CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 31 octobre 2019, n° 17-02441
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ber Racing Italy Srl (Sté)
Défendeur :
Shark (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Avocats :
Mes Laude, Moraine
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Shark, société de droit français, fabrique et vend divers objets se rapportant au commerce des cycles et motocycles et notamment des casques de motos.
La société Ber Racing Italy est une société de droit italien qui distribue des matériels et des équipements pour motos.
Les deux sociétés entretiennent des relations commerciales depuis 1997.
Ces relations se sont matérialisées le 21 décembre 2004 par la conclusion d'un contrat de distribution exclusive sur l'Italie des produits de la gamme moto et deux roues motorisées d'une durée de trois ans.
Le 16 mars 2007, les parties ont signé un nouveau contrat de distribution exclusive d'une durée de trois ans renouvelables à son terme automatiquement pour une durée de douze mois sauf dénonciation au moins six mois avant l'échéance.
Par lettre du 20 mai 2009, la société Shark a attiré l'attention de la société Ber Racing Italy sur une dégradation importante des ventes réalisées en Italie depuis plusieurs mois, sur l'absence de réalisation des objectifs fixés pour les saisons 2007, 2008 et 2009 et sur son intention de cesser les relations à la fin du mois de juin 2009 si les chiffres des ventes ne s'amélioraient pas.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 juillet 2009, la société Shark a informé la société Ber Racing Italy que le contrat ne serait pas renouvelé à sa date d'échéance le 16 mars 2010.
Par lettres du 10 mars 2010 et du 6 mai 2010, la société Ber Racing Italy a, par l'intermédiaire de son conseil, invoqué auprès de son cocontractant diverses inexécutions contractuelles (marchandise défectueuse, retard de livraisons) et s'est déclarée disposée à trouver une solution amiable avant d'engager une procédure judiciaire.
Par exploit du 24 octobre 2012, la société Ber Racing Italy a assigné la société Shark devant le tribunal de commerce de Marseille en vue d'être indemnisée de divers préjudices tant au titre de l'exécution du contrat que d'une rupture brutale des relations commerciales établies.
Par décision du 22 novembre 2012, l'assemblée générale extraordinaire des associés a décidé la dissolution amiable anticipée de la société Ber Racing Italy et a désigné Me X en qualité de liquidateur amiable.
Le 15 mai 2013, la société Ber Racing Italy a déposé une demande d'admission à la procédure de concordat préventif.
Par jugement du 18 février 2014, le tribunal de Modène a ouvert une procédure de concordat préventif à l'égard de la société Ber Racing Italy.
Par jugement du 24 juillet 2014, le tribunal de Modène a homologué le concordat préventif proposé par la société Ber Racing Italy et désigné Me X en qualité de liquidateur judiciaire afin qu'il procède à la liquidation des biens selon les termes présentés dans le plan concordataire.
Par jugement du 23 octobre 2014, le tribunal de commerce de Marseille a :
- reçu Me X ès qualités, en son intervention volontaire,
- dit recevable l'action de la société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités ;
- débouté la société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamné la société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités à payer à la société Shark la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités, aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance ;
- rejeté toutes autres demandes.
Vu l'appel interjeté le 20 août 2015 par Me X ès qualités à l'encontre de cette décision devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Vu l'ordonnance du 5 juillet 2016 du conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a déclaré l'appel irrecevable ;
Vu le nouvel appel interjeté le 31 janvier 2017 par Me X ès qualités à l'encontre de cette décision devant la cour d'appel de Paris ;
Vu l'ordonnance sur incident du 21 juin 2018 par laquelle le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a :
- déclaré régulier et recevable l'appel interjeté le 31 janvier 2017 par Me X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ber Racing Italy ;
- débouté la société Shark de ses autres demandes ;
- condamné la société Shark aux dépens, ainsi qu'à payer à Me X, ès qualités, la somme de 1 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions de la société Ber Racing Italy représentée par son liquidateur judiciaire, Me X, notifiées le 22 décembre 2017 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles 1134, 1135 et 1147, 1603 et 1604 anciens du Code civil,
Vu l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 23 octobre 2014 en ce qu'il a jugé l'action de la société Ber Racing Italy dûment représentée par son liquidateur Me X ès qualités, recevable,
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Et, statuant à nouveau,
- dire et juger que la société Shark a commis des manquements graves à ses obligations au titre du contrat de distribution du 16 mars 2007,
- dire et juger que la société Shark a rompu les relations contractuelles les unissant et caractérisant des relations commerciales établies, de manière brutale, en violation des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, et que le préavis raisonnable aurait dû être de 36 mois,
- condamner la société Shark à lui payer la somme de 3 605 985 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait des manquements contractuels commis par la société Shark au cours de l'exécution du contrat de distribution conclu le 16 mars 2007,
- condamner la société Shark à lui payer la somme de 4 399 669,44 euros, correspondant d'une part à la valeur d'achat du stock de produits de marque Shark pour 1 247 639,44 euros et, d'autre part, à la perte de marge subie sur une période de 27 mois, et ce à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations contractuelles par la société Shark,
En tout état de cause,
- débouter la société Shark de son appel incident et, plus généralement, de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,
- condamner la société Shark à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur la recevabilité, Me X ès qualités invoque les dispositions de l'article 4 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 qui prévoient que la loi de l'Etat membre dans lequel est ouverte une procédure d'insolvabilité détermine les biens qui font l'objet du dessaisissement du débiteur. Or il prétend que la loi italienne prévoit que le débiteur n'est pas dessaisi de ses biens et droits pendant la procédure de concordat préventif. Dans ces conditions, il est estime que l'article 15 du même règlement n'est pas applicable. Il ajoute qu'une fois la procédure de liquidation judiciaire de la société Ber Racing Italy prononcée, il est intervenu volontairement à l'instance ès qualités de sorte que la procédure devant le tribunal de commerce de Marseille s'est valablement poursuivie. En tout état de cause, il prétend que son intervention volontaire a eu pour effet de régulariser la procédure en application de l'article L. 641-9 du Code de commerce alinéa 1er et des dispositions de l'article 126 du Code de procédure civile.
Sur le fond, il critique le jugement entrepris pour avoir écarté les éléments de preuve apportés concernant les inexécutions contractuelles alléguées au seul motif qu'ils auraient été " établis après la date de rupture du contrat " alors même que les témoignages versés aux débats concernaient des difficultés existant avant ladite rupture.
Il affirme apporter d'autres éléments de preuve pour établir les fautes reprochées à la société Shark. A l'encontre de cette dernière, il se prévaut de retards constants dans la livraison des produits ainsi que d'une multiplication des défauts des produits livrés, ce qui aurait eu pour effet de détourner les revendeurs de la marque Shark et d'entacher la réputation de la société Ber Racing Italy. Il fait encore grief à la société Shark d'avoir refusé de garantir les casques vendus par la société Ber Racing en violation de l'article 9 du contrat de distribution. Il invoque également un manquement de la société Shark à son obligation de bonne foi contractuelle. A cet égard, il prétend que la société Shark a employé des manœuvres déloyales pour s'emparer du réseau de distribution constitué par la société Ber Racing Italy et a fixé à cette dernière des objectifs impossibles à atteindre.
Me X ès qualités revendique à titre de réparation, la prise en charge des surcoûts de réparation que la société Ber Racing Italy a exposés, une indemnisation au titre de la perte de clientèle ainsi que d'une perte de marge et la réparation d'un préjudice d'image.
Sur la rupture brutale des relations commerciales, il soutient que le préavis observé de huit mois était insuffisant eu égard à l'ancienneté des relations (13 ans) ainsi qu'aux circonstances particulières de la cause telles que l'investissement réalisé par la société Ber Racing Italy pour lancer la marque Shark en Italie puis pour maintenir le réseau des revendeurs, l'exclusivité de la distribution et l'importance des relations entretenues, la société Shark étant le deuxième fournisseur de la société Ber Racing Italy. Il ajoute que la société Shark aurait laissé croire à la société Ber Racing Italy qu'un nouveau contrat serait conclu et aurait exigé de celle-ci qu'elle rachète 7000 casques supplémentaires au mois de novembre 2009. Dans ces conditions, il considère qu'un préavis de 3 ans aurait dû être observé et réclame une indemnisation au titre de la perte de marge résultant de l'insuffisance du préavis, soit une somme de 3 152 000 euros sur la base d'un taux de marge de 50,1 % réalisé avec la marque Arai.
Me X ès qualités revendique encore une somme de 1 247 639,44 euros au titre du stock important de produits invendus résultant à la fois des commandes annulées par les revendeurs en raison de la défectuosité des marchandises livrées et de la commande de 7000 casques supplémentaires imposée par la société Shark en vue de la poursuite des relations.
Vu les dernières conclusions notifiées le 23 août 2017 par la société Shark, par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal,
Vu l'article 15 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000,
Vu l'article L. 641-9 du Code de commerce,
- la recevoir en son appel incident et le dire bien fondé,
- constater que l'instance diligentée le 24 octobre 2012 par la société Ber Racing Italy a été interrompue deux fois sans jamais être reprise par le nouveau représentant légal de ladite société Ber Racing Italy,
- constater en particulier que l'instance a été interrompue à l'encontre de la société Ber Racing Italy par l'ouverture d'une procédure " concordat préventif " au sens du droit italien.
En conséquence,
- rejeter comme irrecevables les demandes formées par la société Ber Racing Italy,
A titre subsidiaire, sur le fond,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille,
Vu les articles 1193, 1231-1, et 1231-2 du Code civil, ainsi que l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce,
- constater que la société Ber Racing Italy ne démontre aucunement la commission de manquements à ses obligations contractuelles pendant le cours d'exécution du contrat de distribution,
- constater au surplus que la société Ber Racing Italy ne démontre aucunement le préjudice qu'elle aurait prétendument subi en conséquence directe des soi-disant manquements contractuels,
- débouter en conséquence la société Ber Racing Italy de sa demande en réparation du préjudice prétendument subi au titre des manquements en cours d'exécution du contrat,
- constater que le contrat a pris fin dans les conditions qui avaient été prévues par les parties,
- constater que le préavis de 8 mois accordé à la société Ber Racing Italy était un préavis conforme aux exigences légales compte tenu de la durée des relations commerciales établies,
En conséquence,
- débouter la société Ber Racing Italy de sa demande en indemnisation du préjudice prétendument consécutif à la rupture abusive,
A titre encore plus subsidiaire,
- constater que le préjudice allégué n'est aucunement démontré,
- débouter de plus fort la société Ber Racing Italy de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Me X ès qualités à lui payer une indemnité de 25 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Me X ès qualités au paiement des entiers dépens de l'instance distraits au profit de Me Y sur ses offres de droit conformément aux dispositions de l'article 696, 699 du Code de procédure civile.
La société Shark soulève tout d'abord l'irrecevabilité des demandes adverses. Elle prétend en effet que l'instance devant le tribunal de commerce de Marseille a une première fois été interrompue le 22 novembre 2012, date de la liquidation amiable de la société Ber Racing Italy, et que la procédure ne s'est pas valablement poursuivie en raison de l'absence d'intervention volontaire du liquidateur amiable. Elle ajoute que l'instance a une nouvelle fois été interrompue le 18 février 2014, date d'ouverture de la procédure de concordat préventif, et que la procédure ne s'est pas valablement poursuivie en raison de l'absence d'intervention volontaire du commissaire à l'exécution du concordat. Elle prétend que l'intervention postérieure au 24 juillet 2014 du liquidateur judiciaire n'a pu avoir pour effet de régulariser la procédure.
Sur le fond, la société Shark conteste les manquements contractuels qui lui sont reprochés. Elle fait valoir qu'à aucun moment pendant la durée de l'exécution du contrat, soit de 1997 à 2010, la société Ber Racing Italy ne s'est plainte d'une mauvaise exécution du contrat. Elle affirme que les éléments produits par l'appelante ne sont pas probants. Elle relève l'incohérence de la position de la société Ber Racing Italy qui se plaint à la fois d'une mauvaise exécution du contrat et du préjudice important résultant de la rupture du même contrat.
Elle dénie par ailleurs toute mauvaise foi dans l'exécution du contrat. Elle précise que les objectifs fixés dans le contrat de distribution n'étaient nullement impossibles à atteindre. Elle ajoute qu'au demeurant, l'inexécution de ces objectifs n'a pas été retenue pour rompre le contrat sans préavis comme cela était stipulé. Elle prétend encore qu'aucun détournement du réseau de la société Ber Racing Italy ne peut lui être reproché et qu'elle avait parfaitement le droit de distribuer elle-même ses produits en Italie après la rupture du contrat de distribution. Elle dément avoir laissé croire à la société Ber Racing Italy que les relations seraient poursuivies malgré l'annonce de la rupture et que seule une poursuite des relations jusqu'à la fin de la saison 2010 a été envisagée sous réserve d'une commande minimale qui n'a pas eu lieu de sorte que les relations ont pris fin à la date d'échéance du contrat.
La société Shark estime qu'aucune rupture brutale ne peut lui être reprochée. Elle fait valoir que le contrat était conclu pour une durée déterminée et devait prendre fin le 16 mars 2010 et qu'il a pris fin à cette date-là. Elle ajoute que le délai de préavis prévu dans le contrat a été amplement respecté puisque ce dernier a été de 8 mois et non de 6 mois comme stipulé. Elle estime en outre que cette durée était suffisante pour une relation commerciale de 12 ans. Elle prétend que la société Ber Racing Italy ne peut demander en tout état de cause que l'indemnisation d'une perte de marge sur coûts variables. Enfin elle considère que la demande de rachat du stock n'est pas fondée dans la mesure où il appartenait à la société Ber Racing Italy de le vendre avant la rupture et au plus tard durant le délai de préavis de 8 mois. Elle ajoute qu'aucun élément de preuve n'est apporté pour justifier de la teneur et de la valeur dudit stock.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2019.
MOTIFS :
Sur la recevabilité des demandes de la société Ber Racing Italy
Aux termes des considérants 2, 3 et 8 du règlement CE n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, ce règlement s'applique aux procédures d'insolvabilité transfrontalières ou ayant des effets transfrontaliers.
En l'espèce, le caractère transfrontalier de la procédure d'insolvabilité ouverte en Italie à l'égard de la société Ber Racing Italy résulte des effets de cette procédure sur l'instance judiciaire en cours diligentée en France à l'encontre de la société Shark.
Selon l'article 15 du règlement susvisé, les effets de la procédure d'insolvabilité sur une instance en cours concernant un bien ou un droit dont le débiteur est dessaisi sont régis exclusivement par la loi de l'Etat membre dans lequel cette instance est en cours.
Par ailleurs, en vertu de l'article 4 du même règlement, sauf disposition contraire, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte.
En l'espèce, il apparaît qu'au moment de l'introduction de l'instance devant le tribunal de commerce de Marseille, le 24 octobre 2012, la société Ber Racing Italy ne faisait l'objet d'aucune procédure d'insolvabilité.
Il résulte des pièces 25, 26 et 27 versées aux débats par la société Ber Racing Italy que par décision du 22 novembre 2012, l'assemblée générale extraordinaire des associés a décidé la dissolution amiable anticipée de la société Ber Racing Italy et a désigné Me X en qualité de liquidateur amiable, que le 15 mai 2013, la société Ber Racing Italy a déposé une demande d'admission à la procédure de concordat préventif et que par jugement du 18 février 2014, le tribunal de Modène a ouvert une procédure de concordat préventif à l'égard de la société Ber Racing Italy.
Ainsi qu'il ressort de l'attestation de Me Cesare Casarini, avocat au barreau de Modène, la société Ber Racing Italy a conservé l'administration de ses biens et la direction de l'entreprise pendant la procédure de concordat sous la surveillance du juge commissaire conformément au droit italien (l'article 167 R.D n. 267/1942).
La société Ber Racing Italy, qui n'était alors par dessaisie de ses biens et droits, a donc valablement poursuivi l'instance en cours devant le tribunal de commerce de Marseille jusqu'au 24 juillet 2014, date à laquelle le tribunal de Modène a homologué le concordat préventif proposé par la société Ber Racing Italy Italy et désigné Me X en qualité de liquidateur judiciaire afin qu'il procède à la liquidation des biens selon les termes présentés dans le plan concordataire.
C'est dans ces conditions que Me X est intervenu à l'instance devant le tribunal de commerce de Marseille en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ber Racing Italy par conclusions du 10 septembre 2014.
En conséquence, l'instance introduite par la société Ber Racing Italy devant le tribunal de commerce de Marseille a été valablement poursuivie tout au long de la procédure et aucune irrecevabilité ne saurait être encourue. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur l'exécution du contrat de distribution
Sur les retards de livraisons et la défectuosité de la marchandise
Pour établir les inexécutions contractuelles qu'elle allègue, la société Ber Racing Italy se contente de produire des éléments peu précis qui ne sauraient être retenus à titre de preuve.
Ainsi les attestations de revendeurs en Italie ne peuvent être retenues dès lors qu'elles ne sont aucunement circonstanciées et prennent la forme d'un questionnaire comprenant cinq questions auxquelles il est répondu pour oui ou non. Les quelques échanges de courriels entre la société Ber Racing Italy et la société Shark versés aux débats n'apparaissent pas davantage caractériser les manquements allégués puisque ne sont pas produits l'intégralité des échanges auxquels ils ont donné lieu et qu'ils font état de difficultés ponctuelles qui n'excèdent pas les difficultés courantes d'une relation commerciale. Par ailleurs, les résultats des contrôles qualité produits aux débats font apparaître des chiffres de défectuosité anormalement élevés (44 à 61 %) qui sont peu crédibles au regard des résultats des contrôles qualité opérés par la société Shark pour des produits destinés à d'autres pays mais issus du même processus de production (2 à 3 %). Le compte-rendu de réunion du 3 juillet 2007, qui n'est pas signé par la société Shark, ne fait que reprendre les propos d'un dirigeant de la société Ber Racing Italy et ne peut donc servir de preuve des manquements allégués. Les avis de consommateurs sur des sites internet ne sauraient davantage établir les défectuosités reprochées. Enfin l'étude parue dans le magazine Omnimoto en 2009 concernant un seul modèle de casque a été démentie par des essais d'encaissement d'impact organisés conjointement par la société Shark et la société Ber Racing Italy. Le fait que la société Shark ait réalisé un audit sur le marché italien ne permet pas d'accréditer la thèse de la société Ber Racing Italy imputant les difficultés rencontrées à la défectuosité des produits ou à des retards de livraison. Par ailleurs, aucun élément ne permet d'imputer les annulations de commandes versées aux débats à des défectuosités ou à des retards de livraison. Enfin le rapport du cabinet Baker se contente de reprendre sans analyse critique les données et informations fournies par la société Ber Racing Italy et sans que la société Shark n'ait pu les discuter.
En conséquence, aucun manquement contractuel n'est caractérisé quant à la marchandise ou au respect de délais de livraison.
Sur la violation de l'obligation de garantie du fabricant
L'article 9 du contrat de distribution prévoit que : " la société (Shark) garantit ses produits contre tout vice de fabrication pour une période légale de deux ans.
Le distributeur devra effectuer toutes les réparations réalisables dans ses locaux et à ses frais avec remplacement gratuit des pièces nécessaires qui elles seront prises en charge par la société. Cette prestation fait partie des obligations du distributeur et sont une des contreparties de l'exclusivité de distribution.
En cas de défaut sériel des produits, si le distributeur est requis d'agir pour le compte de la société, et si les coûts de réparation sont supportés par le distributeur, la société prendra en charge les montants agréés correspondants aux opérations demandées.
Le distributeur est autorisé à remplacer immédiatement les casques non réparables et obtiendra un avoir correspondant à la valeur des produits considérés s'il est confirmé qu'ils étaient non réparables.
Dans le cas où les produits s'avéreraient réparables chez le distributeur, la société restituerait au distributeur le(s) produit(s) remis en état et n'accepterait pas la prise en charge des frais de transport. (..) "
Il ressort de ces dispositions qu'il appartenait au distributeur, la société Ber Racing Italy, de prendre en charge les réparations ou le remplacement de casques défectueux au titre de la garantie du fabricant. Aucune faute ne saurait donc être reprochée sur ce point à la société Shark.
En outre, les deux courriels et la lettre versés aux débats par la société Ber Racing Italy à l'appui de ses dires relatent des difficultés relatives à une assistance plutôt qu'à une garantie et apparaissent peu circonstanciés. Dans ces conditions, ces éléments ne permettent pas d'imputer une quelconque faute contractuelle à la société Shark.
Sur la violation de l'obligation de bonne foi contractuelle
Ainsi qu'il a été dit ci-avant, les attestations non circonstanciées des revendeurs de la société Ber Racing Italy ne sauraient permettre de rapporter la preuve d'inexécutions contractuelles de la part de la société Shark et notamment de manœuvres déloyales pour s'emparer du réseau de distribution constitué par la société Ber Racing Italy. Le fait que la société Shark, postérieurement à la rupture du contrat de distribution, ait souhaité distribuer directement ses produits sur le territoire italien et ait demandé à M. Z, qui avait été dépêché avant ladite rupture auprès de la société Ber Racing Italy pour réaliser un audit sur le marché italien, de servir de relais sur le territoire italien ne saurait établir le détournement du réseau de distribution allégué.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Ber Racing Italy, il n'est pas démontré que les objectifs fixés par le contrat de distribution étaient impossibles à atteindre. En outre, il sera relevé que la société Shark n'a pas appliqué la clause contractuelle prévoyant une faculté de résiliation unilatérale et sans préavis en cas de non-réalisation des objectifs fixés. En conséquence, aucune mauvaise foi ne peut être reprochée à l'intimée sur ce point.
Sur les demandes de dommages et intérêts contractuels
En l'absence de manquement contractuel caractérisé à l'encontre de la société Shark, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités de ses demandes de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Sur la rupture des relations commerciales
L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Force est de préciser par ailleurs que le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.
En l'espèce, l'existence d'une relation commerciale établie entre la société Shark et la société Ber Racing Italy depuis 1997 n'est pas discutée, soit depuis douze ans au moment de la notification du non-renouvellement du contrat par lettre du 17 juillet 2009.
Le délai de préavis suffisant doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.
En l'espèce, le délai de huit mois observé apparaît suffisant au regard de l'ancienneté des relations, de la diminution du chiffre d'affaires réalisé entre les deux sociétés (2 521 000 euros en 2007, 2 342 000 euros en 2008 et 1 606 000 euros en 2009), du fait que la société Ber Racing Italy avait d'autres fournisseurs et que la société Shark représentait une part minoritaire dans son chiffre d'affaires (20,65% en 2007, 20 % en 2008 et 17,59 % en 2008), de l'absence de spécificité des produits et du marché ainsi que de l'absence de dépendance économique.
Il sera en outre relevé que contrairement à ce que prétend la société Ber Racing Italy, la société Shark n'a nullement laissé espérer la conclusion d'un nouveau contrat ainsi qu'en attestent les échanges de courriels du mois de novembre 2009 versés aux débats (pièce n° 9 de l'appelant).
Dans ces conditions, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a a débouté la société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités de sa demande de dommages et intérêts résultant d'une perte de marge du fait de l'insuffisance du préavis observé.
En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts au titre du stock, il sera relevé que le contrat de distribution ne prévoyait aucune reprise du stock et qu'il appartenait à la société Ber Racing Italy d'optimiser la gestion de ses stocks au fur et à mesure de l'exécution du contrat de distribution puis à l'annonce du non-renouvellement du contrat par la société Shark. Aucune faute ne peut être reprochée sur ce point à la société Shark.
Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a a débouté la société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités de sa demande de dommages et intérêts au titre du stock non écoulé de produits Shark.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités succombe à l'instance d'appel. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à supporter les dépens de première instance et à régler une somme 8.000 euros à la société Shark au titre des frais irrépétibles. Elle supportera également les entiers dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par Me Y dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile. Elle sera condamnée à régler une somme 3.000 euros à la société Shark sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Sa demande sur ce fondement sera écartée.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, confirme le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 23 octobre 2014 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, condamne la société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités à régler à la société Shark une somme 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La déboute de la demande présentée sur ce même fondement ; condamne la société Ber Racing Italy représentée par Me X ès qualités aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par Me Y dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.