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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 16 octobre 2019, n° 19-15773

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société d'Achat et de Gestion SAGES (SARL), Société de Participation pour la Distribution SPD (Sté), Société d'Etude et de Gestion Commerciale (SAS), Société Commerciale de Tahiti Iti (SARL) , Société Commerciale de Auae (SARL), Société Commerciale de Mahina (SAS) , Société Commerciale de Paofai (SARL) , Société Commerciale de Heiri (SARL) , Société Commerciale de Taravao (SARL) , Société Commerciale de Raiatea (SARL) , Société Toa Moorea (SAS), Société Easy Market Faa'a (SAS) , Société Commerciale De Prince Hinoi (SARL)

Défendeur :

Autorité de la Concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ienne-Berthelot

Avocats :

Mes Baechlin, Vogel, Marotte, Bazile

Aut. Polynésienne conc., du 22 août 2019

22 août 2019

Par assignation déposée au greffe de la Cour d'appel de Paris le 12 septembre 2019, la Société de Participation pour la Distribution (SPD), la SARL Société d'achat et de gestion (SAGES), la SAS Société d'Étude et de Gestion Commerciale, la SARL Société Commerciale de Tahiti Iti, la SARL Société Commerciale de Auae, la SAS Société Commerciale de Mahina, la SARL Société Commerciale de Paofai, la SARL Commerciale de Heiri, la SARL Société Commerciale de Taravao, la SARL Société Commerciale de Raiatea, la SAS Toa Moorea, la SAS Easy Market Faa'a et la SARL Société commerciale de Prince Hinoi ont présenté une demande de sursis à exécution de la décision n° 2019-PAC-01 de l'Autorité Polynésienne de la concurrence (ci-après APC) en date du 22 août 2019 relative à des pratiques du groupe Wane mises en œuvre dans la commercialisation de boissons.

Le 5 septembre 2019 lesdites sociétés ont préalablement formé un recours en annulation et en réformation de cette décision devant la Cour d'appel de PARIS.

Le 1er février 2019, lesdites sociétés ont présenté une requête devant la Cour d'Appel de Paris pour cause de suspicion légitime à l'encontre de l'APC mettant en cause son Président monsieur Jacques Mérot. Par ordonnance du 1er mars 2019, la Cour d'appel de Paris a déclaré la requête irrecevable.

Il ressort des éléments du dossier que, par décision du 22 août 2019 (article 1er), l'APC a considéré que les sociétés susmentionnées, lesquelles font partie du pôle distribution du groupe Wane, avaient enfreint les dispositions de l'article LP. 200-2 du Code de la concurrence de la Polynésie française prohibant les abus de position dominante, en mettant en œuvre une pratique de discrimination tarifaire en 2015 et une pratique de tarifs excessifs entre 2016 et 2018 sur le marché de l'approvisionnement en boissons des commerces organisés sous enseignes, caractérisant une situation d' abus de position dominante.

Au titre du premier grief retenu, la discrimination tarifaire consiste à avoir appliqué des conditions différentes entre les fournisseurs pour l'implantation de leurs boissons en meubles réfrigérés en 2015, seuls certains fournisseurs ayant payé des sommes au titre de cette prestation, alors que d'autres en ont été exemptés.

Au titre du deuxième grief retenu, la pratique illégale consiste à avoir imposé aux fournisseurs de boissons des tarifs excessifs pour l'implantation de leurs boissons en meubles réfrigérés en 2016, 2017 et 2018.

Dans sa décision, l'APC a prononcé une sanction pécuniaire de 235 millions de francs pacifiques (environ 2 millions d'euros) (article 2) et a condamné la Société de Participation pour la Distribution (SDP), société mère des magasins adhérents et de SAGES, à faire publier, à ses frais, le texte figurant au paragraphe 386 de la décision dans les éditions papier et numérique de Tahiti Infos et de la Dépêche de Tahiti, au plus tard le 22 octobre 2019 (article 3).

L'assignation sur la demande de sursis à exécution de la décision n° 2019-PAC-01 de l'Autorité polynésienne de la concurrence du 22 août 2019 susmentionnée est présentée au motif que celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives, notamment en cas d'annulation ou réformation ultérieure de la décision par la Cour d'appel de Paris.

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 2 octobre 2019 et mise en délibéré pour être rendue le 16 octobre 2019.

Par assignation déposée au greffe de la Cour d'appel de Paris en date du 12 septembre 2019, les sociétés demanderesses font valoir :

Il est rappelé que la décision de l'APC rendue le 22 août 2019 concerne des sociétés de distribution qui font partie du groupe Wane, qu'il s'agit de la première décision de sanction de l'APC entrée en fonction le 1er février 2016, que cette décision a été rendue au prix d'irrégularités de procédure très graves et est totalement infondée.

Il est rappelé dans l'assignation le déroulement de la procédure d'instruction menée par l'APC, les observations des sociétés suite aux griefs exposés par l'APC concernant les pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des boissons en meubles réfrigérés, elles ont produit des observations et ont fait valoir des observations concernant le défaut d'impartialité et l'instruction à charge de l'APC. Selon les sociétés demanderesses, la décision de l'APC du 22 août 2019 est sérieusement menacée d'annulation compte tenu des graves irrégularités de procédure commises par l'APC (A), elle est inexécutable par les demanderesses (B), les mesures de publication ordonnées par l'APC porteraient gravement et irrémédiablement atteinte à l'image du groupe Wane dans son ensemble.

A - La décision attaquée a été adoptée par un Collège partial et conflicté

Selon la jurisprudence, s'il n'appartient pas au Président de la Cour d'appel de Paris de contrôler la légalité de la décision en cas de demande de sursis à exécution, le critère des " conséquences manifestement excessives " peut être apprécié en tenant compte des vices qui affectent la décision de l'Autorité de la concurrence.

Il en va ainsi dans les cas d'une violation flagrante des règles applicables et d'irrégularités graves de la procédure.

1 - Sur le défaut d'impartialité du Collège de l'APC

Il est rappelé que le principe d'impartialité - dans tous ses aspects d'impartialité objective, subjective et fonctionnelle -, s'applique aux magistrats et aux autorités administratives indépendantes, telle que l'APC, et s'impose à tous ses membres, lesquels ne sont pas autorisés à prendre, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de l'autorité à laquelle ils appartiennent.

Cette règle s'impose aussi au Président de l'APC, ainsi que le précise l'article 610-2-1 du Code polynésien de la concurrence, et la Charte de déontologie de l'APC insiste sur l'obligation des membres de respecter un droit de réserve afin de faire respecter le principe d'impartialité.

a - Sur le défaut d'impartialité du Président de l'APC.

L'intervention du Président de l'APC en tant que témoin à charge contre le groupe Wane dans un litige prud'homal.

Il est fait valoir que M. Jacques Merot est intervenu, en sa qualité de Président de l'APC, en tant que témoin à charge contre le groupe Wane dans une procédure prud'homale intentée par l'un de ses anciens cadres dirigeants, ainsi que le montre une attestation manuscrite produite par ce dernier. Il est soutenu qu'il est inacceptable qu'une même personne soit à la fois témoin à charge contre une entreprise dans un litige l'opposant à l'un de ses anciens dirigeants, et Président de l'organe de jugement appelé à statuer sur des griefs pouvant l'exposer à une amende considérable.

Il est également contraire au principe d'impartialité que, comme cela apparaît dans l'attestation, ledit Président ait été tenu informé des développements de l'instruction, alors que l'organe de décision d'une autorité de concurrence ne doit en aucun cas se mêler de l'instruction du dossier ni en connaître.

De surcroît, le Président de l'APC s'est déjà fait une opinion sur l'instruction en cours à charge contre les mises en cause puisque, dans l'attestation précitée, il considère que celle-ci a étayé " de manière robuste ses positions résultant de ses investigations et de ses analyses ", ce qui constitue un préjugement.

Les préjugés défavorables du Président de l'APC à l'égard du groupe Wane à l'occasion d'interventions publiques.

Il est soutenu que le Président de l'APC a émis des nombreux préjugés défavorables à l'encontre du groupe Wane, notamment en le qualifiant régulièrement d'opérateur " dominant ", alors même que cette question de la position dominante figure parmi celles qui font l'objet du contentieux, et en véhiculant un message selon lequel certaines positions dominantes dans la grande distribution auraient été acquises de façon illégitime.

Par ailleurs, lors de sa participation à un colloque organisé le 1er mars 2019 par l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie, M. Merot a annoncé de manière à peine voilée que l'APC allait prononcer des sanctions à l'encontre du groupe Wane.

b - Sur le défaut d'impartialité du Collège de l'APC dans son ensemble en raison de l'influence de son Président.

Il est argué que la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime s'applique devant les autorités administratives indépendantes. Par ailleurs, la Cour de cassation a déjà pu considérer que lorsqu'il existe une cause de récusation à l'encontre du président de la juridiction, cette cause de récusation est susceptible de rejaillir sur l'ensemble des magistrats composant la juridiction en raison de l'autorité hiérarchique de ce magistrat.

En l'espèce, par sa fonction et son autorité, le Président de l'APC a nécessairement une influence sur l'Autorité dans son ensemble et notamment sur les membres du Collège, qui ne sont pas très nombreux et dont il a proposé personnellement la nomination.

Ainsi, le défaut d'impartialité qui l'affecte rejaillit sur les membres de l'Autorité et empêche, par conséquent, de lever tout doute sur l'impartialité dudit Collège.

Dans ces conditions, l'APC était inapte à poursuivre la procédure contentieuse engagée contre les mises en cause.

1 - Sur les démarches entreprises par les mises en cause pour ne pas être jugées par une instance partiale.

Il est fait état des nombreuses démarches entreprises par les demanderesses (demandes d'explication auprès du président de l'APC, observations écrites au cours de l'instruction de l'APC, requête en suspicion légitime, demande de déport du Président lors de l'audience du 16 juillet 2019).

2 - La décision attaquée a été adoptée malgré la situation de conflit d'intérêt dans laquelle se trouve le Président de l'APC.

Il est fait valoir qu'en délibérant dans une affaire où ils avaient manifestement un intérêt puisqu'ils étaient mis en cause s'agissant d'un défaut d'impartialité - M. Merot faisant l'objet d'une demande de report et le Collège faisant l'objet d'une procédure de suspicion légitime pendante devant la Cour de cassation -, le Président de l'APC et le Collège étaient en situation de conflit d'intérêt, ce qui est rigoureusement interdit.

Il ressort de tout ce qui précède que le défaut d'impartialité et la situation de conflit d'intérêt du Président et du Collège de l'APC constituent des irrégularités de procédure très graves qui menacent sérieusement d'annulation la décision attaquée, de sorte que son exécution dans ces conditions aurait des conséquences manifestement excessives.

B - La décision attaquée est inexécutable.

Il est d'abord soutenu que l'exécution de la décision placerait les demanderesses dans une situation infractionnelle puisqu'elle les conduirait à mettre en œuvre e une pratique discriminatoire entre les fournisseurs de boissons souscripteurs du service de réfrigération en 2019 et les fournisseurs non souscripteurs.

Cela reviendrait en outre à bouleverser l'équilibre contractuel des accords de coopération commerciale conclus en début d'année avec les fournisseurs de boissons.

En deuxième lieu, si le raisonnement de l'APC est poussé jusqu'au bout, la décision apparaît inapplicable en pratique, sauf à engendrer des coûts déraisonnables et irréversibles.

En effet, s'il faut considérer, comme le fait la décision attaquée, que le service de réfrigération des boissons est inhérent à leur vente, il faudrait l'offrir à tous les fournisseurs de boissons pour toutes leurs références et de façon gratuite. Il faudrait donc multiplier la surface des frigos par 6 ou 7 et modifier complètement l'aménagement des magasins, ce qui entraînerait des coûts très importants et irréversibles puisque les magasins se retrouveraient avec des capacités de réfrigération très excédentaires après l'annulation de la décision attaquée.

Dès lors, l'exécution de la décision, impossible légalement et en pratique, entraînerait des conséquences manifestement excessives.

C - Les mesures de publication ordonnées porteraient gravement et irrémédiablement atteinte à l'image du groupe Wane.

Il est enfin argué que le sursis à exécution de la décision attaquée est également justifié par le fait que les mesures de publication ordonnées par l'APC au point 386 de sa décision (qui doivent intervenir avant le 22 octobre 2019) porteraient gravement et irrémédiablement atteinte à l'image du groupe Wane. En effet, le communiqué que l'APC enjoint aux mises en cause de publier au point 386 de sa décision ainsi que la publication effectuée par l'APC sur sa page Facebook entretiennent une confusion entre les sociétés condamnées et le groupe auquel elles appartiennent qui a pour but de nuire au groupe Wane et à son image dans son ensemble.

En conclusion, il est demandé de :

- déclarer recevable et bien-fondé la demande de sursis à exécution présentée par la Société de Participation pour la Distribution, la SARL Société d'achat et de gestion, la SAS Société d'Étude et de Gestion Commerciale, la SARL Société Commerciale de Tahiti Iti, la SARL Société Commerciale de Auae, la SAS Société Commerciale de Mahina, la SARL Société Commerciale de Paofai, la SARL Commerciale de Heiri, la SARL Société Commerciale de Taravao, la SARL Société Commerciale de Raiatea, la SAS Toa Moorea, la SAS Easy Market Faa'a et la SARL Société commerciale de Prince Hinoi ;

- dire et juger que la décision rendue par l'APC en violation des obligations d'impartialité et d'absence de conflit d'intérêt est sérieusement menacée d'annulation compte tenu des graves irrégularités qui l'affectent ;

- dire et juger que la décision est en outre inexécutable par les demanderesses, sauf à les soumettre à un dommage grave et irréversible ;

- dire et juger que les mesures de publication sont de nature à porter un préjudice grave et irrémédiable au groupe Wane dans son ensemble ;

- dire et juger en conséquence que l'exécution de la décision n° 2019-PAC-01 de l'APC en date du 22 août 2019 est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;

Par conséquent,

- ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision n° 2019-PAC-01 de l'Autorité Polynésienne de la Concurrence du 22 août 2019 ;

- suspendre la publication (i) du communiqué de presse publié sur le site de l'APC en date du 23 août 2019 intitulé " Pratiques du groupe Wane mises en œuvre edans la commercialisation des boissons ", (ii) du résumé de la décision attaquée publié sur le site internet de l'APC, (iii) du post publié sur la page Facebook de l'APC, dès lors que ces publications portent atteinte à l'image de l'ensemble des sociétés du Groupe en ne visant pas que les seules sociétés condamnées ;

- condamner l'Autorité Polynésienne de la Concurrence à verser aux sociétés demanderesses la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner l'Autorité Polynésienne de la Concurrence aux entiers dépens.

Le commissaire du gouvernement auprès de l'Autorité polynésienne de la concurrence a présenté des conclusions écrites en date du 24 septembre 2019.

I - sur la séance du 16 juillet et la composition du collège.

Le commissaire du gouvernement rappelle qu'il avait présenté des observations orales lors de la séance de l'APC du 16 juillet 2019 et avait déploré la décision de déport dont avait fait l'objet la Professeur Christain Montet.

Le commissaire du gouvernement avait évoqué l'impérieuse nécessité de reporter la séance du 16 juillet 2019 compte tenu de la requête en suspicion légitime dont faisait l'objet le Président de l'APC, qui avait pris la décision de siéger et avait refusé de se déporter malgré la procédure à son encontre.

II- sur le fond :

Concernant la décision de l'APC du 22 août 2019, Le commissaire du gouvernement rappelle son point de vue présenté au cours de la procédure contradictoire devant l'APC, selon lui la démonstration n 'est pas totalement apportée de l'objet et de l'effet anticoncurrentiel des pratiques dénoncées et partant de leur licéité au regard des dispositions du Code de la concurrence de la Polynésie française. Il est rappelé la nécessité de délimiter de manière précise les " marchés pertinents " concernés par les pratiques, étape importante avant la qualification de position dominante. Selon le commissaire du gouvernement, les doutes portant sur la délimitation des marchés pertinents conduisent à douter de la caractérisation d'une position dominante. Après avoir explicité l'examen des pratiques commerciales en matière de discrimination et de l'estimation du caractère excessif du prix, le commissaire du gouvernement émet un doute sur les effets anticoncurrentiels de ces pratiques.

l'Autorité polynésienne de la concurrence a présenté des conclusions en date du 25 septembre 2019, déposées au greffe de la Cour d'Appel le 1er octobre 2019, elle fait valoir que la demande de sursis à exécution n'est pas fondée, que la décision de sanction financière a été réduite à 50 % par l'APC à des fins pédagogiques, que cette sanction n'entraine pas de conséquences manifestement excessives pour les sociétés du groupe Wane (A), que la décision de l'APC du 22 août 2019 est parfaitement exécutable (B), et que la mesure de publication ordonnée n'entraine pas de conséquences manifestement excessives (C).

A- sur le rejet de la demande de sursis à exécution portant sur la sanction pécuniaire :

1- sur l'absence de conséquences manifestement excessives.

Selon L'APC, il convient de rappeler en droit les conditions dans lesquelles le sursis à exécution des décisions de l'APC peut -être prononcé : le Code polynésien de la concurrence (- Loi du 23/02/2015 modifiée par la Loi du 9 août 2018) permet à l'APC de prononcer diverses mesures envers les entreprises contrevenantes pour mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles, le recours en annulation ou réformation peut être exercé devant la CA de Paris, en ce qui concerne l'exécution provisoire , outre l'article L. 464-8 du Code de commerce, il convient d'appliquer les dispositions du dispositif de droit commun, l'article 524, 2° du Code de procédure civile, qui prévoit une double condition (conséquences manifestement excessives et violation du principe du contradictoire), que de plus la CA est saisie d'un recours dont l'effet est dévolutif. Selon l'APC, toute référence au bien ou mal fondé de la décision attaquée, à la régularité de la procédure dont elle est issue, est étrangère à la suspension de l'exécution provisoire. En application de l'article L. 464-8 du Code de commerce, la jurisprudence apprécie l'existence de conséquences manifestement excessives au regard de la sanction prononcée contre l'entreprise appelante, en cas de sanction pécuniaire, les conséquences manifestement excessives s'apprécient au regard de la situation financière de l'entreprise, l'APC estime que le juge délégué ne peut accueillir la demande de sursis à exécution que s'il estime que le paiement de l'amende entrainerait, financièrement des conséquences manifestement excessives, qu'en l'espèce les société appelantes n'invoquent pas que le paiement de la sanction aurait pour elles des conséquences financières manifestement excessives, que leur demande de sursis à exécution doit être rejetée.

2- sur l'impartialité de l'APC :

Le conseil de l'APC rappelle que statutairement, l'impartialité de l'Autorité de la concurrence est assurée, que les affirmations du groupe Wane selon lesquelles le Président de l'Autorité se serait montré partial et que le collège sous son emprise l'aurait été, ne sont pas sérieuses. L'attestation produite par monsieur Jacques Merot, en faveur d'un ancien salarié du groupe, dans un litige prud'hommal avec le groupe Wane, ne manifeste aucun parti pris à l'égard des sociétés du groupe Wane qui constituerait un préjugé. En ce qui concerne des propos prêtés à Monsieur Jacques Merot qui se serait exprimé sur la situation du groupe Wane pendant l'instruction devant l'APC, ceux-ci ont été déformés ou mal interprétés. Ainsi le grief de partialité allégué n'est pas de nature à engendrer des conséquences manifestement excessives justifiant le sursis à exécution de la sanction, ainsi la demande de sursis à exécution doit être rejetée.

B- Sur l'exécution de la sanction :

Les sociétés du groupe Wane prétendent que la décision querellée serait inexécutable, qu'il serait impossible d'exécuter ladite décision sans que soit " bouleversé l'équilibre contractuel " ou sans être placé " dans une situation infractionnelle " , or aucune injonction n'a été adressée au groupe Wane, la décision concerne 2 mesures (une sanction pécuniaire et une obligation de publication) le groupe Wane critique les motifs et la légalité de la décision et non pas son exécution, il n'appartient pas au premier Président de la CA de Paris d'apprécier la légalité de la décision de l'APC à l'occasion d'une demande de sursis à exécution de cette décision.

C- sur la mesure de publication :

Selon l'APC, dès lors qu'il n'est pas sursis à statuer sur la sanction pécuniaire, la publication ordonnée ne peut emporter des conséquences manifestement excessives, et cela d'autant plus si la décision a déjà fait l'objet d'une publication. Or en l'espèce, la décision a déjà fait l'objet d'une publication sur le site internet et l'édition papier du journal Tahiti Infos le 26 août 2019 et a été évoquée dans les médias, l'information ayant été largement diffusée, la publication ordonnée ne peut entraîner de conséquences manifestement excessives. Ainsi la demande de sursis à exécution n 'est pas fondée.

L'APC demande le rejet des demandes des sociétés requérantes, la condamnation des sociétés in solidum aux dépens et au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions en réponse du 1er octobre 2019, les sociétés requérantes maintiennent leurs demandes initiales et en réponse aux conclusions de l'APC font valoir que :

A- La décision attaquée a été adoptée par un collège partial et conflicté.

- Sur le cadre juridique applicable aux demandes de sursis à exécution :

Les règles procédurales sont spécifiques concernant les décisions de l'APC, c'est l'article L. 464-7 du Code commerce qui s'applique ; les articles du Code commerce sont des dispositions spéciales qui dérogent à l'article 524 du Code procédure civile.

Ce n'est pas l'effet dévolutif de l'appel qui détermine l'office du premier président sur le fondement de l'article L. 464-8 al 2 du Code de commerce.

-Sur l'appréciation des conséquences manifestement excessives par le Premier Président de la CA de Paris.

La présentation par l'APC de l'état du droit est restrictive, selon la Jurisprudence métropolitaine, le critère des " conséquences manifestement excessives " peut être apprécié en tenant compte des vices qui affectent la décision de l'Autorité de la concurrence (en cas de violation flagrante des règles applicables ou d' irrégularité grave de procédure) , il a été jugé qu'en cas d'une violation flagrante applicable qui expose la décision à une menace sérieuse d'annulation, l'exécution de celle-ci serait de nature à avoir des conséquences manifestement excessives, (CA de Paris , ordonnance du 4 mars 2009 RG N° 2009 / 00456). Au cas présent, l'exécution de la décision attaquée aurait des conséquences excessives compte tenu des irrégularités de procédures commises (remise en cause de l'impartialité du collège et du Président de l'APC).

B- la décision attaquée est inexécutable

Les sociétés requérantes maintiennent que la décision attaquée est inexécutable, elle est inapplicable sauf à engendrer des coûts totalement déraisonnables et irréversibles. Il est rappelé que la qualification et la sanction de la pratique telle que décrite dans la décision du 22 août de l'APC suppose implicitement la cessation de l'infraction, sauf à exposer les sociétés à une nouvelle sanction pécuniaire majorée compte tenu de la réitération des pratiques. En l'espèce l'exécution de la décision conduirait à ce que certains fournisseurs bénéficient gratuitement de la prestation d'implantation de leurs boissons dans les frigos des magasins adhérents, alors que d'autres n'en bénéficieraient pas, l'exécution placerait les demanderesses dans une situation infractionnelle (mise en œuvre d'une pratique discriminatoire) entre les fournisseurs de boisson , si le raisonnement de l'APC était poussé jusqu'au bout, l'exécution de la décision en pratique engendrerait des coûts déraisonnables et irréversibles.

C- Les mesures de publication ordonnées porteraient gravement et irrémédiablement atteinte à l'image du groupe Wane.

Le sursis à exécution de la décision attaquée est également justifié par le fait que les mesures de publication ordonnées par l'APC du " texte figurant au paragraphe 386 " de la décision, avant le 22 octobre 2019, porterait gravement et irrémédiablement atteinte à l'image du groupe Wane. En effet le communiqué du point 386 ne fait référence à aucun moment à l'identité exacte des sociétés condamnées, les expressions " le pôle distribution du groupe Wane " et " les entreprises du groupe Wane en cause " sont trompeuses, la rédaction entretient une confusion entre les sociétés condamnées et le groupe auquel elles appartiennent, seules 13 sociétés ont été condamnées alors que la communication ordonnée par l'APC met en cause 20 sociétés qui constituent le pôle distribution du groupe Wane, voire l'ensemble du groupe.

Ainsi il apparaît que l'APC souhaite entretenir une confusion entre les sociétés condamnées et le groupe auquel elles appartiennent, que l'argument de l'APC selon lequel la décision a déjà fait l'objet d'une publication via un communiqué de presse sur son site ainsi que dans la presse locale, et que la publication ordonnée ne peut donc entrainer de conséquences manifestement excessives est fallacieux. Par avis déposé au greffe de la Cour d'appel le 1er octobre 2019, le Ministère public soutient :

- A titre liminaire, sur le droit applicable.

Le Ministère public rappelle que l'article 10, I de l'ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017, au visa duquel le sursis à exécution est demandé, transpose l'article L. 464-8 du Code de commerce et en reprend les mêmes critères.

La décision attaquée étant la première décision de sanction de l'APC, il s'agit également de la première demande de sursis sur la base de l'article susmentionné.

C'est donc aux précédents relatifs à l'article L. 464-8 du Code de commerce qu'il convient de se référer afin d'apprécier le caractère manifestement excessif des conséquences entraînées.

- Sur la menace sérieuse d'annulation de la décision fondée sur l'impartialité du Collège de l'Autorité et le conflit d'intérêt de son Président.

Les sociétés requérantes font valoir que la décision litigieuse fait l'objet d'un risque sérieux d'annulation en raison de l'impartialité du Collège de l'Autorité, en rappelant les interventions du Président de l'APC durant l'instruction

Il est rappelé les observations écrites du commissaire du gouvernement lors de la séance du 16 juillet 2019 de l'impérieuse nécessité de reporter la séance du 16 juillet 2019 compte tenu de l'affaire en suspicion légitime à l'encontre du président de l'APC, toujours en cours.

C'est à bon droit que le Commissaire du Gouvernement, dans sa lettre du 3 juillet 2019, restée sans réponse de l'Autorité, a indiqué que la requête en suspicion légitime a été déclarée irrecevable par la Cour d'appel de PARIS, sans être examinée au fond, de sorte que la Cour d'appel n'a pu se prononcer sur le grief tiré de l'impartialité du Collège de l'Autorité.

Il est précisé que les procédures de récusation et de suspicion légitime engagées devant le juge judiciaire sur le fondement des articles 341 et suivants du Code de procédure civile peuvent viser des instances non-juridictionnelles, à l'instar des autorités administratives indépendantes.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le Ministère public considère que la décision attaquée encourt un risque sérieux d'annulation fondé sur le défaut d'impartialité du Collège et invite donc à ordonner le sursis à exécution.

- Sur l'impossibilité d'exécution de la décision par les sociétés sanctionnées.

Il est soutenu que, conformément à la jurisprudence notamment de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après CJUE), l'appréciation des conséquences manifestement excessives requises pour l'octroi du sursis à exécution doit prendre en compte le caractère irrécupérable des coûts supportés par les sociétés requérantes et qui ne pourraient être recouvrés en cas d'annulation ou de réformation de la décision.

En l'espèce, le coût de la mise en place gratuite du service de réfrigération en cause ne pouvant faire l'objet d'une compensation satisfaisante en cas d'annulation ou de réformation de la décision, cette modification issue de la décision façonnerait de manière irréversible les relations contractuelles en cause.

Par ailleurs, le risque pour l'entreprise sanctionnée de voir sa responsabilité engagée à l'occasion de contentieux ultérieurs a déjà été pris en compte par la jurisprudence relative au sursis à exécution en matière de concurrence.

Le sursis à exécution doit être ordonné.

- Sur l'injonction de publication.

S'agissant du sursis à exécution de l'injonction de publication, il est cité l'ordonnance " STIHL " de la Cour d'appel de Paris en date du 23 janvier 2019 considérant l'injonction de publication comme indissociable de l'injonction de modification des contrats.

Au vu des risques d'annulation de la décision précités fondés sur l'irrégularité de la procédure, une telle publication ne saurait être exécutée avant l'examen de la décision au fond.

- Sur la suspension de la publication du résumé de la décision, du communiqué de presse et de la publication Facebook, il est rappelé que l'article 10, I de l'ordonnance n° 2017-157 vise expressément la seule suspension des décisions de l'Autorité comme objet du recours aux fins de sursis à exécution. La Cour est donc incompétente sur ce point.

En conclusion, le Ministère public invite la Cour à ordonner le sursis à exécution de la décision n° 2019-PAC-01 du 22 août 2019 de l'Autorité Polynésienne de la Concurrence et à se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de publication de différents supports.

SUR CE

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464 8 du Code de commerce " les décisions de l'Autorité de la concurrence mentionnées aux articles L. 462 8. L. 464 2. L. 464 3. L. 464 5. L. 464 6. L. 464 6 1 et L. 752 27 sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l'économie, qui peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la Cour d'appel de Paris.

Le recours n 'est pas suspensif. Toutefois, le premier président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s 'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité " ;

Considérant que l'article 10, I de l'ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017, transpose à la Polynésie française l'article L. 464-8 du Code de commerce, qu'il en résulte que "les décisions de l'Autorité polynésienne de la concurrence mentionnées aux articles LP. 620-9, LP. 641-2 à LP. 641-4 et LP. 641-6 du Code de la concurrence de la Polynésie française peuvent faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation devant la Cour d'appel désignée par voie réglementaire. Le recours n'est pas suspensif. Toutefois, le premier président de la Cour d'appel peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s 'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité " ; que ces dispositions spéciales du Code de commerce et de l'ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017 dérogent à l'application du Code de procédure civile en ce qui concerne l'Autorité de la concurrence et du Code de procédure civile de la Polynésie française en ce qui concerne l'Autorité polynésienne de la concurrence, que la demande de sursis à exécution présentée par la Société de Participation pour la Distribution (SPD), la SARL Société d'achat et de gestion (SAGES), la SAS Société d'Étude et de Gestion Commerciale, la SARL Société Commerciale de Tahiti Iti, la SARL Société Commerciale de Auae, la SAS Société Commerciale de Mahina, la SARL Société Commerciale de Paofai, la SARL Commerciale de Heiri, la SARL Société Commerciale de Taravao, la SARL Société Commerciale de Raiatea, la SAS Toa Moorea, la SAS Easy Market Faa'a et la SARL Société commerciale de Prince Hinoi sur ce fondement est recevable

Considérant que l'Autorité polynésienne de la concurrence a été saisie courant avril 2016 pour des pratiques anti concurrentielles mises en œuvre dans le secteur de l'approvisionnement en boissons de la grande distribution, concernant les modalités de leur commercialisation, sur le fondement de l'article LP. 620-5 du Code de la concurrence, à l'encontre des sociétés du groupe Wane.

Considérant que l'Autorité polynésienne de la concurrence a sanctionné les sociétés du groupe Wane et a rendu une décision en date du 22 août 2019, à l'issue d'une séance de l'APC du 16 juillet 2019 du collège présidé par Jacques Merot, président de l'APC.

Considérant que la décision N° 2019-PAC-1 du 22 août 2019 énonce :

Article 1er : ll est établi que les sociétés SARL Société d'achat et de gestion, SAS Société d'Etude et de Gestion Commerciale, SARL Société Commerciale de Tahiti lti, SARL Société Commerciale de Auae, SAS Société Commerciale de Mahina, SARL Société Commerciale de Paofai, SARL Société Commerciale de Heiri, SARL Société Commerciale de Taravao, SARL Société Commerciale de Raiatea, SAS Toa Moorea, SAS Easy Market Faa'a et SARL Société Commerciale de Prince Hinoi, en taut qu'auteurs des pratiques, ainsi que la société Société de Participation pour la Distribution, en sa qualité de société mère des magasins du pôle distribution du groupe Wane et de Sages, ont enfreint les dispositions de l'article LP. 200-2 du Code de la concurrence, en mettant en œuvre une pratique de discrimination tarifaire en 2015 et une pratique de tarifs excessifs entre 2016 et 2018 sur les marchés de l'approvisionnement en boissons des commerces organisés sous enseignes.

Article 2 : Au titre de la pratique de tarifs excessifs visé à l'article 1er, il est infligé solidairement aux sociétés SARL Société d'achat et de gestion, SAS Société d'Etude st de Gestion Commerciale, SARL Société Commerciale de Tahiti lti, SARL Société Commerciale de Auae, SAS Société Commerciale de Mahina, SARL Société Commerciale de Paofai, SARL Société Commerciale de Heiri, SARL Société Commerciale de Taravao, SARL Société Commerciale de Raiatea, SAS Toa Moorea, SAS Easy Market Faa'a, SARL Société Commerciale de Prince Hinoi et à la Société de Participation pour la Distribution une sanction pécuniaire d'un montant dc 235 millions de francs pacifique.

Article 3 : La société Société de Participation pour la Distribution fera publier à ses frais le texte figurant au paragraphe 386 de la présente décision dans les éditions papier et numérique de Tahiti Infos et de la Dépêche de Tahiti en respectant la mise en forme. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision de l'autorité polynésienne de la concurrence n° 2019 PAC 01 du 22 août 2019 relative à des pratiques du groupe Wane mises en œuvre dans la commercialisation de boissons ". La société de Participation pour la Distribution adressera, par écrit avec avis de réception, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution et au plus tard le 22 octobre 2019.

Considérant qu'il est constant que l'obligation, même en l'absence d'injonction, pour les sociétés du groupe Wane de mettre fin à la situation telle que décrite et considérée comme " établie " par l'APC (article 1er) d'une pratique de discrimination tarifaire sur les marchés de l'approvisionnement en boissons des commerces organisés sous enseignes, engendrerait des coûts déraisonnables et irréversibles (obligation pour les distributeurs de réfrigérer toutes les références de boissons de tous les fournisseurs, augmentation des linéaires réfrigérés au sein des 12 magasins adhérents au groups Wane, multiplication de la surface des frigos par 4 ou 7 dans certains magasins, coût d'acquisition et d'installation important de frigos), le coût de telles installations ayant été évalué à 400 millions de francs pacifiques par les sociétés requérantes, que selon elles, cela entrainerait des coûts importants et rendrait improbable un retour à la situation antérieure en cas de réformation de la décision, qu'il en résulte que l'exécution de la décision entrainerait des conséquences manifestement excessives sur le plan financier.

Considérant qu' il est constant que l'article L. 464 8 du Code de commerce qui prévoit la possibilité de sursis à exécution en cas de " conséquences manifestement excessives ", ne précise pas que ces "conséquences manifestement excessives " ne doivent être que financières, que l'injonction instaurée par l'article 3 de la décision contestée aurait pour conséquence de publier dans la presse locale le texte figurant au paragraphe 386 de la décision, que selon les parties requérantes le communiqué du point 386 ne fait référence à aucun moment à l'identité exacte des sociétés condamnées, les expressions " le pôle distribution du groupe Wane " et " les entreprises du groupe Wane en cause " sont trompeuses, la rédaction entretient une confusion entre les sociétés condamnées et le groupe auquel elles appartiennent, seules 13 sociétés ont été condamnées alors que la communication ordonnée par l'APC met en cause 20 sociétés qui constituent le pôle distribution du groupe Wane, voire l'ensemble du groupe, que la publication de ce paragraphe porteraient gravement et irrémédiablement atteinte à l'image du groupe Wane, qu' il en résulte que les mesures de publication ordonnées auraient des conséquences manifestement excessives.

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence, rappelée par la décision de la Cour d'appel de Paris du 26 juin 2012 que " s'il n'appartient pas au magistrat délégué de contrôler la légalité de la décision objet du recours, il lui revient en revanche de s'assurer lorsqu'une irrégularité grave de procédure est invoquée, que la décision n'est pas sérieusement menacée d'annulation de ce chef de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives visées par l'article L. 464-8 du Code de commerce ", qu'il ressort des pièces du dossier que des éléments précis permettent d'émettre des doutes sur la pleine impartialité de monsieur Jacques Merot, Président de l'APC , qu'il est constant qu'il s'est exprimé publiquement et dans les médias et à plusieurs reprises sur la situation du groupe Wane au cours de l'instruction par l'APC en tenant des propos dépourvus de neutralité, qu'il n'est pas contesté qu'il a fourni une attestation écrite dans le cadre d'un litige prud'hommal en faveur d'un cadre qui s'opposait au groupe Wane, qu'il a refusé de se déporter lors de l'audience de plaidoirie devant l'APC du 16 juillet 2019, malgré les recommandations du commissaire du gouvernement et la demande du Conseil du Groupe Wane, qu'une procédure concernant une requête en suspicion légitime le concernant est toujours en cours, qu'ainsi il ressort de ces éléments que la décision de l'APC du 22 août 2019 présente un risque sérieux d'annulation fondé sur le défaut d'impartialité du collège, d'autant plus que le commissaire du gouvernement remet en cause l'analyse de l'APC qui a établi la situation anticoncurrentielle telle qu'elle ressort de la décision du 22 août 2019, qu'en l'espèce il y a lieu à sursoir à l'exécution de la décision de l'APC N° 2019-PAC-1 du 22 août 2019 dans toutes ses dispositions.

Considérant que le Premier Président de la Cour d'Appel saisi d'une demande de sursis à exécution sur le fondement de l'article 10, I de l'ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017 et de l'article L. 464-8 du Code de commerce n'est pas compétent pour statuer sur la demande de suspension de la publication du communiqué de presse publié sur le site de l'APC en date du 23 août 2019 intitulé " pratiques du groupe Wane mises en œuvre dans la commercialisation de boissons ", que cette demande sera déclarée irrecevable.

Par ces motifs Ordonnons le sursis à exécution de la décision de l'Autorité polynésienne de la concurrence N° 2019-PAC-1 du 22 août 2019 dans toutes ses dispositions, prononcée à l'encontre des sociétés SARL Société d'achat et de gestion, SAS Société d'Etude et de Gestion Commerciale, SARL Société Commerciale de Tahiti lti, SARL Société Commerciale de Auae, SAS Société Commerciale de Mahina, SARL Société Commerciale de Paofai, SARL Société Commerciale de Heiri, SARL Société Commerciale de Taravao, SARL Société Commerciale de Raiatea, SAS Toa Moorea, SAS Easy Market Faa'a et SARL Société Commerciale de Prince Hinoi, la société de Participation pour la Distribution, en sa qualité de société mère des magasins du pôle distribution du groupe Wane et de Sages, jusqu'à ce que la Cour d'appel statue sur le bien-fondé du recours formé contre cette décision. Déclarons irrecevable la demande de suspension de la publication du communiqué de presse publié sur le site de l'APC en date du 23 août 2019 intitulé " pratiques du groupe Wane mises en œuvre dans la commercialisation de boissons ". Disons que les dépens et demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.