Cass. 1re civ., 24 octobre 2019, n° 18-18.047
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Réside études (SAS) , Ace Jaurès (SARL) , BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Duval-Arnould
Avocat général :
Mme Legohérel
Avocats :
SCP Delvolvé, Trichet, SCP Ortscheidt, Me Goldman, SCP Spinosi, Sureau
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, le 9 mars 2018), que, le 16 février 2009, M. X a acquis de la société Réside études (le promoteur) un bien immobilier à usage locatif au moyen d'un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros, dénommé Helvet immo, consenti par la société BNP Paribas Personal Finance (la banque), par l'intermédiaire de la société Ace Jaurès, courtier en crédit immobilier (le courtier), et accepté le 17 janvier 2009 ; que M. X a assigné le promoteur, la banque et le courtier aux fins d'obtenir l'annulation du contrat de vente, le remboursement du reliquat du prêt et de son apport personnel et le paiement de dommages-intérêts et s'est prévalu, en cause d'appel, du caractère abusif de certaines clauses du prêt ; que la banque a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Sur le premier moyen, le deuxième moyen et le quatrième moyen, ce dernier pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés : - Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du Code de procédure civile : - Attendu que M. X fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes tendant à voir juger non écrites les clauses abusives du contrat de prêt et de rejeter ses demandes tendant à voir recalculer les sommes dues par lui après suppression du mécanisme d'indexation ;
Attendu que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du Code de la consommation, ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que la notion d'" objet principal du contrat ", au sens de cette disposition, couvre une clause contractuelle insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat et que, par conséquent, cette clause ne peut pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a. C-186/16) ; que la cour d'appel retient que les stipulations de l'offre de prêt expliquent sans équivoque le fonctionnement du prêt en devise et décrivent clairement et précisément le risque de variation du taux de change et son influence sur la durée du prêt et donc sur la charge totale de son remboursement et que les clauses contractuelles font expressément référence aux opérations et frais de change ;
Qu'il en résulte que les clauses concernées, portant sur l'objet principal du contrat et considérées comme claires et compréhensibles, ne pouvaient être regardées comme abusives, de sorte qu'est inopérant le moyen fondé sur l'absence de prescription de demandes tendant à ce que soit constaté leur caractère abusif ;
Sur les autres branches du quatrième moyen du pourvoi principal : - Attendu que M. X fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires à l'encontre de la banque, alors, selon le moyen : 1°) qu'au soutien de son allégation suivant laquelle la banque disposait, dès avant la commercialisation du prêt litigieux, d'informations lui permettant d'anticiper l'évolution défavorable pour l'emprunteur du franc suisse par rapport à l'euro pouvant conduire à un renchérissement significatif du coût du crédit souscrit, M. X se fondait, d'une part, sur une note d'analyse de la banque qui faisait ressortir une prévision de baisse substantielle de l'euro par rapport au franc suisse (passant de 1,57 à 1,38 entre 2008 et 2010, soit une baisse de 12 %), et d'autre part, sur la déposition de Mme Y, ancien cadre de la banque, corroborée par d'autres témoignages, faisant état de crashs tests prévoyant des hypothèses de baisse de ce taux de change jusqu'à 1,2, soit près de 25 % ; qu'en retenant pourtant qu'il ne pouvait être reproché à la banque de ne pas avoir prévenu M. X du décrochage de l'euro par rapport au franc suisse qui aurait constitué " un événement imprévisible ", et ainsi écarter ses demandes, sans examiner, fût-ce sommairement, les éléments produits qui étaient de nature à établir les anticipations négatives de la banque, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) qu' en se bornant à retenir, pour écarter la responsabilité de la banque, que l'offre de prêt et l'acte notarié comportaient toutes les informations sur le jeu de la clause monétaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, d'une part, si le contrat de prêt, de par sa longueur et de sa complexité, n'avait pas été volontairement rédigé de façon à masquer l'importance des risques spécifiques d'un prêt en devises étrangères, d'autre part, si l'échéancier d'amortissement n'avait pas été établi en franc suisse uniquement et la simulation incluse dans l'offre de prêt n'était pas largement en dessous de la différence de taux de change qui s'était produite ensuite et, enfin, si le contrat de prêt n'était pas formulé de manière rassurante pour un consommateur non averti, notamment par la mise en avant de la possibilité de modifier périodiquement le contrat, ce dont il résultait que le prêt avait été présenté de manière trompeuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) que, lorsque le prêt consenti est complexe et de nature à créer un risque particulier pour l'emprunteur, le banquier prêteur, tenu d'informer ce dernier, ne peut se contenter de lui présenter le fonctionnement du prêt mais doit attirer son attention sur les risques particuliers que lui fait encourir le prêt envisagé ; qu'en se fondant, pour écarter la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation d'information, sur les stipulations du contrat de prêt, les simulations, la notice figurant en annexe et l'acceptation par M. X de l'offre de crédit, sans rechercher si ces documents ne se contentaient pas de décrire en des termes techniques le fonctionnement du prêt sans attirer de manière claire et intelligible l'attention de l'emprunteur sur le risque illimité d'augmentation du capital restant dû lié à l'évolution du taux de change, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les opérations de change sont clairement décrites dans l'offre de prêt, que M. X a été précisément et expressément informé sur le risque de variation du taux de change et sur son influence sur la durée du prêt et donc sur la charge totale de remboursement de ce prêt, que cette offre contient l'information selon laquelle le prêt a un taux d'intérêt révisable et renseigne sur les conditions et modalités de mise en œuvre de la révision, que ses annexes font expressément référence à l'incidence de la variation du taux de change sur le montant des règlements, la durée et le coût du crédit et que l'une d'elles, claire et précise, contient une simulation chiffrée informant les emprunteurs sur les risques liés aux opérations de change qui affectent leur prêt et permet d'apprécier l'influence de la fluctuation du taux de change sur le capital emprunté et la variation de la durée du prêt en résultant, en fonction d'une appréciation ou d'une dépréciation du franc suisse par rapport à l'euro, que l'attention de l'emprunteur a été spécialement appelée, dans le formulaire de l'acceptation de l'offre de crédit, sur l'existence des opérations de change pouvant avoir un impact sur le plan de remboursement et que la banque a informé précisément l'emprunteur sur le coût total du crédit, en cas de dépréciation de l'euro ; qu'il ajoute que la banque soutient exactement qu'elle n'était pas en mesure d'anticiper le décrochage de l'euro par rapport au franc suisse qui participe d'une modification fondamentale de la conjoncture économique et est la conséquence de la crise de la dette souveraine de certains pays de la zone euro, et qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir prévenu M. X de cet événement imprévisible ; que, de ces énonciations et constatations desquelles il résulte qu'elle a procédé aux recherches prétendument omises et apprécié souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle ne retenait pas, la cour d'appel a pu déduire que la banque n'avait pas commis de faute ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette les pourvois.