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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 23 octobre 2019, n° 19-07878

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Catia Automobiles (SARL)

Défendeur :

FCA France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Chaulet

Avocats :

Mes Lesénéchal, Mihailov, Guerre, Ponsard

T. com. Paris, du 20 mai 2015

20 mai 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Catia Automobiles (la société Catia) était concessionnaire automobile des marques Chrysler, Jeep et Dodge à Caen depuis 2001.

Au cours de l'année 2009, la société Chrysler France (la société Chrysler), qui assurait dans ce pays l'importation et la distribution des véhicules de marques Chrysler, Jeep et Dodge, a liquidé son activité et cédé son fonds de commerce à la société Fiat France, aux droits de laquelle est venue la société FCA France (la société FCA), à effet du 1er mai 2010.

Le 25 mai 2010, la société Chrysler, a résilié l'ensemble des contrats de distribution de véhicules neufs, de vente de pièces détachées et de services après-vente à effet au 31 mai 2011.

Le 31 mai 2010, la société Fiat France a annoncé aux distributeurs du réseau qu'elle reprendrait la distribution en France des marques Lancia et Jeep et les a invités à faire acte de candidature pour la signature de nouveaux contrats.

Par deux lettres du 9 juin 2010, la société Catia a demandé à Fiat France de prendre note de sa candidature à la signature des contrats de distribution et de réparation pour les marques Jeep et Lancia.

Par deux envois du 19 juillet 2010, la société Catia a adressé son dossier de candidature " distributeur agréé Lancia " et " distributeur agréée Jeep " que FCA (Fiat France) lui avait envoyé le 18 juin 2010.

Par deux lettres du 7 janvier 2011, la société Fiat France a informé la société Catia de sa décision de refus d'agrément en premier lieu pour distribuer les marques Lancia " sur la base des 6 critères d'appréciation préalablement indiqués (cf notre courrier de candidature Lancia du 18 juin 2010) " et en second lieu, pour la distribution de la marque Jeep, " sur la base des 6 critères d'appréciation préalablement indiqués (cf notre courrier de candidature Jeep du 18 juin 2010) " ajoutant que " le net recul de vos performances commerciales traduit un désengagement pour les trois marques Chrysler, Dodge et Jeep, radicalement préjudiciable à leur commercialisation. Il en découle par ailleurs une perte de confiance à l'égard de la société que vous représentez qui exclut d'autant plus d'envisager tout nouveau partenariat pour la marque Jeep ".

A la suite des lettres de contestation du 11 mars 2011 de la société Catia, FCA (Fiat France) répondait les 10 et 22 avril 2011 respectivement pour la candidature de distributeur agréé Lancia et de distributeur agréé Jeep en ces termes :

"Comme nous en avons la possibilité, face à deux candidats postulants pour devenir membre du nouveau réseau de distribution des véhicules Lancia [Jeep] pour une même zone de chalandise nous n'en avons retenu qu'un seul. Nous vous confirmons qu'il s'agit de la société Socadia.

C'est en considération de ce qui précède que votre candidature n'a pas été retenue.

Pour votre information, vous trouverez annexés à la présente, les standards du nouveau contrat de Distributeur Agréé de Véhicules Lancia [Jeep].

Faisant suite à votre demande, nous vous communiquons également les standards :

- du futur contrat de Distributeur Agréé Jeep Service et Pièces (réparation)

- et du futur contrat Distributeur Agréé Chrysler et Dodge Service et Pièces (réparation), ce qui vous permettra, le cas échéant et si c'est votre souhait, de poser votre candidature (...)"

Estimant que ce refus d'agrément était fautif et reprochant à la société Fiat France d'avoir confié la représentation des marques en cause à la société Socadia, qui était distributeur Lancia " sur le même marché de référence ", la société Catia l'a assignée, sur le fondement de l'article 1382 ancien du Code civil, en réparation des préjudices résultant de son refus fautif d'agrément et de son retard dans la notification de ce dernier.

Par jugement du 20 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que le refus de sélection de la SARL Catia Automobiles par la SA Fiat France est parfaitement légitime ;

- dit que la demande d'agrément présentée par la SARL Catia Automobiles a été faite de mauvaise foi ;

- débouté la SARL Catia Automobiles de toutes ses demandes ;

- condamné la SARL Catia Automobiles à verser à la SA Fiat France la somme de 23 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la SARL Catia Automobiles aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 de TVA.

La société Catia a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 24 mai 2017, cette dernière a infirmé le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

- dit que le refus d'agrément de la société Catia Automobiles constitue une faute de la société FCA France,

- dit que la tardiveté de notification de ce refus constitue également une faute,

- condamné la société FCA France à payer à la société Catia Automobiles la somme de 268 236 euros (229 712 + 13 039 + 5 485 + 20 000)

- assorti cette somme des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011, date de l'assignation, lesdits intérêts étant capitalisés,

- condamné la société FCA France aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- condamné la société FCA France à payer à la société Catia Automobiles, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société FCA a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 27 mars 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 24 mai 2017 par la cour d'appel de Paris, renvoyant la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Le 11 avril 2019, la société Catia a saisi la cour de renvoi.

Vu les dernières conclusions de la société Catia Automobiles, appelante, déposées et notifiées le 10 septembre 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de dire la société Catia Automobiles recevable et bien fondée en son appel,

- d'infirmer en totalité le jugement du 20 mai 2015.

Statuant à nouveau, de

- débouter la société FCA France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil.

Vu les articles L. 420-1 du Code de commerce, 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Vu les règlements d'exemption par catégorie UE n° 1400/2002 et 330/2010 de la Commission.

Vu les dispositions des contrats de distribution et de réparation en usage dans le réseau.

Vu les dispositions de l'article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791.

Vu les dispositions des articles 1134 du Code civil.

- dire que la société FCA France met en œuvre un système de distribution sélective à la fois qualitative et quantitative, comme il est expressément indiqué en page cinq de son contrat de distribution.

- dire que dans ce cadre, la société FCA France a revendiqué la sélection des candidats sur la base de critères qualitatifs, comme il est expressément indiqué en page sept de son contrat de distribution.

- dire que ces critères objectifs de sélection sont expressément détaillés à l'annexe F de son contrat de distribution et ont été communiqués à la société Catia Automobiles, les 19 et 22 avril 2011.

- dire que s'agissant des contrats de réparateur, la société FCA France opérait la sélection sur des critères purement qualitatifs, sans pouvoir opposer de critère quantitatif.

- dire que le 31 mai 2010, la société FCA France s'était engagée à un examen approfondi de la candidature de la société Catia Automobiles.

- dire que, refusant son agrément à la société Catia Automobiles, la société FCA France a commis une faute de nature à engager sa responsabilité :

En prenant le parti d'ignorer les critères de sélection qu'elle avait elle-même définis ;

- en prétendant opérer une sélection sur la base de critères subjectifs ;

- en communiquant ses critères objectifs de sélection de manière tardive, après avoir notifié son refus d'agrément ;

- en s'abstenant d'exprimer les motifs de son refus, en proposant des motifs étrangers à l'application de ses critères objectifs et en revendiquant même la possibilité d'un choix discrétionnaire ;

- en s'abstenant en tout état de cause de l'examen approfondi auquel elle s'était engagée ;

- en opérant sa sélection de manière discriminatoire, privilégiant celui des candidats qui ne remplissait pas ses critères de sélection.

- En conséquence, condamner la société FCA France à payer à la société Catia Automobiles une somme de 681 020,77 euros.

- En application des dispositions des articles 1153.1 et 1154 du Code civil, assortir cette condamnation de la production d'intérêts et de leur capitalisation, à compter du 28 octobre 2011, date de l'assignation devant le tribunal.

- condamner la société FCA France au paiement d'une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant ceux de l'arrêt cassé, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société FCA France, intimée, déposées et notifiées le 6 septembre 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article 101 du TFUE,

Vu les Règlements d'exemption 1400/2002 et 330/210 de la Commission,

Vu l'article L. 420-2 du Code de commerce,

Vu l'article 1382 (devenu 1240) du Code civil,

- dire que les critères de sélection au sein des réseaux de FCA France sont définis et ne sont pas contestés,

- dire que FCA France a mis en place deux réseaux de distribution sélective quantitative, un pour la marque Jeep et un pour la marque Lancia,

- dire que dans la distribution sélective quantitative, le constructeur est libre de choisir le candidat de son choix,

- dire que le refus de sélection par la société FCA France de la société Catia Automobiles en raison de la faiblesse de ses performances commerciales est parfaitement légitime,

- dire que FCA France a proposé à Catia Automobiles de présenter sa candidature en tant que réparateur agréé et que Catia Automobiles n'a jamais présenté sa candidature,

- dire que la société Catia Automobiles a présenté sa demande d'agrément de mauvaise foi,

Et en conséquence,

- débouter la société Catia Automobiles de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer le jugement intervenu en toutes ses dispositions ;

- condamner la société Catia Automobiles au paiement de la somme de 20 000 euros (vingt mille euros) à la société FCA France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la demanderesse au paiement des frais et dépens.

SUR CE,

Sur le caractère fautif du refus d'agrément de la société Catia

La société Catia soutient, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du Code civil, que la société FCA (Fiat France) a commis une faute en lui refusant son agrément, sans procéder à un examen approfondi de sa candidature alors que celle-ci avait mis en place un système de distribution sélective à la fois qualitative et quantitative, en conformité avec le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et du droit européen de la concurrence impliquant la sélection des distributeurs sur la base de critères objectifs, prédéfinis et de façon non discriminatoire, revendiquant ainsi la sélection des candidats sur des critères qualitatifs qu'elle a ignorés.

Elle fait grief à Fiat France de s'être abstenue de lui appliquer les critères de sélection qu'elle avait elle-même librement définis et de lui avoir communiqué ses critères de sélection postérieurement au rejet de sa candidature.

Elle lui reproche aussi de ne pas avoir sérieusement motivé le rejet de sa candidature et d'avoir donné son agrément à la société Socadia, autre distributeur qui ne remplissait pas les critères de sélection notamment financiers requis et de lui avoir signifié son refus d'agrément de manière tardive.

Elle ajoute que la société FCA a retenu des critères purement qualitatifs pour les contrats de réparateur, critères qu'elle a également ignorés.

Elle conteste ensuite le refus de sélection pour des motifs tenant à la faiblesse de ses performances commerciales alors que les résultats commerciaux enregistrés dans le cadre du contrat de distribution conclu avec la société Chrysler, ne figuraient pas au nombre des critères de sélection définis par la société Fiat France. Elle dénie toute mauvaise foi à cet égard.

Elle estime que la comparaison avec la société Socodia ne revêt aucun caractère objectif puisqu'elle définit la performance des deux concessionnaires non par rapport aux données du marché local, mais par la seule référence au taux de réalisation des objectifs établis par le concédant lui-même et qu'en dépit des pertes essuyées du fait de la réduction brutale de son activité en 2009 et 2010, sa situation n'en demeurait pas moins satisfaisante et même parfaitement conforme aux exigences financières de la société Fiat France, puisqu'elle disposait de fonds propres suffisants.

Enfin, elle conteste l'existence d'une condition d'intuitu personae et fait observer que sa candidature a été sollicitée par la société Fiat France, ajoutant que l'assignation qu'elle a délivré à la société Chrysler ne justifie pas le refus d'agrément par la société Fiat France, le dénigrement allégué des véhicules de la gamme Lancia concernant des véhicules pâtissant d'un malus gouvernemental du fait de leurs émissions de CO2 et aucune critique de cet ordre ne figurant dans l'assignation délivrée à la société Fiat France.

La société FCA fait état de la mise en place de deux réseaux de distribution sélective quantitative, un pour la marque Jeep, l'autre pour la marque Lancia conformes au droit européen de la concurrence et à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle revendique, dans ce cadre, la liberté du constructeur de choisir librement son candidat.

Elle soutient que cette liberté de choix ne heurte pas pour autant les principes de bonne foi et de loyauté du commerce, que son choix s'est opéré uniquement sur des critères quantitatifs, selon une procédure d'agrément parfaitement claire, les critères de sélection étant les suivants, selon ses lettres du 18 juin 2010 :

- la localisation

- la qualité de la représentation

- la qualité des structures financières

- les performances commerciales (critère le plus important)

- la qualité du management

- la qualité du service.

Elle indique avoir porté son choix sur la société Socadia pour le marché de référence client (MRC) de Caen compte tenu de :

- son ancienneté au sein du réseau Lancia (1994),

- sa situation financière satisfaisante,

- son appartenance au groupe Soficham, extrêmement bien structuré sur le plan financier,

- son respect du Ratio Equity en 2010.

Elle explique que le refus de sélection de la société Catia en raison de la faiblesse de ses performances commerciales, est légitime, au regard de ses résultats catastrophiques de ventes réalisées en 2010, ce dont elle déduit une baisse d'implication et de motivation dans la commercialisation des véhicules Chrysler, Jeep et Dodge au profit d'autres marques. Elle soutient, en outre, que la société Catia ne peut pas faire peser la responsabilité de l'insuffisance des ventes en 2009 et 2010 sur son constructeur, la société Chrysler, puisque la cour d'appel de Versailles l'a définitivement déboutée de son action à l'encontre de cette société sur ce terrain. Elle estime que son refus était d'autant plus justifié, s'agissant d'un contrat empreint d'intuitu personae, son choix ne pouvant se porter sur la société Catia qui avait dénigré les marques Chrysler et Jeep. Elle ajoute, invoquant l'arrêt Land Rover de la cour d'appel de Paris, qu'il n'appartient pas aux juges du fond de s'immiscer dans le choix des critères quantitatifs mis en place par un fournisseur.

Elle soutient que la société Catia n'a pas fait acte de candidature comme réparateur agréé.

Elle plaide que la demande d'agrément en tant que distributeur et réparateur agréé Jeep et Lancia a été présentée de mauvaise foi, tant en raison de conditions d'exécution de ses contrats de distribution et de réparation au regard de l'action en justice introduite contre son fournisseur en octobre 2009 pour tenter d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 889 000 euros et de son absence de bonne volonté dans l'exécution des contrats, qu'en raison de la critique portée sur les véhicules de son fournisseur en particulier ceux de la marque Jeep et du fait qu'elle ait masqué ses médiocres performances commerciales pour les années 2009 et 2010 par rapport à ses objectifs de vente.

S'il est constant que la société FCA est à la tête d'un réseau de distribution sélective qualitative comportant des critères précis, il n'en demeure pas moins qu'elle a également mis en place deux réseaux de distribution sélective quantitative, l'un pour la marque Jeep et l'autre pour la marque Lancia.

Le règlement européen d'exemption dans le secteur automobile (règlement 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002) concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, a accompagné en la réglementant la réorganisation des réseaux, tout en imposant aux constructeurs de choisir entre un système de distribution exclusive et un système de distribution sélective et a introduit le concept de distribution quantitative qu'il distingue de la distribution qualitative.

Aux termes de l'article 1er g) de ce règlement, un système de distribution sélective quantitative est " un système dans lequel le fournisseur applique pour sélectionner les distributeurs et les réparateurs, des critères qui limitent directement le nombre de ceux-ci " tandis qu'un système de distribution sélective qualitative est :

" h) (...) un système dans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les distributeurs ou les réparateurs, des critères purement qualitatifs, requis par la nature des biens ou des services contractuels, établis uniformément pour tous les distributeurs ou réparateurs souhaitant adhérer au système de distribution, et appliqués d'une manière non discriminatoire et ne limitant pas directement le nombre de distributeurs ou de réparateurs ".

Par arrêt du 14 juin 2012, la Cour de justice de l'Union européenne (affaire C-158/11 Auto 24C/ Jaguar Land Rover France) a dit pour droit que par les termes " critères définis " figurant à l'article 1er, paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) n° 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, il y a lieu d'entendre, s'agissant d'un système de distribution sélective quantitative au sens de ce règlement, des critères dont le contenu précis peut être vérifié et que pour bénéficier de l'exemption prévue par ce règlement, il n'est pas nécessaire qu'un tel système repose sur des critères qui sont objectivement justifiés et appliqués de façon uniforme et non différenciée à l'égard de tous les candidats à l'agrément".

Il en résulte que le régime des deux systèmes de distribution sélective est distinct et que dans le système de sélection quantitative ne s'appliquent pas les critères de sélection qualitative.

Par ailleurs, si le principe de la liberté contractuelle est limité par l'obligation de bonne foi et de loyauté, dans le cadre d'un réseau de distribution sélective quantitative, il résulte de l'arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2019 que l'exigence de bonne foi ne requiert pas, de la part de la tête d'un réseau de distribution qu'il détermine et mette en œuvre la sélection de ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés et qu'il applique ceux-ci de manière non-discriminatoire.

Ainsi que le relève justement la société FCA, la liberté de choix de la tête de réseau est conforme au droit positif français, la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 ayant abrogé l'article L. 442-6 I 1 qui prévoyait l'interdiction des discriminations " per se ", c'est-à-dire en tant que telle, sans examen de leurs effets sur le marché.

En l'espèce, il est constant que la part de marché de la société FCA sur le marché de la distribution des véhicules neufs des marques Jeep et Lancia, inférieure à 40 %, permet de faire bénéficier le réseau de cette société de l'exemption automatique, sous réserve des pratiques caractérisées qu'elle pourrait mettre en œuvre et que le refus d'agrément opposé par la société FCA (Fiat France) n'est pas critiquable au plan du droit de la concurrence.

La société FCA (Fiat Frane) avait, en effet, estimé nécessaire de réorganiser son réseau de distribution pour le marché de référence clients (MRC) de Caen, à la suite de la convergence des marques Lancia et Chrysler-Jeep-Dodge (CJD) et décidé de limiter à un le nombre des concessionnaires composant son réseau sur le secteur de Caen en mettant en place des critères qui lui sont propres. Elle avait ainsi le choix entre la société Catia, distributeur CJD et la société Socadia, distributeur Lancia, pour le MRC de Caen, à la suite de l'appel à candidature, adressé par courrier-type le 31 mai 2010 aux distributeurs du réseau.

Il s'agissait donc pour elle de choisir entre deux candidats déjà membres de son réseau sur le MRC de Caen dans le cadre d'une distribution sélective quantitative.

Le 7 janvier 2011, Fiat France a répondu à la société Catia en ces termes (pièce 11 de cette dernière) relativement à la candidature de Lancia et de Jeep :

" Après examen des différents éléments que vous avez retournés, et sur la base des 6 critères d'appréciation préalablement indiqués (...) nous sommes au regret de vous confirmer que vous n'être pas retenu pour représenter la marque Jeep à compter du 1er juin 2011 " ajoutant pour la dernière candidature, " Le net recul de vos performances commerciales traduit un désengagement pour les marques Chrysler, Dodge et Jeep, radicalement préjudiciable à leur commercialisation. Il en découle par ailleurs une perte de confiance à l'égard de la société que vous représentez qui exclut d'autant plus d'envisager tout nouveau partenariat pour la marque Jeep ".

C'est vainement que la société Catia fait grief à la société FCA d'avoir commis une faute sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, en ne faisant pas application des critères figurant à son contrat de distribution alors que celle-ci était libre du candidat de son choix dans le cadre de la mise en place de son réseau de distribution sélective quantitative qui constitue l'exercice de sa liberté propre d'opérateur économique, sans être tenue de déterminer et mettre en œuvre des critères de sélection qualitatifs de ses distributeurs définis et objectivement fixés et de les appliquer de manière non-discriminatoire.

La société Catia reproche ainsi de manière inopérante à la société FCA (Fiat France) de ne l'avoir pas sélectionnée pour des motifs tenant à la faiblesse de ses performances commerciales, alors que les résultats commerciaux enregistrés dans le cadre du contrat de distribution conclu avec la société Chrysler, ne figuraient pas au nombre des critères de sélection qualitatifs définis par la société Fiat France.

Or, le choix des critères quantitatifs retenus par la société FCA (Fiat France), qui définissent " 6 critères d'appréciation " mentionnés dans ses lettres du 18 juin 2010, relevait de son pouvoir discrétionnaire, et le principe de bonne foi ne fait pas obstacle à ce que cette dernière ait pu faire connaître à l'intéressée son refus d'agrément et le choix de l'autre candidat, la société Socadia, sans avoir à motiver sa décision.

Ainsi, le renouvellement de son refus d'agrément adressé en réponse aux protestations de la société Catia par lettres du 11 mars 2011 (pièce 12 de la société Catia) en ces termes :

" Comme nous en avons la possibilité, face à deux candidats postulant pour devenir membres du nouveau réseau de distribution des véhicules Jeep pour une même zone de chalandise, nous n'en avons retenu qu'un seul. (...) " n'est nullement fautif.

Il ne peut davantage lui être reproché de n'avoir pas procédé à un examen approfondi du dossier de la société Catia et d'avoir rejeté cette candidature de la société Catia, de manière discriminatoire.

En effet, FCA fait état à cet égard, de la faiblesse des performances commerciales de la société Catia, qualifiant les résultats de Catia de " catastrophiques ", faisant valoir que celle-ci n'a vendu que 17 véhicules en 2010 pour un objectif de 42 tandis que les ventes de Socadia se sont élevées la même année à 33 pour un objectif de 46.

Si Catia impute l'insuffisance de ses ventes en 2009 et 2010 à la liquidation judiciaire de la société américaine Chrysler LLC et à la décision de la société Chrysler France de liquider son stock anticipant la cessation de son activité et en particulier l'arrêt définitif de la commercialisation en France des marques Chrysler et Dodge, la société FCA relève justement que la cour d'appel de Versailles dans son arrêt définitif du 28 décembre 2018 l'a déboutée de son action à l'encontre de la société Chrysler France sur ce terrain.

Il en résulte qu'elle ne peut imputer à Chrysler France la responsabilité de ses résultats commerciaux.

Par ailleurs, la société Catia, qui n'a pas donné suite aux lettres des 19 et 22 avril 2011 de Fiat France contenant en annexe les contrats de réparateur, valant offre de contracter (pièce 15 de Catia), ne peut faire grief à FCA d'avoir ignoré les critères de sélection mis en place au titre de sa candidature en qualité de réparateur agréé.

Dès lors, le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que le refus de sélection de la SARL Catia Automobiles par la SA Fiat France est parfaitement légitime et débouté la SARL Catia Automobiles de ses demandes, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la demande d'agrément présentée par la SARL Catia Automobiles a été faite de mauvaise foi, et la société Catia doit être déboutée de ses demandes.

Sur les autres demandes

La société Catia qui succombe en ses demandes, est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et est condamnée à payer la somme de 10 000 euros à la société FCA sur ce fondement, en sus de la somme allouée à ce titre par le tribunal.

Par ces motifs : LA COUR, Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2019 ; Confirme le jugement ; Déboute la société Catia Automobiles de ses demandes ; La condamne aux dépens d'appel et à payer à la société FCA France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.