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Décisions

CA Pau, 1re ch., 8 octobre 2019, n° 18-01517

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Lion & Business (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Castagne

Conseillers :

M. Serny, Mme Rosa-Schall

Avocats :

Mes Darzacq,

TI Mont-de-Marsan, du 3 avr. 2018

3 avril 2018

Vu l'acte d'appel initial du 9 mai 2018 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,

Vu le jugement dont appel rendu par le 3 avril 2018 par le tribunal d'instance de Mont-de-Marsan ayant débouté X de ses prétentions à obtenir la nullité de la convention passée avec la société Lion & Business,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 juillet 2018 par X, appelante,

Vu leur signification à la société Lion & Business effectuée le 13 juillet 2019 au siège social où la remise de l'acte a été refusée.

Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 15 mai 2019.

Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.

MOTIFS

Selon acte du 13 juin 2017, X a passé avec la société Lion & Business à l'enseigne Publicimm un contrat référencé P 40 2017 122, un " contrat de diffusion d'annonces de bien immobilier " dont l'objet est d'établir un dossier de présentation d'un bien immobilier que X envisageait de vendre.

Il s'agit donc d'un contrat de services destiné à faire connaître l'offre et à la présenter ; l'objet du contrat ne prévoit aucune prestation d'entremise et ne porte pas de référence d'immatriculation d'agent immobilier ; il fait référence au droit de la consommation puisque les conditions générales de vente visent ce droit, et notamment mentionnent le droit de rétractation de 14 jours prévu par l'article L. 121-21 du Code de la consommation.

Toutefois, par mention manuscrite, X a expressément renoncé à ce droit de rétractation en reproduisant par écrit de sa main dans un cadre prévu à cet effet, la teneur de la clause prérédigée qui y figurait déjà : " Je reconnais que le service auquel je souscris correspond à un bien nettement personnalisé et demande à Publicimm de procéder à l'exécution immédiate de la prestation à compter de la validation de ma commande. A ce titre je renonce expressément à exercer mon droit de rétractation tel que défini à l'article 16.4 des présentes conditions générales de vente et conformément à l'article L. 121-21-8 du Code de la consommation ".

Le visa de texte est erroné ; le texte a en réalité été recodifié à droit constant sous le numéro L. 221-28 du Code ; il liste une série d'hypothèses dans lesquelles le contrat n'est pas soumis à l'obligation de contenir un droit de rétractation. Ce texte est ainsi rédigé :

Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :

" 1° De fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation et dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ;

2° De fourniture de biens ou de services dont le prix dépend de fluctuations sur le marché financier échappant au contrôle du professionnel et susceptibles de se produire pendant le délai de rétractation ;

3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ;

4° De fourniture de biens susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement ;

5° De fourniture de biens qui ont été descellés par le consommateur après la livraison et qui ne peuvent être renvoyés pour des raisons d'hygiène ou de protection de la santé ;

6° De fourniture de biens qui, après avoir été livrés et par leur nature, sont mélangés de manière indissociable avec d'autres articles ;

7° De fourniture de boissons alcoolisées dont la livraison est différée au-delà de trente jours et dont la valeur convenue à la conclusion du contrat dépend de fluctuations sur le marché échappant au contrôle du professionnel ;

8° De travaux d'entretien ou de réparation à réaliser en urgence au domicile du consommateur et expressément sollicités par lui, dans la limite des pièces de rechange et travaux strictement nécessaires pour répondre à l'urgence ;

9° De fourniture d'enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu'ils ont été descellés par le consommateur après la livraison ;

10° De fourniture d'un journal, d'un périodique ou d'un magazine, sauf pour les contrats d'abonnement à ces publications ;

11° Conclus lors d'une enchère publique ;

12° De prestations de services d'hébergement, autres que d'hébergement résidentiel, de services de transport de biens, de locations de voitures, de restauration ou d'activités de loisirs qui doivent être fournis à une date ou à une période déterminée ;

13° De fourniture d'un contenu numérique non fourni sur un support matériel dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation. "

Selon ce texte :

- il n'y a pas de droit de rétractation quand il y a personnalisation du bien acquis par le consommateur ; il s'agit d'une dérogation légale ; le droit de rétractation n'a pas à être prévu et peut ne pas figurer dans le contrat ;

- la personnalisation n'est pas une condition de dispense du droit de rétractation quand il y a fourniture de services ; la loi ne prévoit donc pas de dérogation légale ; en cas de fourniture d'un service, par définition toujours adapté à la personne qui en bénéficie et échappant à toute possibilité de standardisation à la différence des biens commercialisés, il n'y a pas de possibilité de déroger à l'obligation légale de respecter l'exigence d'un droit de rétractation ; celui-ci doit être prévu dans le contrat de démarchage.

En l'espèce, la rédaction du contrat litigieux n'est pas conforme à la loi pour les raisons suivantes :

1 - Le texte de l'article L. 221-28 anciennement L. 121-21-8 édicte une série de contrats pour lesquels le droit de rétractation n'est pas une obligation légale ; il s'agit d'une série d'hypothèses dans lesquelles ce droit de rétractation n'est pas imposé ; comme on ne peut renoncer à un droit qui n'existe pas, le recours à la technique juridique de la renonciation à ce droit n'est donc pas la bonne ; le cocontractant du consommateur doit alors clairement indiquer que par sa nature le contrat déroge à l'exigence légale du droit de rétractation en visant le texte de loi mis sans demander au consommateur de renoncer à ce droit qu'il n'a pas.

Mais rien ne lui interdit de soumettre son contrat au droit de rétractation légal et, dans ce cas, il doit éviter de dénaturer le contrat par rapport aux textes visés dans le contrat.

2- En demandant au consommateur de renoncer à son droit de rétractation, la société Lion & Business se place elle-même sous le régime du droit de rétractation légal ; elle doit en respecter les exigences et elle ne peut faire renoncer à ce droit de rétractation dans des hypothèses que ne prévoit pas la loi ; or, la loi ne prévoit pas de renonciation au droit de rétractation pour cause de personnalisation de services, mais seulement pour cause de personnalisation d'un bien.

Dans le contrat litigieux, la clause dérogatoire dactylographiée, reprise par écrit par X, rattache la personnalisation au bien que celle-ci veut vendre ; il s'agit d'une dénaturation du contrat qu'invoque l'appelante si l'on se réfère à l'objet et au sens de ses écritures ; l'objet du contrat n'est pas la vente de ce bien ; la société Lion & Business ne vend pas de bien immobilier mais seulement des services pour promouvoir le bien de sa cliente afin qu'elle puisse le vendre au mieux à une tierce personne ; si l'on examine les prestations de la société Lion & Business, la lecture du contrat démontre que cette société ne fournit que des services, ce qui la place d'emblée hors du régime légal.

Les services fournis n'ont en outre rien de personnel même si l'objet sur lequel ils portent sont personnels au consommateur cocontractant. Aucun élément n'a été avancé par la société Lion & Business démontrant en quoi, pour le bien de X, elle aurait été obligée d'avoir recours à des techniques particulières de communication, imposées par nature de ce bien et de faire des investissements particuliers ; les techniques de diffusion énumérées dans l'acte restent banales et ne font référence à aucune méthode particulière de diffusion.

La loi ne permettait donc pas à la société Lion & Business de proposer à X une renonciation à son droit de rétractation en se fondant sur la personnalisation de ses prestations limitées à des services.

Le jugement sera infirmé.

Il sera fait application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort, Infirme le jugement dans toutes ses dispositions ; Annule la clause de renonciation au délai de rétractation contenue dans le contrat dont s'agit ; Condamne la société Lion & Business à payer une somme de 1 500 euros en compensation de frais irrépétibles ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel