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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 novembre 2019, n° 18-03352

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mazda Automobiles France (SAS)

Défendeur :

Montchapet Automobiles (SAS), Est Automobiles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

Avocats :

Mes Lallement, Henry, Regnier, Bourgeon

T. com. Paris, du 24 janv. 2018

24 janvier 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Mazda Automobiles France est l'importateur des véhicules neufs et pièces de rechange de la marque Mazda qu'elle distribue par l'intermédiaire de réseaux de concessionnaires et de réparateurs agréés.

Les SAS Montchapet Automobiles et Est Automobiles sont des concessionnaires automobiles faisant partie d'un même groupe.

Par actes sous seing privé conclus à effet au 1er octobre 2003, les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles ont conclu avec la société Mazda Automobiles France des contrats de concessionnaire agréé à durée indéterminée. Ces sociétés ont également conclu des contrats de réparateur agréé pour la marque Mazda.

La société Montchapet Automobiles exploitait un site à Dijon, la société Est Automobiles un site à Troyes et un autre à Auxerre.

Par lettres recommandées en date du 18 décembre 2014, la société Mazda Automobiles France a informé respectivement les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles de la résiliation des contrats de concessionnaire agréé avec un préavis de deux ans.

Les contrats de réparateur agréé ont été résiliés de manière concomitante.

En cours de préavis, le 29 juillet 2015, la société Montchapet Automobiles a cédé son activité de concessionnaire à un tiers.

Par acte extrajudiciaire du 24 février 2017, les sociétés Monchapet Automobiles et Est Automobiles ont assigné la société Mazda Automobiles devant le tribunal de commerce de Paris, en lui reprochant ses décisions relatives à l'attribution de bonus de remises au titre des années 2015 et 2016, ainsi que les conséquences préjudiciables de la résiliation des contrats sur la vente des fonds de commerce.

Par jugement du 24 janvier 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné Mazda Automobile, au titre de bonus de remises de 2 % et 3 % pour l'année 2015, à payer à SAS Est Automobiles la somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts et a débouté la société Montchapet Automobiles et Est Automobiles du surplus de leur demande,

- condamné Mazda Automobile, au titre de l'année 2016, à payer à SAS Est Automobiles la somme de 44 811,44 euros au titre de dommages et intérêts et a débouté Montchapet Automobiles et Est Automobiles du surplus de leur demande,

- débouté Montchapet Automobiles et Est Automobiles de leur demande de condamner Mazda Automobile à payer à SAS Est Automobiles la somme de 116 000 euros et celle de 18 690 euros à titre de dommages et intérêts pour exercice fautif de son droit de résilier les contrats de concessionnaire agréé,

- condamné Mazda Automobile à payer à Montchapet Automobiles et Est Automobiles la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et a débouté pour le surplus de la demande,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision, et débouté Mazda Automobile de sa demande que l'exécution provisoire soit assortie d'une caution bancaire.

- condamné Mazda Automobile aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100,59 euros dont 16,55 euros de TVA.

Par dernières conclusions du 16 septembre 2019, la société Mazda Automobiles France, appelante, demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et suivants (anciens) du Code civil et L. 441-7 (ancien) et L. 442-6 (ancien) du Code de commerce,

- infirmer le jugement du 24 janvier 2018 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

* condamné la société Mazda Automobiles France, au titre du bonus de remises 2 % et 3 % pour l'année 2015, à payer à la société Est Automobiles la somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* condamné la société Mazda Automobiles France, au titre de l'année 2016, à payer à la société Est Automobiles la somme de 44 811,44 euros à titre de dommages et intérêts,

* condamné la société Mazda Automobiles France à payer aux sociétés Est Automobiles et Montchapet Automobiles la somme de 7 500 euros au titre l'article 700 du Code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire et débouté la société Mazda Automobiles France de sa demande tendant à ce que l'exécution provisoire soit assortie d'une caution bancaire,

* condamné la société Mazda Automobiles France aux dépens,

- confirmer le jugement du 24 janvier 2018 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté les sociétés Est Automobiles et Montchapet Automobiles de leurs autres demandes et notamment de leurs demandes de dommages et intérêts au titre de la résiliation de leurs contrats de concessionnaire agréé et réparateur agréé,

En conséquence,

- dire que la société Mazda Automobiles France n'a commis aucune faute, débouter les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles de leurs demandes et de leur appel incident et la restitution des sommes versées par la société Mazda Automobiles France à ces dernières,

- subsidiairement, dire que les préjudices dont les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles demandent réparation ne sont justifiés ni dans leur principe, ni dans leur montant,

- condamner solidairement les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles à verser à la société Mazda Automobiles France la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement les sociétés les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles en tous les dépens,

Par dernières conclusions du 11 septembre 2019, les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles demandent à la cour de :

- dire la société Mazda Automobiles France mal fondée en son appel principal,

- dire les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles recevables et fondées en leur appel incident,

Vu les articles 1104 (anciennement 1134 alinéa 3) du Code civil, L. 441-7 et L. 442- 6-I-2°) (anciens) du Code de commerce,

- dire que la société Mazda Automobiles France a privé indûment la société Est Automobiles des remises variables dont elle aurait dû bénéficier au titre des véhicules neufs qu'elle a vendus en 2015/2016,

- condamner la société Mazda Automobiles France à payer à la société Est Automobiles à titre de dommages et intérêts :

* pour 2015 :

Au titre de la remise de 2 % : 19 893,29 euros (14 519,45 euros pour le site d'Auxerre ; 5 373,84 euros pour le site de Troyes)

Au titre de la remise de 3 % : 29 839,93 euros (21 779,18 euros pour le site d'Auxerre ; 8 060,75 euros au titre du site de Troyes)

* pour 2016 :

70 489,82 euros (pour le site d'Auxerre : 60 124,23 euros, pour le site de Troyes : 10 365,59 euros)

- dire que la société Mazda Automobiles France a fait un exercice déloyal de son droit de résilier les contrats de concessionnaire agréé et réparateur agréé qui la liaient aux sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles

- condamner la société Mazda Automobiles France à payer à titre de dommages et intérêts : à la société Montchapet Automobiles la somme de 31 000 euros ; à la société Est Automobiles, les sommes de 116 000 euros et 18 690 euros

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Mazda Automobiles France au paiement de la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; y ajoutant, condamner la société Mazda Automobiles France au paiement d'une somme supplémentaire de 15 000 euros sur ce même fondement.

- condamner la société Mazda Automobiles France en tous les dépens.

SUR CE, LA COUR

Sur l'abus du droit de résilier les contrats de concessionnaire agréé et les contrats de réparateur agréé.

Les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles font grief à la société Mazda Automobiles France d'avoir manqué à son obligation de loyauté en résiliant les contrats de concessionnaire en décembre 2014, alors qu'elle savait que ses co-contractants souhaitaient vendre leur fonds de commerce.

En effet, elles estiment qu'en notifiant de manière soudaine et injustifiée le 18 décembre 2014 aux sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles la résiliation de leurs contrats de concession et de réparateur agréé, la société Mazda Automobiles France a délibérément mis la société Montchapet Automobiles dans une position d'infériorité dans la négociation qu'elle avait engagée avec l'acheteur potentiel de sa branche de fonds de commerce Mazda de Dijon et privé la société Est Automobiles d'une chance de vendre ses branches de fonds de commerce Mazda de Troyes et d'Auxerre.

Elles expliquent qu'il est d'usage en matière de cession de fonds de commerce de concession automobile d'évaluer l'incorporel du fonds de commerce en fonction d'une valeur unitaire par véhicule neuf/objectif, tenant compte de l'image, de la marque et de la structure de la gamme. Or, les éléments incorporels du fonds ont été vendus au prix de 69 000 euros en considérant un nombre de véhicule neufs vendus égal à 106, selon l'objectif commercial fixé par la société Mazda Automobiles France.

Elles estiment que la valeur du fonds de Dijon aurait pu atteindre 1 000 euros par véhicule et en déduisent être fondées à solliciter la somme de 31 000 euros de dommages et intérêts.

La société Est Automobiles soutient, quant à elle, que la résiliation par la société Mazda Automobiles France du contrat de concessionnaire l'a privée d'une chance de vendre son fonds de commerce.

L'objectif de vente fixé par la société Mazda Automobiles France à la société Est Automobiles pour 2015 étant de 116 véhicules neufs, elle estime la valeur des éléments incorporels de la branche de fonds de commerce Mazda à 116 000 euros, et sollicite ce montant à titre de dommages-intérêts.

La société Mazda Automobiles France estime au contraire n'avoir commis aucun abus dans son droit de résilier les contrats dans la mesure où :

- la société Montchapet Automobiles a bien vendu la branche de son fonds de commerce pendant le préavis contractuel ;

- la société Est Automobiles n'a jamais manifesté son souhait de céder son fonds de commerce ou une branche de celui-ci, ni avant la résiliation intervenue le 18 décembre 2014, ni pendant le préavis contractuel.

Elle soutient que le fournisseur n'avait aucune obligation d'assister son distributeur dans sa reconversion et notamment dans sa cession. Elle ajoute que sa liberté de résilier un contrat de distribution ne pouvait être entravée par le fait de permettre au distributeur en cause de céder son fonds de commerce, dès lors que le préavis contractuel était respecté.

Elle précise qu'il existe une distinction entre le fait non fautif de mettre un terme à un contrat lorsque le concessionnaire agréé n'est pas en pourparlers de cession, d'une part et, d'autre part, le fait fautif de mettre fin à un contrat alors que le distributeur est en pourparlers de cession.

Enfin, elle estime que le préjudice allégué n'est pas démontré ; en ce sens, elle conteste la valorisation faite par les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles des fonds de commerce et fait valoir que cette sorte de valeur n'existe pas dans l'absolu.

Elle estime en outre que le fait de ne pas vendre un fonds de commerce ne constitue pas un préjudice indemnisable et que la cessation d'un contrat de distribution ne porte pas atteinte à la valeur d'un fonds de commerce puisqu'il n'en fait pas partie.

La cour rappelle tout d'abord qu'en droit, la société Mazda Automobiles France ne peut voir engager sa responsabilité pour avoir résilié l'un ou l'autre des contrats de concessionnaire en cause, à moins que ne soit caractérisé un abus du droit de résiliation.

A cet égard, il est établi par courriel du 28 août 2014 de M. X, dirigeant de la société Montchapet Automobiles et de la société Est Automobiles, et par courriel de la société Mazda Automobiles France du 15 septembre 2014, que depuis le mois de juillet 2014, M. X, avait informé le fournisseur de la décision d'arrêter la représentation de la marque sur l'ensemble des sites (Dijon, Troyes et Auxerre), la société Mazda Automobiles France ayant ensuite lancé une prospection et trouvé des candidats, en particulier pour Dijon.

Il est également établi que cette annonce avait fait suite à des difficultés de gestion dont M. X a lui-même indiqué qu'elles s'enracinaient dans la situation du site de Troyes et qu'elles remontaient, par capillarité, à l'ensemble du groupe.

Par courriel du 4 novembre 2014, la société Mazda Automobiles France a agréé un candidat à la cession du site de Dijon et, par courriel du 6 novembre 2014, elle a fourni les informations récentes recueilles dans le réseau pour l'évaluation du fonds de commerce, précisant qu'elle ne devait pas interférer dans la négociation en cours. La société Mazda Automobiles France a assuré en particulier que les éléments incorporels du fonds de commerce s'appréciaient généralement à l'époque entre 400 euros et 900 euros par véhicule neuf, avec une moyenne de 650 euros.

Or, la société Montchapet Automobiles expose avoir vendu les éléments incorporels du fonds de commerce au prix de 69 000 euros, en considérant un nombre de véhicules neufs vendus égal à 106, selon l'objectif commercial fixé par la société Mazda Automobiles France.

Il apparaît donc que ce prix correspond presqu'exactement à la moyenne indiquée par la société Mazda Automobiles France (650 x 106 = 68 900), sans que rien ne prouve que la société Montchapet Automobiles ait eu une chance de vendre à un prix supérieur, au cas où la résiliation n'aurait pas été prononcée.

En outre, par courriel du 12 novembre 2014, M. X prévenait qu'il allait formaliser une offre de cession au candidat agréé et expliquait redouter d'être perdant sur la valeur du fonds de commerce, se réservant de proposer l'affaire à un autre investisseur ou de continuer à l'exploiter. Par courriel du 11 décembre 2014, M. X a informé la société Mazda Automobiles France d'une bonne discussion avec le candidat agréé, précisant : " bien sûr il veut négocier le prix du fonds de commerce. Je lui ai fait remarquer que je ne vendais que "ça", aucun personnel, aucun mobilier, pas de reprise de bail ni autre chose...A vous de jouer pour lui donner un coup de main si vous voulez vous débarrasser de moi rapidement... ".

Ainsi que l'a relevé le tribunal, il n'est nullement établi que le candidat agréé ait été informé de la résiliation.

Dans ces conditions la lettre de résiliation du 18 décembre 2014 n'apparaît pas avoir été fautivement précipitée par la société Mazda Automobiles France, qui n'a pas ôté à la société Montchapet Automobiles toute marge de manœuvre pour obtenir un prix raisonnable pour la cession envisagée, et ce au regard de l'absence d'incidence réelle en l'espèce de la résiliation sur la valeur des éléments incorporels du fonds de commerce.

Il n'est nullement établi que la société Mazda Automobiles France a voulu entraver la reconversion de la société Montchapet Automobiles.

Ni l'intention de nuire, ni la légèreté blâmable, ni aucun abus ne caractérise l'attitude de la société Mazda Automobiles France à l'endroit de la société Montchapet Automobiles.

S'agissant de la société Est Automobiles, à qui la société Mazda Automobiles France a notifié, le 18 décembre 2014, la résiliation du contrat de concession à durée indéterminée conclu à effet du 1er octobre 2003, il n'est pas démontré qu'il y ait jamais eu de projet de cession avec un candidat soumis à l'agrément de la société Mazda Automobiles France, ni même seulement identifié par la société Est Automobiles.

L'abus de résiliation allégué n'est nullement caractérisé et, au demeurant, la perte de chance de vendre le fonds de commerce de Troyes et Auxerre n'est en rien démontrée.

Aucun élément ne permet davantage de retenir la responsabilité de la société Mazda Automobiles France s'agissant de la résiliation des contrats de réparateur agréé.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles de leurs demandes au titre de l'abus du droit de résiliation et toute demande à ce titre sera rejetée.

Sur les remises variables

En vertu de l'article L. 441-6 du Code de commerce dans ses rédactions applicables à l'une ou l'autre, soit de l'annexe 8 signée en octobre 2014 par chacune des sociétés concessionnaires, soit de la convention annuelle unique 2016 adressée par la société Mazda Automobiles France à la société Est Automobiles par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2015, la société Mazda Automobiles France était tenue de communiquer ses conditions générales de vente, comprenant, notamment, les conditions de vente, le barème des prix unitaires et les réductions de prix, ceci constituant le socle unique de la négociation commerciale.

Il est constant en l'espèce que les contrats de concessionnaires agréés des sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles ne définissent pas les conditions commerciales de la vente des véhicules par la société Mazda Automobiles France, cette question étant traitée par des conventions annexes signées annuellement.

Ces conventions pour 2015 et 2016 sont rédigées de manière similaire.

Leur préambule, ayant valeur contractuelle, mentionne que :

- il s'agit de contrats-cadres susceptibles le cas échéant de conventions d'application et dont l'objet est de centraliser les conditions commerciales applicables aux conditions d'octroi des bonus qualitatifs et quantitatifs résultant des négociations entre les parties ;

- les conventions d'application préciseront l'objet, les dates, les modalités d'exécution des programmes commerciaux concernés et le cas échéant, lorsque cela est prévu par la loi, les produits auxquels ils se rapportent ;

- l'article L. 441-7 du Code de commerce impose à tout concessionnaire de pouvoir justifier, en cas de contrôle par les autorités compétentes, de toutes les conditions commerciales négociées avec la société Mazda Automobiles France pour l'année en cours ;

- le contrat définit pour l'année civile les remises et bonus qui seront appliqués pour les véhicules neufs Mazda immatriculés ;

- le contrat n'est pas susceptible de reconduction ;

- la société Mazda Automobiles France est autorisée à modifier les conditions d'octroi des remises et bonus sous réserve d'en informer le concessionnaire et en respectant un préavis de trois mois ;

- le contrat constitue un ensemble indivisible et sa signature en fin de document vaut acceptation par les parties de l'ensemble des clauses ;

- le contrat doit être signé par le concessionnaire impérativement avant le 1er décembre précédent le 1er janvier de l'année à laquelle il s'applique, tout défaut ou retard de signature emportant renonciation du concessionnaire au bénéfice des remises et bonus qui y sont décrits ;

- l'ensemble des véhicules neufs Mazda facturés par la société Mazda Automobiles France est concerné par ces remises et bonus, hors cas particuliers exprimés par circulaires, avenants, annexes spécifiques ou politiques commerciales trimestrielles ;

- la société Mazda Automobiles France se réserve le droit de définir, en dehors du champ d'application du contrat, notamment lors de l'introduction sur le marché de modèles remplaçant les modèles existants, de nouvelles conditions d'octroi des remises de base, des remises complémentaires et des bonus et, pour les modèles spécifiques, des conditions dérogatoires d'octroi de ces mêmes remises et bonus,

- le respect des standards Mazda étant une obligation qui s'impose au concessionnaire pendant toute la durée du contrat de concession, les bonus, purement incitatifs, ne peuvent être interprétés comme des dérogations à ces standards, notamment lorsque les conditions de leur octroi ne sont pas remplies.

A la suite de ce préambule, le contrat définit les remises de base, les conditions d'octroi des bonus quantitatifs et qualitatifs et le bonus dits performance volume.

Si la convention pour 2015 a été acceptée et signée sans discussion par les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles, qui font partie du même groupe de distribution d'automobile, la convention dite " convention unique annuelle 2016 " a été proposée par la société Mazda Automobiles France par lettre recommandée du 1er octobre 2015.

Par lettre du 17 décembre 2015, la société Est Automobiles a :

- protesté contre le délai de retour fixé au 1er décembre 2015, motif pris de l'article L. 441-7 du Code de commerce, et revendiqué l'application du délai légal allant jusqu'au 1er mars 2016 ;

- contesté le risque de perdre 5 % de marges variables pour un trimestre pour le simple fait qu'un prérequis n'aurait pas été respecté ;

- affirmé qu'un tel mécanisme constitue un déséquilibre significatif, puisqu'il peut priver le concessionnaire des bonus qualitatifs et du bonus volume même si les conditions pour accéder à ces bonus sont réunies, le distributeur continuant de supporter les charges qui s'y rattachent (rémunération des vendeurs, charges de structure et de fonctionnement correspondant aux moyens mis en œuvre pour la vente des véhicules Mazda) ;

- exposé de manière détaillée que plusieurs prérequis sont en eux-mêmes des facteurs de déséquilibre significatif (participation au système OPT, conformité des stocks à la politique commerciale, transmission d'un rapport de gestion accepté par Mazda à l'échéance indiquée) et demandé la suppression de ces prérequis ;

- exposé que le bonus vendeur dédié est déséquilibré en tant qu'il est subordonné non seulement à la présence d'un vendeur dédié à Mazda, mais aussi à la réalisation de 60 % de l'objectif trimestriel, sans possibilité de rattrapage, et demandé l'insertion d'une clause de rattrapage annuel,

- exposé que le bonus CEMI (bonus de 1 % en fonction d'une note attribuée dans le cadre d'une enquête mesurant la satisfaction des clients finaux du concessionnaire) repose sur une note dépendant de facteurs aléatoires et invérifiables et interrogé la société Mazda Automobiles France sur les dispositions prises pour assurer la fiabilité et la transparence de ce système.

Par lettre recommandée du 21 janvier 2016, la société Mazda Automobiles France a entendu répondre point par point à ces critiques, affirmant en outre que la société Est Automobiles avait démontré sa méconnaissance et son désintérêt pour la marque et indiquant suspecter chez le distributeur une volonté de lui nuire.

Les remises variables qualitatives pour 2015

Les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles font grief à la société Mazda Automobiles France d'avoir privé la société Est Automobiles des bonus qualitatifs de remise de 2 % et d'une partie des bonus quantitatifs de remise de 3 % au titre de l'année 2015.

Elles estiment que ce refus procède d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Elles expliquent en ce sens que l'annexe 8 au contrat de concessionnaire, valant convention unique pour 2015, a été imposée à l'ensemble du réseau sans aucune négociation effective par la société Automobiles France.

Selon elles, c'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que, en raison de la résiliation, le fait de conditionner l'obtention de la remise de 2 % à la réalisation des investissements requis pour la mise en place de la " Nouvelle Identité de Marque " créait un déséquilibre significatif " compte tenu du fait que le bonus n'était pas un bonus exceptionnel supplémentaire, mais s'inscrivait dans la politique de Mazda d'accorder chaque année des bonus qualitatifs de remises d'un montant total de 5 % ".

Elles font également grief à la société Mazda Automobiles France d'avoir subordonné l'octroi d'un bonus de remises à un investissement spécifique dont l'amortissement était devenu impossible par la résiliation du contrat de concessionnaire et considèrent que ces décisions ont créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ce qui engage la responsabilité de Mazda sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce.

Elles estiment par ailleurs, qu'au regard du droit des contrats, la société Mazda Automobiles France a fait preuve de déloyauté à leur égard en exigeant d'elle de réaliser les investissements nécessaires pour se mettre en conformité avec le standard " Nouvelle identité Mazda " 9 mois avant le terme pour lequel elle avait dénoncé les contrats de concessionnaire.

Elles affirment que la société Mazda Automobiles France s'est rendue coupable de discrimination à l'égard de la société Est Automobiles, les remises accordées à l'autre concluante ayant été dans le seul intérêt du fournisseur, qui était de permettre à Dijon le maintien d'un volume de ventes de véhicules neufs Mazda suffisant, afin d'éviter que le nouveau concessionnaire qu'elle avait agréé n'ait à relancer la vente des véhicules neufs de la marque au plan local. Elle estime ainsi que le montant des remises de 2 % dont la société Est Automobiles aurait dû bénéficier au titre de ses sites d'Auxerre et de Troyes en 2015 s'élève à 19 893,29 euros.

Concernant la remise de 3 % " vendeur dédié ", elle soutient que selon l'annexe 8 au contrat de concessionnaire, cette remise était conditionnée :

- d'une part, à différents " prérequis ", dont " la publication d'un rapport de gestion accepté par Mazda sur la base de sa conformité à l'échéance indiquée dans la politique commerciale et au référentiel Mazda concerné ",

- d'autre part, à l'existence d'un " vendeur dédié à la vente de véhicules neufs Mazda ", ce critère n'étant toutefois validé " qu'à condition que le concessionnaire réalise chaque trimestre un nombre d'immatriculations véhicules neufs et véhicules de démonstration " au moins égal à 60 % d'un " objectif trimestriel d'immatriculations initial " unilatéralement fixé par la société MAF

Elles expliquent que :

- le site d'Auxerre de la société Est Automobiles n'a perçu cette remise de 3 % qu'au titre du deuxième trimestre 2015 et se l'est vu refuser : au titre du premier trimestre 2015 pour non-réalisation de l'objectif trimestriel initial fixé par la société a Automobiles France et au titre des troisième et quatrième trimestres 2015 pour non " publication du rapport de gestion " bien que les objectifs trimestriels fixés par la société Automobiles France aient été atteints.

- le site de Troyes a été privé de cette remise de 3 % sur l'ensemble de l'année 2015 pour non-réalisation des objectifs trimestriels fixés par la société Automobiles France.

Or, elle estime que les conditions que la société Automobiles France a opposées à la société Est Automobiles pour refuser de lui payer cette remise constituent un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce.

En effet, elles indiquent que :

- les prérequis auxquels la société Automobiles France a subordonné l'accès à la remise " Vendeur dédié " ont été imposés par cette dernière dans le cadre des annexes 8 pour 2015 ;

- le fait de subordonner l'accès à des remises variables représentant 3 points de marge sur un total à 13 à 15 points, soit entre 20 et 25 % des remises totales accessibles, au respect d'un " prérequis " constitue en soi un déséquilibre significatif ;

- l'accès à la remise " Vendeur Dédié " était également lié à la réalisation d'objectifs trimestriels fixés unilatéralement et sans critère précis par la société Automobiles France ;

- le fait que la société Automobiles France exigeait la réalisation d'objectifs trimestriels, sans même que les concessionnaires aient une possibilité de rattrapage d'un trimestre sur l'autre ou en cumul sur l'ensemble de l'année, entraînait un déséquilibre significatif ;

- la société Automobiles France imposait un " prérequis " pour la réalisation de ces objectifs en exigeant du concessionnaire qu'il " respecte au moins 80 % des allocations proposées " dans le cadre d'un système d'approvisionnement en véhicules neufs dits OPT géré par la société Automobiles France ;

- ce prérequis est contraire au droit de la concurrence en ce sens qu'il les obligeait à s'approvisionner en véhicules neufs exclusivement auprès de société Mazda Automobiles France, et les empêchait de procéder à des ventes croisées entre concessionnaires au sein de l'espace économique européen, ce qui constitue une restriction caractérisée de concurrence au sens de l'article 4. d° du règlement UE 330/2010 ;

- le fait que la société concluante ait respecté ce " prérequis " n'exclut nullement que cela lui a porté préjudice en ce sens que l'obligation d'acheter les seuls véhicules "proposés" par la société Automobiles France, aux conditions tarifaires fixées par cette dernière, a nécessairement restreint la liberté du distributeur dans la gestion de ses stocks de véhicules neufs et l'adaptation de son offre à la demande de la clientèle locale, ainsi que sa compétitivité tarifaire qu'elle aurait pu améliorer par des achats croisés.

En conséquence, les concluantes sollicitent la condamnation de la société Automobiles France à des dommages et intérêts équivalant au montant de la remise de 3 % du prix de vente client recommandé des véhicules neufs qu'elle a vendus en 2015 soit : 21 779,18 euros pour le site d'Auxerre et 8 060,75 euros pour le site de Troyes.

La société Mazda Automobiles France, au contraire, ne s'estime pas redevable envers les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles d'une somme au titre du bonus qualitatif 2015. Elle expose que les conditions de vente des véhicules neufs Mazda prévues à l'annexe 8 du contrat de concessionnaire correspondent à la pratique du secteur de la distribution automobile et n'instaure pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Elle estime par ailleurs qu'en procédant à la résiliation des contrats de concessionnaire agréé et réparateur agréé de la société Est Automobiles par courrier du 18 décembre 2014, elle a proposé à cette dernière de ne pas procéder aux dépenses liées à la nouvelle identité Mazda.

Elle affirme qu'en tout état de cause l'article L. 442-6 I 2° n'était pas applicable dans la mesure où la société Est Automobiles a donné son consentement explicite à l'annexe 8 pour 2015 sans chercher à en négocier les clauses.

Elle ajoute que compte tenu de l'importance du Groupe Amplitude dont la société Est Automobile fait partie, elle n'était pas la partie forte dans la relation commerciale et estime ainsi qu'elle ne pouvait imposer au distributeur des conditions déséquilibrées.

Elle soutient que la perte du bonus qualitatif ne mettait nullement en péril la société Est Automobiles. De même, selon elle, la société Est Automobiles n'encourait pas le risque de voir prendre fin leur relation au cas où celle-ci aurait refusé de signer l'annexe 8, le risque se limitant à ne pas bénéficier du bonus variable.

Elle affirme que pour caractériser un déséquilibre significatif, il faut que les conditions en cause soient substantielles, rendant impossible la poursuite de la relation pour le concessionnaire et que celui-ci ait refusé les conditions proposées de bonne foi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En outre, elle estime que la société Est Automobiles ne peut prétendre avoir été dans l'obligation de rester dans les liens du contrat pendant deux années, alors que les conditions proposées lui auraient été défavorables, dans la mesure où elle pouvait solliciter une cessation anticipée de son contrat, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte qu'elle ne pourrait pas invoquer la soumission.

Elle ajoute que le préavis octroyé a eu pour but de protéger le concessionnaire et ne caractérise donc pas la soumission au sens de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce.

La société Mazda Automobiles France affirme qu'en tout état de cause le déséquilibre allégué au titre du bonus de 2 % est inexistant et conteste la position du tribunal de première instance qui estimé qu'un changement de circonstances postérieurement à la signature de l'annexe 8 pour 2015 constituait un déséquilibre significatif. Elle explique en ce sens qu'il n'y a pas eu de changement de circonstances postérieurement à la signature de l'annexe 8 pour 2015 puisque la résiliation intervenue le 18 décembre 2014 s'inscrivait dans la logique du Groupe Amplitude qui entendait se désengager de la représentation de la marque Mazda. Ainsi, se fut en connaissance du fait qu'elle allait rapidement quitter le réseau Mazda que la société Est Automobiles a accepté les conditions proposées par l'annexe 8.

Selon la société Mazda Automobiles France, la conclusion d'une convention annuelle ne prive par l'une ou l'autre des parties du droit de mettre fin au contrat-cadre dans le respect des dispositions contractuelles, surtout si la partie qui met fin au contrat dispense son cocontractant de procéder à des investissements qui ne pourraient être amortis à l'issue dudit contrat.

La société Mazda Automobiles France soutient qu'en tout état de cause un changement de circonstance ne caractérise pas un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2° (ancien) du Code de commerce ce qui a contrario reviendrait à se prévaloir de la théorie de l'imprévision prohibée à l'époque des faits.

La société Mazda Automobiles France estime ne pas avoir adopté un comportement déloyal au regard du droit des contrats au titre du bonus de 2 % et explique qu'il n'y a pas eu de discrimination à l'égard de la société Est Automobiles d'autant que les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles ne se trouvent pas dans la même situation.

La société Mazda Automobiles France estime que le déséquilibre significatif allégué au titre du bonus de 3 % " vendeur dédié " est inexistant et indique que la société Est Automobiles n'a pas satisfait aux conditions pour obtenir le bonus pour le premier, troisième et quatrième trimestre 2015.

La société Mazda Automobiles France soutient que le montant demandé au titre des bonus de 2 % et 3 % par la société Est Automobiles n'est pas justifié.

Elle explique en ce sens que la société Est Automobiles n'a subi aucun préjudice au titre de la non-perception du bonus de 2 % correspondant aux " standards de la nouvelle identité Mazda " puisqu'elle n'a pas réalisé l'investissement. S'agissant du bonus de 3 % " vendeur dédié ", elle affirme que la société Est Automobiles ne démontre pas l'existence d'un préjudice subi quand bien même ce bonus serait non-conforme à l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce.

La cour, s'agissant de la licéité de l'annexe 8 au contrat de concessionnaire agréé, signé par la société Est Automobiles en octobre 2014, rappelle que l'article L. 441-7 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 parue au Journal officiel du 18 mars 2014 et rendue applicable, par son article 125 (V), aux contrats conclus à compter du premier jour du quatrième mois suivant sa promulgation, soit à compter du 19 mars 2014, énonce :

I. - Une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties, dans le respect des articles L. 441-6 et L. 442-6, en vue de fixer le prix à l'issue de la négociation commerciale. Elle indique le barème de prix tel qu'il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, ou les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation. Etablie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre annuel et des contrats d'application, elle fixe :

1° Les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu'elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l'article L. 441-6, y compris les réductions de prix ;

2° Les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services rend au fournisseur, à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, en précisant l'objet, la date prévue, les modalités d'exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent ;

3° Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l'objet, la date prévue et les modalités d'exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations.

La convention unique ou le contrat-cadre annuel est conclu avant le 1er mars ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier.

La rémunération des obligations relevant des 2° et 3° ainsi que, le cas échéant, la réduction de prix globale afférente aux obligations relevant du 3° ne doivent pas être manifestement disproportionnées par rapport à la valeur de ces obligations.

Les obligations relevant des 1° et 3° concourent à la détermination du prix convenu. Celui-ci s'applique au plus tard le 1er mars. La date d'entrée en vigueur des clauses prévues aux 1° à 3° ne peut être ni antérieure ni postérieure à la date d'effet du prix convenu. Le fournisseur communique ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard trois mois avant la date butoir du 1er mars ou [...]

Sans préjudice des dispositions et stipulations régissant les relations entre les parties, le distributeur ou le prestataire de services répond de manière circonstanciée à toute demande écrite précise du fournisseur portant sur l'exécution de la convention, dans un délai qui ne peut dépasser deux mois.

Si la réponse fait apparaître une mauvaise application de la convention ou si le distributeur s'abstient de toute réponse, le fournisseur peut le signaler à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.

[...]

II.-Le fait de ne pas pouvoir justifier avoir conclu dans les délais prévus une convention satisfaisant aux exigences du I est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2. Le maximum de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

En outre, il convient de rappeler que l'article L. 442-6, I, 2° prohibe, pour tout commerçant, le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Il résulte de ces éléments que dans les rapports noués entre un fournisseur et un distributeur, le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties s'apprécie au regard de la convention écrite prévue par l'article L. 441-7 du Code de commerce, laquelle précise les obligations auxquelles se sont engagées les parties et fixe, notamment, les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services, comprenant les réductions de prix, telles qu'elles résultent de la négociation commerciale qui s'opère dans le respect de l'article L. 441-6 de ce Code.

Si, de manière générale, la structure d'ensemble du marché considéré peut constituer un indice de rapports de forces déséquilibrés, se prêtant difficilement à des négociations véritables entre distributeurs et fournisseurs, cette seule considération ne peut suffire à démontrer l'élément de soumission ou de tentative de soumission. Cet indice doit être complété par d'autres indices.

En effet, certains distributeurs, qui constituent des grands groupes, peuvent résister à l'imposition d'une clause qui leur est défavorable. Tous les distributeurs ne sont pas de taille égale et n'ont pas une puissance de négociation équivalente. Par conséquent, tous ne peuvent pas être contraints de la même façon par la tête de réseau.

Toutefois, la menace d'éviction n'est pas sans conséquence, même pour les gros distributeurs et même si ceux-ci arrivent aussi à imposer des restrictions de concurrence et ne sont pas dépourvus de tout moyen d'action.

Le principe de la libre négociabilité des conditions de vente n'est donc pas sans limite et l'absence de contrepartie ou de justification aux obligations prises par les cocontractants, même lorsque ces obligations n'entrent pas dans la catégorie des services de coopération commerciale, peut être sanctionnée au titre de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, dès lors qu'elle procède d'une soumission ou tentative de soumission et conduit à un déséquilibre significatif.

L'élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l'absence de négociation effective ou l'usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l'acceptation impliquant cette absence de négociation effective.

L'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties.

Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie de la relation contractuelle.

La preuve d'un rééquilibrage du contrat par une autre clause ou pratique incombe à l'entreprise mise en cause, sans que l'on puisse considérer qu'il y a inversion de la charge de la preuve. Enfin, les effets précis des clauses n'ont pas à être pris en compte ou recherchés.

La réduction de prix accordée par le fournisseur doit avoir pour cause une obligation prise par le distributeur à l'égard du fournisseur.

En l'espèce, le contrat de concessionnaire renvoie expressément à un autre instrument contractuel, pour les tarifs des véhicules et la définition d'un système de prix tenant compte des performances du concessionnaire. Il s'agit de l'annexe 8 du contrat de concessionnaire qui est signée chaque année et qui a pour objet de définir entre les parties les conditions des opérations de vente.

S'agissant du bonus qualitatif de 2 % du prix client, dit " Standards de la nouvelle identité Mazda " prévu à l'annexe 8 signée en 2014 pour 2015, cette convention a précisé qu'il avait été octroyé afin d'inciter le réseau à mettre en place de nouveaux standards de représentation Mazda pour la distribution de véhicules neufs et qu'il était ventilé sur deux critères cumulatifs :

- 0,5 % pour le retour de l'étude architecturale, des bons de commande et du document d'engagement des travaux, au plus tard le 31 mars 2015,

- 1,5 % pour la réalisation effective des travaux et la mise aux standards, conformément à l'étude architecturale validée, au plus tard le 31 décembre 2015.

Il est établi par une lettre du 3 octobre 2014 adressée à tous ses concessionnaires agréés, que la société Mazda Automobiles France avait repoussé le déploiement de ces nouveaux standards d'identité Mazda du 31 décembre 2015 au 31 mars 2016.

Après que la société Mazda Automobiles France lui eut annoncé par lettre que, du fait de la résiliation, elle la dispensait de mettre en œuvre ce nouveau standard, sans possibilité de bénéficier du bonus même en cas de réalisation de l'investissement, la société Est Automobiles a protesté par écrit, sans parvenir à faire changer d'avis son cocontractant.

En premier lieu, le tribunal a retenu en l'espèce l'existence, à la charge de la société Mazda Automobiles France, d'une infraction à l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce ayant consisté à avoir soumis la société Est Automobiles à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au motif que la société Mazda Automobiles France, après avoir notifié la résiliation du contrat à effet du 18 décembre 2016, lui avait refusé le bénéfice du bonus de 2 % au titre de l'année 2015, sans égard pour le fait que du fait de la résiliation, la société Est Automobiles était enfermée dans une alternative l'obligeant soit à investir dans les travaux de mise aux standards afin de percevoir le bonus qualitatif, mais sans pouvoir amortir ces travaux du fait de l'échéance toute proche du terme du contrat de concessionnaire, soit à être privée purement et simplement du bonus. Le tribunal a relevé que ces deux points de bonus devaient être appréciés au regard des cinq points du bonus qualitatif annuel lequel, non seulement n'était pas exceptionnel puisqu'il faisait partie intégrante de la rémunération du concessionnaire selon la politique de la marque, mais encore était significatif, compte tenu que le total des remises était compris entre 13 et 15 % (8 à 10 % de remise de base et 5 % de bonus qualitatif de remise). Le jugement entrepris a retenu que le préjudice pour la société Est Automobiles avait été du total de la remise prévue pour les deux sites (Troyes et Auxerre) diminué d'un cinquième du coût de l'investissement non réalisé, soit 16 000 euros, (80 000 : 5 = 16 000), pour tenir compte du fait que cet investissement aurait été amortissable en cinq ans.

A l'appui de son appel sur ce point, la société Mazda Automobiles France soutient que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° ne sont pas applicables, aux moyens que :

- la société Est Automobiles n'a nullement été soumise à des obligations qui seraient déséquilibrées, dès lors qu'elle a signé sans discussion ni contestation l'annexe 8 (2015) litigieuse, y donnant son consentement explicite, la prétendue victime ne pouvant valablement se contenter d'affirmer ne pas avoir eu de réel pouvoir de négociation, mais devant, au contraire, avoir tenté de négocier pour se dire soumise à des obligations prétendument déséquilibrées ;

- d'une manière générale, il ne pourrait y avoir de soumission qu'en cas de rapport de force inégal,

- pour la société Est Automobiles et le groupe Amplitude auquel elle appartient, la marque Mazda n'est pas suffisamment importante pour les obliger à accepter des conditions déséquilibrées, compte tenu que la rentabilité du distributeur s'acquiert en distribuant une autre marque, à savoir Ford,

- les distributeurs automobiles, même exclusifs, ne sont jamais en situation de dépendance économique à l'égard des constructeurs et importateurs,

- la perte du bonus qualitatif ne mettait nullement en péril la société Est Automobiles,

- l'absence de dépendance économique comme de tout autre indice de soumission démontre l'absence de celle-ci, et montre également que la structure du marché de la distribution automobile n'est pas en lui-même un facteur d'inégalité entre les constructeurs/importateurs et les distributeurs,

- si la société Est Automobiles avait refusé de signer l'annexe 8, elle n'aurait pas risqué de voir sa relation avec la société Mazda Automobiles France prendre fin.

L'ancien concessionnaire fait valoir que si le jugement doit être confirmé sur l'analyse du déséquilibre significatif, il n'y avait toutefois pas lieu de réduire le bonus de 2 % du montant de la charge amortissable au titre de 2015, dès lors que cet amortissement ne pouvait s'envisager du fait de la décision de résiliation imputable à la société Mazda Automobiles France.

La société Est Automobiles soutient, à l'appui de l'existence du déséquilibre significatif et d'une part, que l'investissement de 80 000 euros au titre de la nouvelle identité de la marque, s'il avait été effectué conformément à l'annexe 8, aurait correspondu à hauteur des 4/5e à une charge non amortissable et, d'autre part, que le bonus de 2 % a représenté entre 13,3 % et 15,4 % des remises totales accessibles à la commercialisation des véhicules neufs Mazda en 2015, tandis que les concessionnaires les plus performants ont dégagé, en 2015, une marge brute de 10,3 % sur la vente des véhicules neufs et de 3,6 % après couverture des frais commerciaux.

La cour retient qu'au nom de l'application de l'annexe 8, qui ne comporte aucune précision expresse quant aux conséquences de la résiliation sur les bonus, le fournisseur a décidé, en vertu du contrat-cadre et sans donner de suite favorable aux protestations du concessionnaire, qu'eu égard à cette résiliation, celle-ci était dispensée de satisfaire aux obligations prévues pour le bonus de 2 % au titre de la nouvelle identité standard de la marque, sans pouvoir prétendre cependant à un tel bonus.

Par conséquent, dès lors que le bonus de 2 % litigieux a constitué un élément des conditions de l'opération de vente des véhicules et que les conséquences tirées par la société Mazda Automobiles France de l'annexe 8 n'étaient pas envisageables par la société Est Automobiles au moment où elle a signé ce contrat, puisque la résiliation n'avait pas encore été notifiée, le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu que l'annexe 8 relevait, sur ce point, de l'article L. 442-6, I, 2°, du même Code.

Cependant, pour qu'une pratique commerciale affectant les conditions de vente soit sanctionnée au titre de l'article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, il faut que les obligations en cause aient été prises en l'absence de contrepartie et qu'elles conduisent à un déséquilibre significatif.

A cet égard, la cour doit relever en l'espèce que la perte du bonus de 2 % n'a pas été sans contrepartie pour la société Est Automobiles, dès lors que celle-ci, qui allègue avoir subi un préjudice de 19 893,29 euros à ce titre, a fait l'économie corrélative d'un investissement de 80 000 euros, peu important les modalités d'amortissement de l'investissement qui n'a pas été réalisé, tandis qu'il n'est pas établi que l'absence de mise en place de la nouvelle identité Mazda dans les sites d'Auxerre ou de Troyes ait fait perdre à la société Est Automobiles des occasions de vente de véhicules neufs, entre, d'une part, le moment où cette nouvelle identité aurait pu être mise en place par la société Est Automobiles comme chez les autres concessionnaires et, d'autre part, la date d'échéance du préavis mettant fin au contrat de concessionnaire.

Dès lors que la société Mazda Automobiles France avait le droit de résilier le contrat de concessionnaire, la société Est Automobiles ne soutient pas valablement que la perte de ce bonus de 2 % l'a privée indûment de 2 points de marge.

En outre, la circonstance de la résiliation est sans influence sur l'existence d'un déséquilibre significatif, la société Mazda Automobiles France n'ayant pas eu à cet égard davantage d'obligations à l'égard de la société Est Automobiles, du fait du projet de cession allégué.

Il ne peut être retenu, ni que la perte de ce bonus a équivalu à imposer à la société Est Automobiles de subventionner la vente des véhicules Mazda avec la vente des véhicules Ford qu'elle distribue de manière prépondérante, ni que la relation commerciale ne pouvait pas être équilibrée sans ce bonus de 2 %, l'économie de l'investissement de 80 000 euros étant suffisante pour compenser la perte du bonus jusqu'à l'échéance du préavis.

Les moyens pris par la société Est Automobiles de la violation par la société Mazda Automobiles France des dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, relativement à ce bonus de 2 %, seront donc rejetés.

En second lieu, sur les moyens pris du droit commun des contrats, la société Est Automobiles soutient que la société Mazda Automobiles France aurait agi de manière déloyale, au regard du droit des contrats, pour lui avoir refusé le bénéfice du bonus de 2 % qu'elle avait accordé à la société Montchapet Automobiles.

Toutefois, il est établi que la société Montchapet Automobiles a bénéficié de ce bonus de 2 % alors que la société Mazda Automobiles France avait agréé un cessionnaire qui a continué l'activité de l'établissement de Dijon, alors que ce même fournisseur n'a jamais agréé de cessionnaire pour la société Est Automobiles, et que nulle inexécution contractuelle, faute ou abus de la part de la société Mazda Automobiles France n'est caractérisé de ce chef ; il ne peut en particulier pas être imputé à la faute de celle-ci de ne pas avoir présenté de candidat repreneur au groupe auxquelles appartiennent les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles, alors que rien ne l'y obligeait.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point.

S'agissant du bonus qualitatif de remises de 3 % pour présence chez le concessionnaire d'un vendeur dédié à la marque, le tribunal doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Est Automobiles de ses demandes à ce titre, par de justes motifs que la cour adopte.

Le tribunal doit être approuvé d'avoir dit que ce n'était pas le système d'approvisionnement OPT qui avait causé la perte du bonus " vendeur dédié " en 2015, ce critère ayant été rempli, si bien qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre l'entrave à la concurrence prétendue et le préjudice invoqué.

Le tribunal a encore exactement retenu que le fait de conditionner des bonus de remises de 2 % et 3 % au respect de prérequis ne créait pas pour autant de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, nonobstant la part importante de ces bonus dans le total des remises, peu important que le seul non-respect des prérequis entraîne la perte de ces bonus, les autres conditions étant remplies par ailleurs.

Le tribunal a justement retenu que le prérequis tenant à la publication du rapport de gestion agréé par Mazda ne créait aucun déséquilibre significatif, alors que seul ce prérequis n'avait pas été respecté et que nul préjudice n'avait été causé par le respect des autres prérequis.

Le tribunal doit encore être approuvé pour avoir retenu qu'aucun déséquilibre significatif n'était caractérisé du fait de conditionner le bonus " vendeur dédié " à la réalisation d'au moins 60 % de l'objectif quantitatif trimestriel sans rattrapage possible.

Cependant, il convient d'ajouter à ces justes motifs qu'outre le défaut de caractérisation en l'espèce d'un déséquilibre significatif du fait de la clause qui prévoit le bonus qualitatif de 3 % pour vendeur dédié, la condition de soumission ou de tentative de soumission de l'article L. 442-6, I, 2° n'est pas non plus remplie en l'espèce.

En effet, si la convention pour 2015 est rédigée en des termes tels qu'on peut les rencontrer en matière de contrat d'adhésion, la cour observe que nul indice supplémentaire ne vient corroborer une soumission ou une tentative de soumission.

La manière dont la société Est Automobiles, à l'occasion de la proposition de contrat pour 2016, alors que l'annonce de la résiliation n'avait pas substantiellement modifié le rapport de forces entre les parties, d'une part, s'est placée en dehors du cadre de négociation ouvert par le fournisseur, en ne répondant pas dans le délai proposé à l'offre de contrat et, d'autre part, a contesté l'application de la convention unique pour 2016, témoigne d'une force d'opposition et donc de négociation de la part du concessionnaire appuyé par son groupe à l'égard du fournisseur.

La cour retient en particulier des explications des anciens concessionnaires que ceux-ci appartiennent à un groupe comptant 126,5M euros en 2015/2016 et 220 salariés, ce qui ne témoigne pas d'un rapport de force déséquilibré avec la société Mazda Automobiles France, au regard de l'enjeu ne pouvant excéder le marché national dévolu à cette dernière société.

Le fait que la société Est Automobiles ait distribué de manière prépondérante des véhicules de la marque Ford constitue également un élément qui joue en faveur d'un rapport de force non déséquilibré en la défaveur du distributeur.

La structure d'ensemble du marché des véhicules Mazda, marque de faible pénétration en France, voire même celle de l'ensemble des véhicules automobiles, ne peut constituer en l'espèce un indice de rapports de force déséquilibrés entre la société Mazda Automobiles France et la société Est Automobiles.

En effet, il convient de rappeler que le groupe détenant les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles avait, préalablement à la résiliation, décidé de se désengager de la marque Mazda pour se concentrer sur la distribution de marques concurrentes. Or, cette situation est venue, par le fait même, placer la société Est Automobiles en position de force à l'égard la société Mazda Automobiles France, s'agissant de la fin des relations contractuelles entre les parties.

Par conséquent, concernant l'applicabilité de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce aux stipulations expresses de l'annexe 8 pour 2015, la société Est Automobiles ne peut valablement soutenir avoir fait l'objet d'une soumission au sens de ce même article.

Il en résulte que sont nécessairement mal fondées les demandes de la société Est Automobiles concernant le bonus qualitatif de remises de 3 % pour présence chez le concessionnaire d'un vendeur dédié à la marque Mazda.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.

Les remises variables qualitatives pour 2016

Le jugement entrepris a retenu que la société Mazda Automobiles France avait agi de manière fautive et déloyale pour n'avoir pas respecté le délai de l'article L. 441-7 du Code de commerce expirant à la fin du mois de février 2016 pour la négociation de la convention unique pour 2016.

Les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles exposent à l'appui de leurs demandes indemnitaires qu'aucune convention annuelle unique n'a été conclue au titre de 2016, contrairement à l'obligation prévue par l'article L. 441-7 du Code de commerce.

Elles affirment ainsi que la société Mazda Automobiles France n'a pas respecté ces dispositions d'ordre public en exigeant que la société Est Automobiles signe l'annexe 8 pour 2016 avant le 1er décembre 2015 et en rompant en conséquence la négociation commerciale alors que la convention annuelle prévue à l'article L. 441-7 du Code de commerce est négociable jusqu'au 1er mars de l'année concernée.

Elles affirment que la société Mazda Automobiles France est responsable de la rupture prématurée de la négociation et estiment qu'elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1176 de l'ancien Code civil, reprises à l'article 1117 alinéa 1 du nouveau Code, ces dispositions étant totalement étrangères au débat.

Elles estiment également que le principe de la liberté contractuelle revendiqué par la société Mazda Automobiles France ne saurait non plus prévaloir sur des dispositions d'ordre public.

Elles soutiennent par ailleurs que la convention annuelle 2016 imposée par la société Automobiles France est également à l'origine d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Outre l'existence de " prérequis " conditionnant l'éligibilité aux remises variables, constituant selon elle et en soi un déséquilibre significatif, elles considèrent que les conditions d'accès à deux types de remises variables fixées par la société Automobiles France pour 2016 étaient également déséquilibrées :

- l'obtention de la remise dite " vendeur dédié Mazda " égale à 3 % du prix client HT recommandé des véhicules neufs impliquait en fait la réalisation à au moins 60 % d'objectifs de vente trimestriels unilatéralement fixés par la société Automobiles, sans possibilité de rattrapage sur l'ensemble de l'année, ainsi que déjà exposé à propos de l'année 2015 ;

- l'obtention de la remise dite " CEMI ", correspondant à 1 % du prix client HT recommandé, options d'usine comprises, de chaque véhicule neuf immatriculé, était déterminée par l'obtention d'une note dite " NPS " censée exprimer la satisfaction des clients à la suite de l'achat d'un véhicule neuf, mesurée par leur réponse à la question : " Recommanderiez-vous la concession x à votre famille, amis et collègues " ; elles font valoir le caractère subjectif de la question, et l'insuffisante définition du nombre, de la périodicité, du ratio entre le nombre de clients à interroger et le volume de véhicules neufs vendus par chaque concession.

En conséquence, la société Est Automobiles sollicite à titre de dommages-intérêts le paiement des sommes correspondant aux remises variables de 5 % prévues par les conditions commerciales définies par la société Automobiles France pour 2016, compte tenu du nombre de véhicules neufs Mazda qu'elle a facturés au cours de cet exercice, soit : 60 124,23 euros au titre de son site d'Auxerre et 10 365,59 euros au titre de son site de Troyes.

La société Mazda Automobiles France expose que la société Est Automobiles a refusé de signer la convention annuelle de 2016 sans avoir émis d'observation dans le délai imparti en arguant qu'elle disposait d'un délai de négociation jusqu'au 1er mars 2016, conformément selon elle à l'article L. 441-7 (ancien) du Code de commerce et contestant point par point l'ensemble de la convention annuelle 2016 au motif que les remises conditionnelles étaient déséquilibrées.

Elle soutient que :

- l'article L. 441-7 (ancien) du Code commerce permet la conclusion d'un accord avant le 1er mars et la société Automobiles France était en droit de fixer la date d'entrée en vigueur de la convention annuelle 2016 ;

- elle n'est pas responsable de l'absence de négociations et affirme que la société Est Automobiles n'a jamais entendu négocier et signer la convention annuelle 2016 puisque cette dernière en a contesté - tel qu'il en résulte de son courrier daté du 17 décembre 2015 - toutes les dispositions ;

- en l'absence d'accord, le contrat-cadre restait en vigueur sur le fondement des conditions générales de vente comprenant le tarif, chaque commande du concessionnaire agréé matérialisant l'accord sur ces conditions ; selon elle, le tribunal ne pouvait donc pas juger " que pour l'année 2016, Mazda a (...) décidé unilatéralement d'appliquer à Automobiles les remises de base telles que prévues dans le projet de convention annuelle unique 2016, mais non les remises variables prévues dans ce même document " ;

- les dispositions de l'article L. 442-6 I 2° (ancien) n'étaient pas applicables dans la mesure où le rapport de force entre les sociétés permet la conclusion d'un accord avant le 1er mars et la société et Automobiles n'est pas inégal, de sorte qu'aucune soumission n'est avérée ;

- les dispositions de la convention annuelle 2016 ne sont pas déséquilibrées.

Elle conteste en outre la décision du tribunal de première instance qui a condamné la société Mazda Automobiles France à appliquer la convention annuelle alors qu'aucun accord n'est intervenu sur ladite convention.

Elle ajoute que le principe de l'indemnisation en cas d'absence fautive de négociation est celui qui prévaut en matière de rupture fautive de pourparlers.

En effet, puisqu'aucun contrat n'a été conclu, seuls les frais engagés inutilement doivent être indemnisés et non les gains futurs. Aussi, elle estime que la société Automobiles ne rapporte pas la preuve que les prérequis lui permettant d'obtenir un bonus qualitatif ont été remplis.

La cour considère qu'en application de l'article L. 441-7, I, 3°, la convention écrite pour 2016 devait être conclue avant le 1er mars de l'année 2016, qui est un délai butoir, et qu'il n'a été ni fautif ni déloyal pour la société Mazda Automobiles France de demander au concessionnaire, au mois d'octobre 2015, de signer la convention écrite avant le 1er décembre 2015. Le principe de bonne foi aurait dû conduire la société Est Automobiles à répondre, dans le délai proposé, qu'elle demandait un délai supplémentaire pour négocier ; or, en s'abstenant de toute réponse avant le 1er décembre 2015 pour ne manifester son opposition que le 17 décembre 2015, la société Est Automobiles est délibérément sortie de toute négociation de la convention.

Il s'en déduit que la déloyauté de la société Mazda Automobiles France n'est nullement caractérisée.

Le jugement sera donc réformé sur ce point.

Le tribunal a également retenu que la société Mazda Automobiles France avait soumis la société Est Automobiles à un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2° pour lui avoir refusé la totalité des remises variables de 5 % et, à titre indemnitaire, lui a alloué ce qui aurait pu lui être effectivement octroyé sur la base des bonus proposés pour 2016.

Toutefois, dès lors, d'une part, que la société Est Automobiles est délibérément sortie de la négociation de la convention unique pour 2016 et, d'autre part, que la condition de soumission n'était pas davantage remplie pour l'offre de contrat pour 2016 que pour celle de l'année précédente, il ne peut être retenu que la société Mazda Automobiles France l'a soumise ou a tenté de la soumettre à un déséquilibre significatif.

Par conséquent, le jugement entrepris sera réformé en ce qu'il a condamné la société Mazda Automobiles France, au titre de l'année 2016, à payer à la société Est Automobiles une somme de 44 811,44 euros.

La société Est Automobiles sera déboutée de toute demande de dommages-intérêts au titre de l'année 2016.

Sur les autres prétentions et les dépens

Il convient de rappeler que le présent arrêt constitue un titre de restitution des fonds versés en application des dispositions infirmées du jugement assorti de l'exécution provisoire, assortis des intérêts au taux légal à compter de sa signification.

Les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles, qui succombent en appel, devront supporter in solidum la charge des entiers dépens de première instance et d'appel et verser in solidum à la société Mazda Automobiles France une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile dont le montant est fixé en équité tel que précisé au dispositif du présent arrêt.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a : - débouté la société Montchapet Automobiles et la société Est Automobiles de leurs demandes en dommages-intérêts au titre de l'abus du droit de résiliation des contrats de concessionnaire agréé, - dit mal fondées en droit commun des contrats les demandes de la société Est Automobiles en indemnisation pour perte du bonus de 2 % au titre de 2015, - débouté les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles de leurs demande concernant le bonus qualitatif de remises de 3 % au titre de 2015, Réforme pour le surplus, Statuant de nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant, Déboute les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles de toutes leurs demandes, Condamne in solidum les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles à payer à la société Mazda Automobiles France une somme de 12 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum les sociétés Montchapet Automobiles et Est Automobiles aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile, Rappelle que le présent arrêt constitue un titre de restitution des fonds versés en application des dispositions infirmées du jugement assorti de l'exécution provisoire, assortis des intérêts au taux légal à compter de sa signification, Rejette toute autre demande.