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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 22 octobre 2019, n° 17-00845

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bee's Eco (SAS)

Défendeur :

IECO Scop

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mmes Bourdon, Rochette

Avocats :

Mes Gonzalez, Levallois, Senmartin, Bourdier, Senmartin

T. com. Montpellier, 1er février 2017

1 février 2017

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La société Bee's Eco est immatriculée au RCS de Montpellier depuis le 13 septembre 2013 et a pour activité principale l'isolation thermique phonique et hydrique d'immeubles, les traitements hydrofuges fongicides et herbicides des bâtiments. Elle a été créée par Messieurs ZZ et L qui sont des anciens salariés de la société Ieco.

Cette dernière est une société coopérative de production anonyme à capital variable, immatriculée au RCS de Toulouse depuis le 2 juillet 2009, ayant pour activité, la désinsectisation parasitaire de l'habitat et la commercialisation aux particuliers et aux professionnels de prestations de services et de produits destinés à améliorer l'habitat.

Se plaignant d'actes de concurrence déloyale, la société Ieco a obtenu du président du tribunal de commerce de Montpellier, le 16 juillet 2015, la désignation d'un huissier de justice ayant notamment pour mission de :

- se faire remettre par la société Bee's Eco les documents contractuels techniques et commerciaux, les fichiers clients, les vêtements et autres documents portant la marque Ieco, les devis et les factures depuis la création de Bee's Eco, le registre d'entrée et de sortie de son personnel,

- réaliser la copie de supports informatiques, d'éléments d'information et les enregistrer sur tout support numérique,

- se faire assister en tant que de besoin d'un commissaire de police et d'un serrurier.

L'huissier de justice a établi deux procès-verbaux de constat en date des 30 juillet et 5 août 2015, le second établi après accès aux locaux assisté de trois gendarmes et d'un informaticien.

Par exploit du 16 décembre 2015, la société Ieco a fait assigner la société Bee's Eco devant le tribunal de commerce de Montpellier en indemnisation de ses préjudices.

Le tribunal, par jugement du 1er février 2017, a notamment :

- condamné la société Bee's Eco à verser à la société Ieco la somme de 24'750 euros HT au titre du détournement de clientèle

- condamné la société Bee's Eco à verser à la société Ieco la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts

- condamné la société Bee's Eco à cesser tout acte de concurrence déloyale qui serait constaté, sous astreinte de 500 euros par acte constaté à compter de la signification du jugement

- rejeté les autres demandes des parties,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Bee's Eco aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'huissier exposés suite à l'ordonnance du 16 juillet 2015.

La société Bee's Eco a régulièrement relevé appel, le 14 février 2017, de ce jugement en vue de sa réformation.

Cependant, par jugement du 23 octobre 2018 prononcé par le tribunal de commerce de Toulouse, la société Ieco a été placée en liquidation judiciaire et la selarl Benoit & Associés prise en la personne de M. Z a été désignée comme liquidateur judiciaire.

L'appelante demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 22 août 2019 via le RPVA, de :

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,

- rejeter toutes pièces versées par la société Ieco et la SELARL Benoît et Associés au soutien de leurs demandes et dont l'origine ou la réalité serait contestable et notamment les pièces 9, 11, 13, 14 et 16,

- à défaut, enjoindre à la société Ieco et la SELARL Benoît et Associés de fournir toute information à même d'établir l'origine de la pièce n°9 et notamment l'identité de son auteur,

- dire et juger qu'aucun acte de concurrence déloyale, dénigrement, confusion, parasitisme, usurpation, confusion ou encore débauchage déloyal ne peut lui être reproché,

En conséquence,

A titre principal,

- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute,

- infirmer en totalité le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 1er février 2017,

- débouter la société Ieco et la SELARL Benoît et Associés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le préjudice est inexistant,

- dire et juger que les demandes de la société Ieco et la SELARL Benoît et Associés en indemnisation sont infondées et les rejeter,

En tout état de cause,

- A titre reconventionnel, condamner la société Ieco à lui payer la somme de 50'000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de ses préjudices découlant des manœuvres déloyales de celle-ci,

- la condamner également à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir :

A titre principal

- la photographie montrant le bureau de l'un de ses salariés (pièce n°9 en première instance) a été prise en mars 2015 et il s'agit d'un montage photographique qui met de plus en évidence les photographies des enfants de M. B pour situer le lieu où elle a été prise,

- les attestations 11, 13, 14 et 16 ne respectent pas l'article 202 du Code de procédure civile, leur contenu a été 'téléguidéet elles émanent de personnes vulnérables ou partiales,

- elle n'a commis aucun dénigrement et souligne le caractère paradoxal d'un argumentaire consistant à lui imputer cette faute puis à lui reprocher de se faire passer pour Ieco,

- l'activité des deux sociétés repose sur le démarchage à domicile ou téléphonique qu'elle a effectivement pratiqué 'sans discernementdans le cadre d'un démarchage global, sans utilisation d'un quelconque fichier client de la société adverse dont les pièces (factures) contredisent la motivation du tribunal car elles ne portent pas sur des travaux similaires voires identiques qu'elle aurait proposés ni ne se rapportent à des clients de Ieco,

- elle n'a entretenu aucune confusion dans l'esprit des clients car elle a ses propres documents commerciaux, son propre logo et ses propres éléments d'identification distincts de ceux de l'intimée et dément toute utilisation d'un quelconque signe ou vêtement au nom de Ieco, l'emploi du terme générique 'Ecodans sa dénomination sociale étant utilisé selon des modalités visuelles, phonétiques et conceptuelles différentes,

- elle n'a entretenu aucune confusion à l'embauche de ses salariés, l'attestation unique adverse ne relevant que de la morosité d'un candidat finalement écarté,

- elle n'a pas désorganisé la société Ieco ni débauché le personnel de la société Ieco, les salariés voire les associés/salariés en cause étaient libres de tout engagement de non concurrence (la clause statutaire invoquée est nulle au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation) et avaient pour certains démissionné en raison du contexte social et économique de la société Ieco puis déposé des candidatures spontanées suite à la publication d'une annonce sur internet, le secteur d'activités commun étant caractérisé par la mobilité du personnel.

A titre subsidiaire,

- le taux de marge retenu par le tribunal (10 %) est erroné,

- le préjudice allégué n'est qu'hypothétique car le secteur d'activité commun est soumis à une forte concurrence et le préjudice d'image allégué est incertain

- l'astreinte prononcée par le tribunal relève d'un A seing donné à Ieco pour multiplier les procédures sur la base de fausses attestations

A titre reconventionnel

- la société Ieco avait utilisé des procédés déloyaux pour tenter de désorganiser Bee's Eco en détournant une commande en lui occasionnant un préjudice d'image.

La Selarl Benoît et Associés, intervenante volontaire, sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 27 août 2019 :

- constater :

le débauchage fautif des salariés Ieco par la société Bee's Eco,

la violation de la clause de non concurrence statutaire de la société Ieco,

la subtilisation et l'utilisation du fichier clients de la société Ieco,

la création d'une confusion entre les sociétés Scop Ieco et SAS Bee's Eco,

l'exploitation des connaissances techniques et du savoir-faire de la société Ieco,

l'exploitation par la société Bee's Eco d'informations confidentielles appartenant à la société Ieco,

le dénigrement effectué par la société Bee's Eco à l'encontre de la société Ieco,

l'atteinte causée à la réputation de la société Ieco,

la réalité des préjudices économiques et moraux subis au titre des agissements parasitaires et des actes de concurrence déloyale commis par la société Bee's Eco,

- réformer le jugement déféré concernant le quantum d'indemnisation accordée à la société Ieco d'une part sur le fondement du détournement de clientèle dont elle a été victime et, d'autre part, à titre de dommages et intérêts,

En conséquence,

- déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la SELARL Benoît et Associés prise en la personne de M. Z en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Ieco,

- condamner la société Bee's Eco au paiement de la somme de 490'535,87 euros à la SELARL Benoît et Associés prise en la personne de M. Z ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ieco au titre du préjudice économique subi du fait des actes de concurrence déloyale commis par la société Bee's Eco,

- condamner la société Ieco au paiement de la somme de 50'000 euros à la SELARL Benoît et Associés prise en la personne de M. Z ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ieco au titre du préjudice moral subi du fait des agissements de la société Bee's Eco,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir sur la page d'accueil du site Internet de la société Bee's Eco pendant une durée de six mois,

- condamner la société Bee's Eco à verser la somme de 5000 euros à la SELARL Benoît et Associés ès qualités au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier exposés suite à l'ordonnance du 16 juillet 2015.

Elle reproche à la société Bee's Eco, créée par deux de anciens salariés de Ieco licenciés pour faute grave, plusieurs actes de concurrence déloyale et de parasitisme à savoir :

- une volonté de désorganiser la société Ieco qui subissait une baisse de son chiffre d'affaires en conséquence :

de deux vagues inexpliquées et successives de démissions de 17 salariés recrutés par la société Bee's Eco moins de 4 jours plus tard (sans mise en relation réelle au travers du site Le Bon coin) en violation de la clause de non concurrence contenue à l'article 21 des statuts applicables aux salariés ayant tous le statut d'associés, la société Bee's Eco ayant même embauché une personne qui pensait sur la foi des documents présentés qu'elle était recrutée par la société Ieco,

d'un détournement de documents contractuels, d'objets commerciaux et fichiers clients servant à un détournement de clientèle après démarchage,

d'une confusion créée dans l'esprit de la clientèle quand des salariés de la société Bee's Eco se faisaient passer pour des salariés de la société Ieco auprès de clients âgés ou utilisaient sciemment des procédés d'imitation et de parasitisme commercial avec pour impact flagrant l'établissement par Bee's Eco de 70 factures concernant 64 anciens clients de Ieco en 2015 représentant un chiffre d'affaire perdu de 228.134,80 euros en 2015 s'ajoutant à la perte de 2014,

d'une exploitation des connaissances techniques et du savoir-faire de la société Ieco,

- une volonté de dénigrement par des propos et comportements susceptibles de porter atteinte à sa réputation provoquant la résiliation de contrats en cours par une clientèle vulnérable contactée par la société Bee's Eco,

- un parasitisme car ces agissements avaient permis à la société Bee's Eco de réaliser des économies sur les coûts de communication, de marketing et de formation des salariés alors que par ailleurs, le terme " Eco " créait un risque de confusion évident dans l'esprit du consommateur en raison de la similitude phonétique créée.

Elle ajoute qu'il en est résulté des préjudices économiques excédant ceux admis par le premier juge, au regard du nombre de clients détournés, des charges fixes et coûts salariaux engagés sans contrepartie immédiate pour remplacer les salariés débauchés.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 août 2019 à effet immédiat.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il convient d'accueillir l'intervention volontaire de la selarl Benoît & Associés prise en la personne de M. Z qui a été désignée mandataire liquidateur de la société Ieco placée en liquidation judiciaire par jugement du 23 octobre 2018.

Sur les demandes tendant au rejet de certaines pièces :

La première pièce litigieuse correspond à la photocopie de mauvaise qualité d'une photographie d'un bureau sur lequel est posé un 'Sweatsoignement plié, portant le logo Ieco et un document partiellement photographié qui est une 'fiche de production personnelle agence de Narbonneétablie à l'en tête de Ieco. Elle montre également la photographie d'un homme avec ses deux enfants, identifié comme étant M. B ancien salarié de Ieco, démissionnaire le 16 janvier 2015 et recruté par Bee's Eco le 20 janvier suivant.

La société Bee's Eco n'apporte pas le moindre commencement de preuve de ce que cette photographie aurait été prise de manière déloyale par l'ancien salarié dont elle s'est séparée et ses affirmations ne reposent à cet égard que sur des hypothèses.

Sa production ne porte pas une atteinte démesurée à la vie privée de M. B dont le bureau ne comporte pas moins de 15 photos de sa famille qu'il expose ainsi à la vue de tierces personnes.

Cette pièce n'a donc pas à être écartée au motif d'une prétendue déloyauté dans son obtention et d'une atteinte à la vie privée, restant loisible à la société Bee's Eco d'en discuter la valeur probante.

La société Bee's Eco conclut également au rejet des pièces 11, 13, 14 et 16 non conformes (numérotation de première instance) produites en cause d'appel sous le numéro 6.

La pièce n°11 correspond à l'attestation sur papier libre de Mme G à laquelle est jointe une copie de sa pièce d'identité mais qui ne comporte aucune des mentions prescrites par l'article 202 du Code de procédure civile. Si ces mentions ne s'imposent pas à peine de nullité, l'article précité prévoit également que l'attestation doit être écrite de la main de son auteur et en l'occurrence, la comparaison de l'écriture très affirmée de cette attestation au contraire de celle de sa signature dont les lettres sont formées différemment, laisse conclure que Mme G âgée de 87 ans, n'a pas écrit cette attestation de sa main.

Elle ne présente donc pas des garanties suffisantes pour emporter la conviction et elle sera écartée.

Les pièces N° 13 et 14 correspondent aux attestations attribuées à MM YY et S, clients de Ieco qui dénoncent les agissements de salariés de Bee's eco. Elles ne précisent aucune des mentions prévues aux alinéas 2 et 3 de l'article 202 du Code de procédure civile et ne sont accompagnées d'aucune pièce d'identité.

Le contenu de l'attestation de M. YY est néanmoins corroboré par la production d'un bon de commande signé le 16 février 2015 avec Bee's eco et le bordereau de rétractation complété et signé par celui-ci le lendemain.

Par contre, l'attestation attribuée à M. S en date du 16 mars 2015 faisant état de la venue à son domicile de M. B et M. P 'dans le cadre d'un contrôle des travaux Iecon'est accompagnée d'aucune pièce d'identité ni document confortant la tentative de tromperie à laquelle conclut l'auteur de cette attestation établie après avoir rencontré un représentant Ieco (M. V). Cette attestation sera donc écartée faute de présenter les garanties suffisantes sur son auteur.

Enfin, la pièce d'identité n'est pas jointe à l'attestation de M. BB mais elle est, pour le reste, conforme aux dispositions de l'article 202 précité à l'exception de la pièce d'identité non jointe. Mais Bee's Eco ne discute pas qu'elle a effectivement entendu l'intéressé dans le cadre d'un entretien d'embauche et il lui est loisible de contester les allégations.

Il n'y a pas lieu d'écarter cette pièce.

Sur la concurrence déloyale imputée à la société Bee's Eco :

Par désorganisation de la société :

L'intimée soutient le bénéfice de la jurisprudence selon laquelle est déloyale, l'embauche intervenue dans des circonstances particulières caractérisant la faute du nouvel employeur et notamment quand il sait que le salarié est lié par une clause de non concurrence à son ancien employeur, stipulée en l'espèce à l'article 21 des statuts.

Elle s'abstient en premier lieu de préciser l'identité des 17 salariés recrutés par la partie adverse qui en limite le nombre à dix. Les pièces respectives laissent conclure à un total de douze salariés ayant travaillé pour Ieco avant leur embauche par Bee's Eco à savoir : MM K, B, N, P, D , A, T, Guerrin, C et U tous en qualité de VRP exclusif, mais également MM. L et M. E respectivement directeur général et poseur applicateur

Il est ainsi établi que Bee's Eco a recruté :

- M. K en novembre 2013 cinq jours après la date de sortie de chez Ieco,

- M. T le 21 janvier 2014 qui a finalement quitté Bee's Eco le 22 juin 2015,

- M. H, le 21 janvier 2014 qui a quitté Bee's Eco le 18 octobre 2014,

- M. L le 3 mars 2014, 8 mois après son départ de Ieco,

- 5 Vrp en janvier 2015 à peine 4 jours après leur date de sortie de chez Ieco,

- M. E, le 18 mars 2015 qui atteste avoir été licencié par Ieco en janvier 2014,

- M. C le 23 mars 2015 mais ce dernier a quitté Bee's eco le 10 avril suivant,

- M. U, le 26 mai 2015 qui a également quitté Bee's eco un mois plus tard.

Les recrutements critiqués ont ainsi eu lieu sur une période de 3 ans mais sont intervenus pour deuxd'entre eux après un licenciement par Ieco et une période de latence de huit mois de sorte que Ieco ne peut arguer d'un débauchage les concernant.

Il ne peut être retenu que les embauches en nombre limité (3), réalisées en 2013 et 2014 auraient désorganisé Ieco qui s'abstient de décrire ses effectifs et l'impact prétendu sur ses structures.

L'essentiel des recrutements litigieux est survenu en 2015 et portent sur des VRP dont quatre étaient affectés à l'agence Ieco de Narbonne (MM. D, N, B et P). Or il est démontré que cette agence connaissait une forte dégradation des conditions de travail ayant conduit Ieco à convoquer son directeur d'agence à un entretien préalable à un licenciement pour fautes graves. Dans cette lettre de convocation du 28 janvier 2015, Ieco reliait expressément les démissions de MM P, B et N à cette dégradation et rappelait encore que les départs de MM K, L et ZZ étaient intervenus dans un contexte similaire.

Il apparaît donc que les départs de six VRP avaient pour origine des causes et dysfonctionnements internes à Ieco qui ne prouve aucun démarchage par Bee's eco à qui il ne peut être imputé une quelconque malignité dans sa publication d'offres d'emploi sur Internet en janvier 2015, l'affirmation de ce que ces recrutements auraient été décidés avant la publication de ces annonces n'étant corroborée par aucun élément.

M. BB atteste certes avoir postulé pour un poste de commercial chez Ieco mais avoir été contacté, reçu et embauché en décembre 2013 par M. K, M. L, M ZZ qui lui auraient fait croire à un recrutement par Ieco. Mais ses allégations sont contredites par la production des mails échangés dans le cadre de cette candidature que M. BB adressait à Bee's Eco et non pas à Ieco.

Ainsi la seule proximité de date entre ces démissions et ces recrutements n'est pas, dans ce contexte, révélatrice d'un débauchage déloyal et la société Ieco par la voix de son liquidateur est donc infondée à se prévaloir d'une faute commise par Bee's eco au visa de l'article L.1237-3 du Code du travail.

La clause de non concurrence invoquée à l'article 21 dispose que sauf accord express du conseil d'administration tout associé et ancien associé s'interdit pendant la période durant laquelle il fait partie de la coopérative et une période de deux ans à compter du jour de son départ, de créer, gérer, exploiter directement ou indirectement, dans un rayon de 10 kilomètres du siège social et/ou de tout établissement permanent, une entreprise ayant en tout ou partie, le même objet que la coopérative, sous peine de dommages intérêts envers celle-ci, sans préjudice du droit de demander la fermeture de l'entreprise.

Il apparaît que cette clause ne concerne que MM. B et P, associés dans Ieco à l'exclusion de tous autres dont la qualité d'associés n'est pas démontrée.

Il n'est pas avéré ensuite que le dirigeant de Bee's eco, M. ZZ, qui n'était pas associé dans Ieco, ait eu connaissance de cette clause qui ne comporte effectivement aucune contrepartie financière alors qu'il est constant que 'Lorsqu'elle a pour effet d'entraver la liberté de se rétablir d'un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l'emploie, la clause de non concurrence signée par lui, n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.'

Il convient en conséquence de rejeter le grief d'un débauchage en connaissance de cause de l'existence de cette clause.

Par démarchage de la clientèle :

Il n'est pas discutable que les deux sociétés soient en concurrence pour avoir un secteur d'activités commun, celui de l'amélioration de l'habitat.

Le démarchage de clientèle n'est pas en soi un acte de concurrence déloyale même quand il est réalisé par d'anciens salariés de l'entreprise concurrente sauf s'il s'accompagne de manœuvres destinées à tromper le client.

Les documents que l'huissier de justice s'est fait remettre laissent conclure qu'une soixantaine d'anciens clients de Ieco ont conclu des contrats avec Bee's Eco.

Deux anciennes clientes de Ieco, Mme X et Mme I, indiquent en substance avoir été induites en erreur par le fait qu'elles avaient connu M. P et/ou M. B comme salariés de Ieco et si la première leur reproche de ne pas lui avoir dit qu'ils avaient quitté Ieco, il n'est pas prétendu qu'ils se seraient présentés sous l'enseigne Ieco. Mme I a d'ailleurs été mise en possession de documents contractuels 'Bee's Ecoet a pu faire jouer son droit de rétractation après réflexion. Il en est de même de M. XX qui impute à M. N le 'voldu devis et de sa commande Ieco sans que n'en soient cependant précisées les circonstances et qui n'a donné lieu à aucune plainte.

Il ne peut donc être retenu sur la base de ces trois attestations qu'il y aurait eu des manœuvres destinées à tromper la clientèle sur l'identité de la société pour le compte de qui le démarchage a eu lieu d'autant que Bee's Eco produit quant à elle 25 attestations d'anciens clients de Ieco ayant ensuite contracté avec elle qui s'accordent tous à dire que les salariés Bee's Eco ne se sont pas fait passer pour Ieco.

Par subtilisation et l'utilisation du fichier clients, de documents et objets commerciaux :

La société Ieco ne démontre pas qu'il y ait eu de la part de ses anciens salariés, un emprunt matériel de ses fichiers clients, soit par support papier soit par support électronique, par utilisation de logiciels, photocopie ou enregistrement informatique.

L'huissier assisté d'un informaticien n'a rien constaté à cet égard

Si la conservation par un ancien salarié d'un sweat portant le logo Ieco participant de la tenue de travail dans cette société pourrait être considérée comme fautive s'il y avait eu obligation de le restituer, il n'est pas démontré que son auteur l'ait utilisé pour se faire passer pour un salarié Ieco auprès de la clientèle démarchée. Il s'agit d'un acte isolé et aucune des attestations produites par Ieco ne fait état d'une telle ulisation, alors qu'à l'inverse, l'appelante produit trois attestations de clients indiquant que ses salariés n'avaient jamais fait utilisation des signes distinctifs de Ieco.

Il n'est pas démontré ensuite en quoi la conservation par un salarié d'une fiche de production personnelle serait anormale et participerait d'un détournement de la clientèle.

Ce grief ne sera donc pas retenu.

Par confusion créée dans l'esprit de la clientèle :

Les noms commercials " Iecoet " Bee's Econ " ont une phonétique identique que par l'emploi du nom " ecomais ce terme a un caractère commun et ne présente aucune originalité.

Le graphisme des lettres n'est identique qu'en ce qui concerne la lettre " ede Ieco et de Bee's Eco et les logos respectifs excluent pour le reste toute confusion puisqu'ils reposent sur des compositions différentes tant au niveau des couleurs employés (rouge et gris pour Ieco, vert et bleu pour Bee's eco), que de leur dessin (un triton pour Ieco, une abeille et des alvéoles pour Bee's eco), de leur forme (cercle pour l'une, carré pour l'autre). Bee's Eco utilise deux majuscules à son nom au contraire de Ieco qui n'en a aucune. Ils sont enfin agrémentés d'une formule différente à savoir 'un habitat préservé pour un monde durablepour Ieco et Bureau d'Etude Environnemental et Économiquepour Bee's Eco.

Il ne peut donc y avoir parasitisme par emprunt d'un élément distinctif ni davantage 'ursupationde la dénomination à laquelle l'un des responsables commerciaux Ieco, M. Q, conclut dans son attestation.

L'intimée ne justifie d'ailleurs que de l'erreur d'une seule cliente générée 'par la ressemblance des deux noms (Mme X) alors qu'à l'inverse l'appelante produit 25 attestations d'anciens clients de Ieco ayant décidé de recourir aux services de Bee's eco, qui témoignent tous n'avoir fait aucun amalgame entre les deux sociétés

Cette proportion et le caractère marginal des confusions alléguées confirment qu'il ne pouvait y avoir pour un client moyennement attentif un risque de confusion entre les deux sociétés.

Ce grief ne sera donc pas davantage retenu.

Par exploitation des connaissances techniques et du savoir-faire Ieco et par dénigrement :

L'intimée ne précise pas quelles seraient les connaissances techniques et le savoir-faire que Bee's Eco se serait approprié et ne trouve que dans ses précédents griefs dont aucun n'est retenu, la démonstration de celui ci

Et s'agissant du dénigrement qu'elle lui impute, elle se limite à produire l'attestation de M. BB salarié de Bee's Eco pendant quelques mois, qui rapporte un propos tenu en interne aujourd'hui Bee's Eco est comme Ieco en mieux qui ne peut être tenu pour un dénigrement tenant tout à la fois sa modération, sa généralité non étayée de la moindre critique précise, son caractère unique et son absence de publicité.

Les attestations de Mmes X et I, ou de M. YY ne mentionnent ensuite aucun dénigrement effectué par les salariés de Bee's Eco à l'endroit de leur ancien employeur, les intimées procédant ici par extrapolation.

Ce grief sera donc rejeté.

Il résulte de ce qui précède que la société Ieco échoue à démontrer les actes de concurrence déloyale commis par la société Bee's Eco et elle sera déboutée de ses demandes, le jugement déféré étant réformé ce qu'il lui a alloué des dommages intérêts et en ce qu'il lui a délivré à la société Bee's Eco une injonction sous astreinte.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Bee's Eco :

A l'appui de ses prétentions, la société Bee's Eco produit un courrier de résiliation en date du 3 août 2015 d'une commande faite par M. O du 22 juillet 2015 et un procès-verbal dressé à sa demande le 9 septembre 2015 par un huissier de justice qui retranscrit ainsi, les déclarations de l'intéressé :

" je n'ai jamais souhaité résilier mon contrat avec la société Bee's Eco. Je n'ai jamais envoyé de lettre de résiliation. ". Sur présentation de la lettre de résiliation, M. O indique à l'huissier " ce n'est pas moi qui ai écrit cette lettre ni qui l'ai signée ". Sa petite fille, Melle F, ajoute " je fais parfois des courriers pour mon grand-père, des chèques qu'il signe or je ne reconnais pas son écriture ni sa signature sur la lettre de résiliation "

La simple comparaison de signatures figurant sur les deux documents en cause laisse effectivement conclure que l'écriture de M. O âgé de 88 ans est particulièrement hésitante et saccadée au contraire de celle figurant sur le courrier de résiliation.

L'huissier de justice constate que la lettre de résiliation a été postée depuis la commune de Lattes située non loin de Mauguio où se trouve une agence de Ieco, M. O déclarant que par son âge, il n'était jamais allé sur la commune de Lattes, distante de plus de 120 km de chez lui. Il confirme ensuite que M. O est détenteur d'un deuxième contrat, avec la société Ieco pour les mêmes travaux de traitement hydrofuge coloris de façade et que ce second contrat daté du 31 juillet 2015 est presque du double tarif que celui de la société requérante.

Si M. ZZ dirigeant de la société Bee's Eco a déposé plainte pour faux en soupçonnant dans sa plainte des salariés Ieco de l'agence de Mauguio d'en être les auteurs, il n'est pas allégué que M. O, victime directe des agissements qu'il leur impute, ait fait de même à l'encontre de Ieco. Bee's Eco ne justifie pas des suites de sa plainte ni de l'identification de l'auteur. Elle n'a en définitive subi aucun préjudice puisque M. O a finalement maintenu sa commande auprès d'elle.

Il n'existe ensuite aucun propos péjoratif ou dénigrant de la part de Ieco dans le fait d'avoir écrit fin décembre 2013, en ces termes à ses clients : 'seuls les collaborateurs de la scop sont habilités à la représenter auprès de nos clients et prospects. Messieurs K J, L M, ZZ Tomy et E R ne faisant plus partie du personnel Ieco, ceux-ci ne sont plus autorisés à contacter notre clientèle à quelque titre que ce soit'

Pour ces motifs, la société Bee's Eco sera déboutée de sa demande en dommages intérêts fondée sur la concurrence déloyale de la part de Ieco et pour atteinte à son image et sa réputation

Sur les frais et les dépens :

Chaque partie succombant dans ses prétentions gardera à sa charge les dépens qu'elles ont dû engager en première instance comme en procédure d'appel ainsi que leurs frais irrépétibles.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Reçoit l'intervention volontaire de la Selarl Benoît et Associés. Ecarte les attestations attribuées à Mme G et M. S, Rejette la demande de la société Bee's Eco tendant à ce que soient écartés des débats les autres pièces produites par l'intimée, Réforme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 1er février 2017 en ce qu'il a condamné la société Bee's Eco au paiement des sommes de 24'750 euros HT et de 5000 euros de dommages intérêts et en ce qu'il a délivré injonction sous astreinte à la société Bee's Eco, Statuant à nouveau, Déboute la Selarl Benoît et Associés prise en la personne de M. Y ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ieco de l'ensemble de ses demandes, Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions, Déboute la société Bee's Eco de sa demande en dommages intérêts, Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens de première instance et d'appel et de ses frais irrépétibles.