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Décisions

CA Pau, 1re ch., 29 octobre 2019, n° 17-01494

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Tuco Energie (SARL), Domofinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme DUCHAC

Conseillers :

MM. Castagne, Serny

Avocat :

Mes de Saint Seine

CA Pau n° 17-01494

29 octobre 2019

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant bon de commande en date du 12 avril 2013, Patrick R., domicilié à MONTAUT (40500), a commandé auprès de la SARL Tuco Energie la fourniture et la pose de panneaux solaires photovoltaïques d'une puissance totale de 4.500 W ; d'un kit d'intégration en toiture ; d'un onduleur et du coffret de protection électrique et d'un ballon thermodynamique de 250L pour un montant de 33 990 euros T.T.C.

L'achat de cette installation a été financé par un contrat de crédit souscrit le même jour auprès de la SA Domofinance pour un montant de 32 990 euros remboursables en 145 mensualités au taux effectif global de 5,14 % l'an.

La SARL Tuco Energie a procédé aux travaux d'installation le 20 mai 2013. Ces travaux ont été acceptés sans réserve. Le raccordement de l'installation photovoltaïque a eu lieu le 26 juillet 2013 et sa mise en service le 2 octobre 2013.

Sur instruction expresse de l'emprunteur, les fonds furent débloqués au profit du prestataire après transmission de la fiche de réception des travaux comportant ordre de déblocage ratifié le 20 mai 2013, accompagné du procès-verbal de réception sans réserve.

Cependant, suivant actes d'huissier séparés en date du 29 janvier 2016, Patrick R. a attrait la SARL Tuco Energie ainsi que la SA Domofinance devant le tribunal d'instance de MONT DE MARSAN, sur le fondement de l'article 1184 du Code civil et, subsidiairement de l'article 1109 du Code civil, afin que la SARL Tuco Energie soit contrainte de procéder à la mise en conformité de l'installation suivant facture du 27 mai 2013 afin de permettre la production en énergie telle que prévue par le contrat et permettant ainsi l'autofinancement en résultant. Subsidiairement, il sollicitait la résolution des contrats de vente et de prêt y afférent, souscrits auprès de la SARL Tuco Energie et SA Domofinance ainsi que la condamnation de la SARL Tuco Energie d'avoir à lui régler la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de procédure à hauteur de 1500 euros et les entiers dépens.

Au soutien de son assignation, Patrick R. faisait valoir : dans le cadre du contrat souscrit, la production d'énergie collectée avait vocation à compenser son financement. Plus précisément, il était prévu une production de 3 333 euros par ans avec des revenus de 2 200 euros pour des dépenses de 2 049,07 euros, cette simulation devant ainsi permettre un autofinancement, malheureusement, l'installation a permis d'encaisser seulement 1 616,19 euros de sorte qu'il a dû apporter une somme de 2 000 euros , mais surtout, très rapidement, au cours de l'année 2014, des anomalies de fonctionnement ont été déplorées ; qu'il a signalé ces dysfonctionnements à maintes reprises et que, malgré l'intervention de la société Savelys, une première fois le 3 avril 2015 puis une seconde fois le 18 juin 2015, qui a procédé au remplacement du circuit imprimé, le ballon d'eau chaude ne fonctionne toujours pas, aucune réparation efficace n'étant intervenue, il a alors fait procéder aux constatations de l'installation suivant procès-verbal de constat dressé le 7 septembre 2015,

Par jugement contradictoire rendu le 7 mars 2017 (RG n°11-16-000091), le tribunal d'instance de MONT DE MARSAN a débouté Patrick R. de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à chacune des sociétés en défense la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Dans un premier temps, après avoir rappelé les termes de l'article 1184 du Code civil, le premier juge a considéré que les éléments versés aux débats ne suffisaient pas à démontrer l'inexécution ou de la mauvaise exécution, par la SARL Tuco Energie, de ses obligations contractuelles. Par ailleurs, il a également estimé que Patrick R. ne rapportait pas la preuve de ce que le ballon d'eau chaude thermodynamique et le générateur photovoltaïque ne sont pas conformes aux stipulations contractuelles. A ce titre, le premier juge a notamment relevé que Patrick R. a signé le procès-verbal de réception de fin des travaux, la première intervention technique réalisée par la SARL Savelys date du 3 avril 2015, soit plus d'un an et demi après la mise en service de l'installation litigieuse. Partant, le tribunal en a déduit que l'installation avait parfaitement fonctionné pendant ce laps de temps. En outre, le premier juge a estimé que l'existence d'interventions techniques n'était pas significative d'une inexécution des engagements de la SARL Tuco Energie mais qu'au contraire, elle traduisait une prise en compte des griefs invoqués par Patrick R. de la part de la SARL Tuco Energie, la société Savelys étant son prestataire, le procès-verbal de constat du 7 septembre 2015 ne rapportait pas la preuve d'un dysfonctionnement, se contentant de retranscrire les griefs invoqués, quant à l'insuffisance de production en énergie de l'installation, le bon de commande du 12 avril 2013 ne mentionnait nullement que la SARL Tuco Energie se soit engagée à une production minimale d'électricité.

Dans un second temps, statuant sur la demande en annulation des contrats de vente et de crédit affecté formulée par Patrick R., le tribunal, après avoir rappelé les termes des articles 1109,1110 et 1116 du Code civil, a jugé que ce dernier ne rapportait pas la preuve d'un vice du consentement en ce que l'existence d'une production minimale d'électricité et l'autofinancement ne pouvaient être considérés comme conditions essentielles du contrat n'étant pas entrées dans le champs contractuel (le demandeur fondant ses propos sur un document nommé " simulation de rendement "). De la même manière, la juridiction de premier degré a estimé que le document intitulé " autofinancement " ne permettait pas de caractériser des manœuvres dolosives, conditions essentielles du dol.

Par déclaration n°17/01006 régularisée le 19 avril 2017, Patrick R. a interjeté appel de cette décision.

Au terme de ses dernières écritures en date du 28 juin 2018, Patrick R. entend voir la cour :

- A titre principal, sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, en conséquence, ordonner, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; à la SARL Tuco Energie de procéder à la mise en conformité de l'installation suivant facture du 27 mai 2013 afin de permettre la production en énergie telle que prévue au contrat et permettant ainsi l'autofinancement en résultant,

- à titre subsidiaire, au visa de l'article 1109 du Code civil, prononcer la résolution du contrat souscrit auprès de la SARL Tuco Energie, le 27 mai 2013 ; en conséquence, vu les dispositions de l'article L311-32 du Code de la consommation, prononcer la résolution du contrat de prêt souscrit auprès de la SA Domofinance d'un montant de 32990 euros pour le financement des panneaux objets du contrat de vente ; ordonner le remboursement des mensualités acquittées depuis le 5 décembre 2014 ; condamner la SARL Tuco Energie d'avoir à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts, outre le versement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

Par conclusions déposées le 9 octobre 2018, la SA Domofinance demande à la cour, statuant sur le fondement des articles 1134 et 1147, 1116, 1315 du Code civil, L311-1 et suivants, L311-30 et suivants et L333-4 du Code de la consommation et 9 du Code de procédure civile de :

- dire et juger qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun dol qui aurait été commis par la SARL Tuco Energie ni d'aucune inexécution contractuelle d'une gravité telle qu'elle justifierait la résolution ab initio du contrat et, en conséquence, débouter Patrick R. de l'intégralité de ses moyens et demandes, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

- condamner Patrick R. à lui verser, pour les causes sus énoncées, la somme de 30 296,69 euros avec les intérêts au taux contractuel de 5,02% à compter de la mise en demeure du 02 novembre 2017 et jusqu'à complet paiement, or concernant l'indemnité légale de 8% qui produira intérêt au taux légal dans les mêmes conditions,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une résolution du contrat de prêt par accessoire :

- condamner Patrick R. à lui payer la somme de 32 990 euros à titre de restitution du capital mis à disposition, avec déduction des échéances déjà réglées,

- condamner la SARL Tuco Energie à relever et garantir Patrick R. en application de l'article L. 311-33 du Code de la consommation,

- condamner la SARL Tuco Energie à lui régler la somme principale de 12 040,23 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le prêteur qui escomptait une exécution normale du contrat de prêt et la perception d'intérêts contractuels,

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions responsives et récapitulatives déposées le 26 juin 2019, la SARL Tuco Energie conclut, au visa des articles1184 ancien et 1109 ancien du Code civil, 9 et 700 du Code de procédure civile et L. 311-33 du Code de la consommation, à la confirmation, en toutes ses dispositions, du jugement entrepris, y compris les condamnations aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile. Elle sollicite, en outre sur le fond que la cour :

- juge qu'elle n'a commis aucun dol à l'encontre de Patrick R. ; qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations contractuelles ; que Patrick R. ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'il invoque ; que la condition d'application de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, à savoir un acte de fautif de commission- n'est pas présente,

- juge que la demande de dommages et intérêts de la SA Domofinance présentée contre elle est fondée sur un texte erroné,

En conséquence :

- déboute Patrick R. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- juge que le contrat de vente ainsi que le contrat de crédit affecté sont valides,

- déboute Patrick R. de sa demande de condamnation, sous astreinte, à mettre en conformité les matériels livrés ; de sa demande en dommages et intérêts formulée à son encontre ;

- déboute la SA Domofinance de ses demandes de garantie et en dommages et intérêts formulées à son encontre,

- condamne Patrick R. à lui verser la somme de 2000Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne toute partie succombante aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2019 et l'affaire, appelée à être plaidée à l'audience du 2 septembre 2019 a été mise en délibéré.

MOTIFS

Interprétation de la demande

Patrick R. vise à titre principal l'article 1184 du Code civil, qui régit l'action en résolution des contrats pour manquements graves aux obligations contractuelles ; mais de manière contradictoire, il sollicite sous ce visa, la mise en conformité de l'installation qui relèverait de l'action en exécution forcée tirée de l'article 1134 du même Code et de la responsabilité contractuelle de l'article 1147 du Code, textes qui ne sont pas visés par ses écritures.

A titre subsidiaire, il réclame la 'résolution' du contrat en visant le vice du consentement, alors qu'un vice du consentement est sanctionné par la nullité de la convention et non par sa résolution ou sa résiliation.

Des textes visés dans les écritures et de l'articulation entre demande principale et subsidiaire, il se déduit que la cour est saisie d'une demande tendant à l'anéantissement des contrats, à titre principal par voie de résolution du contrat pour manquement du vendeur à ses obligations contractuelles de conseil et de délivrance d'une chose conforme, et, à titre subsidiaire, par voie d'annulation pour vice du consentement, les fautes invoquées pour soutenir l'existence de ce vice du consentement pouvant être considérées comme des manquements suffisants qui justifieraient l'anéantissement du contrat par la voie de la résolution demandée à titre principal.

L'opération étant par ailleurs soumise au droit de la consommation, le mode d'anéantissement d'un contrat est aussi le mode d'anéantissement de l'autre.

Procéduralement, l'anéantissement du contrat par voie de résolution, qui est demandée à titre principal, fait obstacle à la cour de se prononcer sur l'annulation pour vice du consentement qui n'est que demandée à titre subsidiaire. Les conséquences n'en sont pas les mêmes dans la manière de dénouer les comptes entre l'emprunteur et la banque.

Sur l'action principale en résolution du contrat de fourniture de biens et de services

a) rappel de la chronologie contractuelle

Selon bon de commande du 12 avril 2013, Patrick Dominique R., démarché à son domicile, a passé commande auprès de la S.A.R.L. Tuco Energy de 18 modules photovoltaïques d'une puissance globale de 4.500 KW en crête, d'un onduleur avec kit d'intégration en toiture, et des accessoires nécessaires à l'installation dont le coût était inclus dans le prix. La commande est passée au prix de 32.990 euros T.T.C.

Pour financer cet investissement, Patrick Dominique R. et sa compagne Nadège D. ont ensemble emprunté auprès de la société Domofinance une somme de 32.990 euros représentant la totalité du prix convenu au taux FINANCIERde 5,02% remboursable en 140 échéances avec un différé d'amortissement de deux ans puisque la première échéance étant de 319,49 euros, les 23 échéances suivantes étant fixées à 288 euros, les 120 dernières étant fixées à 361,64 euros ; l'assurance-crédit est de 27,39 euros par mois.

Leur demande de crédit est datée du 12 avril 2013 ; elle a été formée en même temps qu'était établi le bon de commande.

Le 20 mai 2013, Patrick R. a signé un procès-verbal de réception des travaux d'installation.

Le 27 mai 2013, la société Domofinance a facturé le matériel et l'installation sans faire de réserve.

Le 28 mai 2013, l'offre de crédit a été formellement reconnue comme acceptée par la société Domofinance ; cela ressort du courrier qu'elle leur a fait parvenir ; elle a donc libéré les fonds pour payer la société venderesse.

Le 02 juillet 2013, la société Tuco Energy atteste la conformité de l'installation aux normes techniques de la distribution d'électricité et adresse le document au CONSUEL qui doit viser cette pièce. Le 23 juillet 2013, l'installateur NEO ENVIRONNEMENT a établi également la même attestation de la conformité de l'installation destinée au même organisme.

Le 02 octobre 2013, l'installation a été raccordée au réseau ainsi que cela ressort de la teneur du contrat d'achat d'électricité conclu avec EDF, en date certes du 10 février 2015, mais portant rétroactivement effet à ladite date du 02 octobre 2013, date corroborée par la facturation.

Le 01 octobre 2014, la première facturation annuelle auto montre que l'installation a rapporté 1 615,19 euros, soit la moitié de ce que prévoyait la simulation présentée par le mandataire de la S.A.R.L. Tuco Energy pour démarcher Patrick R., loin en dessous des revenus nets de 2.050 euros qui l'avaient convaincu de s'engager.

Durant l'année 2015, le ballon d'eau chaude connaît des problèmes techniques qui déclenchent les disjoncteurs de sécurité ; les tentatives de réparation ont eu lieu, sans qu'il soit fait état de résultants probants aujourd'hui justifiés. Jusqu'à cette date, il n'y a pas de preuve de dysfonctionnement significatif prouvé de sorte que la production obtenue reste présumée être le fruit d'une production normale.

B) les manquements contractuels reprochés à la société Tuco Energy

Le droit de la consommation n'est pas invoqué pour fonder l'action en anéantissement du contrat mais le droit de la consommation s'applique aux conséquences d'une décision d'anéantissement du contrat de vente, en imposant le même sort au contrat de prêt.

Les faits commandent de procéder aux déductions et appréciations suivantes :

- l'acheteur a acquis en considération d'une production annoncée de 3 333 euros par an devant dégager un revenu net de 2 049,07 euros par mois, niveau lui permettant, en ajoutant le crédit d'impôt, de rembourser l'emprunt sans subir de pertes ;

- l'acheteur n'est pas intervenu dans le montage ni dans le réglage de l'installation de production d'électricité ; cette installation fonctionne (même si le ballon est aujourd'hui déficient) et produit du courant électrique ;

- le prix d'achat de l'électricité a été fixé à 33,847 centimes par kWh selon le contrat passé avec EDF, mais la simulation contractuelle qui aboutit au résultat précis de 2 049,07 euros de revenu net pour un chiffre d'affaires de 3 333 euros ne se réfère à aucun prix unitaire du kWh habituellement pratiqué ; la case 'production kWh' est laissée en blanc sur la fiche de négociation ; il y est cependant indiqué un rendement de 40% mais on ne sait si ce taux est calculé en fonction des caractéristiques du matériel (énergie effectivement reçue du soleil / énergie restituée) ou s'il est calculé en fonction de paramètres combinés entre ces caractéristiques techniques des panneaux et les statistiques de nébulosité du lieu d'installation. A ce prix, une production rapportant 3 333 euros par an correspond à une production annuelle d'électricité de 1 000 kW/h ; cette production est loin d'avoir été atteinte durant la première année alors que l'installation a été raccordée sans que soit prouvée son incapacité à produire normalement l'électricité durant cette période alors que les interventions pour cause de panne dont il est fait état, sont postérieures à la première facturation.

La simulation n'a certes aucune valeur contractuelle en ce qu'elle ne peut pas fixer par avance les caractéristiques des contrats qui vont régir la production dans l'avenir en exécution de contrats auxquels le vendeur n'est pas partie (achat de courant par EDF ou ses concurrents) ; cette simulation se rattache néanmoins à la bonne exécution de l'obligation de conseil de l'entreprise qui fournit les biens et les services en ce qu'elle est censé valoir étude des besoins personnalisés du consommateur démarché, et emporte appréciation de sa capacité financière à les satisfaire pour le niveau d'endettement proposé. La société qui démarche ainsi son client, doit le mettre en mesure de donner un consentement en connaissance des avantages, des inconvénients et des risques de l'opération ; la production annoncée doit donc être démontrée par avance en étant calculée sur des données immédiatement vérifiables par référence aux coûts habituels de rachat du courant et par rapport à la capacité théorique de l'installation à pouvoir produire une quantité d'électricité suffisante.

La société venderesse ne pouvait certes pas s'engager par avance ni sur un niveau garanti de production, ni sur des revenus garantis, tous facteurs dépendant des aléas météorologiques et de l'évolution du prix du kW/h, fut-il réglementé ; cette simulation et la technique de présentation de l'opération proposée se rattachent à la situation personnelle de Patrick R., à ses revenus, à sa fiscalité, car elle a pour objet de le convaincre à acheter et à emprunter en lui faisant apparaître les avantages de l'opération ; l'acquéreur s'engage en effet en fonction de l'ordre de grandeur des éléments essentiels comme la puissance installée et le niveau de la rémunération annoncée (à un tarif EDF que l'installateur devait indiquer au moins à titre indicatif). Cette démarche de vente se traduit au cas d'espèce par la présentation d'un formulaire pré-imprimé ; le prix du KWH n'y est pas indiqué alors que le revenu est affirmé au niveau de 3.333 euros par an avant déduction de charges ; n'y figurent ni le niveau de prix indicatif du kWh sur la base duquel ce revenu est avancé, et le niveau indicatif de la production d'électricité annuelle qui peut être statistiquement attendu pour le lieu d'installation et pour le niveau de puissance installée ; l'acquéreur emprunteur s'est ainsi engagé en l'espèce sur l'affirmation d'une production affirmée sans aucune justification technique, et donc hors de tout contrôle ; la simulation financière prend la forme d'un brouillon dont la relecture est inexploitable pour une personne non initiée ; elle implique le montant des avantages fiscaux comme à 'réinjecter', semble-t-il à hauteur de 4368 euros mais l'on ne sait s'il s'agit d'une 'réinjection' annuelle ou pluri- annuelle ; cela tend en toute hypothèse à démontrer que l'installation s'autofinancerait sans risque pour l'investisseur. Mais pour être crédible et correcte, cette démonstration d'une situation économiquement avantageuse devrait comporter un raisonnement reposant sur des données précises et clairement présentées afin de justifier le réalisme de la production envisagée ainsi que le caractère sérieux du revenu attendu dont les conditions de remboursement de l'emprunt indiquent le seuil de rentabilité financière.

La société Tuco Energy n'a pas en l'espèce fourni une documentation crédible sur ce point ; l'installation a en effet fonctionné sans incident connu pendant un an en ne produisant que la moitié de la quantité d'électricité qui avait été prévue.

Ainsi considérée, la simulation, stipulée non contractuelle, se rattache à la conclusion du contrat et au respect de l'obligation de conseil lors de sa conclusion ; la société Tuco Energy a commis une faute pour avoir fait conclure un contrat sans permettre au cocontractant de contrôler ses affirmations (exprimées par mandataire), lesquelles se sont avérées inexactes par la suite ; la société Tuco Energy ne pouvait affirmer le niveau de revenus sans davantage de précisions. Il y a donc manquement de sa part et elle doit en répondre contractuellement, même en tenant compte de ce que la production d'électricité est effective.

La société a donc engagé sa responsabilité contractuelle en n'exécutant pas correctement son obligation contractuelle de conseil, dans l'étendue qui doit être la sienne dans un contrat soumis au droit de la consommation visant à protéger le cocontractant profane.

A ce manquement à l'obligation de conseil s'ajoutent diverses anomalies de fonctionnement reflètant des manquements à l'obligation de résultat à laquelle est tenue le vendeur installateur. L'électricité est certes produite et ce qui est produit est vendu. Les panneaux solaires ne sont pas déficients, le redresseur et l'onduleur fonctionnent ; cependant le ballon d'eau chaude connaît des avaries récurrente depuis 2015 et il en est justifié ; le circuit électronique de régulation est affecté, ce qui a conduit à l'intervention de techniciens en 2015, c'est-à-dire postérieurement à la première année de production ; cela suffit à prouver que la première année ayant rapporté un chiffre d'affaires de vente d'électricité de 1.616 euros correspondait à un fonctionnement sans défaillance majeure.

Le ballon d'eau chaude ne produit pas d'électricité mais consomme une partie de l'énergie produite. Il s'agit donc d'un appareil accessoire ; s'il ne rapporte pas, il constitue cependant un élément indivisible de l'installation et son installation signifie que la famille a fait le choix d'avoir son eau chaude glace à l'énergie solaire ; l'appareil doit donc fonctionner tous les jours conformément à sa destination puisque cela évite de disposer d'une autre source de chauffage d'eau. La seule défaillance ne justifierait pas la résolution du contrat dans son ensemble, mais cette défaillance s'ajoute au manquement à l'obligation de conseil commis par la société Tuco Energy lors de la conclusion du contrat d'achat de fournitures et de services.

La gravité des manquements cumulés justifie la résolution demandée.

La résolution de la vente signifie que le présent arrêt vaut :

- titre exécutoire valant obligation de restitution du matériel à la société Tuco Energy par Patrick R., avec obligation pour la société d'assumer les frais d'installation

- titre exécutoire de condamnation de la société Tuco Energy à restituer le prix de 32.990 euros outre intérêts depuis l'assignation introductive de la première instance, étant précisé que Patrick R. devra déléguer à la société Domofinance les sommes dont il lui est restituable comme si le contrat de prêt était résilié ce jour de manière anticipée.

Le jugement sera infirmé.

C) la résolution du contrat de prêt

La résolution du contrat de fourniture de biens et de service, certes prononcée sur le fondement du droit civil, entraîne résolution de plein droit du contrat de prêt dont il est reconnu qu'il s'agit d'un contrat de crédit affecté dont le sort est lié à celui du contrat principal par application des règles du droit de la consommation ; la résolution du contrat de vente emporte résiliation du contrat de prêt à la date de l'arrêt.

Cette résiliation du prêt impose la fin des relations contractuelles entre la banque et l'emprunteur comme si les opérations se dénouaient entre eux à la date du présent arrêt comme s'il y avait remboursement anticipé car la responsabilité de la banque n'est pas engagée ce qui lui donne droit à sa rémunération contractuelle prévue.

L'emprunteur reste débiteur du capital restant dû ce jour et sa dette est calculée en fonction de ce qu'il a effectivement payé en exécution du contrat ; puisque l'annulation du contrat n'est pas prononcée, il ne peut réclamer à la banque ni remboursement des intérêts, ni frais de dossiers, ni frais de sûreté ; et il est redevable de l'indemnité de résiliation anticipée.

La banque est donc fondée à lui demander, ainsi qu'elle le fait, le remboursement du capital emprunté sous déduction du montant des échéances déjà réglées ; elle ne demande pas le paiement de l'indemnité de résiliation anticipée.

D) sur les actions en nullité pour vice du consentement

Comme ces demandes sont formées à titre subsidiaire de l'action en résolution à laquelle il est fait droit, la cour n'a pas à les examiner.

E) le préjudice

Patrick R. invoque un préjudice évalué à 5.000 euros en invoquant les inexécutions de la société Tuco Energy ; le préjudice contractuel résiderait dans ce qu'ils se trouverait 'dans une impasse tant avec le financement à régler que l'énergie à produire' ; cette expression ne suffit pas à caractériser un préjudice indemnisable.

Sur l'action en responsabilité de la banque contre la société Tuco Energy

La banque ne peut pas réclamer à la société Tuco Energy le montant des intérêts qu'elle aurait perçus jusqu'au terme normal du prêt puisque ce prêt est résilié ; le préjudice qu'elle demande correspond à une rémunération future qui ne peut être versée par suite de l'anéantissement du contrat et le prix de la perte de ces revenus futurs est compensée par une indemnité de résiliation anticipée prévue contractuellement et réglementairement limitée dans son taux ; la banque ne peut réclamer à Tuco Energy qu'une indemnité égale à l'indemnité de résiliation anticipée que lui devrait Patrick R. pour une résiliation anticipée du contrat de prêt comme s'il l'avait décidée à la date du présent arrêt.

Elle ne peut pas réclamer à l'entreprise le montant du capital parce que l'entreprise n'est redevable que du prix à restituer à l'acquéreur ; mais ce remboursement de prix peut être délégué à la banque.

Sur les demandes annexes

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice des parties.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort infirme le jugement par application de l'article 1184 du Code civil, prononce la résolution du contrat de fourniture de biens et de services conclu entre les parties le 12 avril 2013 par application des règles du droit de la consommation, dit que cette résolution emporte à la date du présent arrêt résiliation du contrat de prêt restitue la propriété de l'installation photovoltaïque à la S.A.R.L. Tuco Energy à compter de ce jour condamne la S.A.R.L. Tuco Energy à rembourser à Patrick R. le prix payé de 32.990 euros augmenté des intérêts au taux légal depuis la date de l'assignation du 29 janvier 2016 déboute Patrick R. de sa demande indemnitaire complémentaire dit qu'en application des règles du droit de la consommation, la résolution ainsi prononcée du contrat de vente emporte résiliation à la date du présent arrêt du contrat de crédit affecté conclu par Patrick R. avec la société Domofinance condamne Patrick R. à restituer à la banque, conformément à sa demande, le montant du capital emprunté mais sous déduction des paiements intervenus condamne la société Tuco Energy à payer à la société Domofinance une indemnité égale au montant de l'indemnité de résiliation anticipée que devrait Patrick R. à la date du présent arrêt dit que le prix à restituer par la société Tuco Energy libèrera Patrick R. de son obligation de remboursement par délégation de ce prix à la banque dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile condamne la S.A.R.L. Tuco Energy aux entiers dépens de première instance et d'appel.