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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 novembre 2019, n° 18-06797

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Carrosserie de Labège (SARL)

Défendeur :

Macif (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président

Conseillers :

Mme Bodard Hermant, M. Gilles

Avocats :

Mes Bernabe, Ribaut, Gherasimescu

T. com. Bordeaux, du 19 févr. 2018

19 février 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement rendu le 19 février 2018 par le tribunal de commerce de Bordeaux qui a :

- débouté la société Carrosserie de Labège de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Carrosserie de Labège aux dépens et à payer la somme de 2 000 euros à la Macif au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel relevé par la société Carrosserie de Labège et ses dernières conclusions notifiées le 9 septembre 2019 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134 anciens et suivants du Code civil ainsi que des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- dire que compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale établie avec la Macif, elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 24 mois et que la Macif a rompu brutalement cette relation,

- en conséquence, condamner la Macif à lui payer la somme de 253 560 euros (242 000 + 11 560), à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice financier subi du fait de cette rupture brutale,

- la condamner en outre à lui payer la somme de 15 000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'atteinte à son image et à sa réputation,

- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer qu'elle a bénéficié d'un préavis de 3 mois, condamner la Macif à lui payer la somme de 221 865 euros, à titre de dommages-intérêts, correspondant aux 21 mois de préavis restant dus,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait considérer qu'elle a bénéficié d'un préavis de 15 mois, condamner la Macif à lui payer la somme de 95 085 euros, à titre de dommages-intérêts, correspondant aux 9 mois de préavis restant dus,

- en tout état de cause, condamner la Macif aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2018 par la Macif qui demande à la cour, au visa de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce, de :

- à titre principal, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Carrosserie de Labège de l'intégralité de ses demandes et, en conséquence, confirmer la décision en ce qu'elle a :

* jugé que le préavis de 12 mois octroyé par courrier du 23 février 2015 était suffisant,

* jugé que Carrosserie de Labège avait bénéficié d'un préavis global de 15 mois,

* retenu que Carrosserie de Labège n'apportait pas la preuve d'un comportement vexatoire de sa part,

* condamné Carrosserie de Labège à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait le caractère insuffisant de la durée du préavis, débouter Carrosserie de Labège de sa demande d'indemnisation faute d'en démontrer le principe et le quantum,

- en tout état de cause, ajoutant au jugement :

* condamner la société Carrosserie de Labège à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

SUR CE LA COUR

Il ressort des pièces versées aux débats les éléments ci-après.

Le 8 février 2002, la Macif, société d'assurance mutuelle, a conclu une convention d'agrément Tôlerie avec la société Carrosserie de Labège, qui a pour activité l'entretien et la réparation de véhicules automobiles légers ; cet agrément accordé pour une durée indéterminée permettait aux sociétaires de la Macif de ne pas faire l'avance des frais de réparation.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 23 février 2015, la Macif a notifié à la société Carrosserie de Labège la résiliation du contrat à l'issue d'un préavis de 12 mois.

Puis, le 11 janvier 2016, la Macif a envoyé à la société Carrosserie de Labège un courriel lui précisant, notamment :

" Comme annoncé début novembre 2015, les groupes Macif et Matmut ont choisi de renforcer leur collaboration dans le domaine de la réparation automobile au sein de Sferen Réparation et vont constituer à cet effet un réseau commun de réparateurs agréés. Votre établissement a été retenu pour intégrer ce réseau. De ce fait, vous trouverez ci-jointe la nouvelle convention d'agrément Sferen Réparation ainsi que son annexe tarifaire pour 2016... L'interlocuteur unique en charge de l'animation et des négociations de votre établissement pour le compte de Sferen Réparation à qui vous devez renvoyer votre convention est Mme X <adresse> "

Le 10 février 2016, la société Carrosserie de Labège a signé avec la société Sferen réparation une convention individuelle d'agrément d'une entreprise de réparation automobile, à effet au 15 février 2016 et pour une durée indéterminée, chaque partie pouvant la dénoncer à tout moment sans indemnité moyennant un préavis de 3 mois ; la Macif a adressé à la société Carrosserie de Labège une note relative aux bris de glace le 17 février 2016 et une confirmation des nouvelles conditions financières pour 2016 le 25 février 2016.

Mais suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mars 2016, la Macif a indiqué à la société Carrosserie de Labège :

" L'envoi de la convention Sferen est une erreur de notre part car nous avions au préalable signifié la fin du partenariat après un préavis en cours (radiation prévue au 22/02/2016). La signature de la convention remet en cours le partenariat. Nous mettrons fin à ce dernier dans un délai de 3 mois. En conséquence, notre collaboration cessera définitivement au 30 juin 2016 ".

La société Carrosserie de Labège, par lettre de son conseil du 8 août 2016, s'est plainte d'une dénonciation abusive de la convention d'agrément et du préjudice en résultant ; la Macif lui a répondu le 5 octobre 2016 que la première relation avec elle comme la seconde avec Sferen réparation avaient donné lieu à des résiliations conformes aux engagements contractuels propres à chacune de ces relations.

C'est en cet état que le 11 avril 2017, la société Carrosserie de Labège a saisi le tribunal de commerce de Bordeaux d'une demande d'indemnisation par la Macif pour rupture brutale des relations commerciales établies ; elle a été déboutée de toutes ses demandes par le jugement déféré.

La société Carrosserie de Labège, appelante, soutient en premier lieu :

- qu'en raison de l'ancienneté et de l'importance des relations avec la Macif - qui représentaient 30 % de son chiffre d'affaires - un préavis de 2 ans aurait dû lui être accordé,

- que la Macif a renoncé à la dénonciation de la convention d'agrément qui devait prendre effet au 23 février 2016 en régularisant une nouvelle convention Sferen réparation et en affirmant, par lettre du 21 mars 2016, que " la signature de la nouvelle convention remet en cours le partenariat ",

- qu'elle a continué à bénéficier du même numéro d'agrément Macif, soit 4926818, étant souligné que si le premier contrat avait été effectivement résilié ce numéro aurait nécessairement été changé,

- qu'il est indiscutable que la convention originelle a été remise en cours et qu'un nouveau préavis de 2 ans aurait dû lui être accordé.

En deuxième lieu, l'appelante prétend :

- que la dénonciation de la convention Sferen par lettre de la Macif du 21 mars 2016 est dépourvue de toute validité, faute d'avoir été faite par le représentant de la société Sferen réparation qui a signé la convention, la Macif n'étant que l'une de ses associées avec la Matmut,

- que la Macif ne justifie d'aucun mandat pour agir au nom et pour le compte de la société Sferen réparation en vue de dénoncer la convention du 10 février 2016,

- que de plus le préavis de 3 mois n'a pas été respecté, la Macif ayant annoncé à quatre de ses sociétaires, par lettres du 21 mars 2016, que la société Carrosserie de Labège n'était plus agréée, à charge par eux d'avancer les frais de réparation de leurs véhicules,

- que le manque de loyauté de la Macif est avéré au regard de la dénonciation de la seconde convention effectuée de façon irrégulière,

- que du fait du caractère inopérant des deux dénonciations intervenues, elle doit être indemnisée du préjudice résultant de l'irrégularité des ruptures survenues.

En troisième lieu, l'appelante calcule son préjudice sur la base de son chiffre d'affaires moyen pendant les 4 dernières années des relations, soit 170 453 euros par an, et un taux moyen de marge brute de 71 %, ce qui aboutit à une perte de marge brute moyenne de 121 010 euros par an et de 242 000 euros pour 2 ans ; elle demande en outre la somme de 25 560 euros correspondant aux frais exposés pour le licenciement de la personne qui était affectée à temps complet à l'activité perdue ; elle invoque encore l'atteinte portée à son image et à sa réputation pour demander la somme de 15 000 euros, à titre de dommages-intérêts.

Mais la Macif réplique à juste raison :

- que s'agissant de relations ayant duré 13 ans, le préavis de 12 mois qu'elle a accordé pour rompre la convention d'agrément du 8 février 2008 était suffisant ; en effet, il permettait à la société Carrosserie de Labège de restructurer son activité dans son secteur d'activité,

- que la nouvelle convention du 10 février 2016 a été signée par la société Carrosserie de Labège avec une personne morale distincte, la société Sferen réparation et qu'une relation nouvelle s'est alors nouée toujours dans le cadre d'un partenariat, mais avec la société Sefren réparation,

- que la conclusion de ce nouvel accord n'a pas eu pour effet d'anéantir la résiliation de la convention qui avait lié la société Carrosserie de Labège à la Macif,

- que le préavis de 12 mois a été respecté, les factures des quatre sociétaires auxquels la Macif a indiqué que la société Carrosserie de Labège n'était plus agréée ayant été émises les 24 et 31 mars 2016, soit après expiration du préavis.

Il apparaît que la Macif, associée avec la Matmut au sein de la société Sefren réparation avait été désignée par cette société pour l'animation et les négociations avec la société Carrosserie de Labège, comme expressément mentionné dans le courriel du 11 janvier 2016 ; l'appelante ne peut donc valablement prétendre que la résiliation de la convention du 10 février 2016, notifiée par la Macif, serait irrégulière; à supposer même qu'elle le soit les relations postérieures ne se seraient poursuivies qu'entre la société Carrosserie de Labège et la société Sefren réparation, personne morale distincte de la Macif.

En conséquence, la rupture des relations établies entre la société Carrosserie de Labège et la Macif ne présentant pas un caractère brutal, les demandes de l'appelante, principale comme subsidiaires, fondées sur l'article L. 442-6-1 5° du Code de commerce doivent être rejetées.

L'appelante ne démontre pas un manque de loyauté de la Macif, ni des agissements de celle-ci susceptibles de porter atteinte à son image ou à sa réputation ; sa demande en paiement de la somme de 15 000 euros, à titre de dommages-intérêts, sera rejetée.

La société Carrosserie de Labège, qui succombe, doit supporter les dépens.

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure, il y a lieu d'allouer la somme supplémentaire de 3 000 euros à la Macif et de débouter la société Carrosserie de Labège de sa demande de ce chef.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Carrosserie de Labège à payer la somme de 3 000 euros à la Macif par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Condamne la société Carrosserie de Labège aux dépens d'appel.