l'organisation établie par la société Aléo industrie et faciliter le non-respect des engagements pris par la société Artois équipement au détriment de la société Aléo industrie.
En sa qualité de co-gérant, M. Y était tenu d'une obligation de loyauté et devait faire respecter les engagements souscrits au profit de la société Aléo industrie qu'il représentait, par les différents distributeurs.
Nécessairement informé en cette qualité mais également à raison de sa fonction de directeur commercial, il a facilité, si ce n'est même accompli, ces manquements en permettant que des prospects ne relevant pas de la zone A soient traités non directement par la société Aléo industrie, mais attribués à la société Artois équipement.
La rédaction même des différentes fiches : devis et commandes se référant à un suivi pris en charge par Y démontre le détournement par Y de son activité au profit de la société Artois équipement, s'agissant d'une activité qui ne relève pas de la direction commerciale et ne se limite pas à une simple assistance du directeur commercial à ses réseaux mais à une intervention régulière et répétée au nom et pour le compte d'un distributeur spécifique.
Les manquements répétés de la société Artois équipement, facilités et accomplis avec l'aide de M. Y, aux obligations souscrites dans le cadre du contrat de distribution en date du 1er septembre 2003, et ayant conduit à une captation de la clientèle par la société Artois équipement sont ainsi suffisamment établis, tout comme le détournement de l'activité de Y au profit de la société Artois équipement.
2) Sur le mimétisme commercial
La société Aléo industrie reproche à la société Artois équipement d'avoir entretenu une confusion graphique s'agissant des modèles de proposition commerciale utilisés, des sites web, voire d'avoir utilisé les outils commerciaux d'Aléo dans le seul intérêt de la société Artois équipement (renvoi à un catalogue spécial escalier garde-corps d'Artois équipement).
Les pièces versées aux débats, notamment les copies écran des sites internet, les catalogues, démontrent que ce mimétisme commercial ne concerne pas uniquement la société Artois équipement mais également le distributeur Portail de l'Atlantique, étant observé que les prestations ainsi effectuées ont d'ailleurs été refacturées à Artois équipement, voire à d'autres distributeurs par la société Aléo industrie, laquelle ne peut prétendre ignorer ce fait, étant observé que l'article 6 du contrat de distribution met à sa charge la mise à disposition de catalogues et permet au distributeur l'utilisation de la marque " Portail des Flandres " dans ces actions commerciales.
La société Aléo se contente d'affirmer l'existence d'une confusion, privilégiant toujours la société Artois équipement sans nullement le démontrer.
C'est à juste titre que les premiers juges ont en conséquence écarté le grief tiré de la confusion avec les communications commerciales d'Aléo industrie, le mimétisme ou la charte graphique similaire ne pouvant constituer une faute, au vu des seules pièces produites, s'agissant dans le cadre d'un réseau fabricant/distributeur d'une pratique courante en la matière, visant à établir une identité visuelle et commerciale au sein du réseau et destinée également à promouvoir les activités spécifiques des distributeurs, non exercées d'ailleurs par le fabricant, afin de diversifier l'offre et ainsi étendre la zone de chalandise.
3) La confusion entretenue directement auprès des clients/prospects par M. Y au profit de la société Artois équipement
La lecture des différents documents adressés à des prospects, notamment les pièces 17, 20, les extraits du procès-verbal de constat du 17 juin 2011 annexés aux pièces 61 et 64 de l'appelant, permet de se convaincre que :
- à plusieurs reprises, M. Y s'est présenté à la clientèle en qualité de " directeur " de la société Artois équipement, tout particulièrement dans la zone géographique attribuée à la société Artois équipement, comme le démontre par exemple le courrier adressé à M. et Mme L. (pièce 17), les cartes de visites établies à son nom et en cette qualité, tout comme le cachet apposé sur des documents à l'entête de la société Artois équipement,
- de nombreux chantiers sont suivis par M. Y, lequel est mentionné sur les pièces contractuelles en qualité de chargé du suivi d'affaire, suivi de son numéro de téléphone attribué par la société Aléo industrie,
- contacté via la messagerie de la société Aléo industrie pour des renseignements, M. Y poursuit avec le client à partir de l'adresse d'Artois équipement, le devis étant établi finalement au nom d'Artois équipement, (20/536)
- dans l'esprit de nombreux prospects, Y est identifié comme fabricant et comme le représentant commercial d'Artois équipement voire son directeur, comme le souligne l'envoi par la société Jean André Construit d'une demande de devis à Artois équipement, à l'attention de M. Y (pièce 70, 20/658) ou encore l'attestation de Mme B. (pièce 58) sur la présentation de M. Y comme étant le directeur de son entreprise, fabricant et posant des portails et clôtures à des " prix directs usines ", sans intermédiaire, les documents contractuels ayant été établis au nom de la société Artois équipement, et suivis par Y, pour une domiciliation à Bauvin en zone B, les courriers adressés M. Y en qualité de directeur (58/7) et Mme Delphine L., en qualité de responsable commercial (58/3).
Au vu de ses éléments, le grief de confusion intentionnellement organisée par M. Y et la société Artois équipement, sur le rôle de chacun (fabricant) et la nature de l'intervention de M. Y, sa qualité et son rôle, est suffisamment établi.
4) Sur le traitement préférentiel accordé par Y au profit de la société Artois équipement
Sous ce grief, sont envisagés les avantages tarifaires accordés à la société Artois équipement et le raccourcissement des délais de production au profit de la société Artois équipement. Est également évoquée la réquisition des salariés et moyens de la société Aléo industrie pour le compte de la société Artois équipement.
Sur les délais de production
La société Aléo industrie, pour justifier le reproche adressé à Y d'avoir privilégié la production des commandes d'Artois équipement, verse plusieurs attestations et une fiche (pièce 32).
Dans le contexte conflictuel existant dans la société Aléo industrie entre les deux co-gérants, les attestations de Mme Pauline L. ( pièce 35), et de MM P. et K. (pièces 37 et 38), effectuées par des personnes dans des liens de subordination avec la société Aléo industrie, ne peuvent être jugées suffisamment probantes, au regard du caractère très général de ces témoignages, ne comportant aucun exemple précis, daté et concret, objectivé éventuellement par des pièces de l'époque (planning, mails...).
La fiche du service " maintenance client " produite n'est pas plus probante, s'agissant d'une demande de SAV, laquelle est nécessairement un ajout aux interventions programmées sur le planning initialement envisagé de production.
Ce grief n'est donc pas établi.
Sur les avantages tarifaires octroyés
La société Aléo industrie se plaint d'avantages tarifaires concédés par M. Y au profit de la société Artois équipement et d'un non-respect de la marge de 40 %.
Aucun élément, qu'il soit contractuel ou seulement réglementaire (circulaire, procès-verbal de réunion, courriers adressés aux revendeurs), n'est produit pour justifier de la réalité de cette règle d'un prix devant comporter une marge de 40 % au profit d'Aléo industrie, alors même qu'il est fait valoir, sans être véritablement critiqué, que les directives en la matière relevaient de X.
Pour établir ce fait, la société Aléo industrie se fonde essentiellement sur une expertise de partie effectuée par M. D., qui, bien que réalisée par un professionnel avisé, n'est pas exempte de toute critique.
Force est de constater que ce dernier n'établit ses constats et conclusions qu'à partir des données et de présupposés transmis par la société Aléo industrie, lesquels n'ont pas été objectivés pour permettre une vérification certaine de leur réalité et de leur efficience par ses soins.
Ainsi, part-il du postulat que les 3 départements de l'entreprise Aléo industrie dégagent une même marge, alors même d'une part que les domaines, à savoir les portails, le médical et le sport, portent sur des secteurs économiques distincts, d'autre part qu'aucune vérification de cette affirmation n'est possible au vu de la présentation des documents comptables de la société, M. D. se contentant de souligner que " cette marge théorique est cohérente avec celle observée dans le secteur d'activité de la société Aléo ", lequel n'est pas constitué uniquement du domaine Portail et peut diverger selon les différents domaines d'activité d'une société.
Le coût de production retenu ainsi que la méthode de calcul adoptée par la société ne sont objectivés par aucune pièce et ne peuvent être vérifiés, les documents contractuels ainsi que les principales caractéristiques du produit, puis la facturation des produits pris en compte n'étant même pas joints.
Les contrôles et recoupements de l'expert ont été fait à partir d'échantillons de factures, non jointes en annexe, très limités (annexe 14 sur 23 factures et annexe 15 sur 43 factures), sans qu'il soit possible de déterminer les critères de choix des pièces retenues, ce qui ne peut conduire légitimement à généraliser les constatations éventuellement faites.
Au vu des réserves ci-dessus explicitées, l'annexe 15 sur le coût estimatif de fabrication d'un portail, à supposer les coûts appliqués repris en son sein conformes aux factures lesquelles ne sont pas présentées pour permettre une vérification, montre surtout que ni la société Artois équipement ni la société Portails de l'Atlantique n'appliquaient une marge à 40 %, laquelle n'était pas non plus toujours respectée par les propres salariés de la société Aléo (vente Lopez).
Enfin, alors même que sont versés en cause d'appel par l'intimé, les tarifs revendeurs édictés pour 2011 (pièce 15-1 pour Artois équipement et pièce 15-2 pour portail de l'Atlantique), lesquels ne sont ni critiqués ni contestés par la société Aléo industrie, cette dernière n'établit pas que lesdits tarifs n'aient pas été respectés, étant observé qu'il faut également tenir compte des conditions contractuelles octroyées par le contrat de distribution permettant des remises et réductions tarifaires au titre de son article 7.
Ce grief n'est donc pas établi.
Sur la réquisition des salariés et des moyens dans l'intérêt personnel de M. Y
Sans qu'il soit nécessaire de s'arrêter sur les agissements fautifs imputés par la société Artois équipement et Y à X, lesquels à les supposer établis, n'exonéreraient pas pour autant les intimés de la faute qui leur est reprochée et desquels il n'est tiré aucune conséquence juridique précise par les intimés, la cour ne peut qu'écarter ce grief, qui ne saurait être suffisamment établi par les 4 attestations produites (pièce 37, 41, 42 voire 43), ces dernières devant être regardées avec prudence, s'agissant d'attestations émanant de personnes entretenant un lien de subordination avec la société Aléo industrie, leur rédaction étant particulièrement laconique, ne se référant le plus souvent à aucune opération précise et donc vérifiable, ou en cas contraire, laissant apparaître un caractère sporadique de cette utilisation éventuelle de moyen (un chantier à Sainghin en Weppes).
Ce grief est donc également écarté.
5) Sur le débauchage de salariés
C'est par de justes motifs qu'il convient d'adopter que les premiers juges ont écarté ce grief.
La brièveté des délais ayant conduit deux salariés à démissionner puis à se faire embaucher par Artois équipement, la concomitance d'une publication d'annonce par le canal de pôle emploi en août 2011 et la demande de dispense partielle de préavis pour l'un deux ne peuvent être suffisants à établir un débauchage par la société Artois équipement, éventuellement orchestré par Y, comme le soutient l'appelant, susceptible en outre de désorganiser l'activité productive d'Aléo, puisqu'il s'agit uniquement de deux salariés sur les 45 collaborateurs d'Aléo, un soudeur, parmi les 7 affectés à cette fonction et un cadre en conception et dessinateur industriel, étant observé que la société Aléo ne peut nier que le contexte conflictuel existant entre les gérants, nécessairement connu des salariés au vu des constats réalisés à son siège par ses soins, ait pu engendrer le souhait pour certains de quitter leur ancien employeur.
Sur la réparation du préjudice de la société Aléo industrie
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
La cour ne peut qu'observer le caractère particulièrement succinct des explications données par la société Aléo industrie pour expliciter ses demandes au titre du préjudice et le justifier.
La société Aléo industrie sollicite la somme de 156 777 euros correspondant à " la perte de marge sur les portails Aléo industrie commercialisés par la société Artois équipement ". Il doit se comprendre de cet intitulé et des éléments du rapport d'expertise, qu'il s'agit de la différence de marge, entre celle réellement appliquée par Artois équipement et la marge théorique qui aurait dû être appliquée, selon la société Aléo industrie, par Artois équipement à ses clients.
Comme ci-avant exposé, aucun élément ne permet de retenir la réalité de cette règle d'une marge de 40 %.
Ainsi, cette dernière ne justifiant pas du préjudice invoqué, elle ne peut qu'en être déboutée.
Quant à la réclamation de la somme de 293 185, 53 euros correspondant, selon ses écritures, à la perte de marge des ventes réalisées par la société Artois équipement hors de sa zone géographique contractuelle, la cour ne peut qu'observer qu'il n'existe aucun tableau récapitulatif permettant de déterminer quelles sont en définitive les opérations retenues et comment ladite somme a été arrêtée.
En effet, s'il apparaîtrait logique que la société Aléo industrie se soit basée sur sa pièce 64, qui liste les fiches clients et devis établis par la société Artois équipement hors de sa zone d'exclusivité et porte en annexe des extraits des documents contractuels, rien ne permet de l'affirmer, étant observé que les pièces jointes en annexes sont pour la plupart des devis, non signés, et ne peuvent être retenues, pour caractériser le préjudice, contrairement à la faute, et le quantifier, sans s'assurer que lesdites opérations aient été effectivement à l'issue commandées.
Toutefois, la cour note que peut être constatée l'existence de documents de travail, non critiqués par les appelants, réalisés par la société Artois équipement en vue de calculer les coûts des chantiers, ce tableau intitulé " calcul de marge ", comprenant la référence à un " prix achat ", un " prix public " et un " prix public remisé ".
En effectuant lesdites opérations alors qu'elle aurait dû retransmettre les prospects à la société Aléo industrie pour lui permettre de réaliser ces opérations directement, Artois équipement a privé la société Aléo industrie de la marge brute réalisée sur ces opérations, laquelle aurait toutefois dû supporter également des coûts supplémentaires à raison de cette vente directe, à savoir outre les frais de fabrication, les frais liés à l'étude des besoins du client et à l'installation des produits, coûts qui viennent dès lors réduire cette marge.
Il sera observé que la société Aléo industrie argue de coûts publics plus élevés que ceux pratiqués avec ses distributeurs dans les ventes directes, sans cependant en justifier d'une quelconque manière.
Doit être en outre souligné que la société Aléo industrie n'a pas pris la précaution pour l'ensemble des devis, produits en annexes de sa pièce 64 et présents au constat d'huissier, accompagné de la fiche de marge, de prouver que lesdites opérations aient été effectivement conclues, notamment en recherchant dans sa comptabilité la preuve de la conclusion des devis susmentionnés.
La cour observe d'ailleurs dans le procès-verbal et ses annexes, que plusieurs chantiers ont fait l'objet de négociations, de devis successifs et de calculs de marge différents en fonction des modifications apportées, sans qu'il soit possible de savoir si la commande a ensuite été effectivement réalisée (20-413 ; 20-654 par exemple).
Ainsi, le rapprochement du listing de la pièce 64 avec les documents contractuels souscrits par les clients répertoriés hors de la zone A, et notamment les bons de commandes issus du procès-verbal de constat d'huissier en date du 17 juin 2011, avec les fiches de " calcul de marge " dressées par Artois équipement et Y, joints aux PV, et non les seuls devis produits, mais également les éléments issus du listing répertorié en pièce 61, en prenant cependant en compte l'existence de doublons, certains des chantiers étant répertoriés également dans la pièce 64, permet de déterminer le préjudice de la société constitué de cette perte de marge sur l'opération réalisée, soit pour les opérations commandées une somme de 15 955,11 euros, de laquelle doivent être déduites toutefois des charges supplémentaires liés à toute vente directe qu'aurait dû supporter la société Aléo si le prospect lui avait été retransmis, qui au vu des éléments présents au dossier peut être fixé à 30 %, soit un préjudice devant être fixé à la somme de 11 168,57 euros.
Pour solliciter la restitution d'une somme de 225 167 euros au titre des coûts pris en charge par la société Aléo industrie, correspondant à 50 % des rémunérations et charges liées à l'activité de Y recensées par l'expert amiable, la société Aléo industrie invoque le fait qu'il ne vendait plus de produit sur sa zone, n'animait plus l'équipe commerciale, ne gérait plus le site internet, travaillant en réalité pour la société Artois équipement.
Aucun élément ne vient justifier la part de 50 % appliquée aux montants supportés par la société Aléo industrie.
L'unique attestation évoquant la direction commerciale exercée par Y n'est pas suffisante pour justifier une telle quantification.
Il n'est pas démontré que ce dernier n'ait aucunement exercé lesdites fonctions, la société Aléo industrie ne contestant pas l'exercice par M Y de ses fonctions de gérants.
Néanmoins, les fiches clients et devis permettent de constater que M. Y a consacré une part de son activité à la prospection au profit de la société de son épouse, et ce en contradiction avec son obligation de loyauté, résultant de sa qualité de co-gérant de la société.
Ainsi, alors même que lesdites ventes auraient dû être établies pour nombre d'entre elles en direct par le biais de Y au bénéfice de la société Aléo industrie et quand bien même le développement de l'activité de la société Artois équipement profitait en partie in fine à la SARL Aléo industrie, cette dernière étant son seul fournisseur, les nombreuses fiches produites au débat permettent de chiffrer la valeur de son intervention au profit de la société de son épouse en fraude des droits de la société Aléo industrie à la somme de 15 000 euros.
Ainsi convient-il de condamner in solidum la société Artois équipement et M. Y à payer à la société Aléo industrie la somme de 26 168,57 euros avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l'article 1153-1 alinéa 2 du Code civil, aucun élément ne justifiant que le point de départ des intérêts soit fixé à la date de l'assignation et qu'il soit dérogé à cette disposition par la cour.
La demande à titre subsidiaire d'expertise est dès lors sans objet, la cour disposant des éléments lui permettant de statuer sur la demande présentée à titre principal par la société Aléo industrie, par l'octroi des dommages et intérêts sus-mentionnés.
Sur la rupture du contrat de distribution
Aux termes des dispositions de l'article 1184 du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai dans les circonstances.
Si, dans un contrat synallagmatique à exécution successive, la résiliation judiciaire n'opère pas pour le temps où le contrat a été correctement exécuté, la résolution judiciaire pour absence d'exécution, ou exécution dès l'origine imparfaite, entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat.
Il appartient aux juges du fond d'apprécier la date d'inexécution des obligations qui marquera la prise d'effet de la résolution.
Pour apprécier la gravité des manquements, il convient de tenir compte de leur importance, leur persistance et du comportement respectif des parties, notamment afin d'arbitrer leur caractère suffisamment grave pour justifier de la résiliation judiciaire du contrat.
Par courrier recommandé en date du 29 août 2011, la société Aléo industrie a dénoncé le contrat de distribution du 1er septembre 2003, conclu pour une durée renouvelable de 3 ans par tacite reconduction sauf dénonciation par l'un ou l'autre des parties par lettre recommandée adressée avant la date d'expiration du contrat selon les stipulations de l'article 9, pour le 31 août 2012, soit à l'issue de la période triennale en cours, octroyant de fait un délai de préavis significatif d'un an à la société Artois équipement qui ne saurait invoquer ni le caractère brutal ni le caractère abusif, s'agissant du strict respect des conditions contractuelles dans le cadre d'une non-reconduction de la convention, pour tenter de fonder sa résiliation à effet immédiat du 1er septembre 2011.
Au vu des manquements répétés et étalés sur une période conséquente, à savoir les années 2008 à 2011, par le distributeur aux stipulations contractuelles relatives à la prospection (zone d'exclusivité et retransmission des prospects), il convient de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Artois équipement, les griefs invoqués par la société Artois équipement au soutien de sa résiliation à effet immédiat au 1er septembre 2011 n'étant pas, d'une part, suffisamment étayés par les quelques pièces éparses et non significatives versées aux débats, d'autre part, d'une intensité suffisante au regard de leur nature mais également de la période concernée par les manquements invoqués, ces derniers à les supposer établis, s'étalant quant à eux sur la période de août à septembre 2011, moment où la confiance entre les parties avait d'ores et déjà totalement disparu.
Sur le mandat de gestion accordé à M. Y
Sur la révocation de M. Y
En vertu des dispositions de l'article L. 223-25 du Code de commerce, le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-9, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée et sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Toutefois, même justifiée, la révocation peut donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil s'il est prouvé que les conditions dans lesquelles la révocation est intervenue sont de nature à porter atteinte à la réputation du gérant, à son honorabilité.
Il en est ainsi lorsque les circonstances ayant entouré la révocation du gérant étaient injurieuses et vexatoires.
Sur le caractère injustifié de la révocation
M. Y estime que le " caractère abusif de la rupture " est établi par l'absence totale de griefs pertinents, critiquant ainsi l'existence de motifs justifiant la révocation.
Or si au vu des développements précédents, les griefs relatifs à un traitement préférentiel attribué à la société Artois équipement, à la désorganisation des services de production, le parasitisme économique et la perte de marge n'ont pas été reconnus comme fondés, il n'en est pas de même de celui tenant au respect de la zone d'exclusivité et au détournement de la clientèle au profit de la société Artois équipement, réalisé par et avec l'aide de Y, ainsi qu'au détournement de sa propre activité au profit de la société Artois équipement.
Ce dernier ne peut invoquer le fait que ces détournements des commandes au bénéfice de la société Artois équipement s'inscrirait dans une politique générale d'assistance de Y à son réseau de distribution, notamment en se prévalant d'une attestation de Portail de l'Atlantique ou encore des cartes de visite de Y, portant le sigle de Portail de l'Atlantique.
En effet, si ces deux documents illustrent un rôle de M. Y dans la prospection des revendeurs, lequel avait par ailleurs des missions de directeur commercial de l'activité portail pouvant expliciter cette implication, il n'en demeure pas moins qu'aucune confusion n'était opérée dans les rôles de chacun, les documents présentant clairement Y comme un " fabricant Portails des Flandres ", compatible avec une mission d'assistance occasionnelle, et non une gestion en propre au nom et pour le compte d'une autre société que la société Aléo industrie des commandes de portails, comme ce fut le cas pour la société Artois équipement avec l'établissement des devis et commandes de portails effectués par ses soins au nom et pour le compte de la société Artois équipement et la présentation en qualité de directeur de cette société ci-dessus décrits.
Au vu du caractère répété de ces manquements et de leur étalement dans le temps, alors même que Y, en sa qualité de gérant devait veiller au respect des intérêts de la société Aléo industrie, lesquels s'entendent nécessairement par l'obligation de faire respecter les conventions et engagements souscrits par les distributeurs, et ne devait pas mettre ses propres moyens et services au profit d'un distributeur spécifique, excédant largement l'assistance prévue à l'article 6 du contrat de distribution, au détriment de la société qu'il gère, il existait de justes motifs pour le révoquer.
Ainsi, la révocation de M. Y ne saurait être qualifiée d'injustifiée.
Sur le caractère abusif de la révocation
La révocation abusive est celle qui indépendamment de son caractère fondé ou non sur de justes motifs est intervenue dans des circonstances portant atteinte à la réputation ou à l'honneur du dirigeant révoqué, telles des conditions vexatoires ou injurieuses, ou lorsqu'elle a été décidée brutalement sans respecter le principe de la loyauté dans l'exercice du droit de révocation.
Comme le reconnaît M. Y dans ses écritures, ce dernier n'ignorait rien des motifs fondant son éventuelle révocation et évoqués lors de l'assemblée générale en date du 6 juillet 2011, le rapport de gérance étant clair sur ces points et joint à la convocation en date du 21 juin 2011 à la dite assemblée.
Le fait qu'aucune conciliation préalable ou qu'aucune mise en demeure avant ladite convocation et la réalisation des mesures d'instruction diligentées le 17 juin 2011 n'ait été adressée au co-gérant ne saurait être qualifié de déloyale dès lors qu'au vu des soupçons de détournement de clientèles, de détournement de moyens, il ne saurait être reproché à la société Aléo industrie qu'elle ait pu rechercher la surprise en menant une opération concertée, mais judiciairement autorisée, en vue d'obtenir le maximum d'éléments pour établir les faits allégués.
Le fait qu'ensuite il ait pu s'avérer qu'elle disposait en son sein de suffisamment d'éléments sans avoir recours à l'ensemble des mesures d'instruction, ou que l'une des mesures d'instruction mises en œuvre ait pu être invalidée, n'est pas de nature à rendre pour autant abusive la révocation litigieuse.
M. Y ne peut amalgamer les conditions dans lesquelles ont été menées les mesures in futurum, notamment pour celle à son domicile : la présence des forces de l'ordre, la violation de son intimité et la concomitance avec l'hospitalisation de sa femme, avec les conditions de sa révocation, étant observé que la réalisation de la mesure à son domicile n'est liée qu'à la domiciliation de son épouse en ces lieux également.
Quant aux conditions vexatoires invoquées, relatives à la mise en œuvre de la mesure d'instruction menée au siège social d'Aléo industrie en présence de tous les employés, à la réunion du personnel et aux propos tenus expliquant les faits reprochés à Y et évoquant une peine d'emprisonnement, ces éléments ne constituent que des affirmations qui ne sont pas étayées par les pièces invoquées à leur soutien.
Ainsi, aucune des attestations (pièces 16, 32 et 33) n'évoque une réunion de l'ensemble du personnel concomitante à la réalisation de ces mesures ou la révocation.
L'attestation de Mme M. ne fait que relater son sentiment par rapport à la mesure d'instruction, dans des termes d'ailleurs assez proches de ceux utilisés par M. Y.
L'attestation délivrée par M. D. au profit de M. Y, réalisée en 2013, bien après la première attestation qu'il avait effectuée au profit de X en 2011, évoque les circonstances dans laquelle cette dernière avait été sollicitée, en parlant de manière bien peu précise à ce moment de " fraudes " évoquées par M. X, à un moment où le conflit entre les gérants associés était public, et non lors de la réalisation de la mesure ou de la révocation du co-gérant.
Par son attestation Madame L., épouse de M. T., ancien salarié démissionnaire et nouvellement employé par la société Artois équipement, évoque non une réunion devant tous les salariés mais une convocation postérieure à la révocation, pour être intervenue le 10 août 2011, à la suite de la démission de son conjoint, cette pièce étant d'ailleurs sujette à caution au vu des liens d'intérêts manifestes avec les parties. Elle n'est donc pas suffisante pour établir le caractère vexatoire de la révocation.
La décision de première instance est donc infirmée en ce qu'elle a condamné la SARL Aléo industrie à payer à M. Y une somme de 120 000 euros en réparation de ses préjudices économique et moral au titre de la révocation vexatoire et abusive de son mandat de co-gérant de la SARL Aléo industrie, l'intéressé devant être débouté de sa demande.
Sur la responsabilité de M. X, en sa qualité d'associé dans la révocation de M. Y
En vertu des dispositions de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
L'indemnisation du caractère vexatoire ou injustifié de la révocation, généralement à la charge de la société, est plus exceptionnellement retenue à l'encontre des associés s'il est établi la volonté de nuire de la part de ces derniers.
La faute personnelle de l'associé doit donc être établie par M. Y, étant observé que l'associé dispose d'un droit de vote considéré comme un attribut essentiel.
La cour observe que M. Y parle de manière abusive d'associé majoritaire, alors même que les deux frères détiennent un nombre de parts identique, M. X ne pouvant se voir reprocher l'octroi par le troisième associé d'un pouvoir en vue de le représenter à l'assemblée litigieuse et de voter en ses lieu et place.
En présence de comportements fautifs et contraires à l'intérêt social de M Y, et par ailleurs depuis avérés, aucun caractère vexatoire et injustifié de la révocation n'ayant été retenu et aucune preuve de l'intention de nuire de M. X n'étant apportée, M. Y se contentant de l'affirmer et évoquant une volonté d'évincer son frère ainsi qu'une offre pour racheter sa participation à vil prix, sans aucun élément objectif à l'appui de cette allégation, il ne peut qu'être débouté de sa demande en vue de voir la responsabilité de son frère reconnue de ce chef.
La décision de première instance est donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de condamnation solidaire de ce chef présentée par M. Y, étant observé que le chef relatif à la condamnation principale a purement et simplement été réformé par la présente cour.
Sur les demandes de M. Y au titre des mesures in futurum
Sur la fin de non-recevoir opposée à cette demande
Se fondant sur les dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, la société Aléo industrie demande que soit déclarée irrecevable cette demande.
Indéniablement, la demande est formulée pour la première fois en cause d'appel mais ne pouvait être formulée devant les premiers juges les mesures d'instruction fondant la présente action n'ayant pas encore été invalidées.
Cependant cette demande est en lien avec la présente procédure, les pièces litigieuses obtenues dans le cadre de ces mesures étant envisagées comme le soutien nécessaire de la présente procédure, l'appelant ayant d'ailleurs mis plus de deux ans à régulariser ses écritures et son bordereau, pour faire disparaître l'allusion à des pièces recueillies dans le cadre de la mesure invalidée.
La demande visant à obtenir réparation des dommages subis à raison de la mise en œuvre d'une procédure d'instruction, invalidée depuis mais conçue initialement comme le soutien par la partie de son action, doit être déclarée recevable sur le fondement des dispositions de l'article 566 du Code de procédure civile.
Sur la faute invoquée et le préjudice
En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil, l'exercice d'une procédure constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.
Il ne peut être contesté que la réalisation de ce constat avait pour but d'obtenir des éléments susceptibles de confirmer l'existence de manquements commis par la société Artois équipement, avec la complicité de M. Y et de ce dernier mais également de recueillir des éléments pour l'évaluation du préjudice subi par Aléo industrie.
Il ne saurait être déduit du fait que les motifs invoqués, dans le cadre de l'acte introductif d'instance et dans la requête, soient identiques, une inutilité desdites mesures et l'idée que " nécessairement le constat n'était pas destiné à rapporter l'existence d'une preuve mais tendait à d'autre fins ".
La société Artois équipement sur qui pèse la charge de la preuve ne démontre pas l'intention de nuire de la société Aléo industrie, ni la volonté de cette dernière de connaître " les secrets commerciaux de la société Artois équipement et la quintessence du fonds de commerce ", en vue d'obtenir des éléments " fondamentaux dans la compréhension de ce qui allait devenir son nouveau concurrent ".
Le fait que l'une des mesures ait pu être invalidée ne caractérise par de facto l'abus de procédure, la décision du 3 décembre 2015, comme l'arrêt de la cour de cassation 2e chambre civile en date du 26 juin 2014 s'étant cantonnés à apprécier les modalités mises en œuvre pour appréhender les documents et non la légitimité pour une partie d'obtenir les documents sollicités.
La société Aléo industrie ne saurait se voir reprocher d'avoir pu un temps détenir des informations par le biais de cette mesure, qui avait été autorisée judiciairement et lui avait été remises dans ce cadre.
La faute ayant fait dégénérer en abus l'usage de cette procédure n'étant pas démontrée, la demande ne peut être que rejetée, étant observé qu'aucune démonstration ni aucune caractérisation de son préjudice qu'elle fixe pourtant à 50 000 euros, n'est même tentée par la société Artois équipement.
C'est donc sur ce double motif, l'absence de faute et l'absence de preuve d'un préjudice que la société Artois équipement est déboutée de cette demande.
Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, chacune des parties suivantes succombant en ses prétentions, en intégralité pour la société Artois équipement et M. Y, très largement pour la société Aléo industrie, conservera la charge de ses propres dépens, hormis les dépens de X lesquels seront supportés exclusivement par M. Y et la société Artois équipement.
Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont infirmés.
Le sens du présent arrêt, la nature du litige et l'équité commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 18 décembre 2013 en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, Dit que la société Artois équipement a manqué, avec l'aide et la complicité de M. Y à ses obligations contractuelles résultant du contrat de distribution exclusive du 1er septembre 2003 ; Dit que M. Y a manqué à ses obligations de co-gérant ; Déboute la société Aléo industrie de ses demandes au titre de ses autres griefs ; Condamne in solidum M. Y et la Société Artois équipement à payer à la société Aléo industrie la somme de 26 168,57 euros avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ; Dit la demande d'expertise présentée à titre subsidiaire sans objet ; Prononce la résiliation du contrat de distribution du 1er septembre 2003 entre la SARL Artois équipement et la SARL Aléo industrie aux torts exclusifs de la société Artois équipement ; Dit que la révocation de M. Y de ses fonctions de gérant est justifiée ; Déboute M. Y de sa demande de dommages et intérêts pour révocation abusive présentée à l'encontre de la société Aléo industrie ; Dit que X n'a pas commis de faute en sa qualité d'associé en votant la révocation de M. Y ; Déboute M. Y de sa demande de condamnation solidaire avec la société Aléo industrie de ce chef ; Rejette la fin de non-recevoir opposée à la demande de dommages et intérêts présentée par la société Artois équipement au titre des mesures in futurum invalidées ; Déboute la société Artois équipement de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum M. Y et la société Artois équipement aux dépens de première instance et d'appel de X ; Laisse à chacune des parties, hormis M. X, la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.