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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 octobre 2019, n° 18-03709

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Club Opticlibre (SAS)

Défendeur :

Alliance Optique (SA), Société d'Etudes Conseil et d'Assistance aux Opticiens (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard Hermant, M. Gilles

Avocats :

Mes Boccon Gibod, André, Leboucq

T. com. Paris, du 29 janv. 2018

29 janvier 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Club Opticlibre et la SA Alliance Optique ont toutes deux une activité de centrale d'achat dans le secteur de l'optique, fournissant des produits ou services à des professionnels qui sont leurs adhérents ou leurs clients.

La SAS Société d'études, conseil et d'assistance aux opticiens (Secao), est une filiale de SA Alliance Optique. Elles opèrent ensemble sous la dénomination commerciale All ou Groupe All.

La SAS Club Opticlibre se voit reprocher par la SA Alliance Optique et la SAS Secao d'avoir adressé aux clients de leur groupe, en septembre 2016, une publicité comparative vantant de manière déloyale, illicite et mensongère une offre de financement dénommée Zenfi et une assurance contre la casse et le vol dénommée Zenassur.

La SAS Club Opticlibre reproche à la SA Alliance Optique et la SAS Secao d'avoir envoyé à leurs adhérents, le 19 septembre 2016 et pour répondre à la publicité comparative, une lettre qu'elle estime dénigrante à son égard.

La SA Alliance Optique et la SAS Secao reprochent également à la SAS Club Opticlibre d'avoir envoyé à plusieurs opticiens indépendants, le 30 septembre 2016, une lettre dont elle considère que son contenu l'a dénigrée.

La SA Alliance Optique et la SAS Secao ayant répliqué par un courriel du 10 octobre 2016 adressé aux opticiens de son réseau, la société Club Opticlibre estime que celui-ci l'a à nouveau dénigrée.

Par acte extrajudiciaire du 17 mai 2017, la SA Alliance Optique et la SAS Secao, dûment autorisées, ont assigné à bref délai la SAS Club Opticlibre en réparation de leurs préjudices d'image, moral et matériel et en cessation de diffusion des publicités litigieuses.

C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 29 janvier 2018, a :

- débouté la SA Alliance optique et la SAS Secao de leur demande en dommages-intérêts pour publicité comparative illicite et mensongère,

- condamné la SA Club Opticlibre à payer à la SA Alliance optique et la SAS Secao une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice d'image et une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice matériel,

- ordonné la publication du jugement au frais de la SA Club Opticlibre,

- débouté les demandeurs à titre principal de toutes leurs demandes,

- débouté la SA Club Opticlibre de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la SA Club Opticlibre à payer à la SA Alliance optique et la SAS Secao une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SA Club Opticlibre aux dépens.

Par dernières conclusions du 1er juillet 2019, la SAS Club Opticlibre demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés Alliance Optique et Secao de leur demande de condamnation de la société Club Opticlibre pour publicité comparative illicite du fait de l'envoi aux adhérents du Groupe All de la lettre du 15 septembre 2016 comparant les produits d'assurance casse, vol et services Zenassur et Pass Santé Visuelle ;

- infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

* dire que la lettre du 30 septembre 2016 adressée par la société Club Opticlibre à certains adhérents du Groupe All les informant de conditions préférentielles consenties par le Groupe All à l'un de leurs concurrents, la société Prévifrance, ne constitue pas un acte de dénigrement fautif ;

* dire que le Groupe All a réagi à l'envoi des deux communications précitées en adressant à ses adhérents des courriers dénigrants à son égard ;

* dire Groupe All a abusé de son droit d'agir en justice ;

* condamner en conséquence les sociétés Alliance Optique et Secao à verser à la société Club Opticlibre la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice d'image ;

* condamner en conséquence les sociétés Alliance Optique et Secao à verser à la société Club Opticlibre la somme de 10 000 euros au titre de la procédure abusive ;

* condamner en conséquence les sociétés Alliance Optique et Secao à publier le dispositif de la décision à intervenir en page d'accueil du site internet du Groupe All accessible à l'adresse www.groupeall.fr et ce pendant trente jours consécutifs, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

En toute hypothèse :

- condamner les sociétés Alliance Optique et Secao à verser à la société Club Opticlibre une somme de 25 000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Alliance Optique et Secao aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 19 juin 2019, les sociétés Alliance Optique et Secao prient la cour de :

- à titre principal, infirmer le jugement entrepris afin de condamner la société Club Libre à leur verser :

* 200 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'image causé par l'envoi de la publicité comparative illicite du 15 septembre 2016 ;

* 200 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'image causé par l'envoi de la lettre dénigrante du 30 septembre 2016 ;

* 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice matériel ;

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- en tout état de cause :

- ordonner la publication du jugement

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner la société Club Optique à leur payer 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

SUR CE, LA COUR

Sur l'illicéité alléguée de la publicité comparative en faveur de l'offre Zenassur de la société Club Opticlibre

En droit, depuis l'ordonnance du 23 août 2001 ayant transposé en droit interne les modifications apportées par la directive 97/55/CE, une publicité mettant en comparaison des biens ou services identifiant des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :

- elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

- elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;

- elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.

En particulier, la portée de cette exigence de vérifiabilité doit être envisagée à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice du 19 septembre 2006 (dans l'affaire C-356/04) qui a dit pour droit que :

L'article 3 bis, paragraphe 1, sous c), de la directive 84/450, telle que modifiée par la directive 97/55, doit être interprété en ce sens qu'une caractéristique mentionnée dans une publicité comparative ne satisfait à l'exigence de vérifiabilité posée par cette disposition, lorsque les éléments de comparaison sur lesquels repose la mention de cette caractéristique ne sont pas énumérés dans cette publicité, que si l'annonceur indique, notamment à l'attention des destinataires de ce message, où et comment ceux-ci peuvent prendre aisément connaissance de ces éléments aux fins d'en vérifier ou, s'ils ne disposent pas de la compétence requise à cette fin, d'en faire vérifier l'exactitude ainsi que celle de la caractéristique en cause.

Le premier juge a retenu en l'espèce que l'information contenue dans la lettre du 15 septembre 2016 adressée aux adhérents de la SA Alliance Optique et la SAS Secao n'est ni trompeuse, ni de nature à induire en erreur, que les deux services comparés correspondent au même besoin et ont le même objectif, que la comparaison est objective, de sorte que la lettre est licite.

La SA Alliance Optique et la SAS Secao exposent au contraire que les offres Pass santé visuelle et Zenassur ne répondent pas aux mêmes besoins.

A cet égard, la SA Alliance Optique et la SAS Secao soutiennent l'existence de différences notables dans les services de santé visuelle complémentaires entre, d'une part son Pass santé visuelle et, d'autre part, l'offre Zenassur.

Elles font également valoir l'existence d'une contribution financière de l'opticien au chèque cadeau/fidélité remis au client.

Ainsi, alors que dans l'offre Zenassur, l'opticien finance une partie du chèque fidélité remis au client à hauteur de 56 %, aucune contribution de sa part n'est requise avec le Pass santé visuelle.

Elles en concluent que ces produits étaient incomparables, à tout le moins sur le seul critère du prix, sans que la différence de prix mise en avant dans la publicité ne soit expliquée aux destinataires.

La SA Alliance Optique et la SAS Secao exposent encore que la comparaison litigieuse ne porte pas sur les caractéristiques essentielles et pertinentes pour ses adhérents. Elles soutiennent que les critères de comparaison choisis ne sont pas essentiels ni pertinents ni représentatifs pour les destinataires. Ainsi, pour la SA Alliance Optique et la SAS Secao, les critères mis en avant, à savoir le coût mensuel pendant 24 mois pour le client et le montant du chèque de fidélité remis à celui-ci n'intéressent pas les adhérents qui, au contraire, sont selon elles davantage concernés par les montants qu'ils devront débourser pour financer le chèque de fidélité.

La SA Alliance Optique et la SAS Secao exposent encore que la comparaison n'est pas objective en ce qu'elle ne permet pas aux adhérents de son groupe de connaître les caractéristiques propres des produits d'assurance de nature à justifier la différence de prix.

En particulier, selon la SA Alliance Optique et la SAS Secao, le fait que la publicité passe sous silence la contribution de l'opticien au financement du chèque fidélité dans l'offre Zenassur, alors que nulle contribution ne lui est demandée dans l'offre Pass santé visuelle caractérise le défaut d'objectivité.

La SA Alliance Optique et la SAS Secao exposent que la publicité en cause est de nature à induire en erreur les adhérents de son groupe, en particuliers sur les caractéristiques mêmes de l'offre nouvelle Zenassur, faisant croire à tort que les caractéristiques de l'offre Pass santé visuelle sont les mêmes.

Toutefois, il appartient à la cour de tirer les conséquences du fait que la lettre est adressée à des opticiens et non à des particuliers.

Si la lettre accompagnant la publicité litigieuse met clairement en avant l'argument du prix en posant la question : " Comment votre porteur acceptera-t-il de payer 19,90 euros par mois pour l'assurance vol, casse et services de son équipement progressif si l'un de vos concurrents propose la même chose à seulement 8 euros ", le propos de l'annonce est en réalité d'inciter l'opticien destinataire à se placer du point de vue du client final, relativement à un produit ou service qui est non seulement une assurance pour les risques de vol et de casse, mais aussi un ensemble de services supplémentaires, en particulier les avantages de fidélité consentis sous forme de chèque cadeau.

De manière cohérente, la publicité elle-même annonce tant sous l'angle de la comparaison de prix que des chèques de fidélité à destination des clients finaux :

- d'une part, l'offre Zenassur (4 euros par mois pour un équipement unifocal, avec au bout de 24 mois un chèque fidélité client de 100 euros ; 8 euros par mois pour un équipement progressif, avec au bout de 24 mois un chèque fidélité client de 200 euros)

- d'autre part, les offres de deux concurrents désignés, à savoir l'offre Krys, qui ne se distingue que par le montant du chèque fidélité pour le client légèrement inférieur, et l'offre All qui se distingue par des coûts mensuels nettement plus élevés (14,90 euros et 19,90 euros) et par un chèque de fidélité pour le client d'un montant supérieur (120 euros et 240 euros).

Il ne peut donc être soutenu que les critères de comparaison choisis ne sont pas essentiels ni pertinents, ni représentatifs pour ses destinataires. Ce n'est pas parce que les sommes à la charge de l'opticien dans l'une et l'autre offres intéressent nécessairement ce professionnel qu'il était illicite pour la SAS Club Opticlibre de ne pas retenir ces coûts parmi les critères de comparaison dans la publicité litigieuse "Je ne comprends pas bien" et il n'est pas établi que les critères retenus ne sont pas ceux sur lesquels se fondent les opticiens.

La SA Alliance Optique et la SAS Secao ne démontrent pas non plus que, du point de vue de l'opticien, les différences entre les offres Zenassur et Pass santé visuelle ne répondent pas au même besoin ou n'ont pas le même objectif.

Il s'agit d'un service offert aux opticiens pour attirer et fidéliser une clientèle de particuliers.

Sous ce rapport, rien ne prouve que les prestations dites de santé visuelle de la SA Alliance Optique et la SAS Secao (analyse de la performance visuelle, pré-dépistage, bilan et suivi, analyse des besoins spécifiques, prises de mesures qualifiées et initiation au port des lentilles) soient substantiellement différentes du contrôle annuel offert par la SAS Club Opticlibre.

Sous ce rapport également, les remises sur équipements offertes aux consommateurs pendant deux ans, dans la seule offre Pass santé visuelle ne marquent pas une différence essentielle avec l'offre Zenassur, à supposer que cette offre existait à la date de diffusion de la publicité litigieuse, ce qui est formellement contesté, alors que la SA Alliance Optique et la SAS Secao ne rapportent pas la preuve qui leur incombe à cet égard, malgré leur pièce relative à la campagne de lancement de l'offre Pass santé visuelle.

La marge opticien de 4 euros qui ne figure que dans l'offre de la SA Alliance Optique et de la SAS Secao, ne constitue pas non plus une différence essentielle.

S'agissant des services complémentaires, il n'est pas établi non plus de différence rendant déloyale la comparaison entre les offres.

Si la SA Alliance Optique et la SAS Secao proposent l'entretien et la remise à neuf de l'équipement, la garantie monture satisfait ou échangé, la garantie adaptation verre, la livraison à domicile et le kit d'entretien gratuit, l'offre Zenassur comprend l'ajustage, le nettoyage à ultrasons et le changement de manchons ; il ne s'agit pas là de différences essentielles.

Semblablement, toujours du point de vue de l'opticien et dans la perspective d'attirer la clientèle selon l'argument du prix et des avantages fidélité pour les clients, les différences quant à la prestation d'assurance ne sont pas essentielles.

Il en va ainsi en particulier des limites de garantie.

En outre, la circonstance que le coût pour l'opticien en cas de sinistre soit différent dans les offres en comparaison ne caractérise pas un défaut d'objectivité, dans la mesure où les comparaisons de prix et de chèques cadeau portent bien sur des caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou services en cause.

Il ne résulte aucune présentation trompeuse ou de nature à induire en erreur ni aucun défaut d'objectivité du fait que l'annonce publicitaire litigieuse ne mentionne pas les coûts supportés par l'opticien dans l'offre Zenassur, tant pour ce qui concerne, en cas de sinistre, le reste à charge de 60 % HT de la facture de remplacement, que pour ce qui concerne, en l'absence de sinistre, la contribution à hauteur de 56 % du montant du chèque cadeau.

La publicité litigieuse renvoie d'ailleurs expressément, par une mention claire et lisible, les professionnels destinataires aux conditions particulières des différentes offres qu'elle compare, ce qui suffit à leur information.

La circonstance que ces professionnels dépendent du réseau de la SA Alliance Optique et de la SAS Secao et qu'ils ne connaissaient pas les offres de la SAS Club Opticlibre est sans effet.

Il ne peut être soutenu que la publicité était de nature à leur faire croire que les offres comparées étaient identiques à l'égard des opticiens destinataires.

S'agissant de l'offre Krys également présentée dans la publicité comparative, il ne peut être soutenu qu'il s'agirait de produits d'assurance exclusivement qui aurait servi de comparaison, dès lors qu'il est établi que les offres de cette marque figurant dans l'annonce comprennent comme celles de la SA Alliance Optique et la SAS Secao et celles de la SAS Club Opticlibre non seulement une prestation d'assurance, mais également un chèque ou un avantage de fidélité pour le client final.

L'annonce publicitaire en cause n'est donc pas illicite au regard des dispositions de l'article L. 122-1 du Code de la consommation, puisqu'elle n'est pas trompeuse ni de nature à induire en erreur les professionnels destinataires, qu'elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif et qu'elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services.

S'agissant du discrédit jeté sur le Groupe All et sur les produits qu'il commercialise, du fait de la publicité comparative litigieuse, les allégations de la SA Alliance Optique et la SAS Secao ne sont pas fondées en ce que la comparaison de prix a été objectivement présentée dans l'annonce publicitaire et qu'il ne peut être soutenu que le résultat à l'égard des SA Alliance Optique et SAS Secao est injustifié et a procédé de l'intention de leur nuire.

Il ne peut être soutenu non plus que l'affirmation contenue dans l'annonce destinée à des professionnels et selon laquelle l'offre Zenassur est " la meilleure du marché " doit être tenue pour déloyale.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la publicité comparative litigieuse n'était pas illicite.

La SA Alliance Optique et la SAS Secao doivent donc être déboutées de leurs demandes indemnitaires et de publication formées au titre de la publicité contenue dans la lettre du 15 septembre 2016.

Sur l'illicéité alléguée par la société Club Opticlibre de la lettre de la SA Alliance Optique et la SAS Secao du 19 septembre 2016 en réponse à la publicité comparative

En réponse à la publicité comparative ci-dessus, la SA Alliance Optique et la SAS Secao ont adressé à leurs adhérents une lettre constituée de la lettre d'accompagnement de la publicité comparative signée de M. X, sur laquelle avait été ajouté à l'encre rouge et comme de manière manuscrite, outre des soulignements, des mentions ironiques et des appréciations ou observations telles que :

" C'est la rentrée des classes ! Copie corrigées de M. X...Merci de considérer que nos opticiens sont des dupes [en regard de l'invitation à prendre le temps d'analyser des éléments de communication de leur centrale d'achat] ... Bien! Vous reconnaissez l'intelligence de nos analyses [en regard de la référence aux analyses marketing notamment de All] ...Nous cherchons toujours en quoi elle est moins chère ! [En regard de l'affirmation que l'offre Opticlibre est la moins chère que celles du marché] ... Ah, présenté comme ça c'est sûr...Cependant vous avez omis 2/3 de notre offre. Renseignez-vous ! [En regard de la phrase : " Comment votre porteur acceptera-t-il de payer 19,90 euros par mois pour l'assurance vol, casse et services de son équipement progressif si l'un de vos concurrents propose la même chose à seulement 8 euros. "] ...Il est temps !!! la loi sur les remboursements différenciés date de 2011 ! All était sur le front, on ne vous a pas vu ! [En regard de l'affirmation contre les remboursements différenciés] ... Instrumentaliser l'inquiétude des opticiens, ce n'est pas très joli... [en regard de la mention de la participation de Club OpticLibre à des réunions régionales pour la défense de la profession] ... Bravo pour les infos. Et concrètement ça donne quoi ? [En référence à la mention de l'envoi d'un livre aux opticiens indépendant de France] ... Erreur de compréhension de nos offres ou mauvaise foi caractérisée " Aucune note ne s'impose pour une telle prose ! [en guise d'appréciation conclusive]. "

Peu important la rudesse de la publicité comparative déjà analysée, les termes employés par la SA Alliance Optique et la SAS Secao et ci-dessus relatés sont manifestement dénigrants à l'égard de la société Club Opticlibre et ont indéniablement causé un préjudice d'image auprès des membres du réseau de la SA Alliance Optique et la SAS Secao qui ont été destinataires de la lettre ainsi corrigée.

Ces actes de dénigrement du 19 septembre 2016 subsistent indépendamment de savoir si la société Club Opticlibre a commis ou non un dénigrement commercial le 30 septembre 2006.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en réparation formée de ce chef par la société Club Opticlibre.

Sur le dénigrement imputé à la société Club Opticlibre du fait de la lettre du 30 septembre 2016

En revanche le jugement entrepris doit être approuvé d'avoir dit que la lettre adressée le 30 septembre 2016 par la SAS Opticlibre aux opticiens clients de la SA Alliance Optique et la SAS Secao était dénigrant.

En droit, le dénigrement est caractérisé par la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent, peu important qu'elle soit exacte.

En l'espèce, la lettre litigieuse tente de détourner la clientèle de la SA Alliance Optique et la SAS Secao en divulguant auprès des opticiens du réseau l'information selon laquelle ces sociétés, qui se présentent comme les défenseurs des opticiens indépendants, ont en réalité pour premier client le pire concurrent de ces opticiens, à savoir une mutuelle importante, présentée comme ayant le même verrier principal que les destinataires et comme recevant de la SA Alliance Optique et la SAS Secao une remise de fin d'année supérieure de 4 points à celle que leur octroie leur centrale d'achat à raison des achats des produits de ce verrier.

Peu important que la lettre ne critique pas autrement le groupe All que pour le manque d'éthique et de morale de son comportement sur le marché, les termes de cette lettre sont manifestement dénigrants, ainsi que l'a retenu le premier juge.

La forme interrogative employée dans deux paragraphes pour souligner l'argumentation ne contribue pas en l'espèce à modérer l'expression ; elle renforce au contraire son caractère virulent.

Il importe peu que les destinataires de la lettre soient des professionnels.

Il s'agit en l'espèce des 100 opticiens les plus importants du réseau de la SA Alliance Optique et la SAS Secao et l'intention de détourner la clientèle par un moyen déloyal est d'autant plus patente.

Sur le dénigrement imputé à la SA Alliance Optique et la SAS Secao du fait de son courriel du 10 octobre 2016 aux opticiens de son réseau

La SA Alliance Optique et la SAS Secao a riposté à la lettre du 30 septembre 2016 ci-dessus par un courriel du 10 octobre 2016 adressé à ses adhérents.

Ce courriel est incontestablement dénigrant en ce que :

- il accuse la société Opticlibre d'intimidations et de pratiques douteuses, ce qui porte atteinte à son honorabilité et à sa marque ;

- il s'en prend personnellement à la personne du président de la société Opticlibre en le stigmatisant notamment pour son passé professionnel étranger à l'optique.

Sur l'abus de droit allégué contre la SA Alliance Optique et la SAS Secao

Dès lors que la SA Alliance Optique et la SAS Secao ont été partiellement reçues en leurs demandes, l'abus du droit d'ester en justice allégué ne peut être caractérisé.

La société Club Opticlibre doit être déboutée de toute demande de dommages-intérêts formée à ce titre, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les préjudices de la SA Alliance Optique et la SAS Secao

Alors que la partie qui invoque un préjudice a la charge de le prouver dans son principe et dans son quantum, s'il est établi en l'espèce que la SA Alliance Optique et la SAS Secao ont subi un préjudice d'image du fait du dénigrement dont la société Club Opticlibre s'est rendue coupable auprès de leurs 100 plus gros clients, la cour considère d'abord qu'elle dispose des éléments permettant d'évaluer à 50 000 euros le préjudice d'image.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

S'agissant du préjudice matériel, son principe n'est établi par aucun élément de preuve et il ne peut être considéré, en particulier que serait rapportée la preuve de coûts particuliers exposés en interne par la SA Alliance Optique et la SAS Secao et causés par le dénigrement subi.

Nulle somme ne sera donc allouée au titre du préjudice matériel, le jugement devant être infirmé de ce chef.

Sur le préjudice de la société Club Opticlibre

Il résulte de ce qui précède que la société Club Opticlibre a subi un préjudice d'image du fait de la lettre et du courriel dénigrants déjà analysés.

Ce préjudice ayant été subi auprès des clients de la SA Alliance Optique et la SAS Secao, la Cour dispose des éléments permettant de le liquider à la somme de 20 000 euros.

Sur les autres mesures

Les publications demandées par les parties sont prévues par la loi et sont de nature à réparer en l'espèce les dénigrements dont elles ont été déclarées responsables.

Il doit être fait droit à ces demandes de publications.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la publication à la charge de la société Club Opticlibre, sauf à aménager cette publication tel que précisé au dispositif du présent arrêt.

Dès lors que les parties succombent partiellement en leurs demandes, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, uniquement à la charge de la SA Club Opticlibre.

Il convient de dire que chaque partie supportera la charge des dépens qu'elle a exposés et qu'en équité, nulle indemnité de procédure ne sera allouée en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il a : - rejeté la demande de la SAS Club Opticlibre en indemnisation de son préjudice ayant découlé de la lettre de la SA Alliance Optique et de la SAS Secao du 30 septembre 2016 et du courriel de la SA Alliance Optique et de la SAS Secao du 10 octobre 2016, - condamné la SAS Club Opticlibre à payer à la SA Alliance Optique et la SAS Secao une somme de 10 000 euros au titre du préjudice matériel, - déterminé les modalités de la publication judiciaire à charge de la SAS Club Opticlibre, - statué sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau : Condamne in solidum la SA Alliance Optique et la SAS Secao à payer à la SAS Club Opticlibre une somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'image, Ordonne la publication judiciaire du présent arrêt dans un journal d'informations générales et sur le site internet d'Acuité https://www.acuite.fr/, aux frais de la société Club Opticlibre, sans que le coût total ne dépasse 10 000 euros, Ordonne la publication du présent arrêt en page d'accueil du site internet de Club Opticlibre aux frais de la société Club Opticlibre et ce pendant 30 jours consécutifs, Laisse les dépens à la charge de la partie qui les a exposés, Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Pour le surplus : Confirme le jugement entrepris, Y ajoutant : Condamne la SA Alliance Optique et la SAS Secao à publier le dispositif à publier le dispositif du présent arrêt en page d'accueil du site internet du Groupe All accessible à l'adresse www.groupeall.fr et ce pendant trente jours consécutifs, pendant un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, Dit que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel, Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en appel, Rejette toute autre demande.