CA Toulouse, 3e ch., 29 octobre 2019, n° 16-00662
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Domalis Signature (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauclair
Conseillers :
Mm. Mazarin-Georgin, Blanque-Jean
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l'appel interjeté le 11 février 2016 par Monsieur Patrick B. à l'encontre d'un jugement du tribunal de grande instance de Foix en date du 4 novembre 2015.
Vu l'arrêt avant dire droit de cette cour en date du 18 septembre 2017 ayant ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur C. expert.
Vu le rapport d'expertise déposé par Monsieur C. le 15 décembre 2017.
Vu les conclusions de Monsieur Patrick B. en date du 8 janvier 2018.
Vu les conclusions de la SARL Domalis Signature en date du 19 novembre 2018.
Vu l'ordonnance de clôture du 27 novembre 2018 pour l'audience de plaidoiries fixée en dernier lieu au 16 septembre 2019 renvoyée à la demande des conseils des parties au 23 septembre 2019.
Le 4 décembre 2009, Monsieur Patrick B. a commandé à la société Domalis Signature une cuisinière à bois " Thermo Emmanuelle " de marque Wanders moyennant paiement d'un prix de 12 800,00 euros.
Cette cuisinière a été livrée et installée à son domicile le 4 juin 2010.
Monsieur B., se prévalant d'un dysfonctionnement du four de la cuisinière, a saisi son assureur protection juridique, lequel a fait diligenter une expertise amiable en présence de l'acquéreur, du représentant de la société Domalis Signature et du représentant du cabinet Saretec intervenant pour la société Wanders.
Au terme d'un rapport établi le 30 mai 2013, l'expert amiable, Monsieur Alexis B. de la société SATEB, a conclu que " la responsabilité de la SARL Domalis était engagée ".
Se prévalant de ce rapport, Monsieur B. a fait assigner la société Domalis Signature par acte du 4 avril 2014 devant le tribunal de grande instance de Foix en résolution de la vente et restitution du prix, outre condamnation de la société Domalis Signature à lui payer une somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 4 novembre 2015, le tribunal a débouté Monsieur B. de ses demandes et l'a condamné aux dépens. Pour statuer en ce sens, le tribunal a retenu que Monsieur B. ne démontrait pas la réalité de la non-conformité du bien livré.
Monsieur B. a interjeté appel total de cette décision par déclaration du 11 février 2016.
Par arrêt avant dire droit en date du 18 septembre 2017, cette cour a :
- ordonné une mesure d'expertise, et commis Monsieur Michel C., avec pour mission, essentiellement de :
- dire, au regard des résultats obtenus de ses essais, si les relevés sont conformes aux caractéristiques techniques annoncées par le constructeur ;
-à défaut, si un dysfonctionnement ou un défaut est constaté, le décrire et en indiquer l'origine ;
-préciser si le ramonage a été réalisé conformément aux préconisations du constructeur et à défaut, d'indiquer les conséquences sur l'éventuel dysfonctionnement constaté ;
L'expert a déposé son rapport le 15 décembre 2017.
Monsieur B. demande à la cour de :
- dire que la société Domalis Signature a manqué à son obligation de délivrance conforme qui lui incombait envers lui.
- prononcer la résolution de la vente intervenue le 4 décembre 2009 avec toutes conséquences de droit
- en conséquence, condamner la société Domalis Signature à lui rembourser le prix d'achat de la cuisinière à savoir 12 800,00 euros assorti des intérêts au taux légal, ce dernier se faisant donner acte de ce qu'à réception du paiement il tient la cuisinière à disposition du vendeur.
- condamner la société Domalis Signature à lui payer une indemnité de 2 000,00 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamner la SARL Domalis Signature à lui payer la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant en outre les frais d'expertise
Il fait valoir que :
- le rapport d'expertise pointe une baisse de température anormale, alors que le bois était correctement stocké que la combustion du bois était de bonne qualité et le ramonage ayant été effectué. Le changement d'appareil de mesures par l'expert n'a aucune incidence, l'expert avance une erreur de conception du four.
- la non-conformité est apparue dès 2010 et mise en évidence contradictoirement en 2013.
- un autre acquéreur du même produit a rencontré les mêmes difficultés d'utilisation du four La SARL Domalis Signature demande à la cour de :
- rejeter toutes conclusions contraires comme étant injustes ou mal fondées ;
- dire que le rapport de protection juridique produit par Monsieur B. ne permet pas de connaître précisément les conditions d'utilisation du fourneau bouilleur Thermo Emmanuelle Wanders, ni de vérifier si elles respectent les préconisations de la notice du fabricant ;
- dire que Monsieur B. a d'ailleurs reconnu que dans certaines conditions d'utilisation il a pu cuire des aliments ;
- dire que l'utilisation du four à bois est formellement déconseillée en période estivale lorsque les radiateurs ne fonctionnent pas ;
- dire qu'il ne ressort nullement, du rapport d'expertise du 15 décembre 2017, un défaut de conformité de l'appareil litigieux ;
- dire que le fourneau bouilleur Thermo Emmanuelle Wanders qu'elle a vendu ne présente aucun défaut de conformité ;
- en conséquence, débouter Monsieur B. de toutes ses demandes ;
- confirmer le jugement entrepris ;
- condamner Monsieur B. à lui payer la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner Monsieur B. aux entiers dépens, en ce compris ceux de première instance, dont distraction au profit de Maître B..
Elle fait valoir que :
- l'article 1217 du Code civil dans sa rédaction en vigueur au jour de l'audience n'est pas applicable,
- il ne ressort pas du rapport d'expertise la preuve d'un défaut de conformité de l'appareil, les températures remontent au bout de deux heures sans que cela résulte du changement d'appareil de mesure. En outre l'expert a ouvert le four à cinq reprises pour vérifier ces mesures alors que le four doit rester constamment fermé
- le four est conçu pour des cuissons douces et des aliments peuvent être cuits à des températures inférieures à 100 °C sur des durées très longues.
- le défaut de conformité n'est pas établi, le bouilleur assure sa fonction principale de chauffage de la maison, de cuisson rapide par le four électrique et par une plaque de cuisson
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au visa de l'article 1217 du Code civil, qui dans sa rédaction en vigueur au jour où la cour statue dispose que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
Monsieur B. demande à cour de dire que la société Domalis a manqué à son obligation de délivrance conforme.
Le fondement de la demande est donc celui de l'obligation de délivrance conforme régie par les dispositions de l'article 1603 du Code civil, selon lesquelles le vendeur est tenu de délivre la chose qu'il vend.
En l'espèce Monsieur B. a acquis un " fourneau bouilleur Thermo Emmanuelle Wanders ". La description succincte figurant sur le bon de commande est : " un thermo Emmanuelle bordeaux finition laiton + 4 feux gaz, four traditionnel ".
Monsieur B. ne produit aucun autre élément descriptif de l'appareil qui permette de connaître les caractéristiques du bien sur lesquelles les parties se sont accordées lors de la vente, à part la notice d'utilisation et d'installation.
Cette notice décrit l'appareil qui comporte une chaudière destinée au chauffage central, un four électrique une plaque cuisson au gaz 4 feu et un four à bois. Le litige porte sur le four à bois, l'équipement de chauffage donne satisfaction à l'acquéreur et aucun élément n'est fourni sur la panne du four électrique survenu après plusieurs années de fonctionnement.
La notice mentionne à propos de l'utilisation du four à bois : Lorsque le foyer est correctement chargé avec des bûches (3 à 7 Kg) et que celles-ci sont correctement enflammées, positionner le registre de déviation des fumées sur A afin de permettre aux fumées de réchauffer le four. Il faut environs 30 minutes de préchauffage avant d'enfourner un plat.
La température du four dépend du tirage de la cheminée, du réglage des arrivés d'air, de la vivacité de la combustion, de chargement et du bois utilisé.
Le four à bois est adapté aux cuissons douces. Il est impératif d'augmenter les temps de cuisson par apport à un four électrique.
Période estivale :
Il est très difficile de faire chauffer le four à bois en période estivale car si les radiateurs sont fermés, la température de l'eau dans la chambre de combustion va vite monter en température et le clapet du thermostat va se refermer, réduisant l'apport d'air comburant et donc la puissance. Il vaut mieux utiliser le four électrique.
Si tout de même vous voulez cuisiner au bois, il faut impérativement ouvrir les radiateurs afin que la chaleur produite soit dissipée.
Il convient de retenir deux éléments de cette description :
- ce four est adapté aux cuissons douces et longues.
- ce four est inadapté alors que la fonction chauffage n'est pas activée, c'est à dire en période estivale pendant laquelle il est recommandé d'utiliser le four électrique dont est équipé l'appareil.
Il ressort du rapport d'expertise que l'expert a effectué ses opérations techniques le 23 octobre, à mi-saison, mais avant l'allumage du chauffage, l'expert précisant que le chauffage de 1 000 litres d'eau du ballon de stockage aurait nécessité plusieurs heures et qu'il a mis en route le circulateur du circuit primaire en fermant le circuit de chauffage.
Il convient de relever qu'en procédant ainsi, en période "estivale" au sens de la notice, l'expert a mis l'appareil dans la position non préconisée par la notice qui indique que si les radiateurs sont fermés, la température de l'eau dans la chambre de combustion va vite monter en température et le clapet du thermostat va se refermer, réduisant l'apport d'air comburant et donc la puissance. Ainsi la baisse de température constatée par l'expert est justifiée.
Dans ces conditions, l'expert obtient malgré le changement d'appareil de mesures et malgré plusieurs ouvertures du four pour lire ses mesures, des températures allant de 200°C une demi-heure après l'allumage à 160 °C sur le plat de cuisson au bout de deux heures. Cette baisse de la température est en cohérence avec la notice lorsque le four fonctionne hors période de chauffage et avec le circuit de chauffage fermé.
La température obtenue correspond aux cuisines douces avec temps de cuisson augmenté, indiquées par la notice, la cour rappelant que le plat emblématique de la région le cassoulet se cuit au four à 150/160 °C ou thermostat 5/6 pendant trois heures.
L'attestation de Monsieur B. ne peut être retenue, aucun élément n'étant précisé sur la saison d'utilisation du four litigieux. En outre, il apparaît peu vraisemblable que les successeurs de Monsieur B. se soient débarrassés de cette cuisinière assurant le chauffage central pour un simple dysfonctionnement d'un four secondaire.
Au vu de ces éléments le défaut de conformité allégué n'est pas établi et c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de Monsieur B.. Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
Monsieur B. succombe, il supporte les dépens d'appel augmentés d'une somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant, Condamne Monsieur Patrick B. à payer à la SARL Domalis Signature la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne Monsieur Patrick B. aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître B..