CA Poitiers, 1re ch. civ., 8 octobre 2019, n° 17-03384
POITIERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
BPCE Assurances (SA)
Défendeur :
Gan Assurances (SA), Caisse Primaire D'assurance Maladie De La Vienne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
Mm. Orsini, Maury
Avocats :
Mes Maissin, Pichon, Fauconneau, Billy
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. D L I a été victime d'un accident le 4 novembre 2011, alors qu'il visitait les combles d'un immeuble d'habitation. Cet immeuble appartenait à M. E A et Mme N Z épouse A, chez lesquels il s'était rendu en compagnie de son ami M. X Z, père de Mme B C a chuté d'une hauteur approximative de deux mètres alors qu'il redescendait d'une échelle de meunier.
Il a été l'objet d'une fracture de l'humérus gauche et d'une attaque au plexus brachial, ayant nécessité une opération et une hospitalisation de quatre jours et a pu obtenir une indemnisation de la part de son assureur, la SA BPCE Assurances, au titre de la garantie des accidents de la vie.
La société Gan Assurances, a refusé toute indemnisation, au motif de l'absence de responsabilité de ses assurés M E A, Mme N Z épouse B
Par acte d'huissier en date du 8 juin 2015, M. D L I et la SA BPCE Assurances ont fait assigner M. E A, Mme N Z épouse A, le Gan Assurances et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne devant le tribunal de grande instance de Poitiers aux fins de voir :
- déclarer les époux A responsables des préjudices subis par M. I,
- condamner in solidum M. E A, Mme N Z épouse A et la société Gan Assurances à payer à M. I la somme de 2934,80 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire,
- condamner in solidum M. E A, Mme N Z épouse A et la société Gan Assurances à payer à la SA BPCE Assurances la somme de 49 934,94 au titre des dommages pris en charge,
- condamner in solidum M. E A, Mme N Z épouse A et la société Gan Assurances à payer à M. I et à la SA BPCE Assurances, la somme de 1500 chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.
Ils sollicitaient le débouté des demandes formées par les défendeurs.
À l'appui de leurs prétentions, ils exposaient que M. E A, Mme N Z épouse A n'auraient pas dû autoriser M. I à emprunter une échelle de meunier pour se rendre dans les combles et que sur l'escalier litigieux de fabrication artisanale, ne respectant pas la réglementation en vigueur, une main courante sommaire à une hauteur de 21 cm seulement, avait été fixée.
Ils soulignaient que l'attestation de M. Z, père de Mme A, intervient quatre années après les faits, que les défendeurs étaient en tout état de cause gardiens de l'escalier et que le comportement de M. I n'est pas assimilable à la force majeure.
M. E A, Mme N Z épouse A et la société Gan Assurances concluaient au débouté des demandes formulées, subsidiairement à voir réduire le droit à indemnisation de 75 % et à la condamnation des demandeurs à leur payer la somme de 2 000 , sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
À l'appui de leurs prétentions, ils indiquaient que les normes invoquées par les demandeurs ne sont pas applicables aux installations provisoires et que M. E A et Mme N Z épouse A n'ont jamais invité M. I à venir visiter les combles en empruntant l'échelle de meunier, raison pour laquelle il n'a été découvert que plus tard par M. Z père après sa chute.
Ils faisaient valoir que lorsqu'un tiers prend l'initiative d'utiliser une échelle sans instruction ni invitation de son propriétaire, la garde lui en est transférée et qu'il appartient au demandeur d'établir la position anormale de la chose inerte, les circonstances de l'accident n'étant pas établies.
Ils exposaient que la victime a descendu l'échelle face aux marches, comportement imprudent devant conduire à réduire son indemnisation.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne demandait qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle adopte l'argumentation de son assuré social et sollicite la condamnation de M. E A, G N Z épouse A et de la société Gan Assurances à lui payer la somme de 22 123,85 an titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande, outre celles de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, de 1 047 au titre de l'indemnité forfaitaire et aux dépens, le tout assorti de l'exécution provisoire.
Par jugement contradictoire en date du 22/08/2017, le tribunal de grande instance de POITIERS a statué comme suit :
" Rejette les demandes de M. D L I, de la SA BPCE Assurance et de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne.
Rejette les autres demandes.
Condamne M. D L I et la SA BPCE Assurance aux dépens. "
Le premier juge a notamment retenu que :
- selon attestation établie par M. X K le 29 juin 2012, et non 4 ans après les faits comme le soutiennent à tort les demandeurs, il s'est rendu le 4 novembre 2011 chez ses enfants, en compagnie d'un ami M. D L I, lequel, souhaitant par curiosité voir les travaux réalisés par son gendre, est monté à l'échelle de meunier qui se trouvait sur place.
- M. K avoir trouvé son ami M. I par terre qui se plaignait de l'épaule à son retour de la cave, les secours étant intervenus immédiatement pour " une chute d'échelle à domicile ".
- l'endroit auquel M. I souhaitait accéder, était en travaux.
- les normes AFNOR applicables aux dimensions des gardes corps et de rampes d'escalier n'ont pas vocation à concerner cette échelle, par hypothèse provisoire et installée pour la durée des travaux, aucune faute de ce chef ne pouvant donc être reprochée aux propriétaires.
- il n'est pas établi que les propriétaires de l'immeuble aient autorisé M. I à utiliser cette échelle de meunier et lui en aient transféré la garde qu'ils ont donc conservée.
- la victime d'un dommage causé par une chose inerte, doit établir le lien causal de la chose dans la survenance de l'accident, pour voir retenir la responsabilité du gardien, c'est-à- dire que la chose a présenté un caractère anormal ou dangereux, un vice, une défectuosité et n'a pas eu un rôle simplement passif.
En l'espèce, il n'est pas établi que cette échelle de meunier installée provisoirement, dans une habitation privée, dans le seul but de permettre à son propriétaire de réaliser des travaux à son domicile dans les combles, présentait en elle-même un caractère anormal, au regard de sa destination ni qu'elle ait présenté un quelconque vice ou défectuosité.
- M. I, qui n'établit pas l'anormalité de l'échelle, ni que cette dernière ait joué un rôle actif dans sa chute, sera en conséquence débouté de ses demandes ainsi que la SA BCPE et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne.
LA COUR
Vu l'appel en date du 12/10/2017 interjeté par M. D L I et la société BPCE Assurances
Vu l'article 954 du Code de procédure civile
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 04/06/2018, M. D L I et la société BPCE Assurances ont présenté les demandes suivantes :
" A titre principal, Vu l'article 1382 ancien du Code civil
A titre subsidiaire, Vu l'article 1384 alinéa 1 ancien du Code civil,
Voir réformer le jugement entrepris.
Voir déclarer les époux A responsables des préjudices subis par M. I en suite de l'accident qui s'est déroulé à leur domicile le 4 novembre 2011.
Voir débouter les époux A de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Vu les rapports d'expertise déposés le 29 juillet 2013 et le 16 juin 2014 par le Docteur Y,
Voir liquider le préjudice corporel subi par M. I comme suit :
Déficit fonctionnel temporaire 2 934,80
Perte de gains professionnels actuels 6 334,94
Incidence professionnelle 10 000,00
Souffrances endurées 8 000,00
Déficit fonctionnel permanent 23 400
Préjudice esthétique 2 200,00
En conséquence,
Voir condamner in solidum M. et Mme A et le Gan Assurances à verser à M. I au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme totale de 2 934,80 . Vu l'article 1250 du Code Civil,
Vu les quittances subrogatives régularisées par M. I,
Voir condamner solidairement M. et Mme A et le Gan Assurances à verser à BPCE Assurances, en sa qualité d'assureur de M. I, la somme de 49 934,94 euros au titre des dommages pris en charge dans le cadre de son contrat d'assurance.
Voir condamner in solidum M. et Mme A et le Gan Assurances à verser à M. I les sommes de :
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en première instance
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en appel
Voir condamner in solidum M. et Mme A et le Gan Assurances à verser au BPCE Assurances les sommes de :
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en première instance
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en appel
Condamner solidairement M. et Mme A et le Gan Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel. "
A l'appui de leurs prétentions, M. D L I et la société BPCE Assurances soutiennent notamment que :
- M. et Mme A ayant réalisé des travaux d'aménagements et de construction, intérieurs à leur habitation, ils ont invité M. I à visiter les lieux. M. I a accédé à l'étage et a visité le chantier en cours.
En redescendant, vers 14h30, il est tombé à côté de l'escalier, passant par-dessus la main courante.
- il redescendait l'escalier face aux marches, lorsque arrivé à la cinquième ou la sixième marche en partant du haut, il a chuté sur le sol en béton d'une hauteur approximative de 2 mètres. Il est resté immobilisé au sol, sans perdre connaissance et a été découvert par M. Z, père de Mme A, revenu sur les lieux.
- secouru, il est resté hospitalisé 4 jours au CHU de Poitiers.
- M. I a bénéficié des garanties des accidents de la vie de la part de son assureur BPCE Assurances et a ainsi perçu des provisions à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
L'assureur de M. I est intervenu directement auprès de l'assureur de M. et Mme A, à savoir la société Gan Assurances afin de solliciter la prise en charge des préjudices subis par M. I mais la société Gan Assurances a opposé un refus de garantie.
- BPCE a indemnisé son assuré après qu'il ait fait l'objet d'une expertise médicale, à hauteur de 49 934,94 euros (provisions incluses).
- sur la responsabilité des époux A, recherchée au principal sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, non répondu par le tribunal, la faute s'entend par un comportement que n'aurait pas eu un homme diligent dans les circonstances données.
- M. I a dû emprunter l'escalier pour accéder à l'étage. Il s'agissait d'un escalier en bois de construction artisanale, ne respectant pas la réglementation technique en vigueur pour la fabrication des escaliers, à savoir les normes NF P01-012 et NF P01-013, qui n'était pas de construction neuve. Installé depuis 10 ans, il était loin d'avoir été installé temporairement.
Il se situait à proximité d'un mur, et du côté limon extérieur, il avait été fixé une main courante sommaire d'une hauteur de 21 cm au-dessus du niveau supérieur du limon.
La réglementation en vigueur exige que les gardes corps soient d'une hauteur minimale de 90 cm.
- on comprend parfaitement comment M. I a pu être accidenté et passer par-dessus cette rampe extrêmement basse.
- M. I a bien été invité par les époux A, il ne s'est aucunement introduit à leur domicile par effraction.
L'attestation de M. Z, père de Mme A, devra être écartée faute de neutralité alors qu'elle apparaît aux débats 4 ans après les faits.
Il n'y avait pas d'autre accès à l'étage lieu des travaux.
- les époux A ont fait preuve d'une particulière imprudence en laissant M. I utiliser cette échelle, imprudence qui constitue une faute, à l'origine de l'accident, en lien direct et cause des préjudices subis par M. J
- à titre subsidiaire, sur la responsabilité des époux A dans les préjudices subis par M. I en application des dispositions de l'article 1384 alinéa 9 du Code civil, ceux-ci étaient gardiens de l'échelle de meunier sur laquelle M. I a été accidenté et gardiens du chantier de rénovation.
- selon expertise M et les déclarations de M. A, il s'agit d'une construction artisanale datant de plus de 10 ans.
Il ne s'agissait pas d'une installation provisoire et la rampe installée à 21 cm de haut n'assurait aucune sécurité et rendait l'ouvrage extrêmement dangereux puisque privant son usager de la possibilité de pouvoir s'y appuyer, notamment en descendant.
- elle conduisait ses utilisateurs à se baisser démesurément, ce qui de toute évidence rendait l'escalier encore plus dangereux que si aucune rampe n'avait été placée.
- son caractère dangereux est parfaitement établi et le rôle actif de la chose comme instrument du dommage est clairement établi dans l'accident subi par M. J
- pour que le transfert de la garde de la chose soit opéré, il convient pour son propriétaire de démontrer qui a pris l'initiative de son utilisation.
Or, M. I a bien été invité à rendre visite aux époux A qui l'ont invité à monter observer l'avancée des travaux à l'étage, alors qu'il n'y avait pas d'autre accès que l'escalier.
- le témoignage de M. Z ne peut être retenu comme manquant totalement de neutralité et intervenant 4 ans après les faits.
- les époux A ont bien conservé la garde de l'escalier litigieux.
- sur l'argument relatif à la faute de la victime, le gardien d'une chose ne peut s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur lui en invoquant la faute de la victime que s'il démontre que cette faute présente les caractères de la force majeure.
Les époux A ne démontrent pas que la prétendue faute commise par M. I, au demeurant non prouvée, revêtirait en outre les caractères de la force majeure, se contentant d'invoquer une faute d'imprudence.
- l'imprudence alléguée consisterait à descendre les marches en étant face aux marches alors qu'il s'agissait d'une manière de procéder particulièrement précautionneuse de la part de M. J
Il n'y a donc pas lieu à réduire le droit à indemnisation de M. I tel que sollicité.
- sur les préjudices, M. I, hospitalisé 4 jours au CHU de Poitiers, a dû subir une opération de l'épaule avec pose d'une prothèse de l'épaule gauche, la chute ayant provoqué la fracture de l'humérus gauche et une atteinte au plexus brachial.
- il a fait l'objet d'une expertise médicale confiée au Docteur Y qui a déposé son rapport le 29 juillet 2013 ainsi qu'un rapport complémentaire le 16 juin 2014.
- ses préjudices patrimoniaux temporaires sont évalués à 6 334,94 (perte de gains professionnels actuels), son préjudice patrimonial permanent à 10 000 au titre de l'incidence professionnelle.
- au titre des préjudices extra patrimoniaux, sont demandés les sommes de :
* 2 934,80 au titre du Déficit Fonctionnel Temporaire
* 8 000 au titre des souffrances endurées
* 23 400 au titre du Déficit Fonctionnel Permanent
* 2 200 au titre du préjudice esthétique
- M. I n'a pas été indemnisé de son Déficit Fonctionnel Temporaire et demande paiement de la somme de 2 934,80 .
- la société BPCE Assurances a indemnisé M. I dans le cadre de son contrat Garantie des Accidents de la Vie à hauteur de 49 934,94 euros selon quittance subrogative des 26 avril 2012, 14 septembre 2012, 5 février 2013, 10 juin 2013, 10 septembre 2013, 27 février 2014 et 16 juin 2014.
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 04/04/2018, M. E A, Mme N Z épouse A et la société Gan Assurance ont présenté les demandes suivantes :
" Voir la Cour :
- Constater que les normes citées ne sont pas applicables ;
- Constater que M. D L I a pris seul l'initiative d'emprunter l'échelle de meunier appartenant à M. et Mme A afin d'accéder aux combles de leur habitation ;
- Constater que M. et Mme A n'ont formulé aucune invitation ni indication à M. I quant à l'utilisation de cette échelle de meunier, qu'ils n'étaient pas au courant de cette utilisation, et qu'ils n'étaient en outre pas présents sur les lieux de l'accident ;
- En conséquence dire et juger que M. et Mme A n'ont commis aucune faute en lien avec l'accident, de nature à engager leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
- Dire et juger qu'au moment de l'accident, la garde de l'échelle de meunier avait été transférée à M. I ; dire qu'en toute hypothèse la preuve de la position anormale de la chose n'est pas rapportée.
- Dire et juger qu'ainsi, la responsabilité de M. et Mme A sur le fondement de l'article 1384 du Code civil ne peut être engagée ;
- Dire et juger qu'en l'absence de responsabilité civile de M. et Mme A, la garantie de la société Gan Assurances ne peut être mobilisée ;
- En conséquence confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Poitiers le 22 août 2017 en ce qu'il a rejeté les demandes de M. D L I, la société BPCE Assurances et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne ;
- Débouter M. I et la société BPCE Assurances de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de M. et Mme A et de la société Gan Assurances ;
- Débouter la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de M. et Mme A et de la société Gan Assurances ;
- Condamner in solidum M. I et la société BPCE Assurances à payer à M. et Mme A et la société Gan Assurances la somme de 3 000 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner M. I et la société BPCE Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel.
A titre subsidiaire, si la Cour devait retenir la responsabilité de M. et Mme A :
- Dire et juger que la faute d'imprudence commise par M. D L I, et qui a contribué à la réalisation de son dommage, conduit à réduire son droit à indemnisation de 75 % ;
- Dire et juger opposable à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie le partage de responsabilité ;
- Réduire l'indemnité sollicitée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dans de très larges proportions. "
A l'appui de leurs prétentions, M. E A, Mme N Z épouse A et la société Gan Assurance soutiennent notamment que :
- M. Z, le père de Mme A, a proposé à M. I, un ami, de lui rendre visite sur site. Les époux A avaient entrepris des travaux afin d'aménager les combles de leur maison.
- M. I a alors pris l'initiative, seul, d'aller visiter le chantier en cours, et a donc emprunté une échelle de meunier qui permettait d'accéder aux combles.
- Lors de la descente, M. I a chuté et est tombé sur le sol, à partir d'une hauteur approximative de deux mètres. M. I a été découvert par M. Z, qui a alerté sa fille Mme A afin que celle-ci appelle les secours.
- M. I et la société Gan Assurances prétendent que cet " escalier " aurait été installé depuis plus de dix ans. Il s'agit d'une affirmation non justifiée.
M. I n'a pas emprunté un " escalier " mais une échelle de meunier qui avait été installée provisoirement par les époux A afin d'aménager les combles de leur habitation.
Cette échelle ne permettait pas d'accéder " à l'étage " tel que présenté par les appelants, mais aux combles de l'habitation que les époux A étaient en train d'aménager pour les rendre habitables.
- sur l'application des dispositions de l'article 1382 du Code civil, il ne s'agit pas d'un escalier à caractère définitif, et les appelants ne démontrent pas un défaut de respect des normes en vigueur alors que celle-ci ne sont pas définies.
- ils se contentent de faire référence aux normes NF P01-012 et NF P01-013 qui ne sont pas applicables en l'espèce :
* la norme NF P01-012 s'applique aux garde-corps et aux rampes d'escalier de caractère définitif rencontrés dans les bâtiments d'habitation, de bureaux, commerciaux, scolaires, industriels et agricoles (pour les locaux où le public a accès).
* La norme NF P01-013 définit quant à elle les essais dynamiques ou statiques applicables aux garde-corps définis dans la norme NF P01-012.
- il s'agit en l'espèce d'une simple échelle de meunier provisoire, et non d'un escalier, qui en conséquence n'est pas soumise aux normes précitées, lesquelles normes s'appliquent exclusivement aux rampes et garde-corps à caractère définitif.
- aucune faute de ce chef ne pourra être reprochée à M. et Mme A, ces derniers n'ayant pas à respecter quelques normes que ce soit dans la fabrication de l'échelle de meunier.
- il ne peut non plus leur être reproché une faute d'imprudence : c'est M. Z, le père de Mme A, qui a convié M. I à venir lui rendre visite sur site.
Ni Mme A, ni M. A, qui n'étaient pas présents dans la pièce, n'ont invité M. I à visiter les combles en chantier ou à emprunter l'échelle de meunier.
C'est de sa propre initiative, et motivé par sa seule curiosité, que M. I a décidé d'emprunter l'échelle de meunier pour visiter les combles en chantier, ce dont M. Z atteste, lui-même étant à ce moment dans la cave de l'immeuble.
Il est précisé que l'attestation de M. Z a été établie le 29/06/2012.
- M. I, procède par affirmation pour prétendre que M. et Mme A l'aurait invité à visiter les combles de leur habitation.
Les circonstances de l'accident prouvent le contraire. Au moment de celui-ci, M. A était sorti, Mme A se trouvait dans la cuisine, et M. Z dans la cave.
- ils ne peuvent être reconnus responsables d'avoir invité M. I à emprunter l'échelle de meunier, ce qui est inexact, puisque ce dernier l'a gravie de sa propre initiative et en leur absence. Aucune faute ne peut être retenue à leur encontre alors que le tribunal a motivé sa décision.
- sur l'application des dispositions de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, il pèse sur le propriétaire d'une chose une présomption d'en être le gardien, mais le propriétaire peut apporter la preuve que cette garde a été transférée, ce qui est le cas en l'espèce.
- la garde d'une chose se définit comme le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle sur cette chose. La jurisprudence est venue préciser que cette garde supposait l'autonomie du gardien, que la garde soit exercée en toute indépendance. Ainsi aucune consigne ne doit avoir été donnée à la personne qui utilise la chose.
- lorsqu'un accident survient alors qu'un tiers, qui n'est donc pas le propriétaire, utilise la chose, la détermination du gardien de la chose dépend de la personne qui a pris l'initiative de l'utilisation de cette chose. Lorsque le tiers prend lui-même l'initiative de l'utilisation de l'échelle, sans invitation ou instruction du propriétaire de celle-ci, alors le transfert s'opère et il en devient le gardien.
- M. I, ainsi qu'en atteste M. Z, a pris lui-même l'initiative d'emprunter l'échelle de meunier, afin d'observer les travaux qui avaient été effectués dans les combles de l'habitation.
M. et Mme A qui ne l'avaient pas invité à visiter les combles et qui n'étaient pas au courant de l'initiative prise par lui, n'étant pas présents à ses côtés au moment des faits, ne lui ont évidemment et a fortiori donné aucune indication ou consigne sur la façon d'accéder aux combles.
M. I était seul sur les lieux au moment de l'accident. Les époux A n'étaient donc pas à proximité de l'échelle de meunier lorsque l'accident est survenu.
- la garde de l'échelle de meunier avait été transférée à M. I lorsque celui-ci a décidé de l'emprunter pour accéder aux combles, sans invitation ni accord de M. et Mme B
- De surcroît, il faut préciser que l'échelle de meunier est une chose inerte. La présomption de causalité selon laquelle le propriétaire est le gardien de la chose ne s'applique pas aux choses inertes.
La victime doit prouver le caractère anormal ou défectueux de la chose afin de retenir la responsabilité de son propriétaire.
- en l'espèce, les normes ne s'appliquent pas à l'échelle de meunier provisoire permettant l'accès aux combles pendant la réalisation des travaux.
Le bois au demeurant était en bon état général ainsi que le souligne le technicien mandaté par la compagnie d'assurance de M. Peroux.
M. I était seul au moment de la chute. Les circonstances exactes de la chute ne sont pas établies, mais tout laisse à penser que son imprudence et/ou inattention soient à l'origine directe de sa chute.
- L'échelle de meunier ne présente pas de caractère anormal au regard de sa fonction provisoire et de son installation dans une habitation privée et la preuve du rôle causal de la chose dans la survenance de l'accident n'est donc pas rapporté.
- à titre subsidiaire, si le lien causal entre l'échelle et l'accident était retenu, il y aurait lieu de réduire l'indemnisation de M. I compte tenu de son comportement imprudent.
La faute d'inattention commise par la victime, par laquelle elle a concouru à la réalisation de son propre dommage, réduit son droit à indemnisation.
- si le gardien de la chose ne peut s'exonérer totalement de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui que s'il rapporte la preuve d'un cas de force majeure, ou d'une faute de la victime présentant les caractères la force majeure, il peut s'en exonérer partiellement en rapportant la preuve d'une faute quelconque de la victime.
Il y aura dans ce cas un partage de responsabilité.
- en l'espèce, M. I a, de sa propre initiative et sans y avoir été invité, utilisé l'échelle de meunier pour accéder aux combles de M. et Mme A, et alors que personne ne se trouvait à proximité.
Il a descendu cette échelle de meunier, face aux marches, d'après ses propres déclarations, ce qui constitue pour le moins une imprudence.
La faute d'imprudence de M. I conduirait à réduire son indemnisation à hauteur de 75%.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 29/01/2018, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne a présenté les demandes suivantes :
Vu le jugement du 22 Août 2017 (minute n° 17/384),
Vu l'appel total de M. D F I contre toutes les dispositions du jugement visées et dirigées contre les époux A, la SA Gan Assurances et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne,
Vu l'article 376-1 du Code de la Sécurité sociale,
Vu les articles 1382 et 1384-1 Anciens du Code civil,
Infirmer le jugement,
Dire et juger les époux A E et N Z entièrement responsables du préjudice subi par M. I à la suite de l'accident dont il a été victime le 04 novembre 2011 à leur domicile, tant à titre principal au visa de l'article 1382 du Code civil qu'à titre subsidiaire au visa de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil.
Par conséquent,
Condamner in solidum M. E A Mme N Z épouse A et la Compagnie d'assurance Gan à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne :
Débours définitifs 22 823,85
Article 700 2 000,00
Article L. 376-1 articles 9 et 10 indemnité forfaitaire 1 066,00
Dire et juger que la somme de 2 823,85 portera intérêt au taux légal, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
Condamner solidairement M. E A Mme N Z épouse A et la Compagnie d'assurance Gan aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Billy Froidefond avocat aux offres de droit.
A l'appui de ses prétentions, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne soutient notamment que :
- la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne fait sienne les arguments développés par M. I, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire.
- Les époux A n'ont pas eu le comportement d'un homme normalement diligent dans les circonstances décrites.
- ils n'auraient certainement pas dû autoriser M. I à emprunter une telle échelle qui présentait un caractère de dangerosité évidente, au regard des caractéristiques techniques de l'échelle utilisée par la victime, surtout celle de la main courante d'une hauteur de 21 cm au-dessus du niveau supérieur du limon, alors que les normes de garde-corps, imposent une hauteur minimum de 90 cm.
- L'attestation de M. Z produite aux débats par les époux A est sans secours au regard du lien de parenté existant et de sa tardiveté.
- l'échelle a été l'instrument du dommage, alors que les époux A en sont, en tout état de cause demeurés gardiens.
M. I était invité. Il n'a pris aucune initiative intempestive. Il n'y a eu aucune instruction formelle de la part des époux A de ne pas utiliser cet escalier.
- l'ensemble était de construction artisanale, mais la rampe d'une hauteur de 21 cm était largement insuffisante pour assurer une sécurité totale à ses utilisateurs.
Les époux A ne renversent pas la présomption de responsabilité qui pèse sur eux en qualité de gardien. Le lien causal entre la survenance de l'accident et l'escalier est établi.
- la créance de la caisse est rappelée, soit :
* relevé définitif créance Caisse 22 823,85
* l'indemnité forfaitaire 1 066,00
* l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile 2 000,00
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 05/08/2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION : Sur l'application des dispositions de l'article 1382 du Code civil (1240 désormais) :
L'article 1382 ancien du Code civil (article 1240 désormais) dispose que " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ".
Il appartient à la victime du dommage de démontrer la faute de celui par qui le dommage serait survenu.
En l'espèce, M. et Mme A effectuaient des travaux de rénovation afin d'aménager les combles de leur habitation, en utilisant pour ce faire, une échelle de meunier.
Le 04/11/2011, M. I s'est rendu sur les lieux.
Il a gravi l'échelle de meunier afin d'accéder aux combles de l'immeuble, lieu des travaux, et a chuté en redescendant cette échelle, se blessant dans sa chute.
Si M. A soutien avoir été invité par M. et Mme A à visiter le chantier, cette affirmation est contredite par l'attestation de Z, son ami, père de Mme A, qui indique lui avoir proposé de lui rendre visite sur le site des travaux.
Alors que l'accident s'est produit en l'absence de témoins, s'agissant en outre d'un lieu privé, le fait que M. Z soit le père de Mme A ne saurait suffire à réduire le caractère probant de son attestation régulière, alors qu'elle est en date du 29/06/2012 et ne présente donc pas de caractère tardif.
Il résulte du rapport d'expertise M, établi en présence de M. A, que l'échelle de meunier est ainsi décrite :
" escalier en bois de construction sommaire qui date de plus de dix ans, qui est situé à proximité d'un mur, et d'un côté du limon extérieur, il a été fixé une main courante, sommaire, d'une hauteur de 21 cm ; au-dessus du niveau supérieur du limon ".
Cet escalier est constitué de deux limons de 14 marches
" - Les marches sont constituées de planche d'une largeur de 44 cm ; et d'une hauteur de 16,2 cm.
Le giron est de 14 cm à chaque marche, et le débord de marche est d'une largeur de 6 cm.
Il s'agit d'une construction artisanale. "
Il n'est pas démontré alors le mauvais état de cette construction qui, si elle date de plus de 10 ans, n'en était pas moins employée à titre provisoire pour permettre l'accès au chantier de rénovation.
La norme NF P01-012 ainsi que la norme NF P01-013 s'appliquent aux garde-corps et aux rampes d'escalier de caractère définitif rencontrés dans les bâtiments d'habitation, de bureaux, commerciaux, scolaires, industriels et agricoles (pour les locaux où le public a accès).
S'agissant d'une installation provisoire d'accès dans le cadre d'une opération de rénovation, le tribunal a pu justement retenir que ces normes n'étaient pas applicables et en a déduit l'absence de faute de M. et Mme A, qu'il s'agisse de la structure de l'escalier qui n'a pas rompu, ou de la position basse de la main courante, en l'absence de normes applicables, s'agissant de locaux privés ne recevant pas de public.
Il convient en outre d'examiner les circonstances dans lesquelles M. I a pu utiliser cet accès.
Il ressort du témoignage de M. X Z que celui-ci a invité son ami à visiter le chantier. Il apparaît alors que M. I, seul au moment de l'accident, a pris l'initiative d'accéder aux combles par l'échelle de meunier, alors que M. Z était au moment de l'accident dans la cave de l'immeuble.
Ni M. A, selon lui hors de son domicile, ni Mme A, présente dans une autre partie de l'habitation, n'étaient présents aux côtés de M. J
C'est après sa chute que M. I sera découvert au sol par M. Z, à son retour de la cave, celui-ci prévenant Mme A qui alertera les secours.
Si la faute s'entend par un comportement que n'aurait pas eu un homme diligent dans les circonstances données, il ne peut être retenu, dans ces circonstances, un comportement fautif de la part de M. et Mme A, qu'il s'agisse de la structure même de l'échelle de meunier installée à titre provisoire ou d'une faute d'imprudence ou de négligence.
Sur l'application des dispositions de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil (1242 désormais) :
L'article 1242 alinéa 1 du Code civil, soit 1384 alinéa 1 ancien du même Code, dispose qu'" on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ".
La responsabilité du dommage qui est fait d'une chose est lié à l'usage qui est fait de cette chose ainsi qu'aux pouvoirs de surveillance et de contrôle exercés sur elle.
La présomption de responsabilité établie par l'article 1384 du Code civil ne peut être écartée que par la preuve d'un cas fortuit, d'une force majeure, ou de la faute exclusive de la victime, ayant pour le gardien de la chose un caractère imprévisible et irrésistible.
La garde de la chose suppose l'autonomie du gardien, afin que la garde soit exercée en toute indépendance. Ainsi, aucune consigne ne doit avoir été donnée à la personne qui utilise la chose.
Toutefois, il y a transfert de garde dès lors que l'utilisateur a pris lui-même l'initiative de monter à l'échelle, hors du pouvoir de contrôle de son gardien initial.
En l'espèce, il résulte de l'attestation de M. Z que celui-ci a invité M. I à visiter le chantier situé au domicile de M. et Mme B
M. I a pris l'initiative d'utiliser l'échelle de meunier donnant accès aux combles et a chuté, alors qu'il était seul et qu'il a emprunté l'escalier, à la descente, face aux marches.
Dans ces circonstances de pure expression de volonté, il y a lieu de retenir le transfert de la garde de l'échelle de meunier à M. I, alors qu'il n'est pas démontré que l'installation inerte, dans une habitation privée, aux fins d'accès provisoire à un lieu de chantier, présentait un caractère anormal.
Le rôle causal de la chose - à ce moment sous la garde de son utilisateur d'initiative - dans la chute survenue n'est pas alors démontrée, s'agissant de l'utilisation d'une échelle de meunier.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté de leurs demandes M. I et la société BPCE Assurances d'une part, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Vienne d'autre part.
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du Code de procédure civile :
Il résulte de l'article 696 du Code de procédure civile que " La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...). "
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de M. D L I et de la société SA BPCE Assurances.
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :
Il n'est pas inéquitable de dire, comme le premier juge, que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires. Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne M. D L I et de la société SA BPCE Assurances aux dépens d'appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.