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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 10 octobre 2019, n° 17-14491

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poinseaux

Conseillers :

Mmes Lefèvre, Bou

Avocats :

Mes Denoulet, Lavenir Morel, Callon

TGI Auxerre, du 29 mai 2017

29 mai 2017

Le véhicule automobile de marque Audi Q7 immatriculé AS-511-ZH et mis en circulation, le 29 juin 2006 a été cédé à maintes reprises. Il a été acquis en dernier lieu, le 1er mai 2013 par M. X et par son épouse Mme X, leur vendeur M. Y qui l'avait acheté, le 14 décembre 2012, auprès de M. Z, qui l'avait acquis de M. W, le 16 septembre 2011. Le véhicule a connu une panne ayant entraîné son immobilisation, le 29 mai 2013.

M. et Mme X ont engagé, une procédure de référé expertise et M. A expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Auxerre, le 6 août 2013 a mené ses opérations au contradictoire de M. W, de M. Z et du Garage Pasquier Beaumont (qui avait procédé à une vidange, le 14 novembre 2012). Il a déposé son rapport le 4 décembre 2014. Il retient que le défaut d'entretien du véhicule, et plus particulièrement l'absence de vidange pendant plusieurs années est à l'origine de l'accumulation de boue et de la perte de l'alcalinité de l'huile à l'origine de la corrosion des coussinets, cause de la panne moteur.

S'appuyant sur ces conclusions, M. et Mme X ont, par acte extra judiciaire en date du 11 mars 2015, fait assigner M. Y devant le tribunal de grande instance d'Auxerre en résolution de la vente du véhicule. Ont été attraits dans la cause, M. Z et M. Y respectivement par actes 31 mars et 8 octobre 2015. Les procédures ont été jointes et par jugement en date du 29 mai 2017, le tribunal de grande instance d'Auxerre a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- adopté les conclusions du rapport d'expertise judiciaire établi par M. A,

- prononcé la nullité de la vente intervenue entre M. et Mme X et M. Y le 1er mai 2013,

- ordonné la restitution du prix de 18 800 euros TTC que M. et Mme X ont versé à l'occasion de ladite vente, avec intérêt au taux légal à compter du 11 mars 2015,

- ordonné la restitution du véhicule de type Q7 immatriculé sous le numéro AS-511-ZH et de son moteur à M. Y, aux seuls frais de ce dernier,

- déclaré irrecevables les appels en garantie formés par M. Y et par M. Z en l'absence de préjudice réparable,

- débouté M. Y et M. Z de leurs demandes reconventionnelles respectives en garantie des vices cachés,

- débouté M. et Mme X de leur demande de réparation pour préjudices désignés à tort comme étant liés directement à la vente, de leur demande de réparation fondée sur la mauvaise foi du vendeur,

- débouté M. Z de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. Y à payer à M. et Mme X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire, accordant à leur conseil le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

M. Y a relevé un appel partiel, le 19 juillet 2017 intimant uniquement M. Z. Celui-ci a également interjeté appel, le 31 août 2017, intimant M. W. Ces procédures ont été jointes, le 28 mars 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 28 février 2019, M. Y demande à la cour, au visa des articles 1134 du Code civil, et 1641 et suivants du Code civil de le déclarer recevable et bien fondé en ces demandes et d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable son appel en garantie, l'a débouté de sa demande reconventionnelle en garantie des vices cachés et a rejeté toutes autres demandes et de le confirmer pour le surplus, et ce faisant :

- Prononcer la résolution de la vente intervenue le 14 décembre 2012 par laquelle M. Z lui a vendu le véhicule de marque AUDI Q7 immatriculé AS-511-ZH en raison du vice caché l'affectant au moment de cette vente ;

- condamner M. Z à lui restituer le prix de la vente du 14 décembre

2012, soit 19 500 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code civil, à compter de l'assignation introductive d'instance ;

- dire que les frais de restitution du véhicule incomberont à M. Z ;

- condamner M. Z en sa qualité de vendeur précédent, à lui rembourser la somme de 10 675,51 euros au titre de toutes les condamnations prononcées contre lui par le tribunal de grande instance d'Auxerre, dans son jugement du 29 mai 2017 ainsi que la somme de 594 euros au titre des frais de gardiennage du moteur au sein du garage Bymycar ;

- dire que M. Z doit le garantir de toutes les condamnations prononcées à sa charge au bénéfice des époux X en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais irrépétibles, dépens et frais d'expertise,

- condamner M. Z à lui payer la somme de 12 329,02 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 25 novembre 2017, M. Z soutient, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil et 1134 et suivants du Code civil, au principal, la confirmation du jugement déféré, à titre subsidiaire, la condamnation de M. W à le garantir et relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre, à titre infiniment subsidiaire, de ramener l'indemnisation octroyée à de plus justes proportions et en tout état de cause de condamner M. Y au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 25 janvier 2018, M. W demande à la cour de déclarer irrecevable et, en tous cas, mal fondé l'appel incident de M. Z et en tout état de cause de déclarer irrecevables et mal fondées ses demandes, sollicitant de la cour qu'elle confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les appels en garantie de MM. Y et Z et les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles. Il sollicite la condamnation de M. Z au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture est intervenue le 29 mai 2019

SUR CE, LA COUR,

Considérant que M. Y fait valoir que, de jurisprudence constante, la revente de la chose ne le prive nullement de la faculté d'exercer son action en garantie des vices cachés, dès lors qu'il y a, comme en l'espèce, intérêt, étant lui-même défendeur à une telle action ; qu'il affirme l'existence du vice rédhibitoire à la date de la transaction le concernant ; qu'il rappelle que ce vice n'est pas constitué par le défaut d'entretien - et notamment par l'absence de vidange - qu'il pouvait constater à la consultation du carnet d'entretien mais par la dégradation lente et insidieuse de l'huile, l'expert précisant que celle-ci a commencé lorsque le kilométrage de 125 462 kilomètres était atteint, les résidus acides de combustion ne pouvant plus être absorbés par l'huile provoquant l'accumulation de boues dans le carter, entraînant eu égard à l'acidité, la dégradation des coussinets de vilebrequin ; qu'il relève l'absence d'entretien du véhicule par son vendeur ; qu'il assimile les frais dont il réclame le remboursement à des frais occasionnés par la vente ;

Que M. Z soutient la confirmation du jugement déféré, qualifie son vendeur de fervent amateur de véhicule automobile et de connaisseur chevronné de leur mécanique et à titre subsidiaire, recherche la garantie de son propre vendeur ;

M. W relève qu'entre mars 2010 et le 14 novembre 2011, le véhicule a parcouru 55 528 kilomètres sans aucun entretien, ni aucune vidange, ce qui était connu de M. X et avance que le vice de la chose - son absence d'entretien - n'était nullement caché ; qu'il critique également le rapport d'expertise, disant que celui-ci n'a pas tenu compte de ses propres constatations lorsqu'il a écarté la responsabilité du garage Pasquier, celui-ci ayant fait usage d'une huile inadéquate ;

Considérant que défendeurs à une action en garantie des vices cachés, M. Y comme M. Z ont un intérêt légitime à poursuivre leur propre vendeur sur ce même fondement, la revente du véhicule avant que celui-ci soit confronté à une panne ne constituant nullement un obstacle à leur action ; que la décision déférée sera, en conséquence infirmée, en ce qu'elle a déclaré leurs actions irrecevables ;

Considérant qu'en application de l'article 1641 (ancien) du Code civil, le vendeur est débiteur d'une obligation de garantie pour les défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ce dont il s'évince que le vice doit être inhérent à la chose vendue et être caché ;

Qu'en l'espèce, l'expert judiciaire conclut que la cause de la panne est une détérioration brutale des coussinets et que le faciès de rupture montre qu'il s'agit d'une attaque acide ; qu'il explique que l'analyse d'huile a montré que le lubrifiant avait complètement perdu sa réserve d'alcalinité, rejetant ainsi l'acide de la combustion ; que lors du démontage du moteur, nous avons pu constater qu'à l'intérieur du carter inférieur, outre les particules dégagées par la dégradation des coussinets, de la boue était déposée en quantité importante (et qu'elle) était présente lorsque le garage Pasquier a réalisé la vidange et elle s'est mélangée à l'huile neuve, conduisant ainsi à sa rapide dégradation ;

Qu'il s'ensuit qu'il incrimine un phénomène de corrosion, par nature extérieur à la chose vendue et qui ne constitue nullement un défaut au sens du texte susmentionné, étant au surplus relevé qu'aucun élément du dossier ne permet de dater l'atteinte des coussinets et le caractère irréversible de la détérioration de ces pièces mécaniques ; que dès lors, l'action en garantie de M. Y contre M. Z ne peut pas prospérer et l'appel en garantie de ce dernier à l'encontre de son propre vendeur M. W ;

Considérant que M. Y sera condamné aux dépens d'appel et devra rembourser les frais irrépétibles de M. Z dans la limite de 1 500 euros, M. Z étant condamné à payer à M. W une indemnité de procédure d'un même montant, les dispositions du jugement déféré étant confirmées sur la charge de frais répétibles et irrépétibles ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, Dans la limite de l'appel dont elle est saisie, infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Auxerre, le 29 mai 2017 en ce qu'il a déclaré irrecevables les appels en garantie formés par M. Y et par M. Z et le confirme pour le surplus ;Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant ; Déclare M. Y et M. Z recevables à agir en garantie à l'encontre de leurs vendeurs respectifs ; Déboute M. Y de son action en garantie des vices cachés et dit que l'appel en garantie de M.W par M. Z est devenu sans objet ; Condamne M. Y à payer à M. Z la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Z à payer à M. W la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Y aux dépens d'appel.