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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 octobre 2019, n° 18-00049

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Novidri (SARL)

Défendeur :

Ixina France (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard Hermant, M. Gilles

Avocats :

Mes Etevenard, Royer, Guyonnet, Simon

T. com. Paris, du 15 nov. 2017

15 novembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

La société Novidri a pour activité le négoce de meubles de cuisine et appareils électroménagers, de tous accessoires et ustensiles de cuisine.

La société Ixina France a pour activité l'exploitation par franchise de magasins de meubles de cuisine, d'ameublement, aménagement et décoration de la maison et tous appareils électroménagers, produits et accessoires s'y rapportant ; toutes prestations de services au profit des franchises filiales et participations ; acquisition, concession, gestion et administration de tous droits de propriété, industrielle, notamment marques et brevets ; le conseil en design, la conception et la création se rapportant à l'ameublement et à la décoration de la maison.

En date du 24 janvier 2011, la société Novidri a régularisé avec la société Ixina France, un contrat de franchise pour l'exploitation d'un point de vente situé à Valenciennes. Le terme de ce contrat a été fixé au 31 décembre 2015 et n'a pas été renouvelé.

La société Novidri a procédé à la fermeture anticipée de son point de vente.

Par acte en date du 26 juillet 2016, la société Ixina France a assigné la société Novidri devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'engager sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1134 du Code civil.

Par jugement du 15 novembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- prononcé la résiliation du contrat à la date du 15 octobre 2015 aux torts de la SARL Novidri nom commercial : Ixina ;

- condamné la SARL Novidri nom commercial : Ixina à payer à la SAS Ixina France la somme de 20 000 euros au titre de la clause pénale ;

- condamné la SARL Novidri nom commercial : Ixina à payer à la SAS Ixina France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire, sans constitution de garantie,

- condamné la SARL Novidri nom commercial : Ixina aux dépens de la présente instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.

Par déclaration du 19 décembre 2017, la société Novidri a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de la société Novidri, déposées et notifiées le 21 juin 2019, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu le contrat de franchise du 24 janvier 2011 entre Ixina et Novidri

Vu les articles 1134 et 1152 du Code civil,

A titre principal :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Novidri,

Y faisant droit,

- infirmer le Jugement entrepris et statuant à nouveau :

- débouter la société Ixina de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- réduire de manière conséquente le montant de la clause pénale,

En tout état de cause :

- condamner la société Ixina à payer à la société Novidri la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Ixina France, intimée, déposées et notifiées le 1er juillet 2019, par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article 1134 du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le jugement dont appel,

- déclarer la société Ixina France recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- constater que la société Novidri qui exploitait le point de vente <adresse> Valenciennes en vertu du contrat de franchise du 4 janvier 2011 a descendu l'enseigne Ixina avant le terme du contrat,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Novidri, à la date du 15 octobre 2015 date de fermeture présumée du point de vente litigieux,

- infirmer le jugement en ce qu'il a ramené le montant de la clause pénale prévue à l'article 13.3 du contrat de franchise à la somme de 20 000 euros et, statuant à nouveau condamner la société Novidri au paiement à la société Ixina France de la somme de 80 000 euros en application de la clause pénale prévue à l'article 13.3 du contrat de franchise,

- condamner la société Novidri à payer à la société Ixina France la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Novidri aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR, LA COUR,

Sur la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Novidri

La société Novidri soutient n'avoir commis aucune faute grave en procédant à la fermeture anticipée de son point de vente situé à Valenciennes, le 15 octobre 2015, soit deux mois et demi avant la fin du contrat de franchise, en raison de difficultés financières, ayant continué à verser sa redevance au franchiseur et ayant informé la société Ixina France de la fermeture. Elle ajoute que ce sont les manquements du franchiseur à son obligation d'assistance qui ont conduit à la fermeture du point de vente, la modification de la procédure de livraison des marchandises ayant pour conséquence un allongement du délai de livraison et la réception de marchandises abîmées ainsi que l'ouverture d'un point de vente Ixina sur la commune d'Englos et à proximité de la frontière franco-belge pratiquant des prix plus bas.

La société Ixina France estime que la société Novidri a commis une faute grave en procédant à la fermeture anticipée de son point de vente situé à Valenciennes qui justifie la résiliation du contrat aux torts exclusif de cette dernière sur le fondement des articles 1.3 et 6.3 du contrat, ajoutant qu'elle n'a pas renoncé à se prévaloir de ce manquement conformément à l'article 15.8 du contrat.

Le contrat de franchise du 24 janvier 2011 qui fait la loi des parties, stipule à l'article 1 alinéa 2 que " Le droit concédé autorise et oblige le Franchisé, en échange d'une contribution financière, à utiliser l'Enseigne et les Marques, le Savoir-Faire, les méthodes, les procédures et autres droits de propriété intellectuelle, soutenus par l'apport continu d'assistance commerciale et technique, et ce pour la durée du contrat ".

L'article 6.2 alinéa 2 prévoit que " Le Concept Ixina implique que les magasins sous l'enseigne soient ouverts au public 6 jours sur 7 et de manière continue toute l'année sans interruption. Aussi, il est vivement recommandé au Franchisé d'exploiter son Point de Vente dans ces conditions. Le Franchisé s'engage à prévenir le Franchiseur 48 (quarante-huit) heures avant toute fermeture de plus de 8 (huit) jours de son Point de vente en indiquant les raisons de cette fermeture et sa durée. "

L'article 25 (et non 15.8) du contrat stipule : " Le fait pour l'une ou l'autre des parties de ne pas revendiquer l'application d'une clause quelconque du Contrat, ne pourra en aucun cas être interprété comme valant renonciation par cette Partie aux droits qui découlent pour elle de ladite clause."

Par lettre du 15 octobre 2015, la société Novidri a informé la société Ixina France de la fermeture de son magasin de Valenciennes.

Le 12 novembre 2015, la société Ixina France a demandé la réouverture du magasin.

Il résulte de ces éléments que la société Novidri, franchisée, ne pouvait procéder à la fermeture du magasin sans l'accord de son franchiseur, accord qui lui a été refusé, peu important à cet égard qu'elle se soit acquittée pendant toute la période du versement de la redevance.

Dès lors, le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société Novidri.

Sur la clause pénale

La société Novidri soutient que la clause pénale de l'article 13.3 du contrat de franchise n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce dès lors que cette clause est soumise à l'existence d'un préjudice dont la preuve n'est pas rapportée et suppose que le franchisé n'ait pas procédé au paiement des redevances de franchise, puisque le calcul du montant de la clause pénale se fait sur la base des redevances que le franchisé " aurait dû payer ". Elle ajoute que le montant de la clause pénale est manifestement excessif et sollicite, dans le cas où elle serait condamnée au titre d'une résiliation fautive, sa diminution.

La société Ixina France demande l'application de la clause pénale qui prévoit une indemnité forfaitaire égale au montant des redevances jusqu'au terme du contrat avec une somme plancher égale à 80 000 euros. Elle dit que la partie qui sollicite l'application de la clause pénale est dispensée de devoir prouver et quantifier le préjudice qu'elle subit mais également que la charge de la preuve d'un montant manifestement excessif, incombe au débiteur de l'obligation.

Elle dénie tout caractère excessif au montant prévu de cette clause en ce sens que l'objet de la clause pénale étant plus large que le simple dédommagement des redevances impayées, le préjudice du franchiseur ne résidant pas simplement dans l'absence de perception de redevances mais aussi dans la perte de présence commerciale sur la zone d'exclusivité, l'impossibilité de contracter avec un autre franchisé du fait de l'exclusivité, et la perturbation du réseau.

L'article 13.3 du contrat dispose :

" En cas de résiliation anticipée, afin de réparer le préjudice subi par le Franchiseur, le Franchisé lui versera à titre d'indemnité forfaitaire, une somme égale au double du montant des redevances qu'il aurait dû payer jusqu'au terme du contrat, sans que cette somme puisse être inférieure à la somme de 80 000 (quatre-vingt mille) euros. Cette indemnité sera calculée sur la base de la moyenne des redevances mensuelles dues par le Franchisé au cours de l'année précédant la date d'effet de la résiliation. (...) "

En vertu de l'article 1152 ancien du Code civil applicable à la cause, le juge peut même d'office, modérer ou augmenter la peine qui aura été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

La clause pénale s'applique même si le franchisé s'est acquitté des redevances dues jusqu'au terme contractuel. Elle est la sanction contractuelle du manquement d'une partie à ses obligations ; en l'espèce, la fermeture anticipée du magasin. Elle s'applique du seul fait de cette inexécution sans être conditionnée à la preuve d'un préjudice.

En revanche, au regard du montant total des redevances versées, soit la somme de 63 288 euros et de la fermeture du magasin 2 mois et demi seulement avant le terme contractuel, la clause pénale d'un montant de 80 000 euros apparaît manifestement excessive et doit être ramenée à la somme de 20 000 euros.

Le jugement entrepris est donc confirmé.

Sur les autres demandes

Le sens de l'arrêt et l'équité conduit à débouter la société Novidri et la société Ixina France de leur demande respective au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement, Dit n'avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Novidri aux dépens d'appel.