CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 octobre 2019, n° 17-08463
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
AMTB Miroiterie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Avocats :
Mes Bensoussan, Miellet
FAITS ET PROCÉDURE :
La société AMTB Miroiterie a pour activité " tous travaux de bâtiments et notamment miroiteries, vitreries, menuiseries... ".
Elle a embauché M. X en qualité de technico-commercial le 5 décembre 2007 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Celui-ci a démissionné de ses fonctions le 29 février 2012 pour conclure le 1er mars 2012 avec la société AMTB Miroiterie un contrat d'agent commercial sans exclusivité sur le secteur de l'Ile-de-France.
Le 11 juillet 2014, l'URSSAF a confirmé ses observations du 16 mai 2014 à la suite du contrôle réalisé au sein de la société AMTB Miroiterie selon lesquelles M. X devait être affilié au régime général d'assurance maladie en qualité de salarié dès lors qu'il exerçait son activité non pas de manière indépendante mais sous la contrainte d'un lien de subordination.
C'est dans ces conditions que la société AMTB Miroiterie a conclu avec M. X un nouveau contrat de travail le 2 juin 2014.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 mars 2015, M. X a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société AMTB Miroiterie de lui régler une somme de 126 843,38 euros au titre de l'indemnité de rupture prévue au contrat d'agent commercial.
M. X a été licencié pour faute le 31 mars 2015.
Le 6 mai 2015, la société AMTB Miroiterie a contesté être redevable de l'indemnité de rupture prévue au contrat d'agent commercial.
C'est dans ces circonstances que M. X a assigné la société AMTB Miroiterie devant le tribunal de commerce d'Evry par exploit du le 9 juin 2015.
Par jugement du 30 mars 2017 , le tribunal de commerce d'Evry a :
- condamné la société AMTB Miroiterie à payer à M. X une indemnité de 12 650 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure,
- débouté M. X de sa demande d'indemnité compensatrice pour absence de respect du délai de préavis,
- condamné la société AMTB Miroiterie à payer à M. X la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté M. X du surplus de sa demande de ce chef,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société AMTB Miroiterie aux dépens.
M. X a interjeté appel de cette décision le 24 avril 2017.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions du 18 décembre 2017, M. X demande à la cour de :
Vu les articles 15 et 17-3 de la Directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986,
Vu les articles L. 134-11, L. 134-12, L. 134-13 et L. 134-16 du Code de commerce,
- le dire recevable et bien fondé en son appel,
- rejeter toutes les demandes et prétentions de la société AMTB Miroiterie,
- constater l'existence du contrat d'agent commercial,
Y faisant droit,
- débouter la société AMTB Miroiterie de son appel incident,
- constater que le jugement attaqué a statué contrairement au droit positif sur le montant de l'indemnité accordé à M. X et sur le principe de l'indemnité compensatrice de préavis,
Et statuant à nouveau,
- constater que l'indemnité due à l'agent se calcule sur la base de deux annuités des commissions brutes hors taxes perçues par l'agent peu importe la durée de la relation,
- condamner la société AMTB Miroiterie à verser à M. X la somme de 126 693,95 Euros au titre de l'indemnité de rupture des relations contractuelles avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,
- condamner la société AMTB Miroiterie à verser à M. X la somme de 17 728,87 Euros au titre de l'indemnité compensatrice du préavis de rupture avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,
- condamner la société AMTB Miroiterie à verser à M. X la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance.
M. X soutient qu'en vertu du contrat d'agence commerciale conclu avec la société AMTB Miroiterie, il a droit à une indemnité de rupture équivalente, selon l'usage, à deux annuités de commissions hors taxes, peu important l'ancienneté du mandat d'agent commercial confié. Il critique en conséquence les premiers juges pour avoir réduit l'indemnité de rupture allouée en raison de la faible ancienneté du contrat. Il prétend également que la société AMTP Miroiterie aurait dû observer un préavis de trois mois avant de rompre le contrat d'agence commerciale de sorte qu'il revendique le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis.
Sur la qualification du contrat, il soutient que la société AMTB en lui imposant un lien de subordination malgré la conclusion d'un contrat d'agence commerciale est à l'origine de la rupture de ce contrat à la suite du contrôle opéré par l'URSSAF.
Dans ses dernières conclusions du 19 septembre 2017, la société AMTB Miroiterie demande à la cour de :
- déclarer M. X mal fondé en son appel,
En conséquence,
- débouter M. X de l'ensemble de ses demandes,
- la déclarer fondée en son appel incident tendant à voir déclarer que M. X n'a aucun droit à indemnité,
Subsidiairement et pour le cas où la cour retiendrait un droit à indemnisation de M. X sur le fondement du contrat d'agent commercial, il y a lieu de confirmer le montant retenu par le tribunal, M. X ne démontrant pas un préjudice plus important,
- condamner M. X à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. X aux entiers dépens.
La société AMTB Miroiterie prétend que M. X ne peut revendiquer le statut des agents commerciaux et qu'il doit être considéré comme salarié malgré la conclusion du contrat du 1er mars 2012. Elle explique qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF a requalifié ce contrat en contrat de travail. Elle ajoute que si l'URSSAF n'a pas donné d'effet rétroactif à cette requalification, c'est uniquement pour préserver les droits à cotisation de M. X. Elle estime en outre ne pas être à l'origine de la rupture du contrat d'agent commercial de sorte qu'aucune indemnité ne peut être mise à sa charge.
A titre subsidiaire, la société AMTB Miroiterie conteste le montant demandé par M. X au titre de l'indemnité de rupture. Elle affirme que la cour n'est pas tenue d'allouer une indemnité équivalente à deux années de commissions. Elle prétend que les pièces versées par M. X ne permettent pas d'établir le préjudice qu'il allègue. En ce qui concerne l'indemnité de préavis, elle estime que dès lors que M. X a été réembauché en qualité de salarié et n'a subi aucune interruption d'activité, il ne peut se prévaloir d'aucun préjudice.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2019.
MOTIFS :
Sur la qualification du contrat conclu le 1er mars 2012
Le contrat conclu le 1er mars 2012 entre la société AMTB Miroiterie et M. X est intitulé " Contrat d'agent commercial ". Toutefois cette qualification ne lie pas la cour.
En effet, l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
Selon l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.
En l'espèce, il résulte de l'article 1er du contrat produit aux débats que M. X avait pour " mission de négocier et de conclure la vente de tous produits et travaux afférents à la " fermeture du bâtiment ", tels que portails, fenêtres, motorisation, volets, volets roulants, stores intérieures et extérieurs, vérandas (sans que cette liste soit exhaustive), auprès de la clientèle " particuliers " et " professionnels " pour le compte et aux noms de la société AMTB Miroiterie. "
Selon l'article 3 de ce contrat, M. X " prendra auprès de la clientèle des commandes pour le compte de la Société " AMTB Miroiterie " à condition que lesdites commandes correspondent aux prix de cession et aux barèmes de remises du mandat et à ses conditions générales de distribution et de vente. Le mandant vérifiera à la réception des commandes si ces conditions sont remplies et se réserve le droit d'accepter définitivement la commande ".
Il s'en déduit que M. X n'avait aucun pouvoir de négociation notamment sur les prix de sorte que le contrat litigieux ne peut être qualifié comme étant un contrat d'agent commercial.
Par ailleurs, les vérifications opérées au cours du contrôle réalisé par l'URSSAF ont permis de mettre en évidence que le lien de subordination qui avait lié les parties en exécution du contrat de travail initialement conclu le 5 décembre 2007 avait perduré malgré la démission de M. X le 29 février 2012 et la conclusion du nouveau contrat le 1er mars 2012. En conséquence, ce contrat doit être qualifié de contrat de travail.
Sur la demande d'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial
L'article 7 a) du contrat du 1 er mars 2012 prévoit que : " La résiliation du contrat par le mandant, si elle n'est pas justifiée par une faute grave de l'agent ou un cas de force majeure, ouvrira droit, au profit de ce dernier ou de ses héritiers, à une indemnité compensatrice du préjudice subi, calculée selon les usages de la profession d'agent commercial. "
En l'absence de contrat d'agent commercial, M. X est mal fondé à réclamer une quelconque indemnité de cessation de contrat à ce titre. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société AMTB Miroiterie à payer à M. X une indemnité de 12 650 euros à ce titre et la demande de ce chef sera rejetée.
Sur la demande d'indemnité de préavis
L'article 7 a) du contrat du 1er mars 2012 stipule que : " La partie qui entendrait mettre fin au contrat devra en informer son co-contractant par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un préavis d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée et de trois mois pour la troisième année commencée et les suivantes. "
Il résulte de ce qui précède que le contrat du 1er mars 2012 est un contrat de travail auquel M. X et la société AMTB Miroiterie ont substitué un nouveau contrat de travail le 1er juin 2012 à la suite du contrôle de l'URSSAF de sorte qu'aucun préavis n'était applicable. En conséquence, M. X n'est pas fondé à solliciter une quelconque indemnité de préavis et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté la demande sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Monsieur A... succombe à l'instance d'appel et en supportera les dépens. Il devra également verser à la société AMTB Miroiterie une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Sa demande sur ce point sera rejetée.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Dit que le contrat conclu le 1er mars 2012 entre la société AMTB Miroiterie et M. X est un contrat de travail ; Infirme le jugement le jugement du tribunal de commerce d'Evry du 30 mars 2017 en ce qu'il a condamné la société AMTB Miroiterie à payer à M. X une indemnité de cessation de contrat d'agent commercial de 12 650 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure ; Statuant à nouveau de ce chef, Déboute M. X de sa demande d'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial ; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X de sa demande d'indemnité de préavis ; Condamne M. X à régler à la société AMTB Miroiterie une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. X aux dépens d'appel ; Rejette le surplus des demandes.