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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 24 octobre 2019, n° 18-02936

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Epet (SARL)

Défendeur :

Générale des Végétaux (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grandjean

Conseillers :

Mmes Paulmier Cayol, Leroy Richard

Avocats :

Mes Plateau, Mihailov, Dubuc Laribi, Le Roy, Richard

T. com. Compiègne, du 24 juill. 2018

24 juillet 2018

Par contrat du 7 août 2009, la société Epet a conclu un contrat de franchise Monceau Fleurs avec la société La Générale des végétaux pour l'exploitation d'un point de vente à Creil pour une durée de sept années à compter de l'ouverture du magasin. Le commerce a été ouvert au mois de février 2010.

Dénonçant au franchiseur un décalage permanent entre les résultats obtenus et les prévisions annoncées, la société franchisée en 2014 a cessé de payer les redevances. Elle a notifié au mois de juin 2016 sa décision de ne pas renouveler le contrat à l'échéance du mois de février 2017.

Saisi par une requête déposée par la société La Générale des végétaux le 21 juin 2016, le président du tribunal de commerce de Compiègne, par ordonnance du 28 juin 2016, a enjoint à la société Epet de payer à la société La Générale des végétaux notamment la somme de 31 039,61 en principal outre les intérêts légaux à compter de la sommation de payer.

La société Epet a formé opposition à cette ordonnance par courrier recommandé du 30 août 2016.

Statuant sur l'opposition formée par la société Epet contre cette ordonnance, le tribunal de commerce de Compiègne, par jugement rendu le 24 juillet 2018, a :

- dit la société Epet recevable mais mal fondée en son opposition,

- débouté la société Epet de l'intégralité de ses demandes et condamné celle-ci à payer à la société La Générale des végétaux la somme de 52 533,58 avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté la société La Générale des végétaux de sa demande d'astreinte judiciaire ainsi que de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de la clause de non-concurrence,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Epet aux dépens.

Le tribunal a principalement retenu que la société Epet était prescrite dans sa demande d'annulation du contrat, que celle-ci avait unilatéralement cessé d'acquitter les redevances et que la société La Générale des végétaux ne justifiait pas d'une violation de l'obligation de non-concurrence après le terme du contrat.

La société Epet a relevé appel de cette décision par déclaration du 27 juillet 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions du 12 juin 2019, l'appelante demande à la cour :

- de renvoyer la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris,

Subsidiairement,

- de débouter la société La Générale des végétaux de l'ensemble de ses demandes,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société La Générale des végétaux de sa demande d'astreinte journalière et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de l'infirmer pour le surplus,

- à titre subsidiaire, de condamner la société La Générale des végétaux à payer la somme de 427 945 à titre de dommages et intérêts et d'assortir cette condamnation de la production d'intérêts et de leur capitalisation, à compter du 30 août 2016, date de l'opposition,

- de condamner la société La Générale des végétaux au paiement d'une somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre liminaire, la société Epet soutient que dans la mesure où le litige qui oppose les parties est relatif tant à l'application du droit commun que de l'article L. 442-6 du Code de commerce qui interdit de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les parties, la cour ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de trancher le litige.

Au soutien de sa demande indemnitaire sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil, la société Epet fait valoir que la société La Générale des végétaux a manqué à ses obligations contractuelles en ne lui fournissant pas des données prévisionnelles sincères reposant sur une étude sérieuse et en surévaluant le potentiel économique du point de vente.

Elle lui reproche également de ne pas lui avoir transmis un savoir-faire utile, de ne pas l'avoir assistée dans le cadre de l'exercice de son activité et de ne jamais avoir proposé de modifier les termes de cette relation contractuelle déséquilibrée.

Elle souligne la mauvaise foi de son cocontractant qui a exigé la continuation de l'affaire dans son seul intérêt alors qu'elle n'a jamais été rentable.

Elle note que la centrale d'achat du fournisseur a été placée en liquidation judiciaire interrompant en juin 2013 l'approvisionnement des franchisés. Elle soutient que le franchiseur a alors cessé d'exécuter ses engagements portant notamment sur la sélection des végétaux.

Elle fait valoir que, désormais contrainte de s'approvisionner directement auprès de grossistes auxquels le franchiseur imposait une commission de référencement qui lui était répercutée, elle devait acquérir les produits à un prix supérieur à celui obtenu par ses concurrents ; elle dénonce un manquement à l'engagement contractuel d'une " optimisation du rapport gamme, prix et qualité ".

Elle fait état d'un grand nombre de départs et de liquidations judiciaires de franchisés et dénonce un abandon de ses obligations contractuelles par le franchiseur et une poursuite malicieuse d'un contrat non rentable pour le franchisé et dont la totalité des profits revenait au franchiseur.

Elle sollicite en outre à titre subsidiaire l'annulation du contrat sur le fondement de l'article 1131 ou 1184 ancien du Code civil dans la mesure où le paiement des redevances est dépourvu de contrepartie. Elle soutient que la demande n'est pas prescrite, l'action naissant à l'occasion de la survenance du déséquilibre dans le cadre de l'exécution du contrat et non pas lors de sa conclusion.

A titre encore subsidiaire, au visa de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, la société Epet soutient qu'en aggravant les termes de la convention et en exigeant l'exécution d'un contrat dont elle avait compromis la rentabilité, la société La Générale des végétaux a soumis son partenaire à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, notamment en imposant à partir du mois de juillet 2013 un approvisionnement auprès de fournisseurs référencés.

L'appelante sollicite la réparation de son préjudice correspondant aux montants prélevés par le franchiseur pour les exercices 2010 à 2016 et aux divers investissements réalisés à perte.

Elle conteste la demande en paiement faite par le franchiseur au titre des redevances et des campagnes publicitaires. Elle soutient que ces dernières ne sont pas dues en l'absence de toute contrepartie fournie.

Elle conteste avoir commis des actes de concurrence déloyale, affirme avoir cessé d'utiliser les signes distinctifs de la marque suite à la rupture du contrat et relève que le franchiseur ne peut revendiquer quelque droit sur l'usage commun qui consiste à présenter des produits à l'extérieur du magasin ou à utiliser un bandeau générique lors de la fête des grands-mères. Elle soutient en outre que le franchiseur n'établit aucun préjudice.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 29 août 2019, la société La Générale des végétaux demande à la cour de :

- de déclarer irrecevable, à tout le moins mal fondée la demande de renvoi de l'affaire devant la cour de Paris,

- de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de la société Epet aux frais de rejet et au paiement d'une astreinte de 300 par jour de retard, en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la société Epet à payer la somme de 50 000 à parfaire au titre de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à condamnation à l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner la société Epet à lui payer les frais de rejet relatifs aux factures impayées et une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'arrêt,

- de la condamner à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle,

- de condamner la même à lui payer la somme de 10 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée expose que le franchisé a laissé de nombreuses factures impayées dès 2014 alors que son gérant envisageait de racheter le magasin franchisé situé à Compiègne.

Elle indique qu'elle a pris acte de la notification par le franchisé de mettre fin au contrat à son échéance du 2 février 2017 et lui a rappelé son obligation de non-concurrence.

Elle souligne que ce n'est qu'à l'occasion de la procédure d'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer des factures par ailleurs incontestées que la société Epet a émis des griefs sur l'exécution du contrat.

Sous le visa de l'article 910-4 du Code de procédure civile, la société La Générale des végétaux invoque l'irrecevabilité de la demande de renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Paris.

Elle soutient que la demande fondée sur le caractère déséquilibré du contrat est prescrite et au surplus mal fondée dès lors que le tribunal de commerce de Compiègne n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 du Code de commerce et qu'il n'a pas été saisi sur le fondement de l'article L. 442-6 du même Code.

Soulignant que la société Epet a fluctué dans le fondement juridique de ses prétentions, confondant notamment résiliation et annulation, l'intimée soutient que la demande d'annulation du contrat formée par l'appelante au sens de l'article 1304 ancien du Code civil est prescrite en ce que l'action a été formée plus de cinq ans suivant la conclusion du contrat de franchise ou de la date à laquelle le franchisé a eu connaissance des éléments à l'origine de la demande. Elle note que les griefs émis par l'appelante renvoie à la conclusion du contrat et non pas à son exécution, suggérant que le franchisé dissimule une demande d'annulation prescrite sous une apparente demande de résiliation. Elle demande alors que la demande de résiliation du contrat soit rejetée.

L'intimée souligne que le franchiseur n'est pas tenu de remettre au candidat à la franchise un compte d'exploitation prévisionnel qu'il appartient à ce dernier d'élaborer. Rappelant les critères qui peuvent fonder la responsabilité du franchiseur, elle fait valoir que la société Epet ne rapporte pas la preuve que les comptes prévisionnels dont elle se prévaut ont été établis par le franchiseur et pas davantage qu'ils seraient manifestement erronés ou irréalistes.

Elle reproche à son franchisé d'avoir cessé de payer à compter de juin 2014 de nombreuses factures de redevance et d'assistance. Elle soutient avoir respecté ses engagements contractuels et n'avoir commis aucun manquement. Elle sollicite en conséquence le paiement des redevances d'enseigne et d'assistance impayées et de publicité.

Elle relève la tardiveté du grief relatif à une inexistence ou une insuffisance de savoir-faire transmis par le franchiseur et rappelle notamment que le gérant de la société Epet a ouvert un second point de vente franchisé en 2011.

Elle conteste la pertinence en fait des griefs d'ordre général émis à l'encontre du réseau Monceau Fleurs.

Elle soutient que les chiffres d'affaires du point de vente de Creil ont été satisfaisants, supérieurs à ceux d'autres points de vente comparables et qu'ils démontrent l'existence d'un savoir-faire transmis par le franchiseur. Elle précise avoir organisé des formations et remis à son franchisé de la documentation afin de l'accompagner dans son activité. Elle fait en outre valoir qu'elle a respecté son obligation d'assistance via des conseils et des visites réalisées dans le magasin. Elle souligne que c'est au contraire le franchisé qui a refusé son aide.

Elle note qu'elle a toujours approvisionné ses franchisés et que si, suite à la fermeture de la centrale d'achat, le système a été remplacé par un système de référencement, le franchisé a été informé de ces nouvelles modalités, les a acceptées et a bénéficié d'un avantage de rétribution fidélité dès lors qu'il achetait volontairement auprès des fournisseurs référencés plus de 80 % de ses produits. Elle conteste le surcoût qui est allégué par le franchisé.

L'intimée soutient donc que les demandes indemnitaires de l'appelante ne sont pas fondées et que les factures litigieuses sont dues augmentées des pénalités de retard et des frais afférents au rejet des prélèvements automatiques.

Elle fait valoir en revanche qu'après la cessation des relations contractuelles, la société Epet a continué d'utiliser les outils de la franchise.

Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L'instruction de l'affaire a été close le 5 septembre 2019.

MOTIFS

Sur la procédure

L'article 910-4 du Code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Pour la première fois dans ses conclusions d'appelant n° 3 en date du 12 juin 2019, la société Epet évoque, outre le fondement contractuel de droit commun qui est l'objet initial et principal des débats, les dispositions de l'article L. 442-6 I 2° dans sa version applicable aux faits de l'espèce, qui interdit de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties, en demandant en conséquence, à titre principal, que la cause soit renvoyée devant la cour d'appel de Paris en application de l'article D. 442-3 du Code de commerce.

Il ressort des éléments qui précèdent que la demande de renvoi devant la cour d'appel de Paris pour défaut de pouvoir juridictionnel de la présente cour est irrecevable en ce qu'elle n'a pas été soulevée dans les premières conclusions remises à la cour d'appel au sens de l'article 910-4 du Code de procédure civile.

Il faut par ailleurs relever que si, à titre subsidiaire, la société Epet fonde devant la cour sur l'article L. 442-6 I du Code de commerce la demande indemnitaire qu'elle avait déjà présentée aux premiers juges sur un fondement contractuel de droit commun, l'absence de pouvoir juridictionnel de la cour sur ce point que l'appelante rappelle elle-même, fait obstacle à l'examen de ce moyen.

Sur la teneur des prétentions soumises à l'examen de la cour

En application de l'article 12 du Code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.

Selon l'article 954 du Code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. [...] La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constant que le contrat de franchise conclu entre les parties le 7 août 2009 est arrivé à terme au mois de février 2017, la société Epet ayant notifié sa décision de ne pas le renouveler dans des circonstances qui ne sont pas discutées. Dès lors que les parties s'accordent sur le fait que le contrat est arrivé à terme au mois de février 2017 soit avant l'introduction de l'instance judiciaire, la discussion élevée par l'intimée sur une demande de résiliation judiciaire du contrat que la société Epet confirme expressément ne pas former (page 4 des conclusions) est sans objet.

La société La Générale des végétaux a saisi le tribunal de commerce d'une demande en paiement de la somme de 52 533,58 correspondant à des redevances fixées par le contrat et à la facturation de diverses prestations qu'elle soutient avoir servies à la société franchisée dans le cadre de l'exécution du contrat.

Pour s'opposer à cette demande, la société Epet qui ne conteste pas n'avoir pas acquitté ces sommes soutient que la société franchiseur n'a fourni aucune contrepartie à cette obligation de paiement et elle oppose à la société La Générale des végétaux une exécution du contrat de mauvaise foi et des manquements contractuels dont elle demande réparation.

Aux termes d'un dispositif de ses conclusions qui incluent, à mauvais escient, nombre de mentions qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du Code de procédure civile, elle demande que la société La Générale des végétaux soit déboutée de sa demande en paiement, le jugement étant confirmé sauf en ce qu'il a prononcé condamnation à son encontre en visant les dispositions des articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil et, subsidiairement, que le contrat soit " annulé " au visa des articles 1131 et 1184 du même Code ; elle présente ensuite une demande indemnitaire qui, au-delà d'une rédaction pour le moins ambiguë, est soutenue par des motifs exprès qui mettent en avant des fautes contractuelles reprochées au franchiseur.

En application de l'article 1304 ancien du Code civil applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Si les premiers juges ont retenu que la demande d'annulation qui était formée devant eux par la société Epet était prescrite et que l'intimée sollicite la confirmation de la décision entreprise de ce chef, il convient de rappeler que la disposition précitée n'est pas applicable à la nullité demandée par voie d'exception. Par ailleurs, les dispositions de l'ordonnance n° 2016-131 n'étant pas applicables au contrat litigieux conclu antérieurement, l'exécution du contrat pendant plusieurs années ne faisait pas obstacle à la recevabilité de la demande d'annulation présentée aux premiers juges de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement sur ce chef.

Pour autant, en indiquant que " l'annulation (du contrat) est recherchée sur le terrain de [son] inexécution " (page 28 des conclusions), l'appelante signifie clairement que les griefs qu'elle soumet à l'appréciation de la cour porte sur l'exécution du contrat et non pas les conditions de sa conclusion, rendant ainsi dépourvue de consistance la référence à une " nullité " et renvoyant au contraire implicitement à la notion d'exception d'inexécution. La demande d'annulation du contrat mentionnée dans le dispositif des conclusions n'est donc pas soutenue par des moyens propres, distincts de ceux relatifs à l'exécution du contrat et aux fautes contractuelles reprochées au franchiseur.

Il est patent et confirmé oralement à l'audience par le conseil de l'appelante questionné sur ce point par la cour, que si elle invoque un défaut de contrepartie véritable de l'obligation de payer dont l'exécution est poursuivie par le franchiseur, la société Epet n'allègue aucunement un vice du consentement qu'elle a donné en 2009, en soulignant expressément qu'elle recherche la responsabilité contractuelle du franchiseur.

De même, si elle critique les conditions d'exécution du contrat de franchise et plus particulièrement le partenariat " gagnant-gagnant " qu'il implique, elle ne conteste pas avoir reçu certaines prestations de la part du franchiseur qui ont d'ailleurs été payées pendant cinq années (2009-2014).

Le visa de l'article 1131 du Code civil n'est donc pas soutenu par des motifs pertinents.

A défaut de motifs propres, la demande d'annulation du contrat ne peut donc prospérer de manière autonome par rapport à l'action de la société Epet tendant à engager la responsabilité contractuelle de la société La Générale des végétaux.

Enfin, il convient de relever que l'exception d'inexécution opposée à la demande de paiement des sommes facturées au franchisé et la demande indemnitaire présentée par celui-ci sont fondés sur les mêmes motifs en fait, de sorte qu'il convient d'examiner pour le tout chaque grief émis par la société Epet à l'encontre de la société La Générale des végétaux.

Sur les modalités d'exécution du contrat

La société Epet reproche à la société La Générale des végétaux de ne pas lui avoir transmis le savoir-faire spécifique attendu du franchiseur et d'avoir exécuté le contrat de mauvaise foi.

Or, il ressort des pièces versées aux débats :

- que le réseau Monceau Fleurs comptait plus de 130 franchisés en 2009,

- que conformément au document d'information précontractuel dont la teneur ne suscite aucunes observations, la société Epet a reçu un guide du savoir-faire " pré-ouverture ", un guide du savoir-faire " post-ouverture " et un guide d'implantation dont la pertinence n'est pas contestée,

- que le franchiseur a mis à disposition un site internet en en délivrant les fonctionnalités,

- qu'entre le mois de septembre 2013 et le mois de juin 2015, la responsable régionale du franchiseur a procédé à cinq visites du magasin de Creil à l'issue desquelles des rapports très circonstanciés ont été transmis au franchisé et des recommandations précises lui étaient faites pour augmenter le volume de son activité notamment dans l'aménagement de l'espace de la boutique, la présentation des produits, l'affichage des offres spécifiques, le développement d'une carte fidélité, l'accueil des clients.

Il est par ailleurs étayé que le franchiseur transmettait au franchisé des documents techniques sur les compositions florales, des fiches conseil et des suggestions en termes d'animation du point de vente notamment à l'occasion de fêtes civiles ou religieuses ; en outre, il n'est pas discuté qu'une offre de formation était faite au personnel, que des temps d'échange étaient proposés aux dirigeants des sociétés franchisées et que l'ensemble des prestations relatives à la communication et à la publicité ont été fournies.

La société Epet fait valoir que l'incompétence du franchiseur à l'accompagner dans le partenariat que constitue le contrat de franchise s'est manifestée notamment par une sur-évaluation déraisonnable de la rentabilité prévisible de l'entreprise.

Le contrat dispose que le franchisé prépare avec l'aide de son expert-comptable ses propres comptes prévisionnels et étudie son besoin en fonds de roulement en s'appuyant notamment " sur les bilans positifs et négatifs qu'il s'est procuré auprès de différents magasins Monceau Fleurs franchisés et sur la disquette fournie par Monceau Fleurs ne comportant que les différents postes vierges et un plan type vierge du compte prévisionnel ". La société Epet ne démontre pas ni même ne soutient que la société La Générale des végétaux a avancé quelques résultats prévisionnels et les appréciations générales portées par un regroupement des franchisés Monceau Fleurs en 2016 n'est pas probante de la réalité contractuelle en l'espèce.

Par ailleurs, la société Epet ne conteste pas l'affirmation du franchiseur selon laquelle le taux de la redevance contractuellement fixée initialement à 6 % du chiffre d'affaires a été réduite à 4 %.

Enfin la comparaison proposée par la société Epet entre ses propres résultats nets et les sommes versées au franchiseur pendant la durée du contrat ne peut être retenue comme probante d'un défaut d'exécution du contrat puisqu'elle place sur le même plan un résultat net et un élément de chiffre d'affaires, omettant les charges d'exploitation du franchiseur.

Les mêmes éléments de fait excluent une exécution de mauvaise foi du contrat de franchise dans un contexte où le franchiseur faisait face lui-même à des difficultés économiques.

En revanche, le contrat conclu entre la société Epet et la société La Générale des végétaux prévoyait en son article 7.3.1. que le concept Monceau Fleurs incluait " l'optimisation du rapport gamme, prix et qualité des produits [...] une homogénéité des variétés présentées à la vente " et que pour assurer le respect de ce concept les parties convenaient que le franchisé aurait une obligation d'approvisionnement quasi-exclusif pour les fleurs, les plantes et les bouquets préparés et que le franchiseur aurait " une fonction de centrale d'achats et de référencement qu'il pourra transférer ou déléguer à toute autre société du groupe [...] "

Alors que cette fonction de centrale d'achat dont la société La Générale des végétaux supportait le coût, était ainsi présentée comme un élément essentiel du contrat et du concept même Monceau Fleurs, la société La Générale des végétaux, elle-même confrontée à des difficultés économiques a décidé unilatéralement en 2013 de renoncer à l'assumer et a mis en place une nouvelle politique d'approvisionnement en référençant des fournisseurs auprès desquels les franchisés devaient s'adresser directement ; l'obligation d'approvisionnement quasi-exclusif (80 %) était maintenue, les franchisés bénéficiant d'un prix réduit s'ils dépassaient ce seuil de 80 %.

Le 27 juin 2013 le franchiseur informait les franchisés qu'il ne mettrait plus en ligne les propositions de la société Global BV, précédemment centrale d'achat.

Il ressort des réponses apportées en 2016 aux questions posées par l'association des franchisés Monceau Fleurs, Happy et Rapid'Flore, toutes enseignes du groupe Monceau Fleurs, par la société Perceval qui est entrée au capital de la société Groupe Monceau Fleurs que le référencement de fournisseurs donnait lieu à la perception par le franchiseur d'une commission sur les ventes faites par ceux-ci aux franchisés et que n'était pas véritablement contesté le fait que, notamment par la répercussion de cette commission sur les prix de vente aux franchisés, ces derniers achetaient à des prix supérieurs à leurs concurrents hors réseau.

Si la société La Générale des végétaux fait valoir que les pièces produites ne permettent pas de démontrer avec certitude la réalité et l'importance d'un tel surcoût au cours de l'exécution du contrat de la société Epet, il est néanmoins suffisamment démontré que la suppression de la fonction de centrale d'achat en 2013 a d'une part reporté sur le franchisé le montant du commissionnement du franchiseur par les fournisseurs, d'autre part généré pour le franchisé des charges d'exploitation plus importantes dès lors qu'il devait lui-même prospecter auprès de plusieurs fournisseurs, sélectionner les produits parmi une offre plus large et qu'il ne disposait plus de l'outil informatique dont la fourniture incombait initialement au franchiseur.

La société La Générale des végétaux ne saurait soutenir que le franchisé a accepté un tel changement dans l'exécution du contrat sans documenter cette acceptation, alors que la société Epet a exprimé dès le mois de juin 2014 ses inquiétudes sur les résultats prévisibles pour 2014 et 2015 en soulignant la faible rentabilité de son commerce depuis l'origine.

Si le refus du franchiseur de mettre alors un terme au contrat qui courrait jusqu'en 2017 ne peut être considéré comme une " menace ", il faut regretter que la société la générale des végétaux n'ait pas pris en compte l'incidence du changement du système d'approvisionnement sur le résultat du franchisé.

Or, même si, contrairement aux craintes de la société Epet, l'excédent brut d'exploitation et le résultat net de celle-ci sont demeurés positifs, la baisse de la marge commerciale (ventes - achats) de l'entreprise en 2015 et 2016 (oscillant entre 64 et 66 % de 2011 à 2014, cette marge a baissé à 62 % en 2015 et à 59,7 % en 2016) traduit la pression d'un prix d'achat plus élevé, malgré la ristourne de fidélisation qui contraignait de fait le franchisé à dépasser le seuil d'approvisionnement de 80 % auprès des fournisseurs référencés.

A la lumière de ces éléments de fait, les demandes pécuniaires des parties doivent être examinées successivement.

- Demande du franchiseur en paiement des factures de redevances d'assistance et de publicité et des frais s'y rapportant

Il ressort de ce qui précède que les prestations attendues de la société La Générale des végétaux ont été exécutées à l'exception de la fonction de centrale d'achat.

Si l'absence de cette fonction à compter de 2013 a pesé sur la rentabilité de l'entreprise franchisée, les comptes versés aux débats montrent que la société Epet a toujours réalisé un excédent brut d'exploitation et un résultat net positifs après rémunération du gérant.

Dans ces circonstances, la baisse de rentabilité liée au changement de système d'approvisionnement ne saurait justifier la décision unilatérale et soudaine du franchisé en 2014 de cesser le paiement des redevances et des autres prestations.

En conséquence, c'est à bon droit que la société La Générale des Végétaux sollicite le paiement de la somme de 52 533,58.

Si la société La Générale des végétaux vise l'article 16.1.4 du contrat qui prévoit un intérêt de 8 % l'an applicable à toute somme impayée par le franchisé, elle sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, la confirmation du jugement qui a appliqué l'intérêt au taux légal.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Epet à payer à la société La Générale des végétaux la somme de 52 533,58 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

L'intimée se prévaut de frais qu'elle a facturés à la société Epet au titre de rejets de prélèvements. Pour autant, elle ne justifie pas avoir effectivement supporté ces frais.

Par ailleurs, elle sollicite le prononcé d'une astreinte sans présenter aucun motif à l'appui de cette demande. En application des textes du Code de procédure civile précités, cette disposition est rejetée.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté ces deux demandes.

- Demande indemnitaire de la société Epet

Il ressort de ce qui précède que le franchiseur a commis une faute en renonçant à exercer la fonction de centrale d'achat, peu important aux rapports entre les parties que cette décision s'inscrive dans les mesures mises en œuvre pour remédier aux difficultés économiques du groupe Monceau Fleurs.

Cette faute a directement affecté péjorativement la marge commerciale de l'entreprise et a augmenté les charges d'exploitation, diminuant ainsi les ressources disponibles pour soutenir l'exploitation et améliorer son résultat.

Pour autant, il n'est pas démontré que cette faute soit la cause exclusive de l'absence de développement du commerce à la mesure des espoirs de l'exploitant ; il est au contraire avéré que le gérant qui partageait son temps de travail avec une autre franchise qu'il avait créée à Beauvais a augmenté significativement sa rémunération dès la deuxième année pleine, qu'il faisait face à des contraintes personnelles qui l'ont conduit en 2014 à envisager de remplacer la franchise de Creil par une autre franchise à Compiègne pour se rapprocher de son domicile, que plusieurs recommandations du franchiseur sur la gestion du point de vente n'ont pas été suivies d'effet.

En outre, les investissements réalisés dans le lieu de vente par le franchisé ou les frais exposés lors du terme du contrat résultent uniquement de la convention et sont sans rapport avec la faute retenue à l'encontre du franchiseur.

A partir des éléments comptables versés aux débats, il y a lieu de fixer l'indemnisation du préjudice causé par le franchiseur au franchisé à la somme de 30 000 euros correspondant à la baisse de la marge commerciale et au surcoût d'exploitation généré.

Il convient de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Epet de l'ensemble de sa demande et de condamner la société La Générale des végétaux à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les intérêts au taux légal dus sur cette somme en application de l'article 1231-7 du Code civil et courus pour une année entière à compter du présent arrêt pourront être capitalisés conformément à l'article 1343-2 du même Code.

Sur la demande indemnitaire formée par la société Epet au titre de la clause de non-concurrence post-contractuelle

La société La Générale des végétaux reproche à la société Epet une violation de l'article 20.2 b du contrat qui conditionne la poursuite d'un commerce de fleurs par le franchisé après le terme du contrat à une " manière différente de celui correspondant au savoir-faire de Monceau Fleurs c'est-à-dire sans étalage et sans aucun des signes distinctifs appartenant à Monceau Fleurs et sans aucunes des caractéristiques de Monceau fleurs de telle sorte que le franchisé ne puisse pas faire une concurrence déloyale au franchisé Monceau Fleurs en utilisant le savoir-faire auquel il a renoncé. "

Elle soutient que la société Epet a continué à utiliser une banderolle " Fête des grands-mères ", des kits de prix et une présentation des produits qui font partie du concept Monceau Fleurs.

La seule photographie montrant la devanture d'un magasin de fleurs avec une banderolle dépourvue de toute référence à Monceau Fleurs et des étiquettes de prix génériques constituées d'un rectangle noir bordé d'un liseret blanc sur un présentoir banal et semblable à ceux qui équipent l'ensemble des détaillants de fleurs ne caractérise pas la faute reprochée à la société Epet.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société La Générale des végétaux de cette demande.

Succombant dans l'essentiel de ses prétentions, la société Epet supporte les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, Déclare la société Epet irrecevable en sa demande de renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Paris ; Dit que la présente cour n'a pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur la demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce et renvoie les parties à mieux se pourvoir de ce chef ; Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la prescription de la demande d'annulation du contrat et, statuant à nouveau, rejette cette exception de prescription ; Constate que la cour n'est pas saisie de moyens de nullité distincts des moyens de fait relatifs à l'exécution du contrat ; Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Epet de sa demande indemnitaire, Statuant à nouveau de ce seul chef condamne la société La Générale des végétaux à payer à la société Epet la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Dit que les intérêts au taux légal dus sur cette somme en application de l'article 1231-7 du Code civil et courus pour une année entière à compter du présent arrêt pourront être capitalisés conformément à l'article 1343-2 du même Code ; Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires ; Condamne la société Epet aux dépens d'appel ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.