ADLC, 27 septembre 2019, n° 19-DCC-180
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de la société NDIS par la société SAFO
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 8 juillet 2019, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société NDIS par la société SAFO, formalisé par un protocole d'accord en date du 29 mars 2019 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les engagements présentés le 8 août 2019 et transmis dans leur dernière version les 26 août et 17 septembre 2019 ; Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l'instruction ; Vu les autres pièces du dossier ; Adopte la décision suivante :
Résumé (1)
Aux termes de la décision ci-après, l'Autorité a procédé à l'examen de l'acquisition, par la Société Antillaise Frigorifique (" SAFO "), du contrôle exclusif de la société NDIS, qui exploite un hypermarché sous l'enseigne Super NKT situé en Guyane (973), et de sa filiale, la société NG Kon Tia, qui est active dans le secteur de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires.
Les parties à l'opération étant simultanément actives dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire en Guyane, l'Autorité a identifié, au terme de son analyse concurrentielle, deux principaux risques d'atteinte à la concurrence sur les marchés de la distribution au détail et de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires.
S'agissant du marché de la distribution au détail, l'opération aurait entraîné un risque de disparition d'une enseigne d'hypermarché en Guyane. En effet, dans la zone de chalandise concernée, trois enseignes indépendantes d'hypermarché sont actuellement présentes : Super NKT, Carrefour et Hyper U. L'exploitation du magasin Super NKT sous enseigne Carrefour après l'opération (2) se serait alors traduite par le passage de trois à deux enseignes concurrentes dans la zone. Sur un marché plus large, qui inclut toutes les formes de distribution (supermarchés, maxi-discompteurs...), l'opération aurait également eu pour effet de renforcer la position déjà importante de l'enseigne Carrefour et de faire disparaître une enseigne indépendante sur un marché déjà très concentré.
S'agissant des marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires, une attention particulière a été portée aux activités de distribution en gros de produits frais (yaourts, beurres, crèmes desserts, fruits, légumes...) et surgelés de Sofrigu (SAFO) et NG Kon Tia (NDIS) en Guyane, en particulier à destination du commerce de détail. En effet, dans le cadre des différents tests de marché (consultation des acteurs du marché) réalisés au cours de l'instruction, plusieurs opérateurs du secteur ont indiqué que Sofrigu et NG Kon Tia étaient les deux principaux grossistes-importateurs pour ces catégories de produits en Guyane.
Pour remédier aux risques concurrentiels identifiés, SAFO a proposé des engagements.
Tout d'abord, SAFO s'est engagée à ne pas exploiter l'hypermarché cible sous une enseigne comportant la marque Carrefour. Les contrats qui seront conclus entre SAFO et le groupe Carrefour devront conférer à l'hypermarché une autonomie commerciale, que ce soit en termes d'assortiment de produits ou de politique tarifaire, que n'ont pas les autres magasins exploités sous l'une des enseignes Carrefour en Guyane (Carrefour, 8 à Huit et Proxi). Ces dispositions permettront en particulier au groupe SAFO d'exercer une réelle concurrence au groupe Carrefour en Guyane dans la mesure où il pourra librement déterminer sa stratégie commerciale. Cet engagement permettra donc à SAFO de concurrencer efficacement, par les prix, la qualité et la variété des produits offerts, les hypermarchés Carrefour et Hyper U présents dans la zone de chalandise, et plus généralement l'ensemble des enseignes concurrentes de distribution au détail à dominante alimentaire en Guyane.
Ensuite, SAFO s'est engagée à ne pas réaliser l'opération avant d'avoir conclu un contrat de cession portant sur l'ensemble de l'activité de grossiste-importateur de NG Kon Tia et obtenu l'agrément de l'Autorité sur ce contrat et le repreneur de l'activité. Il s'agit, en droit de la concurrence, d'un engagement de " cession préalable à la réalisation de l'opération " (ou " up-front buyer "), qui offre une garantie élevée d'efficacité dans sa mise en œuvre dans la mesure où l'opération ne peut pas être réalisée tant que le repreneur des actifs cédés n'est pas agréé, c'est-à-dire tant que l'Autorité ne s'est pas assurée que le repreneur rassemblait toutes les garanties requises pour la reprise (indépendance, poursuite de l'activité). Cet engagement a pour effet de supprimer tout chevauchement d'activité entre les parties sur les marchés de la distribution en gros et d'écarter ainsi tout risque d'atteinte à la concurrence lié au renforcement de la position de SAFO sur ces marchés.
Compte tenu de ces engagements, l'Autorité a autorisé l'opération.
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Société Antillaise Frigorifique (ci-après, " SAFO ") est une société contrôlée par la société Gérard Huyghues-Despointes, laquelle est contrôlée par la famille Huygues-Despointes. SAFO est active dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire dans la zone AntillesGuyane et en métropole. En Guyane, SAFO exploite un magasin de distribution au détail à dominante alimentaire de type supermarché d'une surface de [...] m2 , sous l'enseigne Carrefour Market, situé à Rémire-Montjoly, commune limitrophe de Cayenne, en Guyane (973). Elle exploite également un magasin spécialisé dans la distribution de produits surgelés sous enseigne Picard, situé également à Rémire-Montjoly (973). De plus, SAFO exerce une activité de gestion d'affiliés dans le cadre de contrats de licence d'enseigne Proxi et de contrats de franchise 8 à Huit (groupe Carrefour). Par ailleurs, SAFO est active dans le secteur du commerce de gros et demi-gros (cash & carry) de produits alimentaires et non-alimentaires, à travers ses filiales Sofrigu et Rémidis. Enfin, SAFO détient une centrale d'achat nationale, via la société Sogedial Exploitation.
2. NDIS est une société ultimement contrôlée par les consorts NG Kon Tia. NDIS exploite un magasin de distribution au détail à dominante alimentaire de type hypermarché d'une surface de [...] m², sous l'enseigne Super NKT (3) , situé à Cayenne (973) (ci-après, " le magasin cible "). À travers sa filiale NG Kon Tia, NDIS est active également dans le secteur de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires. Enfin, NG Kon Tia détient un ensemble immobilier, situé à Cayenne (973), sur lequel les activités du groupe sont exploitées.
3. La présente opération, formalisée par un protocole d'accord en date du 29 mars 2019, consiste en l'acquisition de la totalité des actions de NDIS, après l'acquisition préalable, par cette dernière, des actions que les actionnaires minoritaires détiennent dans sa filiale NG Kon Tia.
4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de NDIS par SAFO, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 75 millions d'euros (SAFO : [= 75 millions] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2018 ; NDIS : environ [= 75 millions] d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en Guyane, un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions d'euros dans le secteur du commerce de détail (SAFO : [= 5 millions] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2018 ; NDIS : [= 5 millions] d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au III de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire en Guyane.
7. Selon la pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence (4) , deux catégories de marchés sont délimitées dans ce secteur. Il s'agit, d'une part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante (A) et, d'autre part, des marchés " aval " de la distribution de détail à dominante alimentaire (B). Des marchés " intermédiaires " de la distribution en gros de produits alimentaires et non alimentaires sont également concernés au cas d'espèce, compte tenu des activités des parties sur ces marchés (C).
A. LES MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
8. Dans le secteur de la distribution de détail à dominante alimentaire, les entreprises sont présentes, en tant qu'acheteurs, sur les marchés amont de l'approvisionnement, qui comprennent la vente de biens de consommation courante par les producteurs à des clients tels que les grossistes, les détaillants (grandes surfaces alimentaires, ci-après " GSA ", et grandes surfaces spécialisées, ci-après " GSS ") ou d'autres entreprises (par exemple, les cafés/hôtels/restaurants, ci-après " RHF ") (5) .
9. Les autorités de concurrence distinguent habituellement autant de marchés qu'il existe de familles ou groupes de produits (6) . Les catégories suivantes ont ainsi été distinguées :
- produits de grande consommation : (1) liquides, (2) droguerie, (3) parfumerie et hygiène, (4) épicerie sèche, (5) parapharmacie, (6) produits périssables en libre-service ;
- frais traditionnel : (7) charcuterie, (8) poissonnerie, (9) fruits et légumes, (10) pain et pâtisserie fraîche, (11) boucherie ;
- bazar : (12) bricolage, (13) maison, (14) culture, (15) jouets, loisir et détente, (16) jardin, (17) automobile ;
- électroménager, photo, cinéma et son : (18) gros électroménager, (19) petit électroménager, (20) photo et ciné, (21) hi-fi et son, (22) TV et vidéo ; et
- textile : (23) textile et chaussures.
10. La Commission européenne a également envisagé une segmentation en fonction des canaux de Distribution (7) . Dans sa décision Carrefour/Promodès précitée, elle relève qu'" il existe des indices sérieux permettant de penser que certains marchés de l'approvisionnement peuvent également être définis en fonction des canaux de distribution, de telle sorte que l'approvisionnement du secteur du commerce de détail à dominante alimentaire pourrait constituer un marché autonome ". L'Autorité de la concurrence a également identifié un marché distinct de l'approvisionnement en produits alimentaires destinés aux GSA (8) .
11. Par ailleurs, au sein de ce canal, l'Autorité a envisagé une sous-segmentation en fonction du positionnement commercial du produit (marque de fournisseur ou " MDF ", marque de distributeur ou " MDD ") (9) .
12. En l'espèce, les parties sont simultanément actives en qualité d'acheteurs sur ces marchés.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
13. Les autorités de concurrence considèrent que la délimitation géographique des marchés de l'approvisionnement est essentiellement nationale, tout en n'excluant pas que, pour certaines catégories de produits, la dimension du marché puisse, en partie, être plus étroite.
14. En ce qui concerne les départements et régions d'outre-mer (ci-après, " DROM "), l'Autorité a souligné le caractère spécifique des circuits d'approvisionnement en produits de grande consommation et ses effets sur l'équilibre concurrentiel des marchés concernés (10). De plus, une partie de l'approvisionnement des enseignes de distribution de détail à dominante alimentaire provient de producteurs locaux, afin notamment de répondre aux goûts et habitudes alimentaires locales, mais aussi de limiter les coûts d'importation dont celui du fret maritime et celui de l'octroi de mer. Les marchés géographiques en matière d'approvisionnement de produits alimentaires et non-alimentaires (hors MDD, pour lesquelles le marché géographique est de dimension nationale) pourraient donc être limités à chaque DROM, d'une part, et à la zone Antilles-Guyane, d'autre part (11).
15. En l'espèce, les parties sont simultanément actives dans la zone Antilles-Guyane et, plus précisément, en Guyane.
B. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION EN GROS DE PRODUITS ALIMENTAIRES ET NON ALIMENTAIRES
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
16. S'agissant de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires, les autorités de concurrence (12) retiennent l'existence de marchés distincts par canal de distribution : GSA, RHF et industrie agro-alimentaire (ou " IAA ").
17. Au cas d'espèce, les activités des parties se chevauchent sur les canaux de la distribution en gros à destination (i) des GSA, les parties y opérant en qualité de vendeurs et d'acheteurs, et (ii) de la RHF, en qualité de vendeurs.
18. Du fait notamment de la forte spécialisation des grossistes-importateurs dans les DROM, l'Autorité a retenu une segmentation des marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires à destination des GSA par grandes familles de produits (boissons, produits frais, produits secs, produits surgelés, produits périssables en libre-service, droguerie-parfumerie-hygiène, etc.) (13).
19. S'agissant de la distribution en gros de produits alimentaires à destination de la RHF, l'Autorité a envisagé une segmentation du marché en fonction (i) du mode de distribution, (ii) du type de clientèle et (iii) du type de produits (14). De plus, l'Autorité a identifié un marché de la distribution en gros de produits d'hygiène et d'entretien à destination d'une clientèle professionnelle, incluant la RHF (15).
20. La question de la définition exacte de ces marchés peut toutefois être laissée ouverte, les engagements présentés par la partie notifiante ayant permis de lever tout risque d'atteinte à la concurrence sur ces marchés, quelle que soit leur segmentation.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
21. L'Autorité a envisagé l'existence d'un marché de la distribution de gros aux GSA à l'échelle de chaque DROM ou de la zone Antilles-Guyane, correspondant à l'activité des grossistes-importateurs. Comme cela a été constaté par l'Autorité dans le cadre de son avis du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer, les grossistes-importateurs sont des acteurs structurants dans le modèle de distribution ultramarin (16). La spécificité de ce circuit d'approvisionnement et son caractère essentiel dans l'approvisionnement des GSA justifient qu'un marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires soit retenu pour chaque DROM (17).
22. S'agissant de la distribution en gros à destination de la RHF, les effets de l'opération peuvent également s'apprécier au niveau de chaque DROM.
23. En l'espèce, l'analyse concurrentielle sera menée au niveau de la Guyane.
C. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DÉTAIL À DOMINANTE ALIMENTAIRE
1. LES MARCHÉS DE PRODUITS
24. L'Autorité a distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés (surface légale de vente supérieure à 2 500 m²), (ii) les supermarchés (entre 400 et 2 500 m²), (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail ou supérettes (moins de 400 m²), (v) les maxi discompteurs et (vi) la vente par correspondance (18).
25. L'Autorité considère toutefois que le critère de la surface de vente doit être utilisé avec précaution et doit être adapté à chaque cas d'espèce, lorsque les circonstances le justifient : des magasins dont la surface est proche d'un des seuils définis ci-dessus peuvent ainsi se trouver en concurrence directe avec les magasins d'une autre catégorie (19).
26. De plus, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories peut exister. L'Autorité a ainsi distingué, lorsque le point de vente cible est un hypermarché, deux marchés :
- un marché comprenant uniquement les hypermarchés ; et
- un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard discount et magasins populaires), à l'exception du petit commerce de Détail (20).
27. En l'espèce, SAFO exploite un supermarché alors que NDIS exploite un hypermarché.
2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
28. L'Autorité considère qu'en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence s'apprécient généralement sur deux zones différentes :
- une première zone (" zone primaire ") où se rencontrent la demande des consommateurs et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;
- une seconde zone (" zone secondaire ") où se rencontrent la demande des consommateurs et l'offre des supermarchés et autres formes de commerce équivalentes situées à moins de 15 minutes en voiture. Ces dernières peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés et les magasins discompteurs implantés dans la zone secondaire.
29. En l'espèce, le magasin cible entrant dans la catégorie des hypermarchés, l'analyse concurrentielle sera menée, d'une part, sur un marché incluant les hypermarchés situés dans un rayon d'un temps de trajet en voiture de 30 minutes à partir du magasin cible et, d'autre part, sur un marché incluant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans un rayon d'un temps de trajet en voiture de 15 minutes à partir du magasin cible.
III. Analyse concurrentielle
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
1. LES MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT
a) Au niveau national
30. L'opération, qui concerne le changement de contrôle d'un grossiste-importateur (NG Kon Tia) et d'un hypermarché sous enseigne Super NKT, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat de SAFO au niveau national, tous produits confondus, comme par familles ou groupes de produits. En effet, la part d'achat des sociétés cibles représente moins de [0-5] % du total des approvisionnements en France, quelle que soit la catégorie de produits. À l'issue de l'opération, SAFO représentera [0-5] % du total des approvisionnements et moins de [5-10] % de chacune des catégories de produits envisagées au niveau national.
31. Si l'on considère le marché amont de l'approvisionnement en produits MDD " Carrefour " auprès de la centrale d'achat de l'enseigne, l'opération n'est pas non plus de nature à renforcer significativement la puissance d'achat de SAFO. Compte tenu de la rupture de son contrat de franchise avec l'enseigne U, en juillet 2018, l'hypermarché cible ne distribuait plus de produits MDD au moment de l'instruction. L'opération n'emporte donc aucun chevauchement d'activités des parties sur ce segment de marché. En tout état de cause, l'acquisition du contrôle de NDIS ne renforcerait que marginalement le poids de SAFO dans les achats de produits MDD Carrefour si SAFO décidait de s'approvisionner en produits MDD auprès de la centrale Carrefour pour approvisionner l'hypermarché cible. En effet, au niveau national, la nouvelle entité représentera moins de 5 % des achats en produits MDD auprès de la centrale Carrefour.
b) Au niveau local
32. SAFO n'a pas été en mesure de fournir des estimations de parts de marché au niveau de la zone Antilles-Guyane et au niveau de la Guyane correspondant à l'ensemble des familles et catégories de produits identifiées dans la pratique décisionnelle de l'Autorité. En l'absence de données disponibles spécifiques aux DROM, SAFO a toutefois présenté des estimations sur les catégories de produits suivantes : bazar (incluant le textile), droguerie-parfum-hygiène (ciaprès, " DPH "), épicerie, produits frais, liquides et produits surgelés, qui recouvrent les segmentations envisagées dans la pratique décisionnelle.
33. Au niveau de la zone Antilles-Guyane, la part d'achat globale de la nouvelle entité, calculée en chiffre d'affaires, sera inférieure à 20 %, tous produits confondus comme par catégorie de produit.
34. S'agissant plus particulièrement du marché de l'approvisionnement à destination des GSA, l'Autorité considère que la position des parties peut être estimée à partir des surfaces de ventes sur le marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire (21).
35. En l'espèce, les magasins intégrés de la nouvelle entité représenteront environ [10-20] % des surfaces de vente des magasins de distribution au détail à dominante alimentaire d'une surface supérieure ou égale à 400 m² (SAFO : [0-5] % ; NDIS : [5-10] %) et moins de [5-10] % de la surface totale des magasins de distribution au détail à dominante alimentaire en Guyane (SAFO : [0-5] % ; NDIS : [0-5] %).
36. Ce renforcement, même limité, de la puissance d'achat de SAFO au niveau local, issu de l'addition des parts de marchés de la cible, intervient sur des marchés où le secteur de l'offre est beaucoup moins concentré que celui de la demande. En effet, sur les marchés de l'approvisionnement en Guyane, cinq groupes de distribution (22) exploitent la quasi-totalité des GSA d'une surface supérieure à 400 m² et s'adressent à de nombreux producteurs locaux et grossistes-importateurs, de tailles différentes, plus ou moins spécialisés dans une famille de produits, adossés ou non à un groupe de distribution.
37. Selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, le risque de dépendance économique s'apprécie notamment au regard de la part que représente un débouché dans l'ensemble des ventes du fournisseur. Les autorités de concurrence considèrent qu'il existe un " seuil de menace " au-delà duquel la survie du fabricant peut être remise en cause, la disparition de ce débouché plaçant, à plus ou moins brève échéance, le fournisseur dans une situation financière difficile, pouvant parfois conduire à une faillite. Le niveau de ce seuil n'est toutefois pas fixe et dépend d'un grand nombre de paramètres spécifiques selon les secteurs concernés, la structure et la situation financière des entreprises, l'existence et le coût d'éventuelles solutions alternatives (23).
38. Les caractéristiques des secteurs de l'offre et de la demande du marché de l'approvisionnement en Guyane (cinq principaux acheteurs s'adressant à de nombreux fournisseurs) sont similaires à celles du marché examiné par la Commission dans sa décision du 3 février 1999 ReweMeinl (24). Dans cette décision, la Commission européenne avait estimé à 22 % le seuil au-delà duquel un producteur ne peut remplacer la perte d'un client sans subir de pertes financières considérables, sachant que le passage à d'autres canaux de distribution (GSS, par exemple) peut s'avérer coûteux, difficile, voire impossible.
39. Par conséquent, un seuil de 22 % a été retenu pour les besoins de la présente instruction, la situation géographique du territoire de la Guyane limitant par ailleurs la recherche de nouveaux débouchés pour les fournisseurs locaux (25). L'analyse du risque de dépendance économique des fournisseurs n'a toutefois pas été limitée à l'examen quantitatif des situations individuelles des fournisseurs au regard de ce seuil de menace. Elle a été complétée par les résultats d'un test de marché adressé aux fournisseurs communs des parties, qui a apporté un éclairage qualitatif de ce risque.
40. Parmi les vingt fournisseurs communs aux parties ayant répondu au test de marché, cinq d'entre eux ont estimé que l'opération aurait des conséquences défavorables pour leur entreprise. Toutefois, trois de ces répondants ont indiqué réaliser un chiffre d'affaire limité avec les parties, de sorte que l'opération n'a pas pour effet de les placer en situation de dépendance économique avec la nouvelle entité ou même de renforcer une telle situation. Pour ces trois répondants, nonobstant leur réponse au test de marché, tout risque de dépendance économique liée à l'opération peut donc être écarté.
41. Sur la base de l'analyse menée par SAFO et des réponses au test de marché réalisé par l'Autorité, trois producteurs locaux communs et trois grossistes-importateurs locaux communs aux parties qui réaliseront plus de 22 % de leur chiffre d'affaires individuel auprès de la nouvelle entité ont été identifiés.
[TABLEAU]
42. Parmi ces six fournisseurs communs aux parties, cinq d'entre eux réalisaient déjà plus de 22 % de leurs ventes avec SAFO ou NDIS (cette part est supérieure à 40 % pour trois d'entre eux).
43. En ce qui concerne le seul fournisseur qui dépasse le seuil de menace de 22 % à l'égard de la nouvelle entité du fait de l'opération, il s'agit d'une filiale du groupe [...], lequel est actif dans divers secteurs, tels que la distribution alimentaire, la distribution automobile ou l'industrie, dans la zone Antilles-Guyane, mais également en métropole et à l'étranger. Compte tenu de la puissance du groupe [...], ce fournisseur ne saurait donc être considéré comme placé en état de dépendance économique du fait de l'opération.
44. Parmi les cinq fournisseurs qui réalisaient déjà plus de 22 % de leurs ventes avec SAFO ou NDIS, il convient d'examiner plus en détail le cas de deux fournisseurs pour lesquels l'opération peut sembler, au vu des parts de SAFO ou NDIS dans leurs ventes, renforcer significativement leur situation de dépendance économique.
45. Dans sa réponse au test de marché, la société [...] a estimé que cette opération n'était pas de nature à entraver sa présence sur certains marchés et que les conséquences prévisibles de l'opération seraient très favorables pour son activité. Elle a également indiqué qu'elle disposerait de débouchés alternatifs suffisants à la nouvelle entité en cas de dégradation de ses relations commerciales avec SAFO. Au vu de ces éléments, l'opération n'est pas de nature à renforcer la situation de dépendance économique pour ce fournisseur.
46. L'opération a en revanche pour effet de renforcer la situation de dépendance économique d'un fournisseur, la société [...].
47. Or, comme l'a relevé le Conseil de la concurrence dans son avis de 1997 (26), dans l'hypothèse où une opération de concentration aurait pour conséquence de placer en situation de dépendance économique à l'égard de la nouvelle entreprise issue de la concentration un seul fournisseur ou un petit nombre d'entre eux, cette circonstance serait à elle seule insuffisante pour justifier une interdiction ou une remise en cause de l'opération. L'appréhension des cas individuels d'abus de dépendance économique peut d'ailleurs relever de la compétence de l'Autorité de la concurrence statuant en contentieux. Par ailleurs, certaines pratiques abusives peuvent relever de la compétence de la DGCCRF au titre des règles relatives aux pratiques commerciales restrictives, et en particulier de l'article L. 442-1 du code de commerce (dispositions relatives au déséquilibre significatif dans les relations contractuelles).
48. De plus, comme le précisent les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, " En soi, la dépendance économique ne constitue cependant une atteinte à la concurrence que si elle a un effet sur la concurrence sur un marché et, finalement, sur le surplus du consommateur, et non simplement sur un fournisseur, dans la mesure où l'objectif des autorités de concurrence n'est pas de protéger une entreprise en tant que telle, qu'elle soit concurrente, cliente ou fournisseur. " (27) Il en résulte qu'une opération de concentration n'est de nature à porter atteinte à la concurrence qu'à la condition que la création ou le renforcement d'un état de dépendance économique des fournisseurs des parties à l'opération risque d'affecter la structure ou le fonctionnement de la concurrence sur les marchés concernés.
49. En l'espèce, la position de SAFO en tant qu'acheteur sur les marchés amont de l'approvisionnement n'est pas significativement renforcée par l'opération. En outre, l'opération n'a pas pour effet de placer un nombre suffisant de fournisseurs en état de dépendance économique. Il en résulte que l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par création ou renforcement de la puissance d'achat de la nouvelle entité.
2. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION EN GROS DE PRODUITS ALIMENTAIRES ET NONALIMENTAIRES
a) Le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires à destination des GSA
50. Selon les estimations de SAFO, les parts de marché des parties seraient les suivantes : Catégories de produits SAFO NDIS Parts de marché cumulées
[TABLEAU]
51. Selon SAFO, à l'exception de la catégorie " liquide ", les parts de marché cumulées des parties seraient inférieures à 25 % ou leur addition serait inférieure à deux points.
52. S'agissant de la catégorie " liquide ", SAFO met en avant l'existence de grossistes-importateurs concurrents capables d'exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité, tels que les sociétés HSM ou Bamyrag (groupe GBH).
53. Toutefois, de nombreuses réponses au test de marché contredisent les estimations de parts de marché présentées par SAFO. En effet, plusieurs répondants ont indiqué que Sofrigu (SAFO) et NG Kon Tia (NDIS) sont les principaux opérateurs de la distribution en gros de produits frais et surgelés en Guyane et qu'il n'existe pas de réelles alternatives aux parties pour ces deux catégories de produits. Ainsi, un répondant au test de marché a indiqué que " SOFRIGU (SAFO) et NG KON TIA (NKT) sont les seuls importateurs grossistes en Guyane qui bénéficient d'un outil logistique en mesure de distribuer du froid positif et négatif " et que la " prise de contrôle du grossiste NG KON TIA par le groupe SAFO réunira en une seule main le commerce de gros des produits frais et surgelés ". Un autre répondant a soulevé le risque de création d'un monopole de la distribution des produits surgelés au profit de SAFO. À cet égard, les services de la DIECCTE de Guyane ont confirmé que Sofrigu et NG Kon Tia sont les deux principaux opérateurs et approvisionnent l'ensemble des magasins de commerce de détail à dominante alimentaire de Guyane en produits frais et surgelés.
54. Si SAFO a conclu à l'absence d'atteinte à la concurrence sur ce marché, elle n'a pas été en mesure d'apporter de nouveaux éléments de nature à étayer ses estimations de marché et à lever les doutes sur l'existence d'un éventuel renforcement de son pouvoir de marché à l'issue de l'opération. En particulier, s'agissant des produits frais et surgelés, SAFO n'a pas été en mesure d'identifier d'autres concurrents que les parties crédibles en Guyane.
55. Ainsi, l'instruction n'a pas permis de lever le risque d'atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires à destination des GSA, sur les segments des produits frais et surgelés.
56. Toutefois, SAFO a présenté des engagements, analysés en section IV de la présente décision, de nature à supprimer le chevauchement d'activité entre les parties sur ces marchés, et permettant d'écarter tout doute sérieux d'atteinte à la concurrence.
b) Les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires à destination de la RHF
57. Sur un marché global comprenant la distribution en gros de produits alimentaires et non alimentaires à destination de la RHF, SAFO estime la part de marché de la nouvelle entité à [20-30] % (SAFO : [10-20] % ; NDIS : [0-5] %).
58. Compte tenu des difficultés à obtenir des données fiables sur la taille des différents segments du marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires à destination de la RHF en Guyane, les positions exactes des parties n'ont toutefois pas pu être estimées.
59. En tout état de cause, sans que l'instruction n'ait eu à approfondir son analyse concurrentielle sur ces marchés, tout doute sérieux d'atteinte à la concurrence a été écarté par les engagements présentés par SAFO et analysés en section IV de la présente décision.
3. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL À DOMINANTE ALIMENTAIRE
a) Cadre d'analyse de la structure concurrentielle des marchés aval de la distribution au détail à dominante alimentaire
60. Conformément à la pratique décisionnelle de l'Autorité et à la jurisprudence du Conseil d'État (28), afin de déterminer, en présence de magasins franchisés, si l'analyse concurrentielle doit être menée au niveau de l'enseigne ou bien par groupe franchisé, il convient d'analyser quel est le niveau d'intégration des magasins franchisés dans le périmètre d'activité du groupe franchiseur, en fonction du degré d'autonomie commerciale qui est accordé aux franchisés. L'Autorité a notamment considéré que les critères suivants permettaient d'inférer l'absence d'autonomie des membres d'un réseau de franchise : (i) la possibilité de la tête de réseau de fixer des prix maximum à ses adhérents affectant la liberté de l'adhérent de fixer ses prix de manière indépendante, (ii) les obligations d'approvisionnement des adhérents auprès du groupement pour une part importante de leurs achats, (iii) l'obligation de respecter des clauses de préemption, de substitution et de préférence au profit du groupement en cas de cession de leur magasin en dehors du périmètre familial, (iv) l'obligation de participer à un certain nombre d'opérations promotionnelles par an, durant lesquelles les adhérents doivent mettre en vente les produits au prix indiqué sur les documents publicitaires, (v) l'obligation de référencer plus de 50 % des lignes de produits de la tête de réseau, (vi) l'interdiction de modifier un point de vente sans l'autorisation du franchiseur, (vii) la durée plus ou moins longue des contrats.
61. SAFO a conclu avec le groupe Carrefour un contrat de master-franchise (29) pour l'enseigne Carrefour Market en Guyane, dans le cadre duquel est exploité son unique magasin intégré sur ce territoire. Dans la mesure où les conditions d'exploitation de ce magasin découlent des stipulations de ce contrat de master-franchise, l'autonomie commerciale de ce magasin doit être analysée au regard de celles-ci.
62. Ce contrat de master franchise est [confidentiel].
63. Dans la zone de chalandise autour du magasin cible, un autre hypermarché à l'enseigne Carrefour est présent. Ce magasin, d'une surface de [...] m², est exploité en franchise par le groupe GBH. Dans la décision n° 18-DCC-142 précitée, l'Autorité a constaté que les contrats de franchise Carrefour en Martinique étaient de nature à restreindre l'autonomie commerciale des franchisés. Or, les principales stipulations du contrat de franchise portant sur le magasin sous l'enseigne Carrefour exploité par GBH en Guyane sont similaires à celles analysées dans le cadre de la décision précitée.
64. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les clauses des contrats des magasins franchisés et master-franchisés Carrefour en Guyane sont de nature à restreindre l'autonomie commerciale des franchisés vis-à-vis de leur tête de réseau.
65. L'analyse concurrentielle sera donc menée, s'agissant de ces magasins, au niveau de l'enseigne Carrefour, et non par groupe franchisé, SAFO ayant par ailleurs précisé que l'hypermarché cible doit passer, après l'opération, sous enseigne Carrefour Market compte tenu de son statut de sous-franchiseur de cette enseigne.
b) Analyse concurrentielle
i. Sur le marché aval comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise correspondant à un rayon de 30 minutes en voiture autour de l'hypermarché cible (" zone primaire ").
66. Dans la zone primaire autour du magasin cible, sont présents les magasins suivants :
67. Dans cette zone, l'exploitation du magasin cible avec un contrat classique Carrefour renforcerait significativement l'enseigne Carrefour en Guyane, avec une part de marché de [50- 60] %. Elle ne serait alors confrontée qu'à une enseigne concurrente, Hyper U ([40-50] %).
68. L'opération aurait donc pour effet de réduire de trois à deux le nombre d'enseignes d'hypermarché concurrentes présentes dans la zone.
69. La suppression de l'enseigne Super NKT entraînerait donc pour le consommateur la perte d'une alternative sur le marché local des hypermarchés, alors que celui-ci est déjà concentré de façon significative et comporterait donc un risque d'appauvrissement de la diversité de l'offre et de baisse de la pression concurrentielle sur le prix.
[TABLEAU]
70. SAFO conteste toutefois ce constat, en mettant en avant que le magasin cible n'exerce plus une concurrence réelle sur les hypermarchés sous enseignes Carrefour et Hyper U.
71. Premièrement, SAFO soutient que le magasin cible, compte tenu de sa surface limitée en comparaison des deux autres hypermarchés, serait incapable d'exercer sur eux une réelle pression concurrentielle. Cette allégation n'a toutefois pas été confirmée par l'instruction et le test de marché réalisé auprès des concurrents des parties. En effet, selon la majorité des répondants, le magasin cible relève bien de la catégorie des hypermarchés, même si sa surface commerciale est très inférieure aux autres hypermarchés. L'un des répondants met en avant que le magasin cible a, depuis son ouverture, toujours été perçu par la population guyanaise comme un hypermarché disposant d'un assortiment large.
72. Deuxièmement, SAFO considère que l'enseigne Super NKT ne constitue pas une enseigne pérenne capable de concurrencer efficacement les enseignes nationales U et Carrefour. En ce sens, SAFO avance que, depuis le 1er juillet 2018, date à laquelle son contrat d'enseigne avec Système U a pris fin, le magasin cible a subi d'importantes pertes de chiffre d'affaires. Le graphique ci-après présente l'évolution du chiffre d'affaires mensuel de l'hypermarché cible du 1er juillet 2016 au 30 avril 2019 et confirme cet élément. [Confidentiel]
73. Troisièmement, SAFO met en avant que depuis la rupture de son contrat d'enseigne avec Système U, le magasin cible ne distribue plus de produits MDD U (30). Il serait ainsi dans l'incapacité d'offrir aux consommateurs une gamme de produits équivalente aux autres hypermarchés sous enseigne nationale présents dans la zone.
74. Toutefois, même si la pression concurrentielle exercée par le magasin cible sur ses concurrents semble effectivement décroître, elle demeure réelle, et permet aujourd'hui le maintien d'une offre alternative aux enseignes Carrefour et U.
75. D'une part, une très forte majorité des concurrents ayant répondu au test de marché considère que l'enseigne Super NKT concurrence efficacement les autres enseignes implantés en Guyane. Ces répondants mettent entre autres en avant que la présence de NDIS en tant que grossiste, via NG Kon Tia, lui permet une certaine compétitivité sur les marques et sur les prix, couplée à son expertise en matière de distribution, tirée des années d'exploitation du magasin cible sous enseigne du groupe Système U.
76. D'autre part, s'agissant des MDD, l'Autorité a déjà relevé par le passé que ces produits ne bénéficiaient que d'un faible taux d'implantation dans les DROM, en comparaison des taux observables en métropole, et que leur rôle y était encore limité (31).
77. Ainsi, dans la mesure où l'instruction n'a pas pu exclure le scénario consistant au passage de trois à deux enseignes dans la zone primaire, il en résulte que l'opération est de nature à soulever des doutes sérieux d'atteinte à la concurrence sur le marché aval de la distribution de produits à dominante alimentaire.
78. SAFO a toutefois présenté des engagements, analysés en section IV de la présente décision, afin de remédier aux risques anticoncurrentiels identifiés.
ii. Sur le marché aval comprenant les hypermarchés, les supermarchés et les formes de commerce équivalentes situés dans une zone de chalandise correspondant à un rayon de 15 minutes en voiture autour de l'hypermarché cible (" zone secondaire ").
79. Dans la zone secondaire autour du magasin cible, sont présents les magasins répertoriés dans le tableau ci-après :
[TABLEAU]
80. Il convient de préciser que le magasin à l'enseigne Leader Price sis à Matoury, d'une surface de [...] m² a été pris en compte pour le calcul des parts de marché, bien qu'il ne soit pas en activité au moment de la présente instruction. En effet, conformément à la pratique décisionnelle constante de l'Autorité en matière de commerce de détail, les magasins qui bénéficient d'une décision de la Commission départementale d'aménagement commerciale (" CDAC ") sont pris en compte si leur ouverture est prévue à court terme.
81. À l'issue de l'opération, l'enseigne Carrefour est susceptible de renforcer sa position si l'hypermarché cible est exploité dans le cadre d'un contrat de franchise classique. Sa part de marché passerait de [30-40] % à [40-50] %. L'enseigne Carrefour demeurerait alors confrontée à la concurrence de deux enseignes de dimension nationale, Système U ([20-30] %) et Leader Price ([20-30] %).
82. La part de marché de l'enseigne Carrefour restera inférieure à 50 % et cette enseigne restera confrontée à la concurrence de deux autres enseignes de dimension nationale. Toutefois, l'opération est susceptible de porter atteinte à la concurrence du seul fait de la disparition d'une enseigne indépendante (32), compte tenu des spécificités des marchés de la distribution au détail en Guyane (33). Ainsi, sous l'hypothèse de l'exploitation du magasin cible dans le cadre d'un contrat de franchise classique Carrefour, l'opération se traduira par la disparition d'une enseigne indépendante (Super NKT) au profit de la première enseigne présente en Guyane. Le consommateur se verra donc privé d'une alternative dans un marché caractérisé par un faible nombre d'enseignes. À titre de comparaison, lors d'une précédente opération de concentration dans le secteur de la distribution au détail à dominante alimentaire en Martinique en 2012, l'Autorité avait considéré que la disparition d'un concurrent sur quatre et d'une enseigne était susceptible de porter atteinte à la concurrence (34).
83. La position importante dont disposerait Carrefour dans la zone secondaire en cas de changement d'enseigne du magasin cible a été soulignée par plusieurs répondants au test de marché. L'un d'entre eux met en avant que deux des trois plus importants magasins de la zone en termes de surface de vente seraient alors sous enseigne du groupe Carrefour.
84. SAFO a mis en avant plusieurs arguments de nature à écarter le risque d'effets horizontaux, comme la situation financière dégradée du magasin cible et son incapacité à exercer sur les magasins sous enseignes nationales une pression concurrentielle réelle. Toutefois, pour les raisons explicitées aux paragraphes 70 à 78 de la présente décision, les arguments de SAFO ne permettent pas d'exclure que l'exploitation de l'hypermarché cible sous enseigne Carrefour aurait pour effet de priver le consommateur d'une alternative crédible aux enseignes déjà présentes dans cette zone. 85. Toutefois, SAFO a présenté des engagements, analysé en section IV de la présente décision, de nature à écarter tout doute sérieux d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
86. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents distributeurs (verrouillage des intrants), ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux (verrouillage de clientèle). Cependant, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère, en principe, qu'un risque d'effet vertical ou congloméral peut être écarté dès lors que la part de marché de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés, amont et aval, ne dépasse pas 30 % (35).
87. En l'espèce, les parties sont actives sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaire et non-alimentaire à destination des GSA, qui se situe en amont du marché aval de la distribution à dominante alimentaire, sur lequel elles sont également simultanément actives par le biais de leurs magasins respectifs.
88. La nouvelle entité pourrait décider, pour ses magasins, de ne plus s'approvisionner auprès de ses concurrents sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et nonalimentaires à destination des GSA, privant ses concurrents d'un débouché en vue de les évincer du marché (verrouillage de clientèle).
89. Toutefois, à l'issue de l'opération, la nouvelle entité représentera, parmi les magasins de distribution au détail à dominante alimentaire d'une surface supérieure à 400 m² en Guyane, [10-20] % des surfaces de vente. Cette position limitée n'est pas de nature à permettre au groupe d'adopter une stratégie de verrouillage de clientèle ayant un effet sensible sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaire à destination des GSA.
90. De plus, les magasins exploités directement par les parties représentent une faible part des achats sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires à destination des GSA, leur part d'achat cumulée étant de [5-10] % du total du marché selon SAFO. Les concurrents des parties sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires continueront donc de disposer de nombreuses alternatives à la nouvelle entité.
91. Ainsi, dans l'hypothèse où la nouvelle entité mettrait en œuvre une stratégie de verrouillage d'accès à la clientèle, celle-ci n'aurait pas d'effet sensible sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires en Guyane.
92. Par ailleurs, plusieurs répondants aux tests de marché estiment qu'aux fins de l'analyse des effets verticaux liés à l'opération, le pouvoir de marché de SAFO sur le marché aval doit être apprécié en tenant compte des [...] magasins d'une surface inférieure à 400 m² affiliés à SAFO, en vertu de son rôle de gestionnaire du réseau de magasins sous enseignes Huit à 8 ([...] magasins) et Proxi ([...] magasins), avec lesquels il a conclu des contrats de franchise ou d'enseigne, en Guyane.
93. Toutefois, en incluant l'ensemble de ces magasins, la nouvelle entité représentera, selon les informations transmises par SAFO, moins de 25 % de la surface totale des magasins de distribution au détail à dominante alimentaire en Guyane. Compte tenu de cette part de marché limitée et de l'existence en Guyane de très nombreux magasins qui constituent des alternatives crédibles pour les grossistes-importateurs concurrents des parties, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'un verrouillage de clientèle.
94. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'un verrouillage de clientèle.
95. Enfin, s'agissant du risque d'un verrouillage des intrants, l'opération ne conduit pas à renforcer la position de SAFO sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et nonalimentaires à destination des GSA compte tenu de les engagements présentés par SAFO et analysés en section IV de la présente décision relatif aux marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires. Par conséquent, le risque d'effets verticaux liés à l'opération peut être écarté.
IV. Les engagements
A. LES ENGAGEMENTS PROPOSÉS
96. Le 8 août 2019, SAFO a présenté des engagements visant à lever les doutes sérieux d'atteinte à la concurrence identifiés sur les marchés aval de la distribution au détail à dominante alimentaire et sur les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et nonalimentaires. Ces engagements ont été jugés insuffisants par l'Autorité dans leur forme initiale. SAFO a présenté une version modifiée de ces engagements le 26 août 2019, qui a été acceptée s'agissant des marchés de la distribution au détail à dominante alimentaire. La proposition d'engagement relatif aux marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et nonalimentaires a fait l'objet d'un nouveau test de marché. Cette proposition d'engagement a été jugée insuffisante par l'Autorité de la concurrence, au regard notamment des résultats du test de marché. Le 4 septembre 2019, SAFO a présenté une version modifiée de cet engagement, à nouveau jugée insuffisante. Le 17 septembre 2019, une nouvelle version de cette proposition d'engagement relatif aux marchés de la distribution en gros de produits alimentaires a été proposée par SAFO. Cette version a été jugée suffisante par l'Autorité pour répondre aux préoccupations de concurrence soulevées par l'opération.
97. L'engagement du 26 août 2019 relatif au marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire et l'engagement du 17 septembre 2019 relatif aux marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires sont donc ceux présentés dans les développements qui suivent. Leur texte, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.
1. ENGAGEMENT RELATIF AU MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL À DOMINANTE ALIMENTAIRE
98. Aux termes de l'engagement du 26 août 2019, SAFO s'engage à conclure, avec le groupe Carrefour, un corpus contractuel spécifique à l'hypermarché cible, comprenant, d'une part, un contrat de licence d'enseigne et, d'autre part, un contrat de prestations de services.
99. Les principales clauses du contrat de licence d'enseigne, conclu pour une durée de cinq ans, sont les suivantes :
- Carrefour concèdera à SAFO, moyennant le versement d'une cotisation mensuelle, le droit d'exploiter le magasin cible sous une enseigne du groupe Carrefour ne comportant pas la marque Carrefour (36).
- SAFO assurera seul et sous son entière responsabilité les opérations publicitaires et de communication liées au magasin cible.
- Carrefour pourra bénéficier d'un droit de préemption, en cas de cession du fonds de commerce, pendant toute la durée d'exécution du contrat de licence d'enseigne.
100. Les principales clauses du contrat de prestations de services, conclu pour une durée de cinq ans, sont les suivantes :
- SAFO pourra, contre paiement d'une redevance mensuelle assise sur [confidentiel], bénéficier, d'une part, d'une assistance et d'une aide dans l'exploitation du magasin cible et, d'autre part, de l'accès aux produits MDD Carrefour.
- Tout en demeurant libre de mener le programme commercial qu'il souhaite, SAFO pourra bénéficier de l'assistance de Carrefour dans l'aspect et la présentation du magasin cible, ainsi que dans la communication d'un programme commercial et des éléments nécessaires à sa mise en œuvre.
- SAFO bénéficiera de tous les produits MDD Carrefour pour l'exploitation du magasin cible, tout en conservant sa liberté d'évaluation de la contribution des produits à marque propre dans le cadre de cette exploitation.
- SAFO sera seul responsable de la détermination de sa politique tarifaire, y compris celle concernant les produits à marque propre.
- SAFO conservera sa liberté de déterminer unilatéralement, au jour le jour, l'assortiment du magasin cible et ne sera lié par aucun obligation d'approvisionnement auprès du groupe Carrefour pour ce qui concerne le magasin cible.
101. Dans le cadre de cet engagement, SAFO renonce à toute offre commune de publicité commerciale, d'offre promotionnelle ou de remise fidélisante, quelles que soient leurs formes, entre le magasin cible et tout point de vente exploité sous enseigne comportant la marque Carrefour (37).
102. Une fois propriétaire du magasin cible et jusqu'à la date de la conclusion du corpus contractuel décrit ci-dessus, SAFO conservera l'enseigne Super NKT, étant précisé que le magasin pourra distribuer des produits MDD Carrefour.
103. À titre d'engagement alternatif, [confidentiel].
2. ENGAGEMENT RELATIF AUX MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION EN GROS DE PRODUITS ALIMENTAIRES ET NON-ALIMENTAIRES
104. L'engagement, de nature structurelle, souscrit par SAFO consiste, préalablement à la réalisation de l'opération, en l'agrément du repreneur du fonds de commerce relatif à l'activité de grossiste-importateur de NG Kon Tia.
105. Selon l'engagement proposé, SAFO s'engage à ne pas mettre en œuvre l'opération tant que le groupe n'a pas conclu un contrat de cession contraignant relatif à l'activité de grossisteimportateur de NG Kon Tia et que l'Autorité n'a pas approuvé le repreneur et le contrat de cession. La cession de l'activité de grossiste-importateur de NG Kon Tia comprend :
- des immobilisations corporelles attachées au fonds cédé ;
- les contrats, engagements et commandes de clients de l'activité cédée, ainsi que tous les fichiers de clients et crédits ;
- les stocks détenus par NG Kon Tia à la date de l'inventaire contradictoire ;
- le personnel actuellement employé pour le fonctionnement de l'activité cédée ; et,
- l'agrément octroyé par la douane permettant à NG Kon Tia de bénéficier de la qualité d'entrepositaire agréé de boissons spiritueuses et alcools.
106. SAFO conservera la propriété du dépôt à partir duquel est exploitée l'activité de grossisteimportateur de NG Kon Tia et conclura, à la discrétion du repreneur, un contrat de bail commercial avec ce dernier portant sur ledit dépôt, aux conditions du marché. Le cas échéant, ce contrat de bail commercial sera, à l'instar du repreneur et du contrat de cession, soumis à l'agrément préalable de l'Autorité.
B. APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS PROPOSÉS
1. SUR L'OBJECTIF DES REMÈDES
107. Les mesures destinées à remédier aux atteintes à la concurrence résultant de l'opération notifiée doivent être conformes aux critères généraux définis par la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et la jurisprudence du Conseil d'État afin d'être jugées suffisantes pour assurer une concurrence effective sur les marchés concernés, conformément aux dispositions de l'article L. 430-7 du code de commerce.
108. Ainsi que le précisent les lignes directrices de l'Autorité précitées, ces mesures doivent être efficaces en permettant de remédier aux atteintes à la concurrence identifiées. À cette fin, leur mise en œuvre ne doit pas soulever de doute, ce qui implique qu'elles soient rédigées de manière suffisamment claire et précise et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées. Leur mise en œuvre doit également être rapide, la concurrence n'étant pas préservée tant qu'elles ne sont pas réalisées. Elles doivent en outre être contrôlables. Enfin, l'Autorité doit veiller à ce que les mesures correctives soient neutres, au sens où elles doivent viser à protéger la concurrence en tant que telle et non des concurrents spécifiques.
109. L'Autorité recherche en priorité des mesures correctives structurelles, qui visent à garantir des structures de marché compétitives par des cessions d'activités ou de certains actifs, sauf lorsque des remèdes de nature comportementale s'avèrent tout aussi efficaces pour compenser les atteintes à la concurrence.
110. De plus, l'Autorité veille à ce que les remèdes soient proportionnés. Par conséquent, les mesures adoptées doivent être de nature à remédier effectivement aux atteintes à la concurrence identifiées, en imposant aux entreprises une charge strictement nécessaire pour maintenir ou rétablir une concurrence suffisante.
2. SUR L'ADÉQUATION DES MESURES PROPOSÉES
a) Engagements relatifs aux effets horizontaux sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire
i. L'engagement principal
111. Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État et à la pratique décisionnelle de l'Autorité (38), le pouvoir de marché d'un groupe de distribution doit s'apprécier en tenant compte des magasins détenus en propre et de ceux exploités en réseau, quel que soit leur statut juridique, dès lors que leur politique commerciale n'est pas suffisamment autonome par rapport à la tête de réseau. Comme indiqué au paragraphe 60 ci-dessus, plusieurs critères permettent d'inférer l'absence d'autonomie des membres d'un réseau de distribution.
112. Les engagements proposés par SAFO consistent à conclure, avec le groupe Carrefour, un contrat de licence d'enseigne et un contrat de prestations de services, dont les dispositions offrent à SAFO une autonomie commerciale suffisante vis-à-vis du groupe Carrefour pour l'exploitation de l'hypermarché cible.
113. En l'espèce, le contrat de licence d'enseigne et le contrat de prestations de services octroient une autonomie commerciale suffisante à SAFO pour l'exploitation de l'hypermarché cible.
114. Premièrement, SAFO exploitera l'hypermarché cible sous une enseigne ne comportant pas la marque Carrefour ou faisant référence à cette dernière. Ainsi, subsisteront à l'issue de l'opération trois enseignes d'hypermarché distinctes en Guyane.
115. Deuxièmement, le contrat de licence d'enseigne et le contrat de prestation de services garantissent une autonomie commerciale de SAFO vis-à-vis du groupe Carrefour. En effet, les clauses de ces contrats ne contiennent aucune des principales restrictions dégagées par la pratique décisionnelle de l'Autorité et la jurisprudence du Conseil d'État (39). Seule la clause relative à l'exercice d'un droit de préemption ainsi que la durée de cinq ans des contrats pourraient être de nature à restreindre l'autonomie commerciale de SAFO dans l'exploitation de l'hypermarché cible. Mais, comme l'a déjà relevé l'Autorité, une telle disposition ne saurait, en elle-même, faire obstacle à l'exercice d'une concurrence réelle du franchisé à l'égard des magasins détenus en propre par la tête de réseau ou des magasins sous contrats de franchise classiques (40). Par ailleurs, la durée de cinq ans est justifiée en l'espèce, s'agissant d'un engagement de type comportemental, qui doit produire ses effets sur une période suffisante. À cet égard, l'implantation d'une nouvelle enseigne s'accompagne de coûts irrécupérables, qui justifient son exploitation sur une longue durée.
116. L'engagement souscrit interdit à SAFO de procéder à des offre communes de publicité commerciale, d'offre promotionnelles ou de remise fidélisante avec d'autres points de vente sous enseigne Carrefour, en ce compris l'hypermarché exploité par le groupe GBH, de même que le Carrefour Market exploité par SAFO, ce qui renforce son autonomie, en particulier dans sa communication vis-à-vis des consommateurs.
117. Troisièmement, les engagements sont de nature à répondre au risque d'augmentation unilatérale des prix dans la zone primaire. En effet, s'agissant des risques tarifaires, dans la mesure où SAFO exploitera de manière totalement autonome l'hypermarché cible et qu'il sera libre de déterminer sa politique tarifaire et son assortiment, il sera en mesure de concurrencer activement les hypermarchés présents dans la zone, y compris l'hypermarché Carrefour exploités par le groupe GBH.
118. Quatrièmement, les engagements sont de nature à répondre au risque de réduction du choix ou de la qualité des services rendus par les hypermarchés. Préalablement à l'opération, le magasin cible ne distribuait plus de MDD depuis la rupture de son contrat de franchise avec l'enseigne Super U en juillet 2018. Dès lors, le choix offert aux consommateurs ne subira aucune restriction concernant l'offre de MDD dans la zone primaire.
119. Compte tenu de l'autonomie commerciale octroyée par ce corpus contractuel, le magasin cible sera en mesure d'exercer une pression concurrentielle sur l'hypermarché sous enseigne Carrefour exploité par le groupe GBH, ainsi que sur l'hypermarché sous enseigne Hyper U exploité par le groupe JKS.
120. Par conséquent, l'engagement souscrit permet le maintien de trois enseignes d'hypermarché concurrentes et de la structure concurrentielle du marché qui prévalait avant l'opération.
121. De plus, il ressort de ces éléments que l'engagement souscrit par SAFO est également de nature à écarter tout doute d'atteinte à la concurrence dans la zone secondaire du magasin cible. En effet, l'engagement, qui supprime tout chevauchement d'activité au niveau de l'enseigne Carrefour, permet le maintien de la structure concurrentielle prévalant avant l'opération dans cette zone.
ii. L'engagement alternatif
122. L'engagement alternatif souscrit par SAFO consiste, pour l'exploitation du magasin cible, [confidentiel].
123. Cet engagement se traduirait [confidentiel].
124. Par conséquent, l'engagement alternatif poursuit le même objectif que l'engagement principal. Il suffit également à écarter tout risque d'atteinte à la concurrence [confidentiel]. De plus, à l'instar de l'engagement principal, l'engagement alternatif [confidentiel].
125. En conséquence, l'Autorité considère que les engagements proposés par SAFO sont suffisants pour lever les doutes sérieux d'atteinte à la concurrence sur les marchés de la distribution au détail à dominante alimentaire.
b) Engagement relatif aux marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires
i. Sur la mise en œuvre de l'engagement
126. Selon l'engagement proposé, SAFO ne réalisera pas l'opération tant qu'il n'a pas conclu un contrat de cession contraignant relatif à l'activité de grossiste-importateur de NG Kon Tia et que l'Autorité n'a pas approuvé le repreneur, le contrat de cession et, le cas échéant, le contrat de bail commercial portant sur le dépôt.
127. L'engagement proposé est ainsi de type structurel et prévoit un dispositif subordonnant la réalisation de l'opération à l'agrément préalable d'un repreneur des actifs cédés (" up-front buyer "). S'agissant de ce type d'engagement, le paragraphe 590 des lignes directrices précitées souligne qu' " une telle modalité modifie les incitations des parties et limite le risque qu'elles s'engagent à céder les actifs lorsqu'elles ont connaissance de difficultés particulières susceptibles de s'opposer à la cession alors que ces difficultés n'ont pas été explicitement portées à la connaissance de l'Autorité ".
128. Il en résulte que ce type d'engagement structurel et subordonnant la réalisation de l'opération à l'agrément préalable du repreneur des actifs cédés offre de plus fortes garanties sur sa mise en œuvre que d'autres engagements structurels dénués d'un tel dispositif.
129. Dans sa première version, l'engagement proposé, de nature comportementale, consistait en une obligation de transparence et de non-discrimination à la charge de SAFO pour la distribution en gros de produits frais et surgelés à destination des GSA. L'Autorité a considéré que cet engagement n'était notamment pas suffisant pour écarter les risques d'effets horizontaux liés à l'opération s'agissant de ces catégories de produits.
130. Dans sa version intermédiaire, l'engagement proposé se limitait à la cession de l'activité de vente en gros de produits frais et surgelés de NG Kon Tia. Cette cession partielle comportait un risque que SAFO renforce tout de même son pouvoir de marché s'agissant de ces deux catégories de produits, en liant les ventes de produits d'autres catégories issus du portefeuille de NG Kon Tia avec des produits frais et surgelés de son propre portefeuille. De plus, l'instruction a relevé un risque que cette cession partielle ne soit pas viable pour un éventuel repreneur, en dépit du dispositif d'agrément préalable du repreneur des actifs cédés proposé.
131. La version finale de l'engagement, qui vise la cession de la totalité de l'activité de grossisteimportateur de NG Kon Tia, permet d'éliminer les risques liés aux précédentes versions de l'engagement.
ii. Sur le caractère suffisant de l'engagement
132. L'engagement souscrit par SAFO consiste à supprimer tout chevauchement d'activité entre les parties sur les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires. Dès lors, après l'opération, la structure de ces marchés en Guyane demeurera inchangée.
133. Plusieurs répondants aux tests de marché se sont interrogés sur la viabilité de l'activité cédée, dans la mesure où cette dernière serait privée du flux d'affaires existant entre NG Kon Tia et NDIS. Toutefois, selon les informations communiquées par SAFO, ce flux d'affaires représente une très faible part du chiffre d'affaires réalisé par NG Kon Tia (moins de [5-10] %) (41). Dans l'hypothèse où ce flux d'affaire serait supprimé, cette circonstance ne serait pas de nature à remettre en cause la viabilité de l'activité cédée. De plus, si ce flux d'affaires devait être repris par SAFO, ceci n'aurait pas pour effet de renforcer de façon significative sa position sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires à destination des GSA en Guyane.
134. En conséquence, l'Autorité considère que l'engagement proposé par SAFO est suffisant pour lever tout doute sérieux d'atteinte à la concurrence résultant d'effets horizontaux sur les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaire.
DÉCIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 19-034 est autorisée sous réserve des engagements décrits aux paragraphes 98 à 106 ci-dessus et annexés à la présente décision.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 SAFO détient un contrat d'enseigne avec le groupe Carrefour.
3 Le magasin cible était exploité sous l'enseigne Super U jusqu'au 1er juillet 2018, date à laquelle son contrat de franchise avec l'enseigne Système U a pris fin.
4 Voir notamment les décisions de la Commission européenne du 25 janvier 2000 rendue dans l'affaire M.1684, Carrefour/Promodès, et du 3 juillet 2008 rendue dans l'affaire M.5112, Rewe Plus/Discount, les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997 relatif à la prise de participation de la société Carrefour dans le capital de la société Grands Magasins B (GMB), n° 98-A-06 du 5 mai 1998 relatif à l'acquisition par la société Casino-Guichard-Perrachon de la société TLC Béatrice Holdings France SA (enseignes Franprix-Leader Price) et n° 00-A-06 du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès. Voir, plus récemment, les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-90 du 11 juillet 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon, n° 17-DCC-11 du 30 janvier 2017 relative à la prise de contrôle de Colruyt France SAS par Metro AG et n° 18-DCC-142 du 23 août 2018 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés SDRO et Robert II par la société Groupe Bernard Hayot.
5 Voir notamment la décision COMP/M.1684 et les décisions n° 13-DCC-90 et n° 17-DCC-11 précitées.
6 Voir notamment la décision de la Commission européenne du 3 février 1999 rendue dans l'affaire M.1221, Rewe Meinl, et du 25 janvier 2000 rendue dans l'affaire M.1684 précitée. Voir également la lettre du ministre C2008-32 du 9 juillet 2008, Carrefour/SAGC et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-50 du 1er octobre 2009 relative à l'acquisition du groupe Team Ouest par la société France Frais et n° 13-DCC-90, précitée.
7 Voir la décision de la Commission européenne du 3 février 1999 rendue dans l'affaire M.1221 précitée.
8 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-90 et n° 17-DCC-11 précitées, n° 15-DCC-80 du 26 juin 2015 relative à la prise de contrôle par Pomona SA de huit adhérents du réseau Relais d'Or Miko et de la société Lux Frais et n °15-DCC-141 du 27 octobre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de Davigel par Bain Capital.
9 Voir les avis n° 97-A-14 et n° 98-A-06 précités, l' avis de l'Autorité de la concurrence n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d'achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution et la décision n° 17-DCC-11 précitée.
10 Voir l'avis du Conseil de la concurrence n° 09-A-45 du 8 septembre 2009, relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer.
11 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-25 du 19 mars 2010 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société H Distribution (groupe Hoio), n° 10-DCC-197 du 30 décembre 2010 relative à la prise de contrôle d'un fonds de commerce par la société Ho Hio Hen Investissements Outre-Mer, n° 11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à l'acquisition du contrôle exclusif du fonds de commerce de l'hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais, n° 17-DCC-214 du 20 décembre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Ho Hio Hen par la société JKS Finances et n° 18-DCC-142 précitée. Voir également l'avis de l'Autorité de la Concurrence n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer.
12 Voir les décisions de la Commission européenne du 08 mars 2000 rendue dans l'affaire M.1802, Unilever/Amora Maille, et du 28 septembre 2000 rendue dans l'affaire M.1990, Unilever/Bestfoods ; voir également les décisions de l'Autorité de la Concurrence n° 14-DCC-66 du 30 mai 2014 relative à la prise de contrôle de trois fonds de commerce de distribution alimentaire par le groupe SAFO-GHD et n° 13-DCC-43 du 29 mars 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Hyper CK par la société Groupe Bernard Hayot.
13 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-173 du 28 novembre 2011 relative à la cession du fonds de commerce de la SED Saint François aux sociétés Carcom et Établissements Jacques Nouy et n° 11-DCC-134 du 2 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société Groupe Bernard Hayot.
14 Voir notamment la décision n° 17-DCC-11 précitée.
15 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 14-DCC-01 du 2 janvier 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Pomona de certains actifs de la société Européenne Food.
16 Avis de l'Autorité de la concurrence n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer.
17 Voir l'avis n° 09-A-45 et la décision n° 11-DCC-134 précités. Voir également l'avis n° 19-A-12 précité.
18 Voir les décisions n° 13-DCC-90 et n° 14-DCC-66 précitées.
19 Voir la décision n° 13-DCC-90 précitée.
20 Voir les décisions de l'Autorité n° 12-DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises et n° 12-DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA.
21 Voir, par exemple, la décision n° 11-DCC-134 précitée.
22 Les groupes GBH, SAFO, Ho Hio Hen, JKS et Créo.
23 Voir les lignes directrices précitées, paragraphes 499 à 504.
24 Voir la décision de la Commission européenne du 3 février 1999 rendue dans l'affaire M.1221 précitée.
25 Dans l'affaire M.1221 précitée, la Commission avait également pris en compte le fait que les producteurs ne disposaient que de peu de solutions de remplacement (décision de Commission européenne du 3 février 1999 précitée, paragraphe 102).
26 Avis n° 97-A-14 précité.
27 Voir les lignes directrices précitées, paragraphe 502.
28 Voir notamment les décisions n° 18-DCC-142 précitée, n° 18-DCC-65 du 27 avril 2018 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Zormat, Les Chênes et Puech Eco par la société Carrefour Supermarchés France, n° 14-DCC-173 du 21 novembre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dia France SAS par la société Carrefour France SAS, n° 14-DCC-71 du 4 juin 2014 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Nocibé par Advent International Corporation, n° 10-DCC-01 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Mr Bricolage de la société Passerelle et confirmée par la décision du Conseil d'État du 23 décembre 2010, n° 337533.
29 Ce type de contrat confère au master-franchiseur, outre le droit d'utiliser l'enseigne, le droit d'en concéder l'usage en tant que sousfranchiseur à des magasins répondant à certains critères d'éligibilité,
30 [Confidentiel].
31 Avis n° 19-A-12 et décisions n° 09-A-45 et n° 13-DCC-43 précités.
32 Voir les lignes directrices précitées, paragraphe 392.
33 Compte tenu notamment de l'évolution du paysage concurrentiel en Guyane. En effet, comme indiqué dans l'avis n° 19-A-12 précité, si la dernière décennie a été marquée par l'arrivée et le développement de nouveaux acteurs, à la suite de la disparition de l'enseigne Cora-Match en 2009, certaines enseignes métropolitaines actives dans d'autres DROM (par exemple, Leclerc et Auchan) restent toujours absentes de ce territoire (voir le paragraphe 143).
34 Décision de l'Autorité n° 12-DCC-59 du 4 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Socolam, Somacom et René Lancry (actifs du groupe Lancry) par la société Socohold (Groupe Parfait).
35 Voir les lignes directrices précitées, paragraphes 453 et 483.
36 Incluant la marque Carrefour, Carrefour Market, Market, ni aucun signe distinctif figuratif ou semi-figuratif rappelant ces marques dans sa dénomination ou son figuratif.
37 Incluant la marque Carrefour, Carrefour Market, Market, ni aucun signe distinctif figuratif ou semi-figuratif rappelant ces marques dans sa dénomination et/ou son figuratif.
38 Voir notamment les décisions n° 18-DCC-142, n° 14-DCC-71, n° 10-DCC-01 précitées et n° 17-DCC-216 du 18 décembre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif des actifs des sociétés Lilnat, Vetura et Agora Distribution par la société Groupe Philippe Ginestet. Voir également la décision du Conseil d'État du 23 décembre 2010 précitée.
39 Voir la décision n° 18-DCC-142 précitée.
40 Voir les décisions n° 18-DCC-142 et n° 14-DCC-173 précitées.
41 Selon la partie notifiante, la part que représente le chiffre d'affaires réalisé par NG Kon Tia auprès de NDIS (magasin cible) dans le chiffre d'affaires total de NG Kon Tia est de [0-5] %. Au regard des différentes catégories de produit qui ont pu être identifiées par la partie notifiante (à savoir : frais, surgelés, DPH, liquide, épicerie et bazar), les parts s'établissent entre [0-5] % et [5-10] %.