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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 31 octobre 2019, n° 17-06545

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Assurance Courtage Réassurance (SARL)

Défendeur :

Altarea France (SNC), Altarea Cogedim Entreprise Holding (SNC), Altarea (SCA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Avocats :

Mes Atlan, Tordjman, Forestier

T. com. Paris, du 6 mars 2017

6 mars 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

Les sociétés Altarea France, Altarea Cogedim Entreprise Holding et Altarea sont trois sociétés parentes qui exercent dans les métiers de la promotion immobilière.

La société Assurance Courtage Réassurance (ci-après ACR) est un courtier d'assurances.

Depuis 1996, les sociétés Altarea et Altarea France (ci-après " les sociétés Altarea ") ont confié à la société ACR, courtier, la souscription de polices d'assurance auprès de différentes compagnies afin de couvrir différents risques pour leurs clients (construction, dommages-ouvrages, chantiers, patrimoine, prévoyance, responsabilité civile, syndic etc.).

A la suite de plusieurs échanges par courriels en juin 2013, les sociétés Altarea ont informé la société ACR qu'elle s'engageait dans un processus de recherche d'économies et qu'elle ne reconduirait pas certaines polices d'assurances souscrites par le biais d'ACR et/ou qu'elle regrouperait certaines polices entre les mains d'un seul intermédiaire. Elle indiquait également mettre en place un audit des polices souscrites.

Elles ont transmis des ordres de remplacement fin juin puis début septembre 2013 et informé la société ACR ainsi que les compagnies d'assurance concernées par lettres recommandées avec accusé de réception, lesdits ordres de remplacement devenant effectifs aux échéances desdits contrats d'assurance.

Ayant découvert courant septembre 2013 des irrégularités dans les polices souscrites par ACR dans le cadre des contrats de co-assurance, les sociétés Altarea ont alerté par mail du 24 septembre 2013 la société ACR qui a confirmé ces irrégularités, mettant en cause un de ses salariés qu'elle a licencié et contre lequel elle a porté plainte.

Par lette RAR en date du 3 octobre 2013, la société Altarea a indiqué à ACR qu'elle était contrainte d'examiner la continuation de leur collaboration.

Considérant être victime d'une rupture brutale de relations commerciales établies alors qu'elle était dans une situation de dépendance économique, la société ACR a, par acte en date du 27 mars 2014, assigné les sociétés Altarea France, Altarea Cogedim Entreprise Holding et Altarea devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement rendu le 6 mars 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- mis la société Altarea Cogedim Entreprise Holding hors de cause ;

- dit que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce sont applicables au contrat de courtage d'assurances ;

- dit que la société ACR, la société Altarea et la société Altarea France étaient en relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

- dit que la société Altarea et la société Altarea France étaient fondées à rompre les relations commerciales avec la société ACR sans préavis ;

- débouté la société ACR de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné, par jugement, se substituant à l'ordonnance du 16 mai 2014 enregistrée sous le n° RG 2014017957, la société ACR à payer à la société Altarea la somme de 122 000 euros, en deniers et quittances ;

- dit irrecevable la demande formulée au nom de la société Opec ;

- condamné la société ACR à verser à la société Altarea France, la société Altarea Cogedim Entreprise Holding et la société Altarea la somme de 4 000 euros à chacune, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

- d'office ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société ACR aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 129,24 euros dont 21,32 de TVA.

Vu l'appel interjeté le 27 mars 2017 par la société Assurance Courtage Réassurance (ACR) à l'encontre de cette décision,

Vu les dernières conclusions signifiées par la société ACR le 23 octobre 2017, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- déclarer la société Assurance Courtage Réassurance recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel et, y faisant droit ;

- débouter les sociétés Altarea, Altarea France et Altarea Cogedim Entreprise Holding de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions d'appel ;

- débouter les sociétés Altarea, Altarea France et Altarea Cogedim Entreprise Holding de leur appel incident ;

Et, statuant à nouveau,

- confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a reconnu les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce applicables à l'espèce déférée ;

- confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de la société ACR à payer à Altarea la somme de 75 508,91 euros ;

- réformer le jugement pour le surplus ;

En conséquence,

- constater que les sociétés Altarea, Altarea France et Altarea Cogedim Holding n'ont pas rompu la relation commerciale entretenue avec la société ACR de bonne foi ;

- constater que les sociétés Altarea, Altarea France et Altarea Cogedim Holding ont violé les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et, en conséquence ;

- condamner solidairement les sociétés Altarea, Altarea France et Altarea Cogedim Entreprise Holding à payer à la société ACR la somme de 370 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

- condamner solidairement les sociétés Altarea, Altarea France et Altarea Cogedim Entreprise Holding à payer à la société ACR la somme de 15 000 euros au visa de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner solidairement les sociétés Altarea, Altarea France et Altarea Cogedim Entreprise Holding aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire que, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile, la SCP Patrick Atlan BDA pourra procéder à leur recouvrement.

Vu les dernières conclusions signifiées le 21 août 2017 par les sociétés Altarea France et Altarea Cogedim Entreprise Holding et Altarea par lesquelles il est demandé à la cour de :

- recevoir les sociétés Altarea France et Altarea Cogedim Entreprise Holding et Altarea en leurs conclusions et prétentions ;

Et les y déclarant bien fondées,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société Altarea Cogedim Entreprise Holding, celle-ci n'ayant jamais contracté ou eu de relations commerciales avec la société ACR ;

Pour le surplus,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce sont applicables aux contrats de courtage d'assurance dans les relations entre un assuré et un courtier d'assurance ;

En toute hypothèse et pour le surplus,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les sociétés Altarea et Altarea France étaient fondées à rompre les relations commerciales avec la société ACR au regard de la gravité des manquements de cette dernière ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ACR à payer à la société Altarea la somme de 122 000 euros en deniers et quittances au titre de la non-restitution du trop-perçu de primes ;

- débouter la société ACR de son appel et de toutes ses demandes, fins et prétentions,

Y ajoutant,

- condamner la société ACR à verser à la société Altarea Cogedim Entreprise Holding, Altarea France et Altarea, une somme de 8 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société ACR aux entiers dépens d'appel.

La société Assurance Courtage Réassurance (ACR) soutient que les parties entretenaient une relation d'affaires depuis près de 20 ans, que le volume des polices confiées à ACR n'a fait que s'accroître pour atteindre son apogée sur les exercices 2010/2011, avant de se voir notifier la rupture annoncée courant 2013, sans aucun reproche mais sans indemnité et sans délai de préavis, ce qui lui a causé un préjudice important, ce d'autant qu'elle était en situation de dépendance économique compte tenu du volume d'affaires confiées qui concernait plus de 25 % du total de ses produits d'exploitation. Elle estime qu'un préavis de 24 mois aurait dû s'appliquer et sollicite une somme de 370 000 euros pour la perte de marge brute subie.

Concernant la mise hors de cause de la société holding qu'elle conteste, elle indique que celle-ci est intervenue dans la décision d'harmonisation des polices d'assurance et qu'elle a eu une part de responsabilité dans la rupture des relations commerciales avec la société ACR.

Concernant l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce aux relations entre ACR et les société Altarea, la société ACR soutient que la relation d'affaires qui se noue avec un courtier est une relation qui ne se distingue pas des autres relations commerciales, nonobstant les règlements applicables au mandat, que l'absence de formalisation d'un contrat-cadre n'exclut en rien l'application du régime de la rupture brutale des relations commerciales, qui a vocation à s'appliquer même en la présence d'un simple courant d'affaires non contractualisé, qu'il en va de même s'agissant de l'absence d'exclusivité contractuelle, qu'en l'espèce la relation a duré près de vingt ans.

Elle soutient que le tribunal a ignoré la véritable raison de la rupture qui était pour les sociétés Altarea d'" harmoniser " les polices en les confiant à un même courtier, ce qui ne les dispensait pas de lui accorder un préavis compte tenu de la durée de leurs relations, et qu'au vu de la chronologie des événements, la découverte de la fraude alléguée était postérieure à la décision de rupture et ne supprimait donc pas le droit à préavis en application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Elle estime que ce sont les sociétés Altarea qui ont manqué à leur obligation de loyauté, en n'informant pas ACR des véritables raisons de leur décision unilatérale de rupture et en ne lui ayant pas donné la possibilité de s'expliquer. Elle indique avoir déposé plainte à l'encontre de son propre salarié indélicat, à l'origine de la falsification des polices d'assurance qu'elle ne conteste pas.

Enfin, sur la demande reconventionnelle des sociétés Altarea, elle conteste sa condamnation au paiement en indiquant que cette demande n'a plus d'objet, ayant déjà été ordonnée par le juge des référés, qu'en tout état de cause, paiement ne sera pas dû tant que les sociétés du Groupe Altarea ne produisent pas aux débats les justificatifs des remboursements qu'elles ont perçus de l'assureur d'ACR.

En réponse, les sociétés Altarea soulignent qu'en cause d'appel, la société ACR réclame non plus une somme de 1 142 750 euros comme en première instance, mais une somme de 370 000 euros, ce qui démontre le peu de crédit de cette demande.

Elles sollicitent la mise hors de cause de la société Altarea Cogedim Entreprise Holding, au motif qu'elle n'a jamais souscrit de contrats d'assurances et qu'elle n'a jamais été en relation avec la société ACR.

Sur le fond, elles soutiennent que les dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce ne sont pas applicables aux contrats de courtage d'assurance dans les relations entre un assuré et un courtier d'assurance, que les sociétés Altarea et la société ACR n'étaient liées par aucun contrat-cadre formalisant l'engagement des sociétés Altarea de ne travailler qu'avec la société de courtage ACR, qu'il n'y avait aucune exclusivité au profit d'ACR, que les sociétés Altarea travaillaient simultanément avec d'autres courtiers, qu'elles étaient fondées à rompre leurs relations commerciales sur le fondement de la révocabilité du mandat, que la relation entre l'assuré et le courtier est par nature adossée au rythme des contrats d'assurance qui peuvent être remis en cause chaque année, qu'elle est par essence précaire, ce qui est exclusif de l'article L. 442-6, I, 5° qui ne trouve pas à s'appliquer.

En tout état de cause, quel que soit le texte applicable, elles soutiennent que la société ACR a commis des manquements d'une gravité telle que le contrat ne pouvait être poursuivi. Elle indique qu'elle a découvert que sur certaines polices faisant mention de coassurances, des co-assureurs ont déclaré ne pas avoir connaissance de souscriptions de polices au nom des sociétés du Groupe Altarea, ce qui signifie que les assurées avaient payé les primes entre les mains du courtier et que celui-ci n'avait pas placé certaines polices de coassurances, de sorte que les assurées n'étaient que partiellement " couvertes ".

Elles indiquent que le courtier a produit des faux documents, avec des photos-montages et des numéros de polices fantaisistes totalement inconnus des assureurs en prétendant que les polices avaient été régulièrement souscrites. Elles indiquent que la société ACR s'est volontairement abstenue de restituer à ses assurées des trop-payés de primes.

Elles soutiennent que la gravité des faits qui se sont révélés concomitamment aux résiliations opérées en septembre 2013 à effet du 1er janvier 2014, dénoncés par courriel adressé par le Secrétaire Général des sociétés Altarea le 24 septembre 2013 a entraîné une perte absolue de confiance rendant impossible la poursuite des relations commerciales.

Elles indiquent subsidiairement que le préjudice que prétend avoir subi la société ACR n'est pas justifié, pas plus que la durée de préavis de 24 mois réclamée.

Elles sollicitent le paiement par la société Altarea de la somme de 122 000 euros en deniers et quittances au titre de la non-restitution du trop-perçu de primes (somme correspondant à la condamnation prononcée par ordonnance du juge des référés rendue le 16 mai 2014). Elles indiquent qu'elles n'ont jamais été indemnisées par l'assureur d'ACR et expliquent que si la société ACR entend contester ce point, c'est à elle d'en apporter la preuve.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

Sur la mise hors de cause de la société Altarea Cogedim Entreprise Holding

Considérant que c'est par des motifs précis que la cour adopte que les premiers juges ont mis la société holding hors de cause, aucun lien contractuel n'étant établi entre celle-ci et la société ARC, la seule référence au " groupe Altarea " étant insuffisante pour la mettre en cause, en l'absence de toute justification d'une relation commerciale entre les parties ;

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point ;

Sur l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce

Considérant que la société ACR formule une demande d'indemnisation sur l'absence de bonne foi des sociétés Altarea en alléguant que les motifs invoqués après la rupture ne seraient pas loyaux au seul visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce qu'elle estime applicable aux relations entre un courtier et son client, ce que les sociétés Altarea contestent ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

... 5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...)

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure " ;

Qu'il est constant que la relation commerciale est établie lorsqu'elle revêt, avant la rupture du contrat, un caractère suivi, stable et habituel et que la partie victime de la rupture pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial, même en l'absence de contrat écrit ou en présence de plusieurs contrats concomittants ou qui se sont succédés ;

Considérant que les relations entre un courtier et son assuré sont soumises aux règles du mandat ;

Qu'il s'agit d'une relation tripartite, le courtier étant rémunéré non par son assuré, mais par la compagnie d'assurance avec laquelle l'assuré a signé un contrat d'assurance proposé par le courtier ;

Que le mandat est révocable ad nutum, sous réserve de l'abus de droit, conformément aux dispositions de l'article 2004 du Code civil ;

Que le courtage est également régi par les articles L. 113-12 et suivants du Code des assurances, et par des usages applicables à la profession de courtier en assurances, le courtier continuant de bénéficier de son droit à commissions même si le contrat se poursuit avec un autre courtier, sauf si le remplacement du courtier a été fait conformément auxdits usages, générant dans ce cas un préavis au bénéfice du courtier jusqu'à la date d'expiration de la police ;

Qu'il résulte de ces dispositions que le contrat de courtage est par nature précaire, mais qu'il est soumis à des dispositions protectrices qui réglementent les conditions formelles à respecter en cas de remplacement de courtier et ainsi la poursuite du droit à commissionnement jusqu'à l'expiration de la police ou à son renouvellement ;

Mais considérant que nonobstant la précarité intrinsèque du contrat de courtage, il n'est pas contesté qu'en l'espèce, les sociétés Altarea et la société ACR ont entretenu un flux d'affaires important et régulier basé sur une succession de nombreux mandats, même sans avoir fait l'objet d'un contrat-cadre écrit, et que cette relation globale a perduré de 1996 à 2013, générant un flux de commissionnement important de la part des compagnies d'assurance sollicitées, constituant environ 25 % des revenus d'exploitation d'ARC;

Qu'il est établi que les sociétés Altarea confiaient à la société de courtage ACR la recherche de polices d'assurances en vue de la souscription de plusieurs types de contrats d'assurance avec diverses compagnies pour la couverture de risques divers liés à leur activité de promotion et de construction immobilière, générant ainsi un commissionnement au bénéfice d'ACR important, sur lequel cette dernière pouvait compter, de façon stable et habituelle ;

Qu'indépendamment de la qualification de mandat donnée aux relations entre le courtier et son assuré, il résulte de ces éléments que le courtage n'est pas exclusif de l'application de l'article L. 442-6, I, 5° sus rappelé si les conditions en sont réunies, comme l'a retenu à juste titre le tribunal de commerce par des motifs précis que la cour adopte ;

Qu'en l'espèce la durée et l'importance desdites relations ne fait pas débat ;

Qu'il résulte des faits rapportés ci-dessus et des pièces versées aux débats, et notamment du tableau de la chronologie des résiliations versée au débats que la rupture s'est échelonnée de fin 2013 à début 2014, toutes les résiliations étant postérieures au 24 septembre 2013, les sociétés Altarea ne contestant pas avoir souhaité regrouper certaines polices entre les mains d'un même courtier courant juin 2013 et avoir dénoncé régulièrement par écrit les mandats par lettre recommandée avec accusé de réception en septembre 2013, en informant les compagnies d'assurance concernées de l'ordre de remplacement à l'issue de l'échéance en cours, ce qui correspond aux usages de la profession et génère un préavis correspondant à la durée de la police avec paiement du commissionnement jusqu'à son renouvellement, soit jusqu'au 1er janvier 2014 ;

Qu'à cet égard, aucune déloyauté n'est établie, les usages du courtage ayant été respectés, et la dénonciation par écrit du courtage étant conforme auxdits usages et tenant compte de la durée précaire de la relation de courtage non exclusive liant les parties, ladite précarité découlant elle-même du droit à renouvellement ou à dénonciation annuel du contrat d'assurance par l'assuré ou la compagnie d'assurance ;

Considérant que concomitamment, suivant échanges de courriels entre ACR et les sociétés Altarea fin juin 2013, ces dernières ont confirmé leur souhait de rechercher des économies et ont fait effectuer un audit qui a permis de mettre en évidence que certaines polices avaient été souscrites et payées à ACR sans toutefois que la prime ne soit reversée à la compagnie d'assurance, ce qui a donné lieu à une demande d'explications de la part d'ACR en septembre 2013, dont la réponse a été jugée non satisfaisante, compte tenu des éléments de fraude découverts, la société ACR allant même jusqu'à produire des faux pour dissimuler ladite fraude, ces découvertes justifiant un message par courriel à ACR dès le 24 septembre 2013 et une lettre recommandée avec accusé de réception du 3 octobre 2013 confirmant la mise en jeu de la continuation de leur collaboration ;

Que la société ACR a reconnu par courriel du 12 octobre 2013 la fraude commise et en a imputé la responsabilité à un de ses salariés, qu'elle a licencié pour faute grave ;

Qu'il résulte de ces éléments que les résiliations ont non seulement respecté les usages en matière de courtage (lettres RAR, ordres de remplacement, notification au courtier et à la compagnie d'assurance) aucune obligation de motivation ne s'imposant, ni aucun préavis supérieur à la durée du contrat d'assurance attaché, mais encore qu'en tout état de cause, et par motifs surabondants, les fraudes découvertes en septembre 2013 établissant que les sociétés Altarea étaient victimes de malversations de la part d'ACR depuis une période indéterminée, antérieure aux résiliations, étaient suffisamment graves pour constituer une inexécution des obligations d'ACR et dispenser les sociétés Altarea de toute obligation de préavis ;

Que c'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu des manquements justifiant la rupture sans préavis en application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et débouté la société ACR de toutes ses demandes ;

Sur la condamnation à payer la somme de 122 000 euros

Considérant que les non-restitutions de primes, dûment constatées, ont donné lieu à condamnation en référé au paiement de la somme de 122 000 euros au bénéfice de la société Altarea ;

Que la décision de référé n'ayant pas autorité de la chose jugée, et l'exécution de cette condamnation par ACR n'étant pas établie, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement dans les limites retenues par les premiers juges par des motifs que la cour adopte, la mise en cause de l'assureur responsabilité civile d'ACR étant sans lien avec la présente demande ;

Que la décision sera confirmée ;

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, s'ajoutant à la condamnation à ce titre en première instance, dans les termes figurant au dispositif ci-après ;

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne la société Assurance Courtage Réassurance à payer aux sociétés Altarea France, Altarea Cogedim Entreprise Holding et Altarea la somme à chacune de 3 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Assurance Courtage Réassurance aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.