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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 novembre 2019, n° 17-11049

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tryo (SAS)

Défendeur :

Leonetti Hygiène Maintenance Service (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard Hermant, M. Gilles

Avocats :

Mes Laskar, Diocos, Boudet, Rue, Krieger

T. com. Marseille, du 24 avr. 2017

24 avril 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 24 avril 2017 par le tribunal de commerce de Marseille qui :

- au visa de l'article D. 442-3 du Code de commerce et de l'annexe 4-2-1 du même livre, s'est déclaré compétent,

- au visa de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce, a condamné la société Tryo à payer à la société Leonetti hygiène maintenance service (LHMS) la somme de 12 987,54 euros HT, soit 15 585,05 euros TTC, à titre de dommages-intérêts pour le gain manqué du fait de la rupture abusive des relations contractuelles,

- condamné la société Tryo aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel relevé par la société Tryo et ses dernières conclusions notifiées le 19 juin 2019 par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

- dire que la rupture est imputable à la société Leonetti hygiène maintenance service, qu'elle ne revêt aucune brutalité et n'engage pas sa responsabilité,

- en tout état de cause, débouter la société Leonetti hygiène maintenance service de toutes ses demandes,

- la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 20 juin 2019 par la société Leonetti hygiène maintenance service qui demande à la cour, au visa des articles L. 442-6-I 5° du Code de commerce et 559 alinéa 1 du Code de procédure civile, de :

- constater que le 1er août 2006 la société Tryo lui a confié l'entretien du centre commercial qu'elle exploite et que le 30 mai 2013 elle a mis fin, sans explication aucune, à la relation commerciale ainsi établie avec effet immédiat, alors même qu'en vertu des stipulations contractuelles aucune résiliation ne pouvait prendre effet avant le 1er août 2014,

- dire que la rupture des relations commerciales est brutale,

- dire qu'elle est fondée à solliciter réparation du fait de brutalité de la rupture et à solliciter condamnation de la société Tryo à lui payer la somme de 12 987,54 euros HT, soit 15 585,05 euros TTC, à titre de dommages-intérêts, pour le gain manqué du fait de la rupture "abusive" des relations commerciales,

- en conséquence, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société Tryo de toutes ses demandes,

- condamner la société Tryo à lui payer la somme de 5 000 euros, à titre de dommages-intérêts, et celle de 4 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux dépens d'appel ;

SUR CE LA COUR

Par contrat signé le 1er août 2006, la société Tryo a confié à la société Leonetti hygiène maintenance service (LHMS) des prestations de nettoyage dans son centre commercial exploité sous l'enseigne Intermarché à Saint Laurent du Var - 06700, moyennant un prix mensuel forfaitaire de 3 468,40 euros TTC; il était stipulé que ce contrat conclu pour une durée d'un an serait reconduit par tacite reconduction à son échéance pour des périodes successives d'un an, sauf résiliation par lettre recommandée avec accusé de réception trois mois avant la date anniversaire; un avenant du 19 décembre 2007 a porté à 5 860,40 euros le prix forfaitaire mensuel des prestations.

Le 30 mai 2013, la société LHMS a adressé à la société Tryo, à l'attention de M. X, une lettre ainsi rédigée :

" Suite à votre conversation téléphonique de ce jour avec M. Y et à votre demande, nous vous confirmons l'arrêt de nos prestations le 31 mai après la repasse de 14h00. La société entrante commencera le 1er juin (Acti Nettoyage) ".

Suivant fax du même jour, la société LHMS a écrit à la société Acti nettoyage que M. X venait de lui confirmer que leur collaboration cesserait dès demain et lui a transmis les éléments relatifs au transfert de ses quatre salariés.

La société Tryo, appelante du jugement qui a retenu sa responsabilité pour rupture brutale de la relation commerciale établie, soutient que la rupture ne lui est pas imputable mais qu'elle est intervenue à l'initiative de la société LHMS ; pour ce faire elle expose :

- que lors d'une réunion qui s'est tenue le 30 mai 2013, la société LHMS lui a fait part des difficultés qu'elle rencontrait suite au décès de sa gérante, lui proposant de mettre fin à leur contrat et de choisir la société Acti nettoyage pour lui succéder,

- que les relations entre les parties ont pris fin en accord entre elles,

- que la société LHMS n'a formulé aucune demande pendant trois ans et ne démontre pas l'existence d'une obligation pesant sur elle-même, alors que la charge de la preuve lui incombe.

Or, la société LHMS fonde sa demande sur l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause, qui dispose qu'engage sa responsabilité et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers " de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation et respectant la durée minimale de préavis déterminée , en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ... ".

Il est constant que la rupture de la relation commerciale nouée entre les parties n'a pas été précédée de l'envoi d'un préavis écrit.

La société Tryo oppose à l'application du texte précité l'existence d'un accord entre les parties sur la cessation de leurs relations; mais l'existence d'un tel accord, contesté par l'intimée, n'est pas établi ; d'une part aucune pièce ne justifie de la tenue d'une réunion le 30 mai 2013 et encore moins de sa teneur, d'autre part les termes utilisés par la société LHMS dans ses lettre et fax du 30 mai 2013 ne prouvent pas les allégations de l'appelante, étant observé que la société LHMS, pour se conformer à la convention collective nationale des entreprises de propreté et des services associés, devait transmettre au nouveau prestataire la liste du personnel affecté au marché repris afin d'assurer la continuité des contrats de travail.

L'inaction de la société LMHS pendant trois ans est dépourvue de toute incidence sur la solution du litige.

En conséquence, la responsabilité de la société Tryo est engagée pour rupture brutale de la relation établie.

Pour contester le préjudice fixé par le tribunal, la société Tryo fait valoir :

- que si une somme devait être allouée à titre de dommages-intérêts, celle-ci ne pourrait être assujettie à la TVA,

- que l'analyse de rentabilité produite par la société LHMS est particulièrement brève,

- que le préjudice de l'intimée devrait être limité au préavis de trois mois et non de quatorze mois comme prétendu.

Cependant, il apparaît que le contrat, qui n'a pas été dénoncé avec le préavis contractuel de trois mois, soit avant le 1er mai 2013, n'aurait pas pu prendre fin le 1er août 2013 et aurait dû se poursuivre jusqu'au 1er août 2014 ; c'est donc à juste raison que le préjudice a été calculé sur la base d'une perte de marge pendant quatorze mois ; les pièces comptables fournies par la société LHMS, au demeurant non discutées par la société Tryo, justifient de ses chiffres d'affaires au cours des trois dernières années et d'un taux de marge de 15,32 % ; le calcul effectué par le tribunal soit 6 055,36 euros HT par mois x 14 mois x 15,32 % qui aboutit à la somme de 12 987,54 euros HT, soit 15 585 euros TTC doit donc être confirmé ; s'agissant d'un mode de calcul appliqué pour aboutir au montant de l'indemnisation, c'est en vain que la société Tryo objecte que les indemnités reçues à titre de dommages-intérêts ne sont pas assujetties à la TVA.

Au soutien de sa demande de dommages-intérêts, la société LHMS reproche à la société Tryo de n'avoir relevé appel que dans un but manifestement dilatoire et de mauvaise foi, ses moyens aucunement pertinents étant invoqués sans la moindre preuve.

Toutefois, la société Tryo n'ayant pas fait dégénérer en abus son droit de relever appel, l'intimée sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

La société Tryo, qui succombe, supportera les dépens d'appel ; vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme supplémentaire de 3.000 euros à l'intimée et de rejeter la demande de ce chef de l'appelante.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Tryo à payer la somme de 3 000 euros à la société Leonetti Hygiène Maintenance Service par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Condamne la société Tryo aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.