Cass. com., 16 octobre 2019, n° 18-12.072
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Epoux Touchais
Défendeur :
Domaness (SARL), Miami (SARL), Alamy (SARL), Cardon
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
Me Le Prado, SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. et Mme Touchais que sur le pourvoi incident relevé par la société Domaness ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme Touchais ont, le 20 décembre 2012, vendu à la société Domaness un fonds de commerce de " fabrication et vente de crèmes glacées " comprenant le nom commercial et l'enseigne " La Passerelle ", en contractant à son égard une obligation de non-concurrence et en s'engageant à lui verser une indemnité forfaitaire en cas de violation de cet engagement ; que la société Domaness a exploité ce fonds de commerce sous l'enseigne " Glacier Ness " ; que la société Alamy, qui exploitait à proximité un fonds de commerce de " bar, glacier, salon de thé, petite restauration, vente à emporter ", et dont M. et Mme Touchais étaient associés minoritaires, l'a vendu, le 28 octobre 2013, à la société Miami, laquelle a ensuite exploité l'activité de vente de glaces à emporter sous l'enseigne " La Passerelle " ; que la société Domaness a assigné M. et Mme Touchais, ainsi que les sociétés Alamy et Miami, en réparation du préjudice résultant de la violation de l'engagement de non-concurrence souscrit par les premiers, en demandant le paiement de l'indemnité convenue et la cessation de l'utilisation de l'enseigne " La Passerelle " par la société Miami ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner M. et Mme Touchais, in solidum avec la société Alamy, à payer l'indemnité convenue, l'arrêt, après avoir relevé que la société Miami utilisait l'enseigne " La Passerelle ", retient qu'il appartenait à M. et Mme Touchais de respecter eux-mêmes, et de faire respecter par la société Alamy, dans laquelle ils étaient impliqués de façon importante, l'interdiction pesant sur eux de s'impliquer dans un fonds de commerce à activité voisine de celui vendu le 20 décembre 2012 à la société Domaness et que la violation de cet engagement est démontrée par la circonstance que la société Alamy avait, lors de la vente de son propre fonds de commerce à la société Miami, inclus implicitement dans les éléments cédés l'enseigne " La Passerelle ", quand M. et Mme Touchais savaient parfaitement que cette enseigne appartenait à la seule société Domaness ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour retenir que la société Alamy avait inclus implicitement l'enseigne " La Passerelle " dans les éléments du fonds de commerce cédé à la société Miami cependant qu'elle avait relevé que, dans l'acte de vente, les enseigne et nom commercial du fonds étaient mentionnés sans autre précision, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1382, devenu 1240, du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Domaness tendant à faire juger que l'utilisation par la société Miami de l'enseigne " La Passerelle " en fraude de ses droits constitue un acte de concurrence déloyale par parasitisme et à ce que cette société soit condamnée, sous astreinte, à cesser cette utilisation, l'arrêt retient qu'aucune pièce du dossier ne démontre que la société Miami savait que cette enseigne faisait partie du fonds de commerce vendu le 20 décembre 2012 à la société Domaness par M. et Mme Touchais avec interdiction pour les vendeurs de s'impliquer directement ou indirectement dans un fonds similaire concurrent, que la société Domaness utilisait l'enseigne " Glacier Ness " depuis sa création en 2009 et avait choisi de continuer à utiliser celle-ci pour ce fonds acquis trois ans après, malgré l'acquisition de l'enseigne " La Passerelle ", et que la mauvaise foi de la société Miami dans l'emploi de cette enseigne pour son fonds de commerce n'est donc pas établie ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si l'utilisation par la société Miami de l'enseigne " La Passerelle " avait pu créer dans l'esprit de la clientèle un risque de confusion, en faisant croire à la réinstallation, dans les locaux de cette société, du fonds de commerce antérieurement exploité par M. et Mme Touchais et cédé à la société Domaness, peu important que celle-ci ait utilisé une enseigne distincte, et ainsi constituer une faute constitutive de concurrence déloyale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.